Les textes des membres non publiés

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  • Mallou

    Mécène des éditeurs

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    #1 04 Juin 2010 21:41:05

    Voici les autres textes des membres qui n'ont pas été publié dans le mag. Non pas qu'ils n'étaient pas bon, au contraire, mais au vu de l'épaisseur du magazine déjà conséquente nous avons du faire un choix qui s'est avéré difficile.

    La team tiens à remercier tout ceux qui ont participé : Evertkhorus, Mr Zombi, AnaisValente et Alice.

  • Mallou

    Mécène des éditeurs

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    #2 04 Juin 2010 21:41:42

    Evertkhorus

    "Scène" de crime

    La pièce était très sombre et l’on distinguait à peine la forme des meubles. La lune rousse éclairait le pourtour de la fenêtre. Au sol, quelque chose remuait. Une jeune fille en fait, une jeune fille à genoux. Elle balançait son corps d’avant en arrière, le regard dans le vide. Le mouvement de balancier en devenait presque hypnotique. Et puis le mouvement ralentit peu à peu, pour finalement cesser. Elle regardait maintenant ses mains tremblantes, paumes tournées vers le plafond, ses mains rouges, ses mains couvertes de sang. Elle ne semblait pourtant pas comprendre ce que cela signifiait. Elle ne bougeait toujours pas, ahurie, comme fascinée par ses mains et les stries que le sang avait laissées sur ses paumes. Il faisait d’étranges dessins, suivant parfois le contour de la ligne de vie, prenant aussi la forme d’un nuage. Était-ce ces formes étranges qui la fascinaient ? Ou la couleur rouge ? Un rouge pur, éclatant, plein de vie...
    Les minutes passaient, dans le silence et l’obscurité la plus totale, l’ennui aurait pu commencer à nous gagner. Mais quelque chose se produisit soudain en elle, un déclic. Elle regarda partout autour d’elle, affolée. D’où venait ce sang ? semblaient dire son regard et ses gestes. Et puis un éclair de compréhension passa dans ses yeux. Elle avait aperçu quelque chose ou s’était souvenu. Elle hurla. Elle hurla et hurla encore, sans s’arrêter d’une voix désespérée et apeurée. Ce cri strident semblait ne jamais s’arrêter. Et puis, le cri fut entrecoupé de violents sanglots. La jeune femme s’approcha de ce qu’elle avait vu à quelques mètres d’elle, buta et se pencha sur un corps. Le corps inerte de son frère. Elle le toucha, comme pour tester sa réalité, puis chercha son pouls. Elle semblait mettre un point d’honneur à trouver ce fameux pouls… et n’y arrivait pas. Elle se jeta en travers de la poitrine de l’homme, comme on le voit si souvent faire par les veuves éplorées. Elle pleurait, pleurait toutes les larmes de son corps. Une scène vraiment tragique, on avait envie de pleurer.
    Mais que c’était-t-il passé ? La jeune femme ne semblait même pas y penser, toute absorbée qu’elle était dans ses lamentations. Elle se mit à secouer le corps, tout en pleurant encore, espérant sans doute le réveiller. N’y parvenant pas elle s’assit près de lui, le contemplant sans comprendre. Elle avait beau réfléchir, essayer de se souvenir des heures précédentes, rien. Il y avait comme un vide dans son cerveau, elle ne se souvenait de rien. Son frère et elle avaient-ils été cambriolés ? Quelqu’un était-il là quelques minutes ou même quelques heures auparavant ? S’étaient-ils disputés ? Elle pleurait encore, tentait de réfléchir, son regard passant du corps à ses mains pleines de sang. Et puis elle vit à côté du cadavre un couteau briller. Elle s’en saisit. Sans surprise la lame était tachée de sang. L’arme du crime donc, mais où était le tueur ?
    Et puis une sirène retentit au lointain, des portes claquèrent tout près, vite suivies par un cri… « Police, ouvrez ! ». La jeune femme cessa de sangloter bruyamment, des larmes coulant toujours sur ses joues. Elle s’agrippa au cadavre, le couteau dans la main et ne bougea plus. La porte d’entrée fut enfoncée, des lampes torches se déplaçaient dans la pièce obscure et des policiers en uniforme apparurent dans le champ. Pour eux, pas de doute, ils savaient ce qui c’était passé. « Vous êtes en était d’arrestation… » dirent-ils, poursuivant avec le blabla usuel. Ils se jetèrent sur la femme, la brutalisant un peu… Après tout, vous me direz, on prend du plaisir dans son métier là où on peut. Relevée et menottée, la femme se taisait, fixant toujours le corps qui avait été son frère. Elle ne comprenait pas. Était-ce elle qui avait fait cela?
    « Coupez ! Coupez !  C’était excellent. Charlotte on s’y serait cru, parfait. 5 minutes de pause ! ».
    Un sourire béat apparut sur mon visage. Ah la satisfaction du réalisateur quand sa belle starlette est aussi une grande actrice ! Ah la satisfaction quand il réussit à mettre en place une scène aussi intense !!! J’allais être un réalisateur de polar brillant, j’en étais certain, cette scène de crime n’en était que les débuts prometteurs…

  • Mallou

    Mécène des éditeurs

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    #3 04 Juin 2010 21:43:21

    Mr Zombi

    Assassinat à la Bibliothèque




    Il est 23h et l’agent Johnsy était au volant de sa voiture de patrouille. Son service aurait normalement du prendre fin il y a une bonne dizaine de minutes. Manque de chance pour lui, il se trouvait être l’agent le plus proche du lieu du crime, la bibliothèque de Roxton. D’après les informations envoyées par le central de l’AFB (l’Agence Fédérale des Bibliothèques), un meurtre horrible avait eu lieu là bas.

    La bibliothécaire en chef, Mme Mayer avait aussitôt appelé la police. Une fois sur place les policiers avaient bouclé le périmètre, afin d’empêcher les suspects de s’enfuir, mais voyant que cette affaire n’était pas de leur ressort, ils avaient demandé du renfort à l’AFB.

    Quelques minutes plus tard l’agent Johnsy, se gara comme il put. En effet le parking de la petite bibliothèque était encombré de voitures. De nombreux policiers en uniforme patrouillaient dans le secteur et gardaient tous les points d’accès à la bibliothèque.

    Frank interpella l’un des policiers et lui demanda de le conduire jusqu’à la victime.

    -Je préfère vous prévenir, c’est vraiment pas beau à voir, une véritable boucherie, dit le policier visiblement encore sous le choc.
    -J’en ai vu d’autres et je pense que je survivrai, contrairement au macchabé.
    -Si vous le dites… Voilà c’est là bas, au milieu de la travée. Si ça vous embête pas je préfère vous attendre ici. J’ai pas envie de revoir ça…
    -D’accord lopette !!


    L’agent Johnsy franchit les quelques mètres qui le séparaient du corps, en voyant la scène de crime, il perdit de sa superbe et eut un haut le coeur. Au prix d’un terrible effort il parvint à garder « son dîner » (un sandwich crudités poulet),  dans son estomac, il était hors de question que ce petit flicaillon le voit en position de faiblesse.

    Malgré ses vantardises, comment rester de marbre devant un spectacle aussi horrible, la victime gisait au milieu de l’allée. Sa couverture avait été complètement arrachée et piétinée,  ses pages étaient toutes déchirées et éparpillées au milieu des rayonnages. Le seul roman de Mark Lévis avait du énormément souffrir, avant de rendre son dernier souffle.

    En assemblant plusieurs morceaux des pages arrachées, l’agent s’aperçut que cet exemplaire avait été dédicacé par l’auteur quelques jours avant.

    « Un grand merci à l’équipe de la bibliothèque pour leur accueil très chaleureux. Je reviendrai avec plaisir. Mark Lévis »


    L’inspecteur ne put s’empêcher de rire en pensant que Mark Lévis ne reviendrait sûrement pas ici, après le traitement infligé à son oeuvre. Une fois l’examen du corps terminé, l’inspecteur se rendit dans la pièce où avaient été rassemblé les suspects. Avant d’entrer il reçut un appel de sa hiérarchie, l’auteur  les avait contactés et leur avait rapporté des faits troublants. Johnsy devait arriver à faire craquer le coupable, il avait carte blanche pour ça.
    En entrant l’agent renvoya 7 des suspects,ils étaient libres. Après leur départ, il ne restait plus que la bibliothécaire en chef, grande fan de Mark Lévis. Sa collègue amatrice de classiques, Mlle Borlak, pour qui Mark Lévis ne valait pas plus qu’un pet de lapin sur une toile cirée et enfin l’usager qui avait trouvé le corps, Mr Robertson.

    -Bien bien bien, maintenant que ces innocents sont partis…
    -Vous n’insinuez quand même pas que j’ai quelque chose à voir avec ça, s’insurgea la chef. Je me suis battue pour faire venir Mark Lévis chez nous !!
    -Bien sur que vous n’êtes pas soupçonnée Mme Mayer, mais en tant que responsable vous vous devez d’être présente lors de l’interrogatoire.
    -Je n’y suis pour rien !!! s’exclama Mlle Borlak
    -J’ai rien fait non plus, c’est moi qui ait trouvé le corps et je peux vous dire que c’était horrible. Je ne remettrai plus jamais les pieds ici ajouta Robertson d’une voix blanche.
    -Pour un peu je croirai presque à votre numéro tous les deux, mais je sais que l’un de vous ment. Et mon boulot c’est de vous faire parler…

    Frank sortit son arme de service, un Glock 9mm, et mit en joue Mlle Borlak et Mr Robertson.

    -Pour tout vous dire, je me fous de qui a fait ça, moi ce que j’aime c’est de pouvoir tirer sur les gens !! D’ailleurs celui ou celle qui a fait ça, ne mérite pas mieux qu’une balle dans le buffet. Désolé Mlle Borlak, mais tout vous désigne comme la coupable !!

    En dépit de ses protestations, l’agent tira et Mlle Borlak s’effondra dans une mare de sang. Robertson éclata en sanglot, Mme Mayer quand à elle devint hystérique et hurla :

    -Espèce de salaud !!! Vous venez de tuer une innocente !!! Elle n’y était pour rien… elle s’aperçut de ce qu’elle venait de dire et blémit
    -Mme Mayer, vous êtes en état d’arrestation !! Merci d’avoir confirmé mes soupçons. En vertu de l’article 225B, du code du livre, je vous arrête pour le meurtre du roman de Mark Lévis. Vous serez condamné à perpétuité pour cet acte odieux !

    Il passa les menottes à la prévenue, et fit une injection à Mlle Borlak, cette dernière se releva en titubant.

    -C’est impossible, vous l’aviez tuée…
    -Oh ça, une simple mise en scène pour vous faire avouer !! C’était juste une balle tranquillisante additionnée à du liquide couleur sang. Tous les symptômes de la mort, les inconvénients en moins. Mon gadget préféré ! Vous n’avez pas supporté que Mark Lévis repousse vos avances, vous ne pouviez plus voir son roman, qui vous rappelait à chaque fois, votre humiliation, raison pour laquelle vous l’avez détruit. Vous allez passer le reste de votre vie en prison pour ça. Un châtiment encore trop doux pour une ordure telle que vous, les livres ça se respecte !!!

    Les méthodes de Johnsy étaient certes discutables, mais il obtenait toujours d’assez bons résultats. Il emmena Mme Mayer jusqu’aux locaux de l’AFB, où celle-ci fut enfermée à vie, avec pour seule compagnie, les romans de Mark Lévis…

  • Mallou

    Mécène des éditeurs

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    #4 04 Juin 2010 21:44:58

    AnaisValente

    "Parce que c’est lui, parce que c’est elle"

    Il attend.  Il attend depuis plusieurs heures déjà, mais il n’est pas pressé.  Il préfère ne prendre aucun risque.  Il aurait pu se rendre dans un endroit plus fréquenté, dans un parc, par exemple, et parvenir bien plus rapidement à ses fins, mais à quoi bon s’exposer aux regards inquisiteurs.  Il attend.  Il prendra le temps qu’il faudra, quoi qu’il advienne.

    Les minutes passent.  Les heures passent.  Puis elle arrive.  Il ne l’a pas sélectionnée parmi d’autres.  C’est sa faute.  A elle.  Elle a choisi ce moment pour passer devant lui.  Le bon moment, pour lui.  Le mauvais moment, pour elle.  L’espace d’une seconde, par un concours de circonstances que seul le destin peut expliquer, elle va passer devant lui, au moment précis où il va mettre son plan à exécution.

    Parce que c’est lui, parce que c’est elle.

    Le hasard.  Le destin.  La volonté de Dieu.  Ou du Diable.  Qu’importe.  Ce sera elle, parce qu’il l’a décidé ainsi.  Et parce qu’elle est passée à l’instant fatidique.

    Il la trouve mignonne.   Tant mieux.  Ce n’est pas nécessaire, pas même utile, mais il en éprouve une joie supplémentaire.  Elle semble jeune encore.  Un certain dynamisme ressort de sa façon de se mouvoir.  Tout est clair en elle, même le regard.  Surtout le regard.  Sa démarche féline ajoute un charme supplémentaire.  Elle fera parfaitement l’affaire.

    Il sent l’excitation grandir en lui.  Sans doute n’a-t-il jamais connu un tel sentiment de plénitude.  Un tel engouement.  Cette sensation qu’il va enfin faire ce pour quoi il est né.  Créer son propre bonheur.  Le façonner.  Le sculpter.

    C’est l’instant T, la minute M.  Elle passe enfin à sa portée.

    En une fraction de seconde, il l’attrape, la happe, la ligote et l’installe à l’arrière de son véhicule.  Elle a déjà compris.  Elle hurle et se débat.  Elle crie et griffe.  Elle tente même de mordre.  En vain.  Il a tout prévu.  Elle ne pourra s’échapper.  Elle ne pourra pas échapper à son destin.  Elle est perdue.  Résignée, elle se roule en boule, se fait toute petite.  Espérant qu’il l’oublie, peut-être.  Ou qu’il change d’avis.  Un espoir superflu.

    A peine rentré, il met immédiatement un terme à son existence.  Il a un dessein précis.  La faire souffrir est inutile.  Lui faire peur est inutile.  Il n’est pas de ce genre-là.  Autant en finir.  C’est rapide.  C’est net.  C’est radical.  Les cris, qui avaient repris de plus belle, cessent enfin.  A tout jamais.  Elle n’est plus qu’un amas de chairs encore tièdes.  Elle semble presqu’endormie, si ce n’est cette lueur de terreur qui habite encore ses doux yeux restés ouverts.

    Il met ensuite son grand tablier et prend son couteau.  Il l’a aiguisé hier déjà.  Il la découpe scrupuleusement, jette l’inutile dans un sac poubelle.  Garde les plus beaux morceaux.  Son excitation est à son comble.  Mais elle ne trouble pas sa concentration.

    Il dépose les morceaux dans une poêle grésillant déjà d’huile d’olive.  Ajoute quelques épices.  Sel.  Poivre.  Les morceaux mettent du temps à cuire.  Il est un tantinet exaspéré.  Il s’impatiente.  L’heure passe et il doit en finir avant ce soir.

    Une fois la préparation bien dorée, dans un plat Pyrex, il entasse précautionneusement des couches régulières : pâte, béchamel confectionnée la veille, préparation de viande, pâte, béchamel, viande, et ainsi de suite.  Enfin, il saupoudre le tout d’emmenthal râpé et dépose le plat dans son four préchauffé à 220 degrés.

    Quarante-trois minutes plus tard, sa lasagne est dorée à souhait.  Son parfum embaume la pièce.  Il s’en emplit les narines, pour que ce moment reste à jamais gravé dans sa mémoire.

    Il dépose la lasagne sur son plan de travail.  Il la laisse refroidir suffisamment.

    L’enveloppe est déjà prête.  Une grosse enveloppe matelassée.  L’adresse est écrite en lettres capitales.  Plusieurs timbres, encore en francs belges, ont été collés harmonieusement au-dessus du paquet.  Il y a ajouté un autocollant « prior », histoire d’accélérer l’envoi.  Il faut qu’il arrive demain, impérativement.  Demain.

    Il enfourne sa préparation refroidie dans l’enveloppe, bien emballée et rendue étanche par plusieurs couches de film plastique.

    Il met ensuite son manteau et se dirige vers la Poste.  La grande boîte rouge l’attend, gueule béante.  Dernière levée à 19h.  Il est 18h.  Parfait.   Tout est parfait.  Rien n’a jamais été aussi parfait.  « Elle recevra le colis dès demain, jeudi », songe-t-il, réjoui.

    Il glisse son pli dans le trou postal.   L’espace d’un bref instant, un passant curieux jette un coup d’œil sur l’enveloppe blanche, et lit l’adresse.  Qu’il oublie instantanément.

    Dès demain, son cadeau parviendra à sa destinataire.  Il est heureux.  Il n’a sans doute jamais été aussi heureux.  Il sait qu’elle aime les lasagnes.  Il sait qu’elle va aimer cette lasagne, qu’il lui a confectionnée avec tant d’amour.

    Il le sait depuis qu’il l’observe, jour après jour, depuis la grande fenêtre de son appartement, évoluer dans son minuscule studio joliment meublé.  Il sait ce qu’elle fait, ce qu’elle aime, ce qu’elle lit, ce qu’elle regarde à la télévision.  Il sait aussi à quelle heure elle se lève, à quelle heure elle se couche.  Il sait qu’elle coordonne toujours ses sous-vêtements.  Il sait qu’elle arrose son orchidée chaque samedi.  Il sait surtout qu’elle aime les lasagnes et qu’elle en mange chaque jeudi.  Systématiquement.  Jeudi, c’est jour de lasagnes.  Il sait tant de choses sur elle qu’il s’est persuadé de partager son existence.  Et il s’est convaincu, dans son esprit perturbé, que si elle aime sa lasagne, elle l’aimera, lui.   

    Il ne lui reste qu’à attendre demain.  Demain, c’est jeudi.  Elle recevra la lasagne, ainsi que son numéro de téléphone, qu’il a glissé dans son colis.  Et elle le contactera.  Il la verra l’appeler, de sa fenêtre.  Et elle l’aimera, car elle aimera sa lasagne.  Et enfin, ils seront deux.  Ensemble pour toujours.  Parce que c’est lui, parce que c’est elle.

    Il rentre chez lui d’un pas léger et sautillant.  Il chantonne, même.  Il virevolte sur le trottoir, songeant à la journée de demain, qui va changer sa vie. Toute sa vie.

    Puis, un bref instant, il s’interrompt, songeur.  Il réfléchit quelques secondes, puis conclut, d’une moue légèrement boudeuse « pour ma prochaine lasagne, j’attraperai un rat…  Une chatte c’est bien trop long à cuire ».

    Il reprend ensuite son chemin, et rentre chez lui.

    Attendre demain.

  • Mallou

    Mécène des éditeurs

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    #5 04 Juin 2010 21:45:27

    Alice

    Qui a volé l'oeil du maire ?

    Il s'était souvent plaint de la monotonie de son métier. S'il avait voulu entrer dans la police, ça n'était pas pour passer son temps à gueuler sur les gosses du quartier quand ils cassaient des vitres. Ni pour maîtriser les habitués du bar de la place lorsqu'ils se jetaient des glaçons à la tête, beuglant que l'autre avait triché en planquant des as dans sa manche pendant une partie de dames.
    Il avait imaginé, quand il avait choisi sa voie, des courses-poursuites délirantes et des immeubles piégés d'où il sortirait victorieux, peut-être un bras en moins, l'autre accroché autour de la taille d'une Kim Bassinger dont il avait héroïquement sauvé la vie juste à temps pour admirer le coucher de soleil.
    Au bout de quelques années, il avait compris sa lourde erreur et maudit le métier en même temps que tous les feuilletons qui l'avaient entraîné sur ce chemin. Mais il avait continué, néanmoins, priant le Ciel de lui trouver une affaire hors-du-commun.
    - Par "hors-du-commun", je ne voulais pas dire ça", grogna-t-il à personne en particulier. Personne ne l'entendit d'ailleurs.

    Lorsque la secrétaire de la mairie avait appelé au poste ce matin-là, il avait cru qu'il tenait l'Affaire avec un grand A. La jeune femme avait refusé d'en dire plus au téléphone mais ce qui l'avait fait espérer, c'était d'entendre la voix hystérique du maire derrière elle. Qu'un homme habituellement si calme perde son sang-froid, c'était sacrément bon signe.
    Un meurtre, bon Dieu, un meurtre, ou au moins une mutilation ou deux, avait-il supplié dans la voiture qui fonçait toutes sirènes allumées à travers le brouillard matinal. Mais il n'y avait pas de corps. Pas de sang. Pas de bombe, de mine, d'avion terroriste. Le maire, qui avait retrouvé son calme à leur arrivée mais qui parlait d'une voix d'outre-tombe, leur avait tout expliqué en une phrase avant de se murer dans le silence.
    - On m'a volé mon oeil.
    On lui a volé son oeil, avait-il répété. Intérieurement, parce que s'il avait ouvert la bouche, il se serait sans doute mis à pleurer. Allons bon. Quel oeil ? Celui qu'il ne voyait pas, évidemment. Celui de droite était bien visible, tout rond sous le coup de l'émotion, entouré de deux rangées de cils qu'il avait toujours trouvés trop touffus pour un homme. Un oeil en forme de soleil. Quant au gauche, il était toujours caché par une mèche de cheveux hirsutes et décolorés. Ca lui revenait maintenant, cette vieille rumeur. Le maire avait un oeil de verre. A force de ne jamais le voir, il avait fini par l'oublier.
    - Dites patron ? l'interpella Stagiaire - ce n'était pas un stagiaire en fait, mais ce gamin était si inexpérimenté qu'on lui avait trouvé ce surnom sans même y réfléchir -, je mets quoi dans la case "mode opératoire" ?
    *
    Comme le chef, pour toute réponse, ne lui lançait qu'un regard exaspéré, Stagiaire reporta son attention sur ses notes.
    Délit : vol
    Arrivée : 9h30
    Effraction : non
    Signes particuliers : trouvé un rat mort dans le jardin.
    Mode opératoire : ?

    Puis il parcourut à nouveau la pièce des yeux. C'était le bureau du maire, un endroit étrangement sécurisé pour une administration perdue dans un village perdu. Alarme, porte en chêne massif et plus de verrous aux portes et aux fenêtres qu'on ne pouvait en compter. On ne laissait même pas la femme de ménage entrer. A force, une couche de poussière s'était accumulée sur le sol, un tapis gris qui se soulevait en volutes à chacun de ses pas. C'est en regardant ce sol qu'il remarqua quelque chose d'étrange. Depuis le bureau au centre de la pièce, jusqu'à la fenêtre qui donnait sur le jardin, un fossé fin et régulier était imprimé dans la poussière, comme si l'on avait traîné ou fait rouler quelque chose. En s'en approchant, il put observer des traces de pas qui n'appartenaient à aucun d'entre eux. Il le suivit des yeux jusqu'à la fenêtre où elles disparaissaient comme si ce qui s'était déplacé là n'avait eu aucune difficulté à traverser le mur. Puis il pensa à ce qu'il avait trouvé dans le jardin.
    *
    Au milieu de son désespoir, il cru entendre la voix de Stagiaire. Mais peut-être avait-il rêvé. Peut-être bien qu'il devenait dingue. Sûrement, même. La preuve, il voyait la lune dans le ciel matinal. La lune n'avait rien à faire là en pleine matinée. Ni même à cette période du mois d'ailleurs. C'était la nouvelle lune, la veille. Sa femme, faute d'être passionnée de mode et de bas résilles, était passionnée d'astronomie. Il entendait plus souvent parler du mouvement des planètes que de ses gosses. Qu'est-ce qu'une pleine lune fichait là ? Pour un peu, il lui aurait parlé. Ma vie est assez passionnante pour que tu décides d'inverser ton mouvement pour venir me voir ? Va donc, sale astre !
    Au moment où cette pensée lui traversa l'esprit, l'oeil de la lune cligna des paupières et disparut. Il resta un instant hébété, se demandant vraiment s'il devenait dingue, puis il se rendit compte que quelqu'un le secouait par l'épaule. Il se retourna et croisa le regard bovin de Stagiaire.
    - Patron, patron ! Je crois que c'est un rat qui a fait le coup !

  • Mr. Zombi

    Amant des romans

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    #6 05 Juin 2010 09:13:45

    Je comprends mieux que vous ayez eu du mal à choisir qui publier, toutes les autres histoires sont super intéressantes et dans des styles différents. J'espère que je pourrais à nouveau lire d'autres textes d'Evertkhorus, AnaisValente, Alice et de Miss Spooky également =D

    Merci les filles pour ces bons moments de lecture et à la Team pour les avoir publiés :ok:
  • Miss Spooky Muffin

    Mange-mots

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    #7 05 Juin 2010 10:36:01

    Bravo à tous pour les textes, ils sont tous super et j'adore la touche d'originalité que chacun a ajoutée.
    Merci également pour ce bon moment de lecture =)
  • Méloë

    Gastronome littéraire

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    #8 05 Juin 2010 10:37:19

    Bravo pour vos textes. On a vraiment des gens talentueux sur ce forum ! :clapi:
  • anns02

    Apprenti Lecteur

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    #9 10 Juin 2010 11:16:50

    oui, c'est dommage que le mag ne fasse pas quelques petites pages de plus, ces textes sont très bien aussi!
  • baba

    Admin développeur

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    #10 10 Juin 2010 16:16:33

    Mon 2ème préféré, c'était celui de Mr. Zombi :clapi: