Saphir James

 
    • Nickol-Kim

      Livraddictien débutant

      Hors ligne

      #1 09 Mai 2017 08:09:01

      Saphir James est un roman jeunesse que j'ai commencé pour le nano 2013 !
      Aujourd'hui, l'histoire est terminée, réécrite, j'en suis à l'étape de la relecture et ce n'est pas simple, d'autant que je ne suis pas un champion niveau orthographe / placement de ponctuation et concordance de temps !
      Je vous poste ici le chapitre  1... que je n'arrête pas de modifier et re modifier en ce moment, sans vraiment être satisfait de la fluidité de lecture.
      N'hésitez pas à me signaler les fautes restantes, si le cœur vous en dit. 
      Bonne lecture ^^

      ( désolé pour la mise en page , je n'ai pas réussi à garder celle de mon document )


      Saphir James

      Chapitre 1
      Les nomades



         Dans la chambre de quelques mètres carrés, au fond à gauche du camping-car, Saphir James venait juste de se réveiller. Il se redressa sur un coude, et un filet de lumière vint éblouir ses yeux verts. Un sourire s’étendit sur son visage, le soleil s’était enfin levé sur la meilleure journée de l’année : celle de son anniversaire. Le douzième !
      Il s’étira de tout son long, s’assit, gratta sa tignasse rousse ondulée, bailla, puis enfila ses chaussons dinosaure avant de se lever.
      Il n’avait pas fait un pas hors de son lit, que le moteur du camping-car se mit en marche.
      Saphir fronça les sourcils. Bizarre… Très bizarre même. Le réveil n'indiquait pourtant que sept heures du matin, et son père préférait de beaucoup la conduite nocturne. D’autant que cela ne faisait que trois jours qu’ils étaient arrivés en ville. Où comptait-il se rendre ? Quelque chose ne tournait pas rond…
      Au moment d’abaisser sa poignée de porte, l’adolescent pensa que peut-être cette année, son père voulait lui faire une surprise d'anniversaire ?
      D’un pas rapide, il traversa le véhicule pour gagner l’habitacle conducteur. En plus de son père, il y trouva son chat qui, endormi sur le siège passager, lui chauffait la place.
      — Allez grosse bête ! oust ! lança-t-il gentiment.
      De mauvaise grâce, l’animal céda le fauteuil à son maître. En revanche, à la seconde où le garçon fut installé, il grimpa s'installer sur ses genoux.
      Sur l’autre siège, adsorbé par sa conduite, monsieur James n’avait pas encore daigné jeter un regard à son fils.
      Cinq minutes passèrent ainsi dans une ambiance tendue, durant lesquelles l’adolescent eut tout le loisir de rayer de son esprit son idée de surprise, son père paraissait bien trop préoccupé.
      — P'pa…, osa-t-il timidement, qu’est-ce qu’il se passe ?
      L 'homme se crispa un peu plus à la question, mais ne répondit pas. Il poursuivit sa route sur quelques kilomètres, puis stoppa l’engin sur une aire de repos.
      — Alors ? insista l’enfant. On s’est faits virer de la ville ?
      La question pouvait paraître incongrue, et pourtant, la mésaventure s’était déjà produite.
      Avec leur style de vie atypique et leurs haltes, en majorité dans de petits villages, Saphir et son père avaient pris l’habitude de se voir qualifiés d’étranges, d’inquiétants, de suspects... Autant de qualificatifs injustes, car ils n’auraient pas pu faire de mal à une mouche, leur seul crime étant d’avoir préféré la route au confort relatif d’une existence sédentaire.
      Et malheureusement pour eux, ils ne demeuraient jamais assez au sein d’une même ville pour être perçus autrement que comme des parasites.
      — Non, on ne s’est pas faits virer, répondit l’homme, crispé.
      — Eh ben alors ? Qu’est-ce qu’il se passe ?
      Les doigts du père pianotèrent quelques secondes sur le volant :
      — Tu… Tu sais que ta mère avait une sœur n’est-ce pas ? se lança-t-il, posant enfin les yeux sur son fils.
      — Ma… Ma mère ?
      Surpris, le roux écarquilla les yeux. Jusque-là, elle avait toujours était une sorte de sujet tabou pour son père, alors s’il décidait de lui-même d’en parler, c’était que quelque chose de grave, sinon d’important, venait de se produire.
      En dehors d’une poignée de photos, Saphir ne possédait rien de sa mère. D'ailleurs, il ne connaissait pas grand-chose d’elle. Plusieurs fois il avait bien tenté d’en parler avec monsieur James, mais sans grand succès. La seule information qu’il réussit à obtenir de lui fut qu’un jour, sa mère les avait abandonnés, comme ça, du jour au lendemain, fin de l’histoire.
      De nature curieuse et loin de se satisfaire de ce semblant de réponse, le garçon, armé de son ordinateur, avait poussé ses recherches jusqu’à découvrir que son père avait grandement synthétisé l’histoire.
      Enora James n’était pas seulement partie de chez elle : elle s’était évaporée. Depuis le jour de sa disparition, plus aucune trace d’elle n’avait été signalée dans le pays, ni physiquement ni administrativement.
      Une enquête très sérieuse fut d’ailleurs ouverte au cours de laquelle monsieur James, bien qu’ayant lui-même déclaré la disparition, se retrouva suspecté d’assassinat. Heureusement, sans preuves, la police dut se résoudre à le laisser tranquille.
      D’autres pistes furent bien sûr envisagées et des recherches lancées, mais sans résultat. Qu’était-il advenu d’Enora James ? La question demeurait sans réponse.
      Dans le quartier résidentiel où la famille vivait à l’époque, les commérages allèrent bon train, et la rumeur selon laquelle Nolan James avait supprimé son épouse circula mieux que toutes les autres. L’atmosphère devint vite insupportable pour le pauvre homme.
      Seul avec son fils en bas âge, soupçonné par tout son voisinage, le jeune père décida de tout plaquer. Il vendit en urgence sa maison, se procura un camping-car, embarqua son garçon et fila.
      Sa décision acheva d’en persuader plus d’un de sa culpabilité. Ils l’accusèrent de fuir le « lieu du crime », ou de se cacher pour ne pas qu’on lui prenne son enfant.
      Saphir, pensant comprendre pourquoi son père gardait ces informations pour lui, ne lui révéla jamais tout ce qu'il avait appris. Après tout, il lui faisait confiance, alors pourquoi prendre le risque de briser leur belle complicité ?
      De plus, ses recherches l’avaient amené à une théorie expliquant la « fuite » en camping-car :
      L’adolescent savait son père obstiné. Depuis près de dix ans maintenant, il sillonnait les recoins du pays… Ce n’était en rien une fuite, non. Il recherchait sa femme !
      Saphir ne pouvait bien sûr pas le jurer, mais cette idée lui plaisait.
      — Et c’est pour ça qu’on… Saphir… Saphir ? Est-ce que tu m’as écouté au moins ? s’indigna le père.
      Trop absorbé par ses souvenirs, l’adolescent, un peu honteux, dût avouer qu’il n’avait pas entendu un traître mot.
      — Fais un effort… Je sais qu’il est tôt, mais j’essaie de te dire quelque chose d’important !
      — Désolé…
      — je te disais que ta mère avait une sœur !
      — Oui ? répondit-il, attendant la suite.
      — Elle a eu une fille il y a quelques années, elle s’appelle Diane et elle a six ans. Il y a peu, elle a été placée en orphelinat. C’est là qu’on se rend aujourd’hui…
      — Pourquoi ? s’exclama le jeune garçon. On ne la connaît pas du tout ! Et ses parents, qu’est-ce qu’il leur est arrivé ?
      De plus en plus tendu, l’homme commença à se mordiller la lèvre. Son stress, contagieux, ne mit qu’une poignée de secondes à parvenir jusqu’à son fils, dont la jambe entama un tremblement qui fit tressauter le malheureux chat sur ses genoux.
      — Ses parents…, reprit-il, hésitant. Quelqu’un les a assassinés…
      — A… assassinés ?! répéta le roux, abasourdi.
      — La petite a échappé au massacre en restant cachée au fond d’une armoire d’après ce que l’on m’a dit. Elle n’a plus prononcé un seul mot depuis.
      Encore choqué, Saphir ne répondit pas. Son esprit commença à imaginer ce qu’il pourrait ressentir si une telle chose lui arrivait, mais il secoua aussitôt la tête, préférant chasser ces images très loin.
      — Je n’ai appris la nouvelle que ce matin, en consultant mes mails. Les responsables de l’orphelinat ont, d’après eux, eu du mal à trouver comment me joindre, poursuivit le père.
      — Mais… pourquoi c’est nous qu’on contacte ?
      — Parce que pour une raison qui m’échappe, la sœur de ta mère m’a désigné comme tuteur de la petite. C’est pour ça qu’on y va, pour tirer cette histoire au clair.
      Saphir, perturbé par l’annonce et ce qu’elle impliquait de bouleversements dans leurs vies, ne répondit pas.
      — S’il s’avère que je suis réellement désigné tuteur, ils vont sans doute enquêter sur moi, pour savoir si je suis en mesure d’accueillir la petite, ce genre de choses. Et à mon avis, rien que le fait de vivre dans un camping-car risque de leur poser problème pour la garde…
      — Pourquoi ? s’exclama le roux.
      Ayant toujours vécu dans ces conditions, le jeune garçon ne voyait pas où se situait le problème.
      — Parce que… C’est comme ça ! Ils pourraient trouver qu’il n’y a pas assez de place par exemple, que ce mode de vie est trop instable, ou un tas de choses du genre, tu comprends ?
      Le roux haussa les épaules. Non seulement il ne comprenait pas, mais il trouvait toujours la chose aussi stupide.
      Monsieur James Soupira et laissa tomber les tentatives d’explications. Dans le fond, lui aussi trouvait cela idiot.
      La situation un peu éclaircie, le camping-car reprit sa route.
      Une bonne heure passa, ponctuée par quelques questions de l’adolescent à propos de cette cousine tombée du ciel, auxquelles l’homme, pas vraiment plus informé que lui, peina à répondre.
      Au bout du compte, agacé par le manque d’informations ainsi que par tout ce trajet au saut du lit, Saphir ne trouva plus rien à dire. Il commença à soupirer. Une fois, puis deux, puis trois…
      — Je sais. La journée n’était pas censée se dérouler comme ça et je comprends que tu en ais marre mon grand, mais ça ne sert à rien de bouder.
      — Qui a dit que je boudais ?
      — Parce que tu ne boudes pas ?
      « Pourquoi je bouderais ? Parce que t’as oublié mon anniversaire ? Parce que tu m’as pas demandé mon avis sur cette histoire ? Parce que ça fait plus d’une heure qu’on roule et que j’ai toujours pas déjeuné ? »
      — Je boude pas, j’ai faim. Et je trouve le temps très long…, répondit-il finalement.
      — Si tu le dis… Enfin si ce n’est que ça, tu seras ravi d’apprendre que nous allons bientôt faire une pause.
      Quelques kilomètres plus tard, comme convenu, monsieur James quitta la route. Il bifurqua sur le parking d’un grand complexe commercial, puis gara son véhicule.
      — Il est encore un peu tôt, c’est vrai, mais je pense que d’ici à ce que tu sois préparé et habillé, on pourra trouver un endroit ouvert où déjeuner. Je vais aller me dérouiller les jambes en attendant !
      Il adressa un sourire à son fils et, après lui avoir gentiment ébouriffé les cheveux, quitta le véhicule.
      Pas rancunier et plutôt pressé de manger, le roux se leva à son tour. Il fila dans sa chambre, rendant ainsi le siège à Grim, ravi.
      Dans son placard, une vingtaine de tenues attendaient. Un peu perplexe, il se gratta la tête. Quels habits pouvaient bien être dignes d’un anniversaire, doublé de l’apparition d’une mystérieuse cousine ?
      La question pouvait sembler futile, mais pour Saphir, c’était très sérieux. Ce qu’il portait devait refléter son état d’esprit. Il s’agissait donc de ne pas se tromper.
      Le look vestimentaire était un sujet capital pour l'adolescent. D'ailleurs, trouver un style  approchant du sien relevait de la mission impossible, et pour cause : il confectionnait lui-même ses vêtements depuis ses neuf ans !
      Cette année-là, suite à un incendie supposé accidentel, une partie du camping-car, comprenant principalement des vêtements,  avait volée en cendres.
      Occupés à se baigner dans un lac sur fond de soleil couchant durant le drame, imaginez leur surprise de devoir stopper un feu à leur retour !
      Une chance pour monsieur James, il avait, au contraire de son fils, une tenue de rechange dans l’habitacle avant.
      Loin de se laisser abattre pour autant, l’enfant, réticent à l'idée de rester en slip de bain le reste de la soirée, fabriqua à l’aide d’une paire de rideau, de ciseaux et de quelques épingles,  sa toute première tenue.
      Ce tragique événement se transforma pour lui en révélation, signant le départ d’une longue série de vêtements, chapeaux et accessoires en tous genres.
      À dix ans, il reçut sa première machine à coudre en cadeau et travailla tant d’heures dessus, qu’à l’aube de ses douze ans, le titre de couturier expérimenté aurait pu lui être décerné sans problème.
      Debout devant sa ribambelle de création le jeune garçon pliait, dépliait, agacé de ne pas trouver LA tenue de circonstance.
      Une quinzaine de minutes plus tard, enfin prêt, il quitta le camping-car à son tour, plutôt satisfait de son accoutrement.
      — Tiens, joli chapeau ! nota monsieur James, admiratif.
      La création de son fils, loin d’être un simple couvre-chef, était pourvue de deux yeux rouges, ainsi que d’une rangée de dents faisant le tour de la bordure : C’était un chapeau monstre en tissu argenté, qui donnait l’impression que son porteur se faisait manger la tête.
      — Ah ? C’est assez original tu trouves ? s’enquit le roux, très sérieusement.
      — Assez original ou pas, je peux t’assurer que ce n’est pas commun !
      À moitié satisfait de la remarque, Saphir lui offrit un demi-sourire.
      — Au fait... Je sais que la situation n’est pas super et que j’aurai dû commencer par là mais... joyeux anniversaire, s’exclama le père.
      — Je… je pensais que tu avais oublié, avoua le roux, soulagé.
      — Bien sûr que non bêta, jamais je n’oublierai !
      — Ça veut dire que j’aurai quand même un cadeau ?
      — Évidemment que tu auras un cadeau ! Regarde un peu où nous sommes arrêtés. Si tu ne trouves pas ton bonheur ici, où le pourrais-tu ?
      Ravi par cette perspective, c’est tout guilleret qu’il suivit son père en direction des commerces.
      Assez rapidement, ils trouvèrent dans la galerie marchande, un petit café de viennoiseries/pâtisseries qu'ils occupèrent jusqu’à l’heure d’ouverture des autres magasins.
      Cette année, monsieur James savait qu’il allait devoir trouver un très beau cadeau sachant ce qu’il s’apprêtait à demander à son fils.
      Une heure durant, Saphir, surexcité, fouilla de manière intensive tous les recoins du grand magasin. De sa chasse aux cadeaux, le jeune garçon ressortit avec un gros assortiment d’étoiles et planètes phosphorescentes de toutes tailles, ainsi qu’avec deux livres traitants de voyages au centre de la terre.
      Plutôt satisfait, il trottinait désormais dans les allées à la recherche de son père, s’imaginant déjà redessiner des constellations dans sa chambre.
      — Saphir, viens voir ! appela monsieur James, en apercevant son chapeau à l’autre bout du rayon. Alors ? Tu as trouvé quelque chose ? poursuivit-il, comme son fils venait dans sa direction.
      — Je peux avoir ça ? demanda l’adolescent, montrant ses trouvailles.
      — Des étoiles ? Sérieusement ? Tu n’en as pas déjà ?
      — Elles étaient toutes pareilles et en papier p'pa ! En plus j’avais sept ans quand je les ai eues… elles sont toutes déchirées ! Alors que celles-là sont en plastique, et de toutes les tailles, regarde ! lui fit-il remarquer, tout excité.
      — Ça va, ça va, j’ai compris, ces étoiles-là sont supers mieux !
      L’enthousiasme débordant de son fils face à une chose si simple le fit sourire.
      — Vu ta réaction pour des étoiles et des livres, je me demande quelle tête tu vas faire devant mon cadeau !
      — Un autre cadeau ? s'étonna Saphir, méfiant.
      Devait-il se réjouir ou avoir peur ? Depuis quelques années, son père, niveau présents, avait pris l’habitude de lui faire des farces qui ne faisaient rire que lui. Le roux commençait à être fatigué de toujours se faire avoir.
      — C’est pas encore les bêtes slips à carreaux qui grattent, hein p'pa ?
      — Hmm, à toi de voir si tu y trouves une quelconque ressemblance, répondit-il.
      L’adolescent cligna plusieurs fois des yeux, bouche béante, incrédule face à la boite que son père cachait jusque là dans son dos.
      — Je dois comprendre que ça te plaît ? Sinon je peux toujours le reposer, proposa l'homme.
      — Non, non, surtout pas ! C’est génial... C’est vraiment pour moi ?! Je veux dire, c’est pas une de tes blagues ? s’enquit-il, suspicieux.
      — Hé ! Mes blagues ne sont jamais cruelles ! se défendit son père. Ça fait trois ans que tu demandes un de ces caméscopes, j’ai juste estimé qu’aujourd’hui, tu étais assez mûr pour l’avoir !
      Toujours un peu méfiant, Saphir ne fut entièrement soulagé qu’une fois les caisses passées et le paquet entre les mains. Il avait si hâte de rentrer pour essayer son cadeau, que voir son père traîner derrière lui l’irritait au plus haut point.
      — P'pa, t’avances à deux à l’heure ! Qu’est-ce que tu fais ?
      — À ton avis ? On est dans un centre commercial, je regarde les magasins !
      — Dans ce cas, tu pourrais me passer les clés de la maison, que je rentre vite essayer la caméra ?
      — Désolé, mais je vais avoir besoin de toi ici !
      — Pourquoi ? Pour choisir mon gâteau ?
      — Pas tout à fait…, entama l’homme, mal à l’aise. Il faut qu’on aille t'acheter... des vêtements.
      Une boule se forma dans sa gorge au moment de prononcer les derniers mots. Saphir allait faire une crise, c’était certain.
      Il grimaça, prêt à encaisser un flot de joyeusetés, mais étrangement, rien ne vint, aucune remarque.
      Docilement, le fils suivit son père jusqu’à un magasin de vêtements, et ce n’est qu’après avoir fait deux pas dans le rayon enfant qu’il se manifesta enfin.
      — Je croyais que c’était la caméra... mais visiblement c’est ça la blague pourrie d’anniversaire, cette année...
      — J’aurai préféré que ça soit une blague aussi, crois-moi, mais hélas, non. On va devoir te trouver une tenue ici, répondit-il, sincèrement désolé.
      — Je ne sais pas si ça t’a échappé, mais j’ai un tas de vêtements ! Et je les ai tous faits moi-même ! grinça-t-il, une nette pointe de colère dans la voix.
      — Je le sais bien mon chéri, et je suis le premier à t’encourager dans cette voie..., se défendit l’homme. Mais là où nous allons, tu sais…, les apparences compteront sans doute beaucoup. Si on veut récupérer ta cousine, il va falloir se montrer irréprochables.
      — Ça veut dire quoi ça ? Que je suis pas présentable ? Ça fait plaisir…
      — Arrête, je n’ai pas dit ça. Tu sais très bien que j’adore ce que tu fais. D'ailleurs, je suis persuadé que si tu étais adulte, des gens paieraient pour assister à des défilés de tes créations... Seulement voilà, tu as douze ans et pour une assistante sociale, par exemple, le fait que je te laisse porter des vêtements si originaux peut lui donner à penser que je suis un peu irresponsable. Je n’ai pas envie de prendre ce risque.
      — Hum…
      — Il y a déjà tellement de choses dans notre façon de vivre qui pourrait poser problème… Autant éviter d’en rajouter.
      Le rouquin roula des yeux. La situation l’énervait prodigieusement, mais son père avait l’air tellement embêté, qu’il consentit à porter des « vêtements d’humains » comme il les appelait.
      Après une demi-heure de shopping plus ou moins chaotique, le père et le fils émergèrent du magasin presque aussi désappointés l’un que l’autre.
      Saphir, parce qu’il ne se reconnaissait absolument pas dans ce jean et ce t-shirt choisis pour lui, et Monsieur James, parce que cette petite aventure lui permit d’apprendre que son fils de douze ans, portait du 8/10 ans.
      — Ne t’inquiètes pas mon grand, lança-t-il, sur le chemin du retour au camping-car. Je suis persuadé qu’ils sont taillés grands !
      Saphir soupira, désabusé.
      — Nan, mais ça fait longtemps que j’ai arrêté de m’inquiéter à propos de ça tu vois. Je pense que ces trucs taillent… la bonne taille ! C’est moi qui suis minuscule.
      — Qu’est-ce que tu racontes voyons, tu es tout à fait normal !
      — P'pa... Ça fait presque deux ans maintenant que j’ai remarqué que les autres enfants de mon âge me dépassent…
      — Tu sais, ça arrive ! Ils ont eu leur poussée de croissance avant toi, voilà tout, d’où l’écart de quelques centimètres. Tu les rattraperas plus tard.
      — P'pa… Ils me dépassent d’une tête ! Même les filles sont plus grandes, c’est pas juste quelques centimètres ! Si j’avais pas les cheveux si roux, ni mes costumes, je serais carrément invisible parmi eux. C’est pareil dans chaque école, pas la peine d’essayer de me rassurer, je sais que je suis tout petit.
      Monsieur James resta coi un moment. Fallait-il qu’il rajoute à la longue liste des éléments en sa défaveur, le fait qu’il n’ait jamais remarqué l’énorme retard de croissance de son garçon ?
      — Je n’essayais pas de te rassurer, avoua-t-il, honteux. Je ne m’en étais pas rendu compte...
      — C’est pas grave... Après tout, t’as pas vraiment de point de comparaison. La dernière fois que j’ai ramené un « copain » à la maison pour jouer, j’avais huit ans, alors bon...
      — C’est vrai ça ! Pourquoi tu ne le fais plus ?
      — Ben... ça fait trois mois que je ne suis pas allé dans une école, déjà. Et puis même, je me fais pas d’amis là-bas, alors je ne vois pas trop qui je ramènerais.
      La réponse était sortie toute seule.
      — Oh... je vois. Est-ce que ça t’embête que je t’inscrive à l’école ? questionna finalement, monsieur James, tracassé.
      — Pourquoi tu me demandes ça ?
      — Tu m’as dit que tu n’avais pas d’amis… Alors je me demande si tu te fais embêter par rapport à ta taille ? Ou tes vêtements ? Ou autre chose ?
      Saphir leva les yeux au ciel, un peu contrit. Il n’avait jusque là jamais parlé de ce qu’il vivait à l’école.
      La plupart du temps, l’adolescent suivait son programme scolaire par ordinateur.
      Néanmoins, comme monsieur James trouvait primordial pour lui de rester en contact avec des enfants de son âge, il l’inscrivait à l’école, dès qu’il le pouvait. Du coup, le roux avait bien dû poser ses fesses sur les bancs d’une quarantaine d’établissements.
      Au primaire, son originalité amusait beaucoup les élèves. Il parlait avec tout le monde, se faisait pas mal d’amis, ou de camarades tout du moins.
      Depuis l’entrée au collège, en revanche, les choses n’étaient plus si simples. Au milieu de ce tas d’adolescents aux hormones en ébullition, le jeune garçon faisait un peu office de défouloir ambulant. Il préférait donc passer le plus clair de ses pauses seul à la bibliothèque, pour s’assurer un minimum de tranquillité.
      Après une expérience plus pénible que les autres dans un collège où, heureusement, il n’était resté que dix jours, Saphir avait hésité à en parler. Seulement monsieur James avait toujours l’air si heureux quand il réussissait à l’inscrire dans une école, qu’il préféra ne rien dire.
      Finalement, dirigé de manière habile sur un autre sujet, le père n’obtint pas ses réponses.
      Il n’était pas dupe pour autant, il savait bien que son fils venait d’esquiver. Cependant, n'ayant pas le cœur de le forcer à parler, il laissa couler pour cette fois.
      Après l’acquisition d’un fraisier dans une pâtisserie à l’entrée du centre commercial, les James reprirent la route de meilleure humeur. Seul Grim, délogé du siège passager par Saphir et tous ses cadeaux, semblait vaguement bouder depuis le canapé.
      D’ordinaire, L’adolescent finissait toujours par s’ennuyer ou somnoler durant les longs trajets, or, cette fois son esprit fut tellement accaparé par ses présents, qu’il ne vit pas le voyage passer. Il examina son caméscope sous tous les angles, nota dans un carnet tout ce qu’il voulait filmer. Il s'attela ensuite à déballer, compter et trier ses étoiles lumineuses par tailles, si bien que lorsque son père se gara, il était encore occupé. Il dessinait un plan de répartition des constellations qui orneraient bientôt sa chambre. La tâche l’absorbait tant qu’il ne se rendit pas du tout compte que son père venait de couper le contact. Ce n’est que lorsqu’un éclair aveuglant déchira le ciel que le jeune garçon releva le nez de sa feuille.
      À l’extérieur, le ciel grondait et les nuages, devenus d’un gris foncé, libéraient un rideau de pluie si épais que la rue en était devenue floue.
      — Mais ! C’est quoi ce temps !? D’où il sort cet orage ? s’exclama-t-il, surpris.
      Monsieur James écarquilla les yeux, stupéfait.
      — Saphir... Ça fait au moins une heure qu’on roule sous ce temps pourri ! Comment as-tu pu être absorbé au point de rater un déluge pareil ?
      Le garçon haussa les épaules. Il n’en savait rien lui-même.
      — Dis..., il va falloir qu’on sorte sous cette douche ? J’ai pas de manteau d’humain moi !
      — C’est vrai, mince ! Hum... Prends donc un parapluie et reste bien dessous, ça fera l’affaire. lui répondit son père, quittant son siège pour enfiler un pardessus.
      L’adolescent se leva à son tour. Il partit farfouiller un moment dans sa chambre, puis en ressortit les bras chargés de parapluies, pas vraiment convaincu.
      — Bon. Je prends lequel du coup ? Grenouille ? Panda ? Poussin ? Celui...
      — Ça va, c’est bon Saphir, laisse tomber, le coupa son père. Tu vas prendre le mien.
      Il tendit à son fils un gros parapluie noir, ce qu’il y avait de plus classique, puis ouvrit la porte du camping-car.
      Pile à ce moment, un nouvel éclair transperça les nuages, immédiatement suivi d’un grondement tonitruant.
      Surpris, Grim sursauta. Les oreilles basses, il quitta le canapé en vitesse et fila se réfugier dans la chambre de son jeune maître, par la petite chatière installée au pied de la porte.
      — Eh ben il est pas passé loin celui-là, hein p'pa ? frissonna le roux. T’es sûr qu’il faut qu’on y aille maintenant ? C’est pas loin, au moins ?
      — On est passés devant, je dirais qu’on en a pour cinq minutes environ. J’ai prévenu qu’on passerait vers quatorze heures pour voir la petite et il est déjà quatorze heures dix, alors…
      Saphir s’approcha de l’entrée et tendit son parapluie devant lui, prêt à l’ouvrir, quand un coup de tonnerre monstrueux fit vibrer le camping-car. Apeuré, il recula. Il tremblait un peu et, dans sa précipitation, s’emmêla les pieds, se retrouvant sur les fesses…
      — Ça va ? s’enquit son père.
      — Ouais, mais je crois que je vais pas le prendre ton parapluie. Y a un gros bout métallique en haut de ce machin. Je préfère être trempé plutôt que rôti ! trancha le garçon, en repoussant l’objet.
      — Bon... Dans ce cas, prends mon imper, soupira-t-il.
      — Pas la peine, j’ai une autre idée !
      Le roux fila en direction de sa chambre et en ressortit avec un rouleau de tissu large d’une cinquantaine de centimètres.
      — Tu comptes t’enrouler la dedans ? demanda monsieur James, perplexe.
      — C’est de la toile cirée ! C’est imperméable. Suffit que j’en déroule un peu et je pourrai m’abriter dessous.
      — Bon, c’est parfait alors !
      L’homme fit signe à son fils de venir près de la porte.
      — À trois tu sors, OK ? Tu vas vers la gauche et tu t’abrites sous le premier hall d’immeuble ou renfoncement venu. Je te rejoins, dès que j’ai fermé la maison.
      — D’accord…
      Après le décompte de son père, le garçon, armé de sa toile cirée, s’extirpa courageusement du véhicule. Oscillant entre la marche et la course, il n’arrivait pas à se décider. Courir pour être plus vite à l’abri ou aller lentement pour minimiser les risques de se faire foudroyer ? Son cerveau un peu paniqué eut bien du mal à définir un ordre de priorité et c’est à un rythme un peu erratique qu’il parvint jusqu’à l’avancé d’une boutique.
      Une minute plus tard, émergeant du rideau de pluie, son père le rejoignait. Courbés par le poids du déluge et collés l'un à l'autre, ils continuèrent leur route dans un silence concentré. Quand ils arrivèrent à destinations,ils étaient trempés de la tête aux pieds.
      — « Foyer pour l’enfance G.S », lu Saphir, au moment de passer la porte d’entrée. C’est un foyer ? C’était pas censé être un orphelinat ?
      — C’est un orphelinat ! Le terme a juste changé, lui apprit son père.
      — Ah…
      Les James passèrent quelques minutes à tenter de s’égoutter sur le paillasson. En observant le long couloir qui menait à l’accueil, le roux ressentit une pointe de déception. Il n’imaginait vraiment pas ça comme ça. Dans sa tête, un orphelinat ressemblait au cliché de la vieille bâtisse sombre, en pierre, ou régnait une atmosphère lugubre. Pas à une construction en préfabriqué, avec des couloirs pastels et du lino au sol.
      — C’est bon, je crois que je ne goutte plus, on va pouvoir y aller ! lança monsieur James, déposant son pardessus en boule derrière une plante de l’entrée.
      Le plafond du couloir était entièrement constitué de vitres, qui offraient une vue de premier choix sur l’orage. Le roux se surprit à penser que par temps plus clément, l’effet devait être des plus apaisants.
      Monsieur James, lui, n’y porta qu’un bref regard. En revanche, les affiches et dessins d’enfants qui tapissaient les murs retinrent son attention.
      Brusquement, un coup de tonnerre monstrueux se fit entendre. Par réflexe, Saphir se colla plus près de son père.
      — Mais qu’est-ce que c’est que cet ora… ?
      Avant qu’il ne puisse finir sa phrase, un nouveau coup sourd retentit, aussitôt suivi d’une coupure de courant généralisé du bâtiment. Çà et là, des bruits de pas précipités, ainsi que des cris d’enfants, commencèrent à se faire entendre.
      Le roux se trouvait à présent si collé à son père qu’ils auraient presque pu passer pour des siamois. Il n’était peut-être qu’un peu plus de quatorze heures, mais le ciel, si noir malgré le toit vitré, ne permettait pas à la petite famille de distinguer grand-chose.
      Saphir balaya le couloir du regard et un sourire de satisfaction involontaire s’étendit sur son visage. C’était ça ! Maintenant l’endroit ressemblait à un orphelinat tel qu’il l’imaginait.
      Pas vraiment rassuré, monsieur James attrapa la main de son fils et pressa le pas. Probablement dû à la coupure de courant et aux cris des enfants affolés, lorsqu’ils arrivèrent à l’accueil, ils trouvèrent un bureau vide.
      — Alors ? On fait quoi maintenant, p'pa ?
      L’homme désigna du doigt une rangée de quatre chaises, dans un renfoncement de la pièce.
      — On va aller s’asseoir là-bas et attendre. Il n’y a que ça à faire malheureusement.
      — Hum… J’espère que Grim n’aura pas trop peur tout seul, s’inquiéta le roux.
      — T’en fais pas pour lui, il n’a rien à craindre.
      — J’espère…
      Quelques minutes passèrent. Un peu impatient, le jeune garçon commença à balancer ses pieds sous sa chaise.
      — C’est fou qu’il fasse sombre comme ça en pleine journée ! T’as déjà vu un orage si noir, p'pa ?
      — Franchement ? Je t’avouerai qu'un comme ça, non, je ne crois pas en avoir déjà vu.

      Cinq nouvelles minutes s’écoulèrent durant lesquelles Saphir eut le temps de soupirer d’ennui une dizaine de fois. Puis, une femme arriva dans la pièce, tenant à bout de bras une pile de draps bien plus haute qu’elle. La pauvre marchait en crabe et cherchait à tâtons le rebord du comptoir à l’aide des deux doigts de sa main droite, les seuls qu’elle avait réussi à libérer.
      — Euh… excusez-moi ? l’interpella monsieur James.
      Surprise, se croyant seule, la jeune femme laissa échapper un cri de stupeur et lâcha son chargement.
      — Qui… qui est là ? demanda-t-elle le plus fermement possible, pour se redonner une contenance. Je suis désolée d’avoir crié de la sorte, c’est que je suis un peu nerveuse avec cet orage… Je peux vous aider ?
      — Y a pas de mal… Et, oui, je crois bien que vous pouvez m’aider. À vrai dire, je suis venu voir la petite Diane Lohen, admise ici il y a deux mois, suite à l’assassinat de ses parents. Je suis son oncle, Nolan James.
      — Je vois, répondit-elle, reconstituant sa pile. Attendez ici, je vais chercher un responsable, d’accord ?
      Monsieur James acquiesça, mais sans lumière, il doutait que la jeune femme ait pu le voir. Elle déposa en vitesse ses draps sur le comptoir et les quitta sans rien ajouter.
      La directrice arriva une lampe électrique à la main quelques instants plus tard. Elle s’excusa pour les désagréments, invitant Saphir et son père à la suivre jusqu’à son bureau, au premier étage.
      — Asseyez-vous, je vous en prie !
      Dociles, l’adolescent et son père s’exécutèrent avec une synchronisation quasi parfaite, tandis que de son côté, la directrice, lampe calée entre les dents, fouillait ses tiroirs à la recherche du bon dossier.
      — Ah ! Voilà ! s’exclama-t-elle. Alors voyons, la fillette est au deuxième étage actuellement, chambre trente-neuf. Jusque tout récemment, elle la partageait avec une autre pensionnaire qui a rejoint sa nouvelle famille la semaine dernière. Elle est seule depuis, et ne semble pas enthousiaste à l’idée d’avoir une nouvelle camarade.
      — Bien… Et, à part ça ? Est-ce qu’elle va bien ? Parce que le mail que j’ai reçu disait que la petite était… muette. Est-ce toujours le cas ?
      — Hum… Il semblerait qu’elle n’ait toujours pas retrouvé l’usage de la parole, effectivement, répondit-elle, feuilletant les pages concernant le suivi psychologique de Diane.
      — Euh... Excusez-moi, mais vous ne semblez pas connaître cette petite, je me trompe ?
      Interloquée, la femme rajusta sa frange et ses lunettes.
      — Monsieur James, entama-t-elle, austère. Je suis responsable de tout ce bâtiment. Comprenez bien que je ne peux pas me rappeler avec précision de trois cents enfants. C’est pour cela que les dossiers sont établis !
      Une légère tension s’insinua entre les deux adultes, presque aussitôt tuée dans l’œuf par l’intervention de Saphir :
      — P'pa… Est-ce que je peux aller aux toilettes ? Je crois en avoir vu sur le chemin.
      — Très bien…, accepta son père, d’une voix hésitante. Mais ne va pas te perdre, et reviens vite !
      — Okay !
      — Les toilettes les plus proches sont en face de l’escalier, ajouta la directrice.
      — Merci, je reviens vite, assura le roux, en quittant la pièce.
      Nolan, ayant suivi sont fils des yeux, les reporta vers la responsable qui lui tendait à présent deux pages du dossier de Diane, ainsi que la lampe de poche.
      — Si vous voulez consulter vous-même les détails de son admission.
      — Merci…
      Dans le même temps, elle alluma son ordinateur portable, et en profita pour consulter les notes que son assistant avait rédigées suite à ses échanges de mails avec monsieur James.
      — Si je me réfère à ce que je lis, vous voulez entamer les démarches pour devenir le tuteur de diane ? interrogea-t-elle, après que l’homme ait reposé les feuilles sur le bureau.
      — Bien sûr ! affirma-t-il avec une véhémence qui fit sursauter la responsable. Nous sommes la seule famille qui reste à cette fillette, comment pourrais-je encore me regarder si je la laissais là ?
      — C’est une réaction très honorable de votre part, mais prise sur le vif, sans aucun recul. Entendez-moi bien, je ne dis pas que vous n’y avez pas réfléchi, pas plus que je n’essaie de vous décourager. Seulement nous devons être certains que vous ayez mesuré l’engagement que cela requière, histoire de ne pas faire souffrir cette petite pour rien.
      — Je suis absolument certain de vouloir m’occuper de cette enfant. Je sais très bien que cela implique de gros changements, mais je suis prêt à les faire.
      — Encore une fois je trouve que c’est tout à votre honneur. Maintenant, je dois aussi vous prévenir, ce n’est pas parce que les parents de Diane ont émis le souhait de faire de vous le tuteur, qu’il vous suffit d’accepter pour repartir avec l’enfant sous le bras.
      — Ce qui me semble logique…
      — Je le précise, car la chose ne coule pas de source pour tout le monde, voyez. Vous allez subir une inspection plus que minutieuse. Vous, vos ressources, votre emploi, votre habitation, etc, rien ne sera laissé au hasard. Car au final, ce sont les conditions de vie de l’enfant qui primeront sur le reste.
      Monsieur James acquiesça sans rien ajouter, essayant de mesurer le nombre de choses qu’il allait devoir changer dans son mode de vie.
      — Je ferai ce qu’il faudra !
      — Et bien, c’est parfait ! conclut-elle, s’autorisant un sourire, qui éclaira son visage sévère. Avec cette coupure de courant, poursuivit-elle, je ne peux pas vous sortir les documents concernant les démarches et conditions à réunir pour l’obtention de la garde, en revanche, je peux toujours vous en parler de vive voix.
      — Euh… Oui, bien sûr, bredouilla monsieur James. Par contre, je vous avouerai que la raison première de ma visite d’aujourd’hui, c’était de pouvoir rencontrer Diane.
      — Je me doute bien, mais dans ces conditions, je ne pense pas que quiconque puisse « voir » quoi que ce soit. Nous risquerions surtout d’effrayer les enfants.
      — c'est juste... Allons-y pour la lecture des documents alors.

      Dernière modification par Nickol-Kim (18 Juillet 2017 20:38:18)

    • Nickol-Kim

      Livraddictien débutant

      Hors ligne

      #2 20 Juillet 2017 16:58:57

      voilà le chapitre 2 . ( Certaines phrases ne sont pas très fluides ou ne s'enchainent pas très bien sans que j'arrive à régler le problème, désolé.  Il doit aussi rester quelques fautes et virgules mal placées. n'hésitez pas à me les signaler ^^ merci )

      Chapitre 2

      Diane


        Saphir sortait tout juste des toilettes. Il s’apprêtait à retrouver son père, guidé par la lampe torche de son téléphone lorsque, près de l’escalier, quelque chose attira son attention : les plans du bâtiment.
      L’orphelinat, rez-de-chaussée compris, s’étendait sur quatre niveaux, dont deux uniquement occupés par les chambres des pensionnaires.
      Machinalement, les yeux du roux glissèrent vers le deuxième étage, puis commencèrent à chercher la chambre de sa cousine, la numéro trente-neuf.
      « Ça n’a pas l’air très loin. »
      Curieux de nature, l’envie de jeter un coup d’œil le saisit. C’était l’histoire de deux minutes, juste le temps de voir la chambre et de faire un petit coucou à la fillette si elle s’y trouvait. Son père ne le saurait pas. Il éteignit le flash de son téléphone pour ne pas se faire prendre, puis monta à l’étage supérieur en mode furtif.
      Sur le pallier, comme le plan l’indiquait, deux possibilités s’offraient à lui sous forme de portes battantes. Celles de gauche conduisaient à l’aile Ouest, donnant accès aux chambres 71 à 120. Celles de droite, retenant toute l’attention du jeune garçon, menaient à l’aile Est, où se trouvaient les chambres 35 à 70.
      Avec précaution, Saphir les poussa. Il se retrouva dans un couloir, où résonnaient des sanglots étouffés d'enfants. Il aperçut aussi un adulte dans le fond, courir d’une pièce à l’autre, si débordé qu’il ne le remarqua même pas. Une chance, car il se trouvait pile sous l’éclairage de la sortie de secours, dont le rayonnement lui servit à trouver la chambre trente-neuf sans avoir recours à sa lampe.
      Il toqua à deux reprises, puis attendit : pas de réponse.
      Le roux colla son oreille contre la porte, dans l’espoir de capter un son, sans succès. Gardant à l’esprit que sa cousine était muette, il en tira deux déductions : soit la pièce était vide, soit Diane était trop effrayée pour venir ouvrir.
      Un peu embêté, Saphir piétina sur place un moment avant de remarquer que l'adulte se rapprochait de lui. Il esquissa un pas vers la sortie, puis se ravisa. À la place, il s'engouffra dans la chambre et referma aussitôt derrière lui.
      À l’intérieur de la pièce, le noir absolu régnait. Un rapide balayage de l’endroit à l’aide de sa lampe lui confirma ce dont il se doutait déjà : la chambre était vide. Il se dirigea vers la fenêtre et ouvrit les épais rideaux verts, histoire d’avoir un peu de lumière naturelle. Diane n’était peut-être pas présente, mais il pouvait sans doute apprendre deux ou trois choses sur elle via ses affaires avant de redescendre.
      Deux lits étaient présents dans la chambre, tellement bien faits que l’adolescent fut incapable d'identifier celui de la petite. Il examina ensuite les tables de nuit sans plus de succès. Rien, aucune touche personnelle ne lui permettait de savoir quel côté occupait sa cousine.
      « Sa cousine... »
      Saphir sourit, répétant le mot dans sa tête. Il avait une cousine ! Une fillette qui allait sans doute venir vivre chez lui, pour qui il pourrait faire office de grand frère. Son sourire s'élargit.
      Ne voyant en fin de compte rien à découvrir dans cette chambre vide et impersonnelle, le roux décida de repartir : son père devait commencer à s’inquiéter.
      Alors qu’il posait la main sur la poignée de porte, le bruit d’un objet qui chute se fit entendre. Le cœur de Saphir manqua un battement. Il se retourna aussitôt dans la direction du son, lampe brandie, mais ne vit rien, rien du tout. Il fronça les sourcils : Avait-il rêvé ?
      Par acquit de conscience, l'adolescent se rapprocha pour vérifier et découvrit un placard coulissant presque indétectable.
      — Eh ben… ils sont bien cachés les meubles ici, nota-t-il, stupéfait, posant les mains sur le panneau pour le faire pivoter.
      L’espace d’une seconde, Saphir aperçut deux petits pieds disparaître dans un coin du placard que ton téléphone n’éclairait pas.
      — Di… Diane ? appela-t-il. Je suis euh… ton cousin… Saphir… euh c’est mon nom. Tu ne voudrais pas sortir de ce placard ?
      Il recula de quelques mètres et attendit, assis en tailleur.
      Au bout d’une minute, une minuscule main attrapa le rebord du panneau et s’en aida pour se relever. Puis, Saphir vit apparaître une petite brune aux longues couettes. Elle posa sur lui des yeux bleus clair si expressifs qu’il s’en trouva intimidé.
      — Diane ? questionna-t-il.
      Après tout, même si tout le laissait supposer, il n’était pas encore certain de l’identité de cette fillette.
      L’intéressée referma son placard avec soin, et vint s’asseoir en face de l’adolescent. En guise de réponse, elle hocha la tête deux fois, ne quittant pas Saphir une seconde des yeux.
      — Bien. Au moins j’ai trouvé la bonne petite fille, lança-t-il, tentant de cacher combien il était mal à l’aise.
      Diane plissa légèrement les yeux. Elle inclina la tête de côté, donnant l’impression à son cousin d’avoir un chiot intrigué devant lui. Son air, ses couettes hautes rappelant les oreilles d’un cocker, tout était là !
      — Pourquoi est-ce que tu te cachais au fond du placard ?
      La petite ouvrit plusieurs fois la bouche, mais aucun son n'en sortit. Contrariée, elle commença à se triturer les doigts avec nervosité.
      Le jeune garçon poussa un soupir. Il avait oublié son mutisme.
      « Bien joué ! Tu n'es pas là depuis cinq minutes que tu l'as déjà mise mal à l'aise… Super ! »
      Reportant son attention sur la petite, il se demanda si venir en douce était une si bonne idée tout compte fait.
      Planté comme un radis devant une enfant traumatisée et muette, la communication s’annonçait difficile. Un nouveau soupir lui échappa. S’il ne trouvait rien pour arranger les choses, sa première impression auprès de Diane risquait de ne pas être très glorieuse. Embêté, le garçon se gratta la tête, cherchant quelque chose à dire, mais rien ne vint.
      — J…je…te… vois…pas.
      La voix était hésitante et éraillée, comme un mécanisme qu’on n’aurait pas actionné pendant un long moment. Saphir en fut si étonné qu’il n’enregistra pas un mot.
      — Que… quoi ? Qu’est-ce que tu as dit ?
      — Je…t… te vois pas, répéta-t-elle, plus naturellement, pointant un petit doigt vers le flash du téléphone.
      — Oh, je suis désolé ! s’écria-t-il, confus, éteignant l’engin en vitesse.
      — Je te vois toujours pas…, répéta-elle encore, une pointe d’amusement cette fois.
      Au même moment, un éclair aveuglant illumina la pièce, donnant à la petite fille une image bien peu flatteuse du visage de son cousin. Elle sursauta, effrayée, puis se rua vers la fenêtre pour tirer le rideau, avant de filer se cacher sous ses couvertures.
      De nouveau dans le noir, Saphir, hébété, resta un moment assis par terre, à l'écouter sangloter.
      N’étant pas fan des orages non plus, il dut se forcer à faire bonne figure. Comment pourrait-il rassurer une gamine de six ans, s'il se montrait aussi inquiet qu’elle ?
      — Diane ? appela-t-il doucement. Tu ne dois pas avoir peur, on est en sécurité ici, l’orage ne peut rien nous faire !
      — C’est… pas vrai ! sanglota-t-elle.
      — Pourquoi ça serait pas vrai ?
      — Il amène les méchants…, bredouilla la fillette à voix basse.
      — Hein ? Les méchants ? L’orage amène les méchants ? Quels méchants ?!
      — Quand l’orage éteint les lumières… les méchants arrivent, c’est tout ! chuchota-t-elle, catégorique.
      — Ah bon… ben, il faut rallumer les lumières du coup. Comme ça ils ne viendront pas ! Regarde !
      Tout en rallumant son téléphone, le roux frappa dans ses mains, espérant ainsi donner l'illusion de faire apparaître un rayon de lumière comme par magie. Cependant, par un curieux hasard, la panne de courant fut rétablie pile au même moment, ce qui rendit le tour nettement plus spectaculaire.
      — Wow… Eh ben ça c’est du timing ! s’exclama-t-il, soufflé.
      Mais sa surprise n'était rien comparée à celle de Diane. Elle sortit de sous ses couvertures, descendit du lit et vint se planter devant son cousin.
      — T’as des pouvoirs magiques ? demanda-t-elle.
      — Hein ? Non, non… j’ai juste eu de la chance, je pense.
      — Pourquoi t’es là ? T’as plus tes parents non plus ?
      — Hein ? Non, si… enfin à moitié…, bafouilla Saphir, surpris par la soudaine loquacité de sa cousine.
      — À moitié ?
      — Oui ! Je ne suis pas orphelin, il me reste mon père et… Oh mince ! Mon père !
      — Qu’est-ce qu’il a ?
      — Rien… il n’a rien. C’est juste qu’en vérité, je suis venu ici en douce. Mon père est avec la directrice. Il va vraiment falloir que j’y retourne ou je vais passer un sale quart d’heure. Ils doivent déjà se demander ce que je fabrique…
      L’adolescent se releva en vitesse.
      — Tu t’en vas ?
      — Je suis désolé… je suis obligé.
      — Tu vas revenir me voir encore ? questionna-t-elle, pleine d’espoir.
      — Bien sûr ! affirma Saphir. Au fait… quelqu’un sait que tu parles comme ça ? Je veux dire, on nous a dit que tu ne parlais plus.
      – …
      — C’est pas un reproche, hein !
      — Je parle… pas aux gens d’ici, avoua-t-elle, d’une voix redevenue chétive et hésitante.
      — Pourquoi ça ?
      La petite joignit ses mains en porte-voix avant de faire signe à Saphir d’approcher son oreille.
      — Je sais qu’ils veulent que je dise des choses. Mais je leur parlerai pas ! chuchota-t-elle.
      L’adolescent haussa les épaules. Il ne comprenait pas vraiment les motivations de sa cousine et à vrai dire, il n’était pas certain qu’elle en ait. Mais après tout, c’était son droit de ne pas faire confiance au personnel de l’établissement.
      Après un petit signe de la main en guise d’au revoir, Saphir s’apprêtait à sortir, quand brusquement, la porte de la chambre s’ouvrit. Surpris, les deux enfants sursautèrent d’un même ensemble. La surveillante qui venait de pénétrer dans la pièce se figea. Un garçon ? Dans cette aile réservée aux petites filles ? C’était impensable !
      — Mais… qu’est-ce que tu fais là toi ? Tu vas voir ce que tu vas prendre comme punition ! Profiter de l’orage pour t’introduire dans la chambre d’une petite fille, c’est du joli ! gronda-t-elle, se saisissant de Saphir par le col.
      Elle fondit sur lui si rapidement qu’il n’eut aucune chance d’esquiver. Furieuse, l’employée houspillait et secouait si fort l’adolescent qu’il en vint à remercier son père de lui avoir acheté des vêtements « d’humain ». Ses costumes auraient pu sortir détériorés de l'expérience, d’autant que malgré son gabarit, cette surveillante possédait une poigne impressionnante !
      — Je ne sais pas pour quelle raison tu as cru bon de venir ici, mais je vais tout de suite te ramener à ta chambre ! s’écria-t-elle de plus belle, le traînant dans le couloir à sa suite.
      — Mais je… je ne suis pas…
      — Ce n’est pas la peine de protester mon garçon, coupa-t-elle d’un ton sec. Le mieux que tu puisses faire, c’est encore de me suivre en silence !
      — Mais enfin, vous ne comprenez pas…
      — Ta ta ta, il n’y a rien à comprendre ! Suis-moi et arrête de te débattre comme ça !
      Le rouquin soupira, il haussa les épaules et consentit finalement à se laisser embarquer.
      Si elle voulait le ramener à sa chambre, grand bien lui fasse, mais elle risquait de la chercher un moment !
      Au mépris de la règle stipulant de ne pas courir dans l’établissement, la surveillante, telle une fusée, entraînait Saphir si vite, qu’au beau milieu de l’escalier conduisant au premier, ils frôlèrent l’accident.
      — Lola, bon sang ! Ne courrez pas comme ça ! gronda la directrice, qu'ils manquèrent de renverser. Si vous commencez à faire les mêmes bêtises que les enfants, où va-t-on !
      — Désolée, je… j’étais…, bredouilla-t-elle, tractant Saphir devant elle. Je ramenais celui-là au…
      — Saphir ?! s’exclama monsieur James. Mais qu’est-ce que tu as fait ?
      — Je suis allé voir Diane ! répondit-il, comme si la chose allait d’elle-même.
      — Attendez, vous connaissez ce petit garçon ? s'étonna la surveillante.
      — Vous le sauriez si vous m’aviez laissé parler tout à l’heure !
      — Saphir ! Reste poli ! le réprimanda son père. J’arrêterai de faire le malin à ta place. Tu devais aller aux toilettes, pas vagabonder dans les étages !
      — Oui, oui... mais n'empêche p'pa, elle était toute seule dans sa chambre, quand je l'ai trouvée. Cachée dans un placard!
      — Toute seule dans sa chambre ? répéta la directrice, les sourcils froncés. C'est vrai Lola ?
      — Eh bien… c’est-à-dire qu’on était en train de réunir les filles dans la salle de jeu quand la panne de courant a eu lieu. Il y  a eu un mouvement d'angoisse, certaines se sont dispersées. Il a fallu que l’on fasse toutes les chambres pour les retrouver et tenter de les calmer. C’était la panique !
      — Hum…
      — Je vous assure ! Ensuite, le courant est revenu et j'ai trouvé Diane dans sa chambre, en compagnie de ce garçon !
      — Et le croyant pensionnaire, vous avez décidé de le ramener dans l'aile des garçons, c'est ça?
      — Voilà…
      — Donc ce que vous me dites, c’est que la petite est de nouveau seule dans sa chambre ?
      Lola, honteuse, ouvrit la bouche sans rien trouver à répondre.
      — Eh bien, qu’attendez vous ?
      — Oh… oui je… j’y retourne immédiatement ! bredouilla-t-elle.
      La surveillante tourna les talons  et remonta les marches quatre à quatre.
      — Ne courrez pas Lola, bon sang ! Et tant que vous y êtes prévenez la psychologue de Diane, dites-lui de nous rejoindre dans sa chambre.
      Une fois devant le numéro trente-neuf, la directrice frappa deux petits coups pour s’annoncer, puis entra, suivie de monsieur James et de Saphir. Assise sur son lit, la petite se leva d'un bond et vint se blottir contre son cousin.
      — T’as vu, j’ai pas mis longtemps à revenir te voir ! Ça, c’est mon père, lui apprit-il, désignant monsieur James du doigt.
      À vrai dire, même sans la précision, Diane l’aurait sans doute deviné tant le père et le fils se ressemblaient. Même yeux verts, même cheveux roux. La chose la fit sourire. Hélas, cette allégresse ne dura pas longtemps, l'arrivée de la psychologue dans la pièce, provoqua chez elle un changement radical. Jusque-là joyeuse, la fillette se ferma aussitôt comme une huître.
      — Bonjour ! lança la nouvelle arrivante, englobant la chambre entière pour éviter les salutations séparées.
      Tous lui répondirent poliment… sauf Diane.
      Depuis son arrivée, la petite avait déjà usé deux psychologues. Elle n'était pas juste muette, elle n’exprimait rien. En leur présence, son visage et son corps se fermaient, ne laissant plus échapper aucune émotion. Ils avaient tout essayé pour communiquer avec elle, images, marionnettes, dessins… sans résultat. Psy après psy, la fillette s’obstinait dans son refus de communiquer.
      Déstabilisée par les deux grands yeux vides braqués sur elle, la psychologue détourna le regard et rajusta ses lunettes.
      — Monsieur James je présume ? s'enquit-t-elle finalement, comme si de rien n’était.
      Le père de Saphir acquiesça.
      — Je suis madame Lutrène, la psychologue de Diane depuis les trois dernières semaines, précisa-t-elle.
      L’homme hocha de nouveau la tête, ne sachant pas bien quoi répondre.
      Les présentations faites, la directrice abandonna les James aux mains de la spécialiste, qui les conduisit à son bureau.
      La pièce, assez vaste, tenait plus de la salle de jeux que du cabinet de psy tel que Saphir se le représentait. Il remarqua des tapis ludiques dans un coin, des bacs où bon nombre de jouets s’entassaient, des feuilles et des crayons posés sur des tables pour enfant, vers lesquels Diane se dirigea machinalement à son arrivée.
      Elle prit place sur un petit tabouret en plastique, vite rejointe par Saphir. Trop grand pour les sièges d'enfant, l’adolescent s’accroupit à côté d’elle. Il se saisit de feuilles ainsi que du pot à crayons et tous deux commencèrent à dessiner.
      Restée à l’entrée de la pièce avec monsieur James, la praticienne resta sans voix. C’était bien la première fois que la petite fille allait d’elle-même s’asseoir à cette table. D’ordinaire, elle agissait avec tout le monde comme un robot. Bougeant d’un point à un autre uniquement lorsqu’on le lui demandait.
      — Bon…, soupira-t-elle. Laissons les enfants s’amuser et allons plutôt discuter à mon bureau.
      Le père approuva d'un signe de tête. Il passa près de son fils et lui ébouriffa les cheveux au passage.
      — Tu t’occupes bien d’elle, hein fiston !
      — T’inquiète, je gère ! assura l’adolescent, se recoiffant vaguement à l’aide de ses doigts.
      Une fois assis au bureau, seul coin « adulte » de la pièce, monsieur James et la psychologue entamèrent leur discussion. Saphir tendit l'oreille autant qu’il le pu, mais il était trop loin pour tout saisir. Avec un effort de concentration considérable, le jeune garçon finit tout de même par  comprendre quelques morceaux de phrases, concernant les parents de Diane et les circonstances de leur décès. Pas certain de vouloir en entendre d'avantage, il préféra reporter son attention sur son dessin.
      La fillette, quant à elle, se contentait de poursuivre ses coloriages. Imperturbable, elle balançait sa tête de droite à gauche, comme si une musique résonnait dans son esprit.
      Au bout d'un moment, Saphir remarqua que les balancements de sa cousine migraient. Partis de la tête, ils avaient effectués un bref arrêt aux épaules avant de poursuivre leur descente jusqu’à leur terminus : le bassin. La petite brune se trémoussait à présent d’une fesse sur l’autre sur un rythme chaotique. N’y tenant plus, elle lâcha soudain son crayon, retourna son dessin et se leva en se dandinant.
      — Qu’est-ce qu’il se passe ? s'enquit Saphir.
      — Pipi…, chuchota-t-elle. Tu regardes pas mon dessin hein, il est pas fini ! le pria-t-elle très sérieusement, avant de s’éclipser de la pièce.
      La curiosité de Saphir en fut aussitôt éveillée et il dut se faire violence pour ne pas céder à la tentation. « Je regarde pas, je regarde pas, je regarde pas », répétait-il comme une litanie, rapprochant sans même s’en rendre compte son nez de la feuille. Ce n’est que lorsque son souffle commença à faire trembloter le papier qu’il s’aperçut de la chose. Il s’écarta vivement et préféra s’éloigner de la table en attendant le retour de sa cousine.
      Ne sachant pas quoi faire pour patienter, il reporta son attention vers la conversation des adultes et s'approcha, avec une certaine nonchalance, du bureau.
      Intriguée par le petit fureteur, madame Lutrène s’arrêta en plein milieu de phrase. Elle jeta un œil à la table, puis reposa les yeux sur le roux.
      — Où est passée Diane ? lui demanda-t-elle, surprise.
      Toute absorbée dans sa discussion avec monsieur James, elle n’avait pas du tout remarqué que la petite était sortie.
      — Elle est aux toilettes !
      L’adolescent s’étira, il était resté accroupi un peu trop longtemps et des fourmis le démangeaient.
      — Comment sais-tu qu’elle est partie aux toilettes ? interrogea de nouveau la psychologue, sceptique.
      — Ben… Vu la manière dont elle se tortillait sur sa chaise, c’était pas bien dur à deviner. Sans compter qu’elle me l’a dit, tout simplement.
      Il y eut un léger moment de flottement. Madame Lutrène s’attendait à ce que le garçon ajoute qu’il s’agissait d’une blague, mais comme rien ne vint, elle répéta :
      — Elle l’a dit ?
      — Oui elle l’a dit ! affirma le roux, haussant le ton. Me regardez pas comme si j'étais un menteur !
      — Saphir, s’il te plaît ! le réprimanda son père.
      — Mais quoi ?  
      — Erm… loin de moi l’idée de te traiter de menteur, se défendit-elle. Je trouve juste la chose très… surprenante.
      Elle jeta tour à tour un regard au fils, puis au père.
      — Je suis la troisième psychologue à reprendre le dossier de la petite et, comme je vous l’ai dit tout à l’heure monsieur, personne n’a jusque-là réussi à obtenir la moindre réaction de sa part.
      Saphir eut un rictus involontaire. Depuis qu’il l’avait découverte dans le fond du placard, la petite était passée par tout un panel d’émotions. À titre personnel, il la trouvait très expressive.
      — Elle s’est refermée dès que vous êtes entrée dans sa chambre. Elle sent que vous attendez qu’elle vous parle, c’est pour ça qu’elle vous dit rien. Si vous vous demandez comment je le sais, c’est parce que ça aussi, elle me l’a dit !
      — Elle t’a dis tout ça ? Maintenant ? demanda l’analyste, dubitative, et quelque part un peu agacée.
      — Pas maintenant, quand je suis allé la voir, durant la coupure de courant.
      Sur ces mots, l'adolescent tourna les talons et repartit s'occuper de son dessin.
      — Excusez-le…, pria monsieur James. Il déteste qu’on le soupçonne de mentir, ça lui rappelle des souvenirs désagréables. L’année dernière, une professeure l’a suspecté de tricherie. Il rendait des devoirs d’un niveau « trop élevé pour son âge » d'après elle. Même les preuves n'ont pas suffi  à lui faire changer d'avis.
      — Je vois.
      — Ça l’a beaucoup plus marqué que ce qu’il veut faire croire. Il faut dire que je ne l’ai pas élevé dans l’idée que la parole d’un enfant a moins de valeur que celle d’un adulte, ajouta-t-il.
      — Je comprends… c’est moi qui dois m’excuser. Le fait que Diane ait parlé à votre fils est une excellente chose, un point très favorable pour votre dossier.
      Elle reporta les yeux sur son calepin, sorti en début d’entretien, et y nota quelques phrases supplémentaires. Monsieur James leva les yeux pour tenter de lire, mais son attention fut distraite par un léger grincement derrière lui : La porte. Diane venait de revenir dans la pièce.
      Après avoir appris à son interlocuteur à peu près tout ce qu’il désirait savoir, la conversation entre madame Lutrène et monsieur James commença à piétiner. Pour ne rien arranger, les deux adultes ne se sentaient pas très à l'aise l'un avec l'autre. Leur ton était courtois, quelques sourires s'esquissaient de temps à autre, mais rien n'y faisait.
      Finalement, ils portèrent leur attention sur les enfants. Sans prévenir, monsieur James se leva pour les rejoindre. Il s’accroupit face à eux et, devant leur absence totale de réaction, se racla la gorge.
      — Alors, qu’est-ce que vous dessinez ?
      — C’est un costume Fraise p'pa, annonça Saphir, plutôt fier. J’ai eu l’idée en voyant les fraises sur les élastiques à cheveux de Diane.
      La petite releva la tête à l’écoute de son nom.
      — C’est pour moi ? demanda-t-elle.
      Depuis son bureau, madame Lutrène, qui observait la scène, en fut stupéfaite. Elle hésita à se rapprocher, mais craignant de briser le moment, elle se contenta de prendre des notes depuis son siège.
      Saphir venait tout juste de mettre le point final à son œuvre. Il la tendit à sa cousine :
      — Si tu aimes les fraises, je peux te fabriquer les vêtements qu’il y a sur le dessin !
      La petite scruta le costume avec beaucoup d’intérêt.
      — C’est vrai ?
      — Bien sûr ! Je fais plein de vêtements cool !
      — C’est vrai ? répéta-t-elle, enthousiaste.
      Fourmillant d’idées, l’adolescent s'informa sur le genre de vêtements qu’elle aimait, ses couleurs préférées, ainsi qu'une foule d'autres questions.
      Voyant Diane en confiance, la psychologue tenta de se rapprocher. Mais une fois à moins de deux mètres de sa patiente, celle-ci se crispa. Résignée, elle préféra retourner les observer de sa place.
      Le temps s’écoula si vite autours de la petite table, qu’ils arrivèrent au terme des heures de visites sans s’en rendre compte. Un événement que Diane vécut comme un petit drame. Lorsque Saphir se leva à la suite de son père, la fillette s’accrocha à sa taille. Dans ses yeux angoissés, la question « Allez-vous revenir ? » était lisible. Pour la rassurer, monsieur James lui affirma qu'ils viendraient la voir aussi souvent que possible.
      Du haut de ses six ans, la brune, loin d'être idiote, comprit que les choses étaient sur le point de changer. Qu'à l'image de son ex-camarade de chambre, les enfants ne restaient pas éternellement au foyer et que tout commençait par des visites. C'est donc le cœur un peu plus léger qu’elle retourna à sa chambre, perchée sur le dos de son cousin.

      Alors qu'ils descendaient les marches, se rendant vers la sortie, monsieur James et Saphir entendirent des pas précipités.  Ils se retournèrent et virent la psychologue débouler sur le pallier.
      – Ah ! vous êtes toujours là ! Je craignais de vous avoir raté.
      – On peut vous aider ? demanda Nolan, le sourcil levé.
      – J'ai trouvé ceci sur la petite table. dit-elle, brandissant l’œuvre de Diane. On te distingue clairement sur cette feuille, alors j'ai pensé que tu pourrais m'expliquer un peu ce dessin.
      Elle tendit la feuille à Saphir.
      – Oui… c’est Diane et moi ! répondit-il, pas vraiment surpris.
      – Pourrais-tu développer un peu ? insista la psychologue.
      – Oui, je pourrais…
      Presque certain que madame Lutrène n’était pas censée voir ce dessin, l’adolescent ne put s’empêcher de se montrer hostile.
      — Saphir…
      Monsieur James, embêté, donna un petit coup de coude à son fils. L’enfant tourna la tête vers lui et comprit qu’il avait tout intérêt à se montrer plus coopératif.
      — Bon…, grogna-t-il. Dans sa chambre, pendant la coupure, Diane m’a dit que les méchants arrivaient quand les lumières se coupaient ou un truc du genre. C’est là que j’ai dit qu’il fallait les rallumer, alors j’ai frappé dans mes mains et bizarrement, la lumière est revenue pour de vrai. Du coup, elle a pensé que j’avais des pouvoirs magiques ! Je crois que c’est ça qu’elle a dessiné…
      La psychologue observa le garçon, semblant réfléchir.
      — Hum… je vois, déclara-t-elle enfin. Merci Saphir.
      N’ayant rien d’autre à demander, la praticienne les salua cordialement avant de repartir d'où elle venait, laissant les James poursuivre leur chemin jusqu’à la sortie.
      — Je n’aime pas du tout cet endroit…, grommela l’adolescent, une fois dehors.
      — Sans blague ? Je crois que tout le monde a remarqué que tu n’aimais pas l’endroit… Ou tout du moins le personnel de l'endroit. Je t’ai rarement vu aussi désagréable !
      –…
      — Tu sais que je devrais te punir pour un comportement pareil ?
      — Oh ! P'pa regarde, l’orage est passé, il pleut presque plus ! s’exclama le roux en guise de réponse, ignorant royalement la mise en garde de son père.
      L’homme roula des yeux.
      — Tu me désespères Saphir, vraiment ! s’écria-t-il, pressant un peu le pas pour rattraper son fils, qui courrait vers le camping-car sans l’attendre.
      Une fois à l’intérieur, l'adolescent fonça dans sa chambre, retira en un éclair ses vêtements « d’humain » et ré-enfila les siens, soulagé d’être de nouveau lui-même.
      — Alors p'pa ? On fait quoi maintenant ? demanda-t-il, depuis son lit.
      — On va à la boîte aux lettres !
      Après la disparition de sa femme et la vente de sa maison, monsieur James n'avait pas seulement fait l'acquisition d'un camping-car, mais aussi celle d'un appartement d'une soixantaine de mètres carrés, composé de deux studios réunis. Il le louait depuis plusieurs années à une connaissance.
      Si les deux logements n’en formaient plus qu’un, il subsistait toujours deux boîtes aux lettres, dont une réservée aux James. Tous les mois environ, ils y passaient pour récupérer leur courrier.
      — On est à combien d’heures de la boîte aux lettres ? s’enquit le jeune garçon.
      — Une demi-heure ! Si tu avais un peu levé la tête de tes feuilles durant le voyage, tu aurais remarqué dans quel département on se trouve !
      — Miiiaw ! appuya Grim.
      — Hé ! De quel coté tu es toi ?!
      Saphir, bloc-note à la main, traversa le camping-car et délogea le pauvre chat du siège passager pour lui voler la place. Loin de se laisser démonter, l’animal trottina jusqu’au lit de son maître et s’y étala de tout son long. Œil pour œil…
      De son côté, Monsieur James, derrière son volant, venait tout juste de s’engager sur la route.
      Il connaissait bien les environs et pour cause, sa famille ainsi que celle de sa femme venaient de cette partie de la région. C'est d'ailleurs par appréhension au moment d'entamer sa vie de nomade, que monsieur James avait acheté un appartement dans le coin. Il trouvait rassurant d'avoir un pied à terre en terrain connu.
      L'homme soupira, c'était si loin maintenant, il avait bien changé depuis, son fils aussi d'ailleurs. Il sourit, jetant un œil dans sa direction. Ce dernier regardait la route distraitement, quand soudain, la vitrine d'une pâtisserie attira son regard.
      – OH ! s'exclama-t-il.
      – Eh ben ? Qu'est-ce qu'il t'arrive ?
      – Mon gâteau d'anniversaire ! j'avais complètement oublié !
      – Hé, mais c'est vrai !
      – Pff, la journée est passée tellement vite. soupira-t-il. J'en aurai même pas profité...
      – Pourquoi tu en parles au passé ? La journée n'est pas terminée ! On a douze ans qu’une fois, on va bien trouver un truc cool à faire, tu vas voir !
      L'adolescent sourit, rassuré.

    • Hedwidge

      Apprenti Lecteur

      Hors ligne

      #3 02 Août 2017 15:52:23

      J'adore cette histoire :heart:
    • Nickol-Kim

      Livraddictien débutant

      Hors ligne

      #4 03 Août 2017 11:46:49

      Si c'est sincère, merci :)