La perle de Wyletown, Kirell Wyle

 
  • Wyletownien

    Casual lecteur

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    #1 22 Mars 2016 10:55:48

    Bonjour à vous les livraddictos :) !

    Suite à l'accueil très sympathique des membres du site, j'ose poster les premières pages de mon premier roman. Je le soumets à vos yeux de dévoreurs de livres, en espérant que certains seront intrigués, intéressés, voire émus peut-être :). Bonne lecture ! (Si vous préférez sur Wattpad, c'est par là : https://www.wattpad.com/story/74529448- … e-wyletown


    La perle de Wyletown



    Prologue

    (Elle)
    Son beau visage dépassait à peine de la surface. Les yeux clos, elle allongea l’un après l’autre ses bras derrière elle pour avancer sur le lac. Elle entendait le chant des oiseaux et le bruit de ses mouvements sur l’eau. Seule présence humaine, elle avait enlevé sa chemisette. Elle se sentait apaisée et appréciait la sensation du soleil sur ses joues. La jolie sirène plongea ensuite jusqu’à ce que ses pieds disparaissent puis, émergea gracieusement plus loin. Elle se maintenait hors de l’eau par le simple battement de ses jambes, admirait  la nature environnante et poussa un soupir d’aise. Après quelques temps, elle regagna la rive à l’endroit où elle avait quitté ses habits. L’herbe sèche reçut les gouttes qui glissaient de sa peau. Elle enfila son haut, son pantalon et essora ses longs cheveux châtains avant d’en faire une tresse. Elle restait ensuite à demi-allongée à contempler le lac redevenu aussi lisse qu’un miroir. Demain, elle irait à Wyletown, mais aujourd’hui la jeune femme pouvait flâner à loisir. Presque sèche, elle se leva et prit le chemin qui passait par la clairière. Elle s’arrêta devant un framboisier pour en déguster les fruits rouges, ses préférés. C’est alors qu’un homme d’un certain âge l’interpella :
    - Line ! Line !  lança-t-il essoufflé.
    Elle se retourna, lui fit un signe de la main et répondit à son appel :
    - Je te rejoins, papa !
    Elle vint jusqu’à lui alors qu’il reprenait son souffle. Il se posa contre le tronc d’un arbre, se redressa et lui dit :
    - Oh, que tu es belle avec ta tresse !
    Elle l’embrassa sur la joue et il passa son bras autour de ses épaules.
    - J’ai marché un peu trop vite, ton vieux père commence à rouiller !
    - Papa, je sais bien que tu as couru, répondit-elle pas dupe, mais le médecin t’a dit de ne pas reprendre la course avant un mois, ton âge n’a rien à voir là-dedans.
    - Je n’ai presque plus mal.
    Il s’essuya le front avec un  mouchoir.
    - Enfin, bref, ta mère m’a envoyé te chercher.
    - Je rentrais justement. Tiens, goûte ces framboises. Elles sont délicieuses !
    Il accepta celle qu’elle portait à sa bouche pour lui faire plaisir : il n’était pas là pour cela.
    - Line, veux-tu venir avec nous pour un pique-nique en forêt ? Ta mère et moi aimerions profiter de toi avant ton départ.
    Cette simple invitation la ramena à la réalité et les nombreuses préoccupations qu’elle était parvenue à faire taire lui embrumèrent à nouveau son esprit. Elle savait qu’il était vain de tenter de les faire disparaître. Ce déjeuner en compagnie de ses parents l’enchantait, mais il ne suffirait pas à apaiser ses craintes. Elle posa à nouveau son regard sur l’étendue bleue. Il lui revint en mémoire la sensation de l’eau fraîche qui était parvenue, passée la crispation de ses muscles, à la détendre. Son père l’observait, silencieux. Il savait qu’elle tentait de tirer sa force du lac. Chaque fois que Line avait le vague à l’âme, elle venait là. Elle revenait sereine de ses escapades sur leurs terres la plupart du temps. Line et son père repartaient en direction du manoir.  Ils retrouvèrent Mme Awotadoe qui patientait déjà dans la voiture. Sur la route qui mènerait au lieu du repas champêtre, Line observa le ciel puis sourit. Face à cette belle journée, en présence de ses parents, Wyletown lui paraissait alors moins effrayante.

    (Lui)
    Il était perdu dans ses pensées quand surgit le vacarme. Il dissimula l’article de presse qu’il traduisait quelques minutes plus tôt, sous un livre, sortit de derrière le comptoir et traversa les allées pour rejoindre la volière. Un garçonnet avait fait tomber son jouet à travers les croisillons. Habitués au calme, les oiseaux n’avaient donc pas apprécié.
    - Moins de bruit, les piafs, marmonna-t-il afin de ne pas être entendu des clients, mais surtout de son patron.
    La mère du petit s’adressa au jeune employé :
    - Excusez-nous pour ce tapage, je n’ai pas vu qu’il avait gardé ce bout de bois.
    - C’est mon pistolet de pirate, maman ! gémit le bambin.
    - Rien de grave, les oiseaux sont en vie !  répondit-il avec légèreté.
    Le jeune homme pénétra dans la volière en prenant soin de ne pas laisser échapper l’un des résidents plumés. Il ramassa l’objet ennemi, puis le tendit à l’enfant.
    - Il est un peu timide. Dis merci au jeune homme, Paulie. Enfin… au monsieur, plutôt, dit-elle en minaudant le regard aguicheur.
    Il ne manifesta aucun malaise face à cette femme qui ne s’adressait clairement plus à son fils. 
    - Tout va bien. Si vous avez besoin de moi, n’hésitez pas, je retourne au comptoir.
    Il s’exécuta alors qu’elle continuait de le regarder. Puis, comprenant qu’elle n’obtiendrait pas ce qu’elle voulait du bel homme, elle quitta l’animalerie.
    C’était l’une de ces nombreuses journées où Joe trouvait que les aiguilles de sa montre ralentissaient. Il reprit le texte qu’il devait traduire pour un avocat : un contrat de travail ennuyeux rédigé en anglais. Soudain, le présentateur radio annonça le début prochain du festival de Wyletown ; Joe s’arrêta et tendit l’oreille.
    - Pouvez-vous mettre plus fort, s’il vous plaît ? lui demanda un petit homme qui se trouvait à côté des articles, en bout de comptoir.
    Joe augmenta un peu le volume. C’était déjà dans ses intentions avant que le client ne lui demande. Deux autres personnes s’approchèrent aussi pour écouter. Le festival de Wyletown était un événement de grande envergure qui passionnait les foules. À son évocation, l’excitation du jeune homme monta en lui. Il n’habitait pas loin de la fameuse ville et avait déjà eu l’occasion d’y aller. Ce souvenir l’avait marqué, même si ce n’était pas lors de cet événement mondial. Dans son entourage, ce n’était un secret pour personne: Joe espérait un jour faire partie des rares élus à vivre ce célèbre festival. Depuis son enfance, ses espoirs étaient tournés vers Wyletown, la « Belle Rouge ».

    Dernière modification par Wyletownien (31 Juillet 2016 13:08:41)

  • mm03

    Apprenti Lecteur

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    #2 22 Mars 2016 21:25:03

    Ça donne très envie, quelle est ce festival de Wyletown ? Que va faire Line là-bas ? Plein d'interrogation, j'ai hâte de voir la suite et c'est bien écrit, j'ai lu des romans publiés moi bon que ça, c'est génial et très beau.
  • Wyletownien

    Casual lecteur

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    #3 22 Mars 2016 23:07:55

    Je suis vraiment très touché par cet avis. Vraiment.  Je posterai le chapitre 1 cette semaine :). Merci d'avoir pris le temps de lire!

    Dernière modification par Wyletownien (18 Avril 2016 16:36:52)

  • Lunayia

    Magicien des lignes

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    #4 22 Mars 2016 23:53:41

    J'aime beaucoup, j'avoue qu'on se pose quelques questions, la suite m'intrigue. Une lecture facile ! :pouceleve: vivement de voir la suite =)

    Dernière modification par Lunayia (22 Mars 2016 23:57:28)

  • Mansuz

    Amant des romans

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    #5 23 Mars 2016 06:17:55

    J'ai eu du mal au début ! Une certaine  confusion dans mon cerveau ! J'ai vraiment cru que c'était une sirène dans  l'eau ^^ mais non lol certaines phrases manquent de punch ou de sens à mon goût! Seule presence humaine elle avait enlevé sa chemisette ??n
  • Wyletownien

    Casual lecteur

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    #6 24 Mars 2016 18:15:36

    Merci beaucoup! Effectivement lecture facile je pense.
    Merci pour tes remarques aussi Unmec, dans la phrase que tu cites: parce qu'elle est la seule présence humaine, elle a pu enlever sa chemisette (sous-entendu qu'elle est sûrement nue).

    La suite :) :

    Chapitre 1: Bienvenue à Wyletown

    Wyletown. Les personnes qui ont dévalé les rues de cette petite ville n’ont pu résister à son charme.  Cette année, la fin de l’été annonçait son fameux festival de cinéma. Il avait lieu tous les trois ans et la tension montait lors des semaines qui précédaient le commencement. Malgré quelques détracteurs, une grande majorité l’attendait avec impatience. La saison estivale avait été radieuse et le beau temps persistait. Les quelques habitants voyaient leur peau tannée et les arbres-lilas rouges avaient rarement connu si belle floraison. Wyletown avait hérité son surnom « la Belle Rouge » de ses fleurs carmin. Autrefois petit village de pêcheurs, la construction d’un port plus sophistiqué dans une ville voisine modifia le flux des marchands et l’endroit s’endormit. Puis, les huîtres commencèrent à donner des perles noires : pures et d’une couleur si intense qu’elle semblait aspirer celui qui la regardait. Le commerce de ces perles sombres sauva Wyletown, qui se développa sans perdre son charme d’origine. Une manufacture textile s’implanta au XVIIIe siècle et se différencia des autres en se servant de ces trésors dans ses confections. Au fil du temps, elle s’était adaptée aux modernisations, jusqu’à sa fermeture une dizaine d’années plus tôt. Fort heureusement, la récolte resta régulière pour le village qui fournissait les plus grands joailliers, mais également de jeunes créateurs ou boutiquiers plus modestes. Les rumeurs de la beauté de la ville ne tardèrent pas à arriver aux oreilles du Septième Art. Le premier film en couleur fût tourné dans cette ville. Depuis ce jour, le monde entier connaît Wyletown, son manteau de lilas rouges, ses façades de briques blanches et ses criques avec vue sur une mer d’émeraudes. Alors de grands noms du cinéma créèrent un festival dans ce lieu devenu emblématique. L’événement de belle renommée était minutieusement encadré. L’accès à la ville n’était alors possible que pour la centaine d’habitants et les festivaliers. Ceci évitait la saturation des rues, des hôtels et restaurants cependant bien vivants sur l’ensemble de la période. L’endroit était réaménagé de manière différente pour abriter, chaque fois, des décors magnifiques, des salles de projections et des lieux pour les rencontres entre professionnels et simples festivaliers. Ces derniers étaient désormais choisis par tirage au sort, puisque les organisateurs croulaient sous les demandes d’accréditation.  Joe Atlanters n’avait pas pu obtenir la sienne malgré plusieurs tentatives. Il se consolait en se disant que ses derniers travaux de traduction lui prenaient déjà son temps, en plus de son petit boulot à l’animalerie de Milt. Il tâchait de se convaincre que, finalement, les journaux survendaient l’événement pour mieux faire rêver le commun des mortels. Il se déroulait sur un peu plus de deux semaines. La Perle Noire, seul prix attribué, venait récompenser le meilleur film parmi une sélection riche, composée par un jury, quelques mois plus tôt, suite aux visionnages de long-métrages de tous pays. Grâce à la presse, on pouvait suivre le déroulement des journées et découvrir toutes les créations des décorateurs et stylistes. Parce que le monde créé pour ce festival fascinait autant que les célébrités présentes. Durant cette période, les principales conversations aux quatre coins du globe tournaient donc autour de ce rassemblement de grande envergure.
    Hugh Bremann, le gérant de l’hôtel Pleewells, vérifiait l’une à la suite des autres toutes les chambres qui devaient être prêtes à accueillir les festivaliers. À l’auberge Rivière de Lunes, la sage Emma et son bon cuisinier passaient en revue les stocks de la chambre froide, malgré l’inquiétude que le père de la souriante hôtesse lui causait. Les techniciens s’affairaient pour terminer à temps les aménagements dans les rues de Wyletown, à l’abri des regards indiscrets des badauds. Parfois, ces derniers ne manquaient pas d’ingéniosité pour tenter de les découvrir avant les autres : trois ans plus tôt, un homme eut l’audace d’entreprendre l’ascension du clocher de l’église, après s’être fait passer pour le nouveau curé. Il n’avait rien vu puisqu’il avait été démasqué à temps par le service de sécurité. Les axes de la ville n’étaient pas inaccessibles partout car il ne fallait pas gêner les déplacements de ses habitants. Les installations se concentraient sur le quartier du centre-ville. Les techniciens venaient plus d’un mois à l’avance pour édifier les structures derrière des barricades en fer, parfois hautes de quinze mètres pour les aménagements les plus grandioses. Lors de cette période, la moindre rumeur s’intensifiait jusqu’à prendre une ampleur conséquente. Les touristes étaient encore acceptés et diffusaient, par divers moyens leurs témoignages de la visite de cette ville en transformation. Un périmètre de sécurité et d’accès à Wyletown était mis en place la veille du lancement. Les habitants et les festivaliers seraient désormais les seuls à déambuler sous l’œil du monde. La presse écrite relayait le déroulement des projections et des soirées. Une cinquantaine de journalistes et photographes étaient présents et devaient respecter une règle : seules les photographies acceptées par le festival devaient accompagner leurs articles ; des photographies qui devaient servir le milieu professionnel, faire rêver le public et respecter les vies privées. L’effervescence gagnait les foules.
    Divers incidents avaient ébranlé le monde depuis la dernière édition et l’unité fragile acquise depuis peu apportait une symbolique forte à l’événement qui allait bientôt commencer.

    Dernière modification par Wyletownien (13 Avril 2016 10:35:41)

  • mm03

    Apprenti Lecteur

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    #7 26 Mars 2016 07:35:48

    Le début est un peu lent, mais la fin est parfaite. Certaine phrases sont un peu "bizzard" mais ça reste bien.
    PS : est-ce que je peux imprimer tes textes pour les lires ?
  • Wyletownien

    Casual lecteur

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    #8 26 Mars 2016 09:01:12

    Merci :). Effectivement j'aime prendre le temps, surtout au début pour "poser le décor". Oui l'impression est possible,c'est vrai que c'est plus agréable que sur un écran! Puis le roman est déjà protégé. Après il y a une page face book où les même extraits sont postés et c'est peut-être plus lisible que sur le forum...
    Maintenant que le décor est planté, place au chapitre 2!

    Chapitre 2
    La cliente qui n’achète jamais


    Je tenais la caisse à outils à bout de bras. Un regard dans la glace de la remise m’informa d’auréoles sur ma chemise de travail, dessinées par la chaleur. Je la déposais et poursuivais mon inventaire. J’avais hâte de rentrer chez moi. Il faisait chaud et je sentais l’arrivée imminente d’un mal de tête, souvenir rapporté de la soirée arrosée de la veille. De surcroît, il me restait des traductions de modes d’emploi à envoyer le lendemain pour une entreprise de meubles. C’était loin des extraits d’articles ou de livres que j’affectionnais, mais ce travail me permettait de prendre du bon temps après avoir payé mes factures. La semaine avait été difficile et la perspective du week-end qui s’annonçait me motivait. Ma tâche achevée, je passais me rincer au lavabo avant de revenir dans l’animalerie. Il y avait peu de clients pendant l’heure de la pause-déjeuner. Je tentais donc d’avancer sur une traduction de montage de commode. Derrière le comptoir, je pouvais aisément être discret. J’avais le temps de dissimuler mes feuilles si j’apercevais quelqu’un en approche. Ce jour-là, je ne parvenais pas à rester concentré car je pensais à une jeune cliente rencontrée la veille.
    J’étais en train de réapprovisionner le rayon des graines pour rongeur lorsqu’un parfum de femme attira mon attention. J’avais entendu sonner la cloche à l’ouverture de la porte, puis mon collègue saluer la cliente, mais c’était son parfum qui me fit lever la tête, une senteur qui ne m’était pas familière et que je trouvais très agréable. Il n’était ni trop agressif, ni trop doux. Je me disais que ce ne serait pas suspect de déambuler dans les rayons pour satisfaire ma curiosité, puisque j’étais un employé. J’ai alors découvert la silhouette d’une femme. Elle me tournait le dos, parce qu’elle regardait les chiots et les chatons. Ces quelques secondes d’observation étaient pleines de promesses. Je devinais une élégance chez elle, déjà remarquée dans ses effluves parfumées, mais bien plus constatée par sa posture et la beauté de ses cheveux relevés en un chignon sophistiqué.  Sa robe et son manteau clairs étaient simples. Elle avait des chaussures plates, ce qui expliquait l’absence de bruit de pas. Je posais distraitement une boîte sur une étagère qui se trouvait là et m’approchais. Comprenant qu’un des vendeurs venait, elle se retourna. C’était, je pense, la plus belle femme que j’avais jamais vu. Son visage était agréable, elle souriait, polie, et dégageait une réelle sympathie. Ses yeux amandes légèrement maquillés semblaient touchés par ce qu’ils voyaient. C’était le genre de personne qui ne regardait pas dans le vague avec une expression morne. Ses lèvres roses n’avaient pas besoin de rouge à lèvres. Je suis certain qu’elle a senti mon inconfort. J’ai tenté de le dissimuler en mettant fin à ma rêverie.
    - Madame, puis-je vous aider ? lui demandais-je.
    Elle me dévisageait, cependant sans paraître impolie, comme si elle cherchait un sens caché à ma question. Mais, en y repensant, c’était sûrement à cause du ton un peu haut que j’avais pris pour la circonstance. Je continuais moins décontenancé :
    - Nous venons de recevoir deux bouviers bernois, annonçais-je fièrement, deux mâles de quatre mois.
    - Je vous remercie, mais je ne fais que regarder.
    Même le son de sa voix était plaisant. Il était limpide et doux. Elle avait de belles intonations, dans lesquelles on entendait un sourire. 
    - Je vous laisse donc regarder, je retourne au comptoir. Si vous avez besoin de renseignements, n’hésitez pas, dis-je de manière mécanique mais avec sincérité cette fois.
    - Merci, monsieur.
    Je repartais quand elle me rappela :
    - Vous oubliez votre boîte de graines.
    Je revins sur mes pas et pris le carton en marmonnant un « merci » à la jeune et jolie. Je ne l’ai pas vue quitter l’animalerie. Elle était en effet discrète, alors que son charisme ne passait pas inaperçu. Elle n’était pas de ceux qui aiment se montrer. Et c’est, je pense, ce qui m’a immédiatement séduit.
    J’étais donc davantage absorbé par ce doux souvenir que par mon travail clandestin de traduction quand la porte s’ouvrit, accompagnée du fameux tintement. Et ce fut comme si je savais : elle revenait.
    - Bonjour, me salua-t-elle.
    Je lui fis un signe de tête et affichais un sourire chaleureux. Puis, je la vis disparaître dans les allées. Je rangeais mes feuilles sous leur cachette habituelle et cherchais un prétexte pour aller la voir. Mais, le téléphone sonna. Je décrochais, refroidi :
    - Animalerie de Milt, bonjour !
    - Joe ?!
    Je reconnus la voix de mon père. Il m’appelait rarement au travail.
    - Papa, il y a un problème ?
    - Non, du tout. Tu peux m’attendre après la fermeture ?
    - Tu veux dîner chez moi ?
    - Euh, oui, pourquoi pas, mais c’est pour te transmettre ton courrier, une lettre.
    - Ne te dérange pas, je viendrai ce week-end.
    - Et que fais-tu de ton vieux père ? On perd une occasion de se voir.
    - Papa, on se voit presque toutes les semaines.
    - Juste. Mais je pense qu’elle te fera plaisir.
    Je constatais que son ton était effectivement plein d’entrain, presque chantant.
    - Qui est l’expéditeur ?
    - Je ne te dis rien. Je serai là vers vingt heures. À toute !
    - D’accord, à ce soir.
    Il raccrocha à peine ma phrase terminée. J’étais pressé de voir cette lettre. J’avais envoyé quelques écrits à des agences de traduction. Si c’était pour me proposer un travail, pensais-je. Je tentais de ne pas m’emballer, mais c’était difficile. Sourire aux lèvres, je marchais vivement vers la volière où la jeune femme venait de s’arrêter.   
    - Pas de chien mais un oiseau peut-être ?
    Elle ne sursauta pas et me sourit à nouveau.
    - Ils sont très beaux.
    Elle tournait autour d’eux et se tenait en face de moi. Je la regardais à travers les grilles de la volière. Bon sang, son regard ! Elle essayait d’attirer un des oiseaux en tapotant légèrement sa bague sur la structure en métal. C’était presque une musique ce doux tintement métallique.
    - Je ne sais pas s’il comprend le morse, dis-je amusé.
    Son sourire s’agrandit et elle interrompit son geste.
    - Je le maîtrise, pour ma part.
    - Cela nous fait un point commun.
    J’étais audacieux pour une fois. Mais, j’eus peur de la gêner et repris d’un ton plus professionnel :
    - Vous n’arrivez pas à vous décider. Que recherchez-vous ?
    - Je ne sais pas. Je regarde juste.
    - Vous avez bien raison de prendre votre temps. Beaucoup de gens prennent un animal à la hâte.
    - Je ne veux pas d’animal.
    Cette déclaration me rendit perplexe. Je lui demandais :
    - Ah, ce n’est pas pour vous ?
    - Si, enfin non.
    J’étais perdu.
    - C’est une animalerie et vous venez pour la deuxième fois, donc …
    Je voulais prendre un ton gentiment moqueur mais je ne suis pas sûr que ce soit sorti comme tel.
    - J’avais remarqué.
    Elle n’était pas sèche, ni ne semblait fâchée. Elle l’avait dit le plus naturellement du monde, sans sous-entendu. Puis, elle se plongea dans l’observation d’un oiseau bleu.
    - Ce geai, il se sent bien dans cette volière ? demanda-t-elle.
    - On lui demande ?
    Je lui fis un clin d’œil, puis me sentis vraiment ringard la seconde suivante. Heureusement, un autre client m’interpella. Il avait renversé un sac dont le contenu s’était répandu sur le sol.
    - Excusez-moi un instant.
    Je commençais à prendre la direction du rayon canin quand elle déclara :
    - Je dois partir, de toute façon.
    Je me retournais. Le temps suspendu, nos regards se croisèrent. Un choc électrique parcourut mon ventre. Je la regardais, touché. Puis l’instant s’évanouit et je repris ma marche. J’essayais d’expédier au plus vite le nettoyage en maudissant intérieurement le client. Je rejoignais ensuite la volière où je savais que personne n’attendait.
    La fin d’après-midi passait sans que je n’avance vraiment sur ma traduction. J’entrepris la fermeture du local quand mon père, que j’avais oublié, arriva.
    - Alors, mon Joe, longue journée ?
    Il voyait que j’étais moins animé que de coutume.
    - À voir ta tête, il semblerait bien. Allez, viens, on va manger un morceau !
    Je le suivais jusqu’à une petite brasserie où nous avions l’habitude d’aller. Un tout petit serveur nous conduisit à notre table et, alors que j’enlevais ma veste, mon père expliqua :
    - Je m’excuse d’avoir ouvert ta lettre, mais aux dernières nouvelles il n’y a pas qu’un seul monsieur Atlanters à la maison et je ne pensais plus recevoir de courrier qui te soit destiné.
    - Le suivi postal marchait bien jusqu’à maintenant, dis-je.
    Puis, je repensais à la possibilité d’un entretien d’embauche dans une des agences de traduction et ma bonne humeur ressurgit. Mon père sortit une enveloppe simple de la poche intérieure de son manteau. Il me regardait, feignant un regard faussement énigmatique. Je saisis la lettre décachetée. Aucun signe ne me mit sur la piste du destinataire avant que je ne lise :

    « Cher M. Joe Atlanters,
    Nous sommes heureux de vous annoncer que vous faîtes partie des heureux gagnants tirés au sort pour assister au festival… »

    Mon père ne sursauta même pas alors que je me levais, incapable de contenir ma joie. J’avais participé à un concours quelques mois plus tôt dans une revue de cinéma « Les Belles Bobines ». Chaque année, elle tirait au sort une dizaine de personnes pour vivre le festival le plus réputé au monde. Les chances de gagner étaient si minces que je n’avais pas du tout misé dessus et n’avais plus pensé à ma participation. Je me rasseyais sur ma chaise, les joues rouges d’émotion. Oubliés les espoirs d’embauche et la cliente qui n’achète jamais. J’allais à Wyletown !

    Dernière modification par Wyletownien (18 Avril 2016 16:38:13)

  • Lunayia

    Magicien des lignes

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    #9 26 Mars 2016 09:51:11

    Bon par ou commencé x) Je suis d'accord avec mm03 pour le chapitre d'avant quelque longueur ! Mais je trouve que tu rattrape bien dans le chapitre suivant =)
    L'écriture me plait toujours c'est simple et j'aime ça !
  • Mansuz

    Amant des romans

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    #10 26 Mars 2016 14:56:36

    J'vais mettre le texte sur ma liseuse pour le lire ;) car sur le pc, ça fait mal aux yeux :/