#1 14 Septembre 2017 15:05:33
Le soleil était à présent assez bas dans le ciel et sa lumière donnait une teinte rosée aux nuages que Henri aimait observer, allongé dans le sable. Il se laissait bercer par les grains s’écoulant entre ses doigts et ses orteils ; et bientôt il tomba de sommeil.
Il dormit, lui sembla-t-il, pendant une bonne heure. A son réveil, il se trouvait non plus sur la plage mais sur un radeau de fortune au beau milieu de la mer. Il jeta des coups d’œil inquiets autour de lui, à la recherche d’une île où amarrer. Rien à l’horizon. Il était perdu sur le vaste océan. La frayeur qu’il ressentait quant au fait de mourir ainsi loin de tout, ne pas pouvoir trouver aide et finir seul se faisait de plus en plus intense au fur et à mesure que le temps passait et il crut en perdre la raison. Il était marin pourtant et cela depuis vingt ans. Cependant, naviguer sans boussole ni sextant il ne l’avait jamais fait et il se sentait démuni face à cette nouvelle, étrange situation.
Il se trouvait dans des confins inconnus, là où aucun homme n’aurait voulu se trouver. Il continua à scruter les alentours à la recherche d’une terre salvatrice… toujours rien. Il avait dans sa longue vie, vécu pas mal d’aventures mais il avait toujours été préparé, avec tout le matériel nécessaire. Comment avait-il donc fait pour se retrouver là, loin du littoral où il avait eu le malheur de s’endormir. Soudain, comme pour répondre à ses prières, il aperçut une île se dessiner au loin. Il prit les rames et se dirigea vers celle-ci. Il amarra son pauvre navire et posa les pieds sur une plage de sable d’or. Devant lui se dressait une forêt d’arbres dont il n’avait, jusqu’alors, soupçonné l’existence. Il ne reconnut aucun d’entre eux et cela lui provoqua un étrange sentiment. Il avança machinalement en direction des arbres aux feuillages rouges, jaunes et même violets ou turquoises. Comme si quelqu’un avait peint tous ces arbres.
Henri était bien trop curieux pour renoncer à visiter ces bois et même si tout lui paraissait mystérieux, inquiétant car nul ne savait, et encore moins lui, ce qui se trouvait au-delà, il n’aurait, là, pas non plus renoncé. Tout était d’un calme sinistre ce qui eut pour effet d’accroître l’angoisse qu’il ressentait depuis qu’il s’était réveillé en mer sur son petit radeau. Il n’aimait pas cette pesante solitude et il eut voulu que son meilleur ami René soit là, à ses côtés. René aurait su le rassurer, lui dire quoi faire. Il était toujours de bon conseil et trouver solutions aux choses même les plus improbables. Il lui aurait dit de ne pas pénétrer cette étrange forêt, qu’il aurait mieux fallu rester sur la plage car cela lui aurait été plus sage. Cependant, son ami son ami n’était pas là et il n’avait point pu lui demander ni savoir ce qu’il fallait faire, car il n’était pas aussi réfléchi.
Il continua à avancer quand tout à coup, il entendit un grognement macabre, comme figé par le temps lui-même, venir du fond des bois. Il dura, il lui sembla, plus d’une minute et faisait trembler la terre. Toute l’île en fut secouée. Les hurlements lugubres à vous glacer le sang se rapprochaient de la plage et les secousses se faisaient de plus en plus fortes, de plus en plus fréquentes. Ces cris n’avaient en eux rien de naturel, comme venant d’une quelconque dimension parallèle à notre monde, séparée par le voile de l’inconscient qui en chacun et surtout pour les plus imaginatifs se faisait plus ou moins net au point qu’il fut impossible pour Henri de dire s’il s’agissait là de la réalité ou bien d’un simple rêve.
Henri n’en attendit pas la réponse et il se mit à courir à toute jambe, sans se retourner, de peur d’apercevoir la terreur cyclopéenne se profiler à l’horizon. Cependant, sa curiosité d’explorateur le poussa à jeter un coup d’œil en arrière. Il aperçut alors l’horrible, le profane, la chose aux ailes membraneuses et écailleuses et dont les formes grotesques n’auraient su trouver nature même dans ses cauchemars les plus fous.