L'épopée d'un petit personnage ...

 
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      #1 31 Janvier 2016 22:49:03

      Salut !

      Je vais partager ici un récit qui aura besoin de beaucoup de modifications et de critiques (les vôtres !)
      En espérant que ça vous plaise ...



      Savait-il que l'un de ses ancêtres s’était tenu à l’exact endroit où il se tenait maintenant ?
      Savait-il que cette même eau avait été le théâtre d’une épopée silencieuse, discrètement menée ?
      Se doutait-il une seconde que cet homme dont il ne connaitra sûrement jamais l’existence était le bruit de départ de tout ce qu’il connaissait et savait ?
      Qu’une muette aventure avait changé la face de l’Humanité à tout jamais ? Non, probablement pas.
      1
      Le souvenir de futurs partiels frappa Vincent à l'instant même où le bip atteignait ses oreilles. Plus de cigarettes pour la pause à venir. un changement d'emploi du temps de dernière minute qui le forçait à devoir rester tard le soir toute la semaine, et maintenant il fallait une boîte de haricots pour réussir son année.
      Lot de quatre piques à brochette.
      Vincent commençait donc à élaborer mentalement un emploi du temps partagé entre ses heures de travail et celles de révisions.
      Papier toilettes.
      Les prochaines semaines seraient des plus denses. Il faudrait se lever encore plus tôt.
      Boeuf séché.
      Les étudiants n'étaient vraiment pas aidés. C'est vraiment si difficile de faire en sorte qu'ils aient un emploi du temps fixe pour qu'ils puissent se consacrer à leurs études ? Mes études ? Quatre heures de sommeil cette nuit.
      Grappin.
      Vincent avait de l'ambition. Il voulait être conférencier. Peut-être même avoir un doctorat.
      Fil de pêche. Boeuf séché.
      Sa passion c'était l'histoire de l'humain qui échange avec l'humain. Le troc.
      Ficelle. Corde.
      A quel point le commerce avait fait évoluer l'Humanité et l'Humanité évoluer le commerce.
      Boeuf séché.
      La dynamique des peuples qui apprennent d'autres cultures par l'échanges de ressources, de biens, de traditions. La création de ces mêmes peuples et cultures à partir de ces mêmes échanges.
      Chatterton.
      Ces sujets passionnants étaient le travail d'une vie que Vincent ne passerait pour rien au monde dans un hypermarché. Il réussirait ses études qu'il ait été aidé ou non par une boîte de haricots. Il le savait.
      Couteau. Boeuf séché. Deux bouteilles d'eau.
      Vincent en avait marre. C'était décidé il allait arrêter de fumer. Peut-être devait-il quitter ce travail ? Se consacrer pleinement à ses études, sa passion, au risque d'avoir encore moins d'argent pour vivre ? En avait-il le courage ? Le temps de cette courte pensée avait suffit à ce qu'il énonce le prix et que le client en face de lui paye et s'en aille.
      Vincent se doutait-il que l'homme qu'il venait de servir était le personnage central de ce récit ? Non, Vincent n'en avait pas la moindre idée.

      2

      Ce qui va suivre se passait dans une petite ville portuaire du sud-ouest de la France. Le soleil était généreux, pas de vent.
      Sur le chemin de la gare jusqu'au port qu'il avait fait à pieds, personne ne lui avait prêté une quelconque attention car il n'était pas quelqu'un à qui on prête attention. Comme la plupart des gens dans une ville, chacun suit son itinéraire. Un regroupement d'individualités, personne ne prête attention à personne.
      L'homme que nous suivons n'avait rien de plus ou de moins que personne. Il avait ses objectifs et ses rêves comme tout le monde.

      Arrivé au port, longeant les quais, observant les différents bateaux, l'homme se rendit compte qu'il n'avait aucune connaissances maritimes. Dans sa frénésie de départ, quand il avait quitté famille et amis pour vivre son rêve, il n'avait pas pensé une seconde qu'il en aurait eu besoin pour voler et conduire un bateau hors du port. Il n'y avait pas pensé du tout.

      Il faudrait donc voler un bateau déjà en mer. Il réalisa alors qu'il devait maintenant trouver un engin utilisable par n'importe qui et assez discret. Il s'assit à une terrasse de café en face des quais et réfléchit au problème.

      Deuxième bière, et quelque chose attirait son regard par delà la ligne de mats et de cordes devant lui. Ce fatras de bateaux de toutes tailles laissait apparaître la tête d'un homme qui se déplaçait d'une curieuse manière. Il aurait juré que ce n'était pas à la nage. Le temps qu'il se lève pour mieux regarder et la tête avait disparu trop loin sur le côté. Laissant quelques pièces sur la petite table, il empoigna son sac et continua de longer le quai dans une course hésitante, son bagage lui frappant le flanc au rythme de ses pas. Il sentait que ce qu'il allait découvrir serait d'une logique déconcertante. Effectivement. Feignant l'indifférence, il s'approcha. C'était maniable. Le baigneur était parti et les quelques personnes aux alentours ne l'avait pas remarqué. C'était peut-être le moment. Il n'avait plus le temps d'envisager d'autres possibilités.

      Quoi qu'en disent les historiens bien plus tard, quoi qu'il en dise lui-même des années après, ce moment là était le début de son Histoire. Sept secondes d'incertitude durant lesquelles il s'était posé mille questions. Durant lesquelles il n'avait pas encore apprécié pleinement à quel point sa vie prenait un tournant. Sept dernière secondes d'anonymat, sept secondes avant le début de tout.

      Il se jetait alors à bord du pédalo, l'adrénaline comme seule conscience. Son coeur battait chaque seconde plus fort à mesure qu'il commençait à pédaler comme pour fuir un étrange monde hostile. Il ne tournait pas la tête, sûr qu'on le poursuivait. Était-ce des cris de colère qui le sommait de s'arrêter ? Il s'en foutait, tant qu'il pédalait. Dix minutes s'écoulèrent sans qu'il ne s'arrêtât une seule fois.

      La mer calme en cette fin d'après-midi lui permit de se mettre à couvert derrière une falaise à l'abri des regards de la côte non loin derrière lui. Par chance personne ne l'avait vu ni entendu.

      Dernière modification par Pablo C (05 Mai 2017 12:42:33)

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      #2 10 Février 2016 00:12:42

      La suite !

      3

      - René !
      - Quoi !
      - Viens voir !
      - Attend !
      - Y'a un pédalo !
      - Quoi ! Comment ça y'a un pédalo !
      - Viens voir il est juste à côté du bateau !
      - Où ça ? Montre-moi.
      - Là. Je l'ai entendu taper contre la coque. Qu'est-ce qu'on fait ? On le garde et on le ramène quand on rentre ?
      - Attend, un pédalo ça part pas à la dérive comme ça. On en est pas bien loin de la côte mais ça devrait pas aller jusque là, t'as vu personne ?
      - Non, je te dis qu'il tapait contre la coque. Alors qu'est-ce qu'on fait ? J'aimerais bien continuer ma peinture avant qu'on ait plus de lumière.
      - Mais je sais pas du tout ma chérie ! Tu crois que c'est la peine d'appeler les gardes côte ?

      Adrénaline, peur, il ne fallait surtout pas que quelqu'un soit prévenu. S'avançant prudemment jusqu'à l'entrée de la cabine sans se faire voir par le couple, il laissa son sac près du mat. Entré dans la cabine qui donnait sur d'autres pièces, il eut seulement le temps de se retourner pour voir que la femme se dirigeait droit vers lui. Précipitation, adrénaline, il se faufila le plus rapidement et silencieusement qu'il pouvait dans une des autres pièces. La femme allait appeler les gardes côte, il fallait faire quelque chose. Tout ne pouvait pas s'arrêter là. Ce n'était que le début.

      Il est dans la cuisine. Rapide regard dans la pièce, pistolet de détresse. Il faut agir maintenant. Elle va utiliser la radio et tout sera terminé. Il n'avait jamais menacé quelqu'un. Même avec ses amis il ne s'était énervé que de rares fois. Il ne s'agissait pas de comparer, car cette fois-ci il fallait menacer des vies. S'il le devait, il tuerait.
      Voilà autre chose qu'il n'avait jamais fait. Détruire une vie. Lui qui avait eu un hamster du nom de spooky et le coeur brisé quand l'animal est mort de son vieil âge.

      Le pistolet de détresse dans la main, le doigt sur la détente, il ouvrit lentement la porte qui donnait sur le petit couloir étriqué relié à la cabine. Respirant lentement il s'approcha peu à peu de la femme qui empoignait le micro de la radio.
      Elle ne le voyait pas. Il tapa du pied. Il aurait pu lui dire de s'arrêter, brandir l'arme devant elle, mais c'est ce réflexe qui fût le plus fort. Au delà du raisonnement, en situation critique, il avait tapé du pied comme une ultime action salvatrice. Plus tard il n'avouerait jamais que le cri qu'elle avait poussé en le voyant lui avait fait une peur telle qu'il avait envisagé de s'excuser et tout abandonner en un instant. Il lui avait dit de se taire et elle s'était tu. Son mari qui avait accouru affolé s'était en un instant figé et raidi à la vision de l'intrus. Sans que le couple ne le sache, l'intrus était de moins en moins sûr de lui.
      "- Jeune homme, j'ignore ce que tu comptes faire avec ce pistolet, mais saches qu'il n'a pas été chargé depuis des années. Alors je te propose de me le rendre et de t'asseoir. On peut t'aider. Et je suppose que le pédalo dehors est à toi. Si tu me donnes ce pistolet on peut te donner des médicaments, ou de la nourriture et te laisser repartir. C'est à toi de voir, mais dis-toi bien une chose; c'est que je suis prêt à tout pour protéger ma femme."
      Le couple fixait le jeune homme d'un regard empreint de pitié et de compassion lorsqu'il eu posé son arme et trouvé une chaise.

      Dernière modification par Pablo C (13 Février 2016 11:55:57)

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      #3 13 Février 2016 12:03:14

      4

      - Je suis un pirate.
      - Pardon ?
      - Je suis pirate.
      - Où sont tes parents ?
      - Vous avez dit que vous me laisseriez partir.
      - Après.
      - Après quoi.
      - René ...
      - Oui.
      - Partez du bateau.
      - Comment ?
      - As-tu quelqu'un qu'on peut appeler ?
      - Sylvie, laisse-moi faire.
      - J'ai besoin de votre bateau.
      - Tu pourras partir quand tu me diras où sont tes parents.
      - Prenez le pédalo. Il est à vous.
      - Il est hors de question qu'on te laisse le bateau. Répond à la question.
      - Non. Repartez en pédalo ...
      - Tu crois vraiment être en position de marchander ?
      - Montrez-moi d'abord comment le conduire.
      Des années plus tard, on se racontait encore pendant les repas de famille de Sylvie et René ces vacances comme les plus surréalistes qu'ils avaient vécues. Petit-enfants, arrière-petit-enfants, tout le monde connaissait évidemment le dénouement de cette journée.
      - S'il vous plaît. Vous ne ressemblez pas à des gens dans le besoin. Et puis vous aurez un pédalo.
      - C'est invraisemblable ...
      - René, viens voir s'il te plaît.

      - Je n'ai plus le temps, montrez-moi comment conduire ce bateau, s'il vous plaît. Ca ne changera rien pour vous, mais pour moi c'est la clé de tout.

      Le talent du verbe ? Un sens inné du marchandage ? Un charisme fou ? Beaucoup d'hypothèses ont été avancées pour expliquer le revirement du couple de sexagénaires. Peut-être que le jeune homme avait seulement ému Sylvie et René, qu'il leur avait fait réaliser qu'un rêve était quelque chose qui pouvait guider une vie. Ils avaient, au prix de leur bateau et pour le bien de ce récit, permis à ce jeune homme de se laisser mener par ce rêve pour le meilleur ou pour le pire.

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      #4 17 Février 2016 11:43:45

      5

      La première tranche de boeuf séché avait un goût exquis. Pour une raison qu'il ignorait la première bouchée lui avait remémoré son incroyable victoire. Son absurde victoire. Dans un état second, mélange d'euphorie, de fatigue et de frénésie, un amoncellement d'images floues comme autant de souvenirs d'enfance qu'on s'efforcerait de retrouver se bousculaient devant ses yeux. Un jour plus tôt il dérobait un bateau. On lui donnait un bateau. Un jour qui avait semblé être des semaines. Avait-il remercié René et Sylvie ? Il ne savait plus.

      Les jours passaient au rythme du stock de boeuf séché qui s'amenuisait. Il n'aurait bientôt plus d'eau, et s'en voulait atrocement de n'avoir acheté qu'une seule boîte de haricots. Le seul réconfort pour le jeune homme reposait sur ce que le couple lui avait assuré. Le bateau aurait assez de carburant pour faire plusieurs centaines de kilomètres. Son objectif était sauf, il faudrait tenir d'ici là. Une semaine, et aucun signe de police ou de gardes côtes. Il devrait remercier la peintre et son mari pour lui avoir évité des ennuis.

      C'était étrange. Un être si tourmenté à l'idée d'accomplir un destin qu'il s'était choisi, vacillant sans cesse entre l'abandon et la passion de continuer, seul sur une étendue d'eau déformée par quelques vagues qui ne faisaient qu'accentuer sa géante immobilité. Des tourments dont son estomac allait pâtir s'il ne trouvait pas de solution. Solution d'autant plus urgente qu'un après-midi, ayant oublié plusieurs morceaux de boeuf séché sur le pont, il se fit détrousser par plusieurs mouettes piaillant ensuite autour du bateau comme pour se moquer de son incapacité à les atteindre.

      Du boeuf séché, de la ficelle, un couteau. Il avait eu besoin d'une vingtaine d'essais avant de réussir à prendre une mouette de rapidité pour l'attirer dans la cabine qu'il avait ensuite refermée derrière l'animal. Ce jour-là, le jeune pirate franchissait un cap. Il avait tué pour survivre, pour la première fois ôté la vie sciemment. L'exaltation qu'il ressentait était sans égale, même fatigué et affaibli il sentait un regain d'énergie se répandre dans tout son corps ; il chassait en pleine mer.

      Après deux semaines à bord du bateau de plaisance il le connaissait par coeur. A part regarder l'horizon jusqu'à s'endormir, chasser la mouette ou faire ses besoins dans l'eau, il observait régulièrement chaque pièce du bateau qui contenait les objets personnels de ce couple énigmatique qui les lui avaient laissés. Ce qui retenait à chaque fois son attention était ce petit flyer dans le petit couloir central. Un flyer alertant sur la pollution en mer, et sur la création d'un sixième continent fait de déchets plastique résultat d'une activité humaine trop intense et inconsciente. Au fur et à mesure qu'il observait ce bout de papier plastifié il sentait naître en lui une idée ; un concept dont il n'avait que des bribes incertaines qui mèneraient, il le savait, à quelque chose de grand.

    • Mansuz

      Amant des romans

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      #5 18 Février 2016 21:55:04

      Dès la première phrase tu m'as perdu ! Avec l'arrière grand père de son arrière arrière...  O_0 mon cerveau à du mal avec la généalogie ^^ faut que je replonge dans tes écrits à tête reposée ! ;)
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      #6 16 Mars 2016 00:25:00

      6

      A son réveil d'une nuit agitée, le sombre brouillard qui enveloppait le bateau semblait vouloir entrer de force dans ses moindres recoins. Pas de cris de mouettes. C'était reposant. Il sentait le silence frapper ses oreilles, altéré par le léger clapotis d'une mer calme.
      Dehors, l'air était lourd. On ne voyait pas plus de deux mètres autour de l'embarcation, bulle d'air perdue dans un monde de fumée.

      Il n'avait pas redémarré le bateau et fixait ce mur inconsistant, fait de millions si ce n'est de milliards de gouttelettes d'eau. Sans surprise, comme quand on regarde un objet assez longtemps, son cerveau lui fit apparaître une forme sombre aux côtés rectilignes. Une deuxième naissait au-dessus de la première, il détourna le regard.

      Sur le point d'aller rallumer le moteur, il capta une variation dans l'air. C'était si subtil, qu'il était sûr de l'imaginer. Mais cet écho de remous aquatiques buttant contre une surface plane s'était précisé. Ce ne pouvait être contre la coque de son bateau. Il se retourna et comme il se doutait, rien devant lui.

      Ce fut le bruit distinct d'une feuille qu'on retourne qui le fit détourner son attention sur le côté. Une seconde, et un afflux de sang lui fit briller les yeux. Hésitant, il s'avança lentement vers le bord. Comme s'il n'avait desserré sa mâchoire depuis des années, il articula :
      - Bonjour ...
      Aucune réponse de l'autre côté. Il recommença un peu plus fort. L'homme en face de lui leva rapidement la tête d'un air très préoccupé pour ensuite retourner à ses affaires. Il lisait des dossiers, en tournait les pages, annotait, refermait l'un et le rangeait sur une pile pour en prendre un nouveau d'une autre pile, sous le regard médusé du jeune homme.
      Il décidait de l'apostropher de nouveau :
      - Excusez-moi ...
      L'autre releva la tête visiblement irrité qu'on l'interrompe.
      - Oui ?
      Silence. Le jeune homme ne trouvait quoi ajouter. Il le regardait comme si c'était l'autre qui l'avait appelé. Les courts cheveux sombres de celui qui lui avait répondu retenaient parfois le brouillard à tel point qu'on aurait dit que sa tête allait prendre feu.
      Ils continuaient de se regarder l'un l'autre sans rien dire.
      Le téléphone sonna, l'homme en costume décrocha aussi sec, attendit quelques secondes, acquiesça, raccrocha et se replongea dans ses dossiers.
      - Qu'est-ce que vous faîtes ?
      Celui qui avait répondu au téléphone releva encore une fois la tête, mais son visage s'était détendu.
      -Je travaille.
      Il tapait légèrement le dossier ouvert devant lui de l'arrière de son stylo et continuait :
      - Vous n'avez pas froid ?
      - Vous ?
      - Ca peut aller.
      - Vos papiers, qu'est-ce que c'est ?
      - Des possibilités, des probabilités, ce genre de choses.
      - A propos de quoi ?
      - Des gens.
      A mesure que les questions se succédaient, l'homme assis au bureau se replongeait dans ses occupations tout en continuant à répondre.
      - Pourquoi ?
      - C'est mon travail.
      Au même moment, un remous plus important vint éclabousser les chevilles du bureaucrate.
      - Ah voilà ! Il fallait que ça arrive ! Maugréa-t-il en se penchant et secouant le bas de son pantalon d'une main tout en bloquant son stylo entre deux phalanges. L'autre main appuyée sur un des dossiers, le jeune pirate dût lui faire la conversation après un court silence.
      - Votre téléphone marche ?
      - Vous l'avez entendu.
      - Comment c'est possible ?
      L'homme au costume leva rapidement la tête :
      - Comment se fait-il qu'un jeune occidental veuille devenir pirate en 2016 ?
      Et il replongea derrière, pour ne laisser visible que sa main, encore une fois.
      - Mais qu'est-ce que vous faîtes ?
      - Je travaille sur des possibilités, des probabilités, ce genre de choses ...
      - Non, qu'est-ce que vous faites encore derrière votre bureau ?
      Celui à qui parlait notre jeune héros fit apparaître son visage sur le côté du bureau juste au-dessus de la mer.
      - Tu penses vraiment pouvoir arriver à quelque chose avec ce rafiot ? Il te faut un plus gros navire.
      La tête disparut à nouveau et il reprit la parole :
      - Je pense que ça fuit en dessous. Un truc s'est dévissé ou cassé.
      Interloqué par cette dernière réponse, le jeune homme essayait tout en parlant de discrètement se décaler pour voir l'arrière du meuble.
      - Pourquoi votre bureau ne coule-t-il pas ?
      - Comment se fait-il que tu n'aie pas encore renoncé ?
      Quelques bruits de métal, un plouf et ...
      - Merde ! Tout le temps !
      - Vous allez bien ?
      - Mais oui ! Venez plutôt par là. Il se releva le visage sale, l'air contrarié.
      - J'ai fait tomber mon stylo. Je vais le chercher. Gardez mon bureau.
      - Vous n'en avez pas d'autres ?
      Mais le temps de finir la phrase et le costume avait déjà disparu.

      Dernière modification par Pablo C (02 Octobre 2016 19:46:07)

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      #7 02 Octobre 2016 19:51:42

      7

      Bras ballants, debout face au bureau sur l'eau, il s'était écoulé quelques secondes avant que le froid ne le fasse réagir. Hésitant, comme si quelqu'un pouvait le voir au milieu du brouillard, il s'approcha du bord du bateau et tendit le bras pour évaluer la distance entre les deux embarcations.

      L'eau froide l'agressait comme si un couteau lacérait chaque centimètre de sa peau. Il but la tasse à mi-chemin. La chaise en bois n'était équipée d'aucun système de flottaison ou quoique ce soit qui put y ressembler. Pourtant elle tenait droite, prête à être utilisée, accompagnant seulement les calmes remous de la mer en un doux dandinement. Il dût jouer des reins pour garder l'équilibre pendant plusieurs secondes, les deux mains accrochées à l'objet devant lui pour se stabiliser.

      Puis commençait l'exploration de la petite surface de bois.
      La mutitude de feuilles éparpillées devant lui ne présentait autre chose que des listes et des listes de nombres aléatoires dont le sens ne pouvait être plus clair que l'eau sous ses pieds. Le téléphone à cadran, datant peut-être des années soixante dix était d'un triste gris, et son fil partait droit dans les profondeurs de l'océan. Les tiroirs en bois massif de part et d'autre du meuble, fermés à clé, ne purent assouvir la curiosité du jeune homme qui se reporta alors vers le tiroir central, sous le plan de travail. Quelques feuilles qui elles contenaient des listes aléatoires de lettres, et une autre plus petite avec ce qui semblait être une liste de numéros de téléphone. Il décrocha le combinet et lentement, composa le premier numéro de la liste.

      Deux sonneries et l'on décrochait de l'autre côté.
      - Raccrochez ce téléphone ; vous n'avez rien à faire ici.
      On raccrocha.
      Quelques secondes, et le jeune homme réalisa que l'homme au costume reviendrait bientôt. Mais au moment de se faire à l'idée de replonger dans l'eau, la tête du bureaucrate réapparaissait à la surface.
      - C'est bon je l'ai.
      Il fit une pause comme si quelqu'un lui avait chuchoté quelque chose à l'oreille, et reprit :
      - Vous ne devriez pas utiliser le téléphone.
      - Je voulais juste ...
      - Vous n'agissez pas dans votre intérêt.
      - Mon intérêt ?
      - Je ne devrais pas en parler. Descendez, je dois retourner travailler.
      - Dites-moi d'abord pourquoi vous êtes ici.
      - Ca ne marche pas comme ça, descendez ...
      - Vous débarquez de nulle part sur un bureau flottant, vous me dites de le garder le temps d'aller chercher votre stylo au fond de la mer ...
      - Descendez !
      L'homme au costume brandit son stylo et le planta dans la cuisse du jeune pirate qui poussa un cri, mélange de douleur, surprise et incompréhension.

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      #8 05 Mai 2017 12:39:21

      8


      De ses sept années d'existence, elle n'avait jamais vu un de ces êtres lui crier dessus de cette façon. Après qu'il eut reprit ses esprits, elle avait vu son regard changer. L'incompréhension avait gagné son visage et il était rentré dans la cabine de son embarcation. Quand elle déploya ses ailes, elle n'y pensait déjà plus.

      Deux semaines passèrent, et il ne comptait plus que sur la chasse aux mouettes et l'eau de mer bouillie. Il avait en de rares occasions réussi à pêcher.
      D'après ce que le GPS du bateau indiquait, il était en plein Océan Atlantique. Chaque jour depuis sa rencontre avec cet énigmatique et violent homme en costume, son conseil d'avoir un plus gros navire lui semblait de plus en plus cohérent. Il avait déjà eu l'idée en achetant un grappin, mais jamais il ne s'était retrouvé depuis son départ à sérieusement considérer la question. Quel genre, un paquebot ? Comment ferait-il ?
      Il laissa son esprit difficilement imaginer quelques scénarios, tiraillé par la faim.

      La situation empirait. Le jeune homme, allongé sur le pont, était de plus en plus affaibli. Si rien ne se passait dans les prochaines heures il se couperait un bras ; ou une jambe. L'idée lui paraissait sensée, il fallait manger. A mesure que la nuit tombait, il perdait petit à petit conscience et sa détermination à s'automutiler grandissait. L'air frais du soir l'apaisa et il sombra.

      Flash. Lumière intense comme dirigée droit sur lui. Mains étrangères l'agrippent, le soulèvent, le reposent. Ca balance. Il essaie d'ouvrir les yeux, rien. Il est réveillé mais son corps ne répond pas. Quelques bribes de voix masculines, peut-être de l'anglais.

      Réveillé par le contact glacé d'un stéthoscope, ses yeux rencontrèrent ceux d'un homme barbu, blouse blanche, l'air concentré.
      - How do you feel young man ?
      - Fatigué.
      - You stay still and don't touch those bandages, ok ?
      - Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
      Le médecin n'avait pas eu besoin de parler français pour comprendre au ton alarmé, le jeune homme qui regardait son torse blessé.
      - Do you speak english ? Le hochement de tête du garçon lui permit de continuer.
      We found you on your boat, and i think some seagulls decided you were their meal. Don't worry it's superficial but you'll probably have a scar. I'll be back soon.

      Une fois le médecin partit, le jeune homme se releva difficilement sur son lit. C'était une petit cabine, comme sa chambre d'étudiant pensa-t-il, éclairée par une seule petite fenêtre.
      S'avançant vers les carreaux, la mer s'étendait devant lui.

    • Vey

      Livraddictien débutant

      Hors ligne

      #9 06 Mai 2017 11:37:37

      J'aime beaucoup, c'est intrigant. Hâte de lire la suite... :+1: