#44 11 Juin 2015 22:38:22
HHhH est fini. Je reviens donc étayer mon propos.
Une qualité d'écriture qui permet de filer dans les pages sans s'en rendre compte. Plus on avance, plus on sent que l'empressement, la tension de l'auteur est contagieuse. On le suit dans ses réflexions littéraires, dans la lutte avec ses scrupules. On en apprend encore et toujours plus. On se rend compte des digressions, l'auteur aussi en est conscient. Il sent que la présence de certaines personnes s'alourdit s'il n'en parle pas, l'obsède. Il a l'impression qu'une foule de fantôme se réveille et veut faire parler de lui si bien que l'on sent son désarroi de ne pas rendre hommage à chaque acteur. Laurent Binet apparaît comme passionné, généreux et emballé. D'où ces manques de recul que j'avais noté. Il y a mis de ses tripes dans ce livre. Et il le rend vivant son document. Bien au-delà de ce que j'imaginais.
Je l'ai déjà écrit sur LA mais j'ai ADORE ce livre. "Je suis plutôt passionnée/intriguée par cette époque qu'est la Seconde Guerre Mondiale, et avec ce livre, j'en ai appris énormément. Sur la résistance Tchécoslovaque, sur Heydrich aussi que je n'avais jamais trop eu l'occasion de repérer dans les films alors qu'il a été l'Instigateur de la Solution Finale, de beaucoup de sordides choses, d'horreurs. Que sa mort a engendré le massacre de Lidice, que ce sont les retombées médiatiques de cette extermination qui a fait basculer l'opinion publique, et a fait se positionner bon nombre de pays. Si avant ils fermaient les yeux, là, ils ont arrêté. Et lire tout ça, c'est effroyable mais intéressant par les détails sur les mécanismes politiques, psychologiques.
Laurent Binet livre un deuxième combat : Il veut écrire un récit le plus fidèle possible à l'Histoire et si au début, il se sent fort de ça et peut se demander comment d'autres écrits ne sont pas assez fidèles, ou en inventent pour combler. Il cède parfois, se reprend quelques paragraphes plus tard. En fait, il faudrait presque voir ce livre comme le journal de bord d'un écrivain qui veut raconter l'Histoire et est confronté à ses propres démons. Il n'a pas supprimé des gens parce que cela lui amenait du travail en plus, il n'a pas renommé des gens pour plus de facilité. J'avoue m'être parfois perdue entre les "Moravec"... Mais en tenant bon, un petit peu plus longtemps, les Humains prennent leur place.
Et si l'émotion semblait absente dans le début, la fin en est sacrément touchante avec ses mots humbles, simples. Je dis "semblait" parce qu'on dirait qu'il amasse des informations historiques, mais regardez-bien, il s'agace, se met en colère, déplore certaines choses. Ce qui a un moment m'a moi-même agacé parce qu'un de ses jugements était hâtif et trop facile a posteriori. Mais avec le recul, je me rends surtout compte que ce livre, Laurent Binet l'a écrit avec ses tripes. Il l'a vécu au plus profond. Si bien qu'il parle aux personnes qui habitent son écrit, à ces hommes qui s'en sont voulu d'avoir tué Heydrich après le massacre de Lidice et si bien qu'il écrit son désir, paragraphe 240. "J'écris peut-être ce livre pour leur faire comprendre qu'ils se trompent.""
Je ne peux que conseiller aux personnes qui apprécient de lire sur la Seconde Guerre Mondiale...