Arkhos

Il faisait froid, Maxime était assis tranquillement sur un vieux fauteuil devant la cheminée. Il était plongé dans l'une de ses nombreuses lectures et rien au monde n'aurait pu lui faire lever les yeux de son bouquin. Il lisait principalement de la fantasy, aimant les histoires de dragons et autres créatures majestueuses. Il était donc concentré sur son livre, le crépitement du feu le rappelant sur les collines verdoyantes, au camp d'Arkhos.

Le feu faiblit légèrement. Max remit quelques bûches et du journal dans le foyer de la cheminée et tout s'embrasa de plus belle. Il retourna dans son fauteuil, reprit sa lecture. Une heure passa...puis deux, Max décida qu'il était temps d'en finir avec son histoire et d'aller se coucher car une rude journée l'attendait demain. Il monta donc à l'étage, se brossa les dents puis alla se blottir sous sa couverture.

Dehors la grêle cognait violemment contre les vitres, le ramenant aux confins des terres mortes où orcs et elfs se faisaient la guerre au son des tams-tams. Il s'en laissa bercer puis finit par s'endormir. La nuit était calme. Seul le couinement des rats à peine audible venait perturber le doux silence qui reignait sur le village.

Soudain un éclair déchira le ciel, le vent souffla comme il n'avait jamais soufflé. Il se fit de plus en plus violent et la fenêtre s'ouvrit dans un énorme fracas. Max fut réveillé, non pas par la vitre qui venait de voler en éclats par la force monstre du vent mais par un hurlement strident qui manqua de lui crever les tympans. Il se leva puis rapidement se dirigea vers la fenêtre en faisant bien attention au verre à ses pieds. Il scruta le ciel, l'horizon...rien. Peut-être avait-il rêvé. Il retourna à son lit quand un autre cri se fit entendre. Il courut à la fenêtre, oubliant les morceaux de vitre et s'écorchant dessus.

Il était tellement concentré sur le bruit qui venait de résonner dehors qu'il ne prêta pas attention à la douleur que ses pieds devaient ressentir. Il observait le ciel, attendant. Un autre éclair éclata et Max, dans la lueur de celui-ci, put distinguer une forme, volant dans le firmament. Il tomba à la renverse, bouche bée. Il ne pouvait en croire ses yeux, yeux qui étaient toujours rivés au ciel, ne quittant pas la chose. Max la connaissait très bien cette chose pour l'avoir vu dans de nombreux ouvrages. Il s'agissait ni plus ni moins d'un griffon.

"Mais les griffons n'existent que dans les contes, se demanda Max, perplexe."

Pourtant, c'était bel et bien un griffon; il ne pouvait pas se tromper là-dessus. Il prit son portable et immortalisa la bête en un cliché. La photo était légèrement floue mais on pouvait quand même distinguer la créature. Max était à la fois excité et effrayé par cette étrange découverte. Il se demanda si d'autres avaient vu comme lui l'animal ou si tout simplement il n'était pas en train de rêver. Il jeta un coup d'oeil à l'écran de son portable. Non. Aucun doute, ce n'est pas un rêve.

Il descendit quatre à quatre les escaliers, prit un manteau bien chaud puis sortit dehors. Il suivit la créature quand cette dernière commença à fondre vers le sol pour disparaître derrière le bois qui se trouvait à quelques centaines de mètres de là. Max s'y dirigea et entra dans la forêt, l'oreille alerte à tout bruit suspect. Il avança entre les arbres et arriva au niveau de la clairière. Le griffon était là, s'abreuvant dans l'étang. Max tenta une approche mais il marcha sur une branche qui craqua sous son poids. Le craquement attira l'attention de la bête et celle-ci lui faisait maintenant face.

Max se tint alors immobile, ne quittant pas l'animal des yeux. Il ne pouvait s'empêcher de trembler de peur et d'excitation. Soudain, le griffon se mit en mouvement, s'approchant d'un pas mesuré mais déterminé, de l'homme. Il se trouvait maintenant à quelques centimètres de Max. L'homme risqua une approche, tendit la main, lentement, en direction de la bête. Celle-ci recula puis s'avança de nouveau, renifla la main tendue. Ne flairant aucun danger apparent, elle se laissa caresser puis s'inclina comme pour laisser monter Max sur son dos. Ce dernier s'agrippa fortement aux plumes de l'animal qui poussa un léger hurlement. Puis ils s'envolèrent tout les deux, au-dessus de la tempête. Max s'accrochait fermement à la bête afin de ne pas tomber ou d'être emporté par les caprices du vent.

Ils volèrent ainsi pendant très longtemps, tellement longtemps que l'on n'aurait su dire quel jour on était. Le griffon fondit en piquet vers la terre et atterit dans une sorte d'immense vallée verdoyante que Max ne connaissait absolument pas. Il regarda aux alentours et aperçut au loin une lueur. Il se dirigea donc vers celle-ci, accompagné toujours du griffon. La lumière paraissait si proche et pourtant si loin et Max se demandait s'il finirait un jour par l'atteindre.

Au bout de quelques heures, il put enfin apercevoir d'où provenait cette lueur. C'était un phare éclairant une cité gigantesque dont on ne pouvait en voir le bout. Max en fut bouche bée. Il reconnaissait cette endroit. Non pas qu'il eut déjà été allé mais pour l'avoir vu dans un livre.

Il reconnut la légendaire cité d'Arkhos et son architecture à la grecque. Il ne pouvait en croire ses yeux; il se trouvait dans sa propre histoire, l'histoire même qu'il était en train de lire cette nuit-là. Il entra dans la ville puis soudain un étrange malaise se saisit de lui. Il se rappela. Oui, il se souvint de ce qui était arrivé à Arkhos, pris en siège par les orcs et les trolls. En y regardant de plus près, il s'aperçut que nombres des bâtiments et monuments étaient en ruines. Le griffon eut un mouvement de recul et ses plumes commençèrent à s'hérisser sur son dos.

Un craquement suivi d'un grognement se fit entendre et le griffon apeuré s'envola aussi loin qu'il le put, laissant le pauvre Max, seul, à la merci de l'on ne sait quel monstre.

La terre se mit soudain à trembler et les secousses manquèrent de faire tomber Max à plusieurs reprises. Elles se faisaient de plus en plus fortes et il se demandait quel genre de créature pouvait faire trembler la terre comme ça. Puis comme pour répondre à sa question, il vit le brasier...le brasier de l'enfer car loin devant lui, se dressait un immense balrog. Les yeux de l'énorme créature fixèrent un instant l'homme qui ne pouvait s'empêcher de trembler d'effroi puis le monstre poussa un hurlement rauque qui faillit lui crever les tympans.

Il s'approcha dangereusement du pauvre Max qui commençait à succomber sous l'effet de la pesante chaleur. Il fut rapidement encerclé par les flammes et hurla de douleur. Il tomba dans les pommes.

Les heures passèrent et Max se réveilla enfin. Il regarda autour de lui et s'aperçut avec grande stupeur qu'il n'était plus à Arkhos mais chez lui, dans sa chambre. Il se redressa et s'assit sur le bord de son lit quand une odeur de brûlé lui parvint aux narines. Elle venait de dehors de la chambre. Max se précipita au rez-de-chaussée.

Le salon était envahi par les flammes et Max se dirigea vers l'extincteur pour vaincre le feu. Il appela les pompiers quand même pour signaler le sinistre, fut interrogé sur la nature de l'incendie. Il se rappela le balrog puis hocha des épaules comme pour dire qu'il l'ignorait. Les pompiers après avoir constaté et rapporté les dégâts, retournèrent à leur poste.

Max décida malgré la situation de retourner dans son lit, vaincu par la fatigue.

Et au dehors, sous le clair de lune, volait une créature...un griffon.

J'adore cette histoire ! :heart: