[Topic unique] Des trésors dans vos livres

 
  • FloXy

    Empereur des pages

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    #361 31 Août 2018 21:01:49

    Extrait de L'hurluberlu ou la philosophie sur un toit de George Picard :

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    Un type m’a attrapé un jour par mon revers de veste en me sommant de m’expliquer. À quoi s’attendait-il ? Je l’avais piqué en ricanant à propos d’une remarque qu’il avait faite concernant sa relation avec les femmes. Les femmes : comment peut-on encore s’exprimer ainsi ! Je crois qu’il imaginait que je remettais en cause son pouvoir de séduction. « Avec moi, il va falloir que tu abandonnes ton air de te foutre de la gueule du monde » me dit-il. Je ne savais pas que je donnais cette impression, mais, en l’occurrence, elle n’était pas mal venue. Ce qui m’amusa bientôt, ce fut cette querelle de petits coqs dans laquelle il faillit m’entraîner. Je me dis que le pire n’aurait pas été d’en venir aux poings. Non, le pire aurait été d’avoir à justifier une certaine forme de pensée devant un imbécile inapte à la saisir. Ce qu’il en apercevait n’était que la plus petite pointe. Espérait-il obtenir une confession ? Combien de fois par jour doit-on affronter ce genre de quiproquo, plus profond et définitif qu’il n’y paraît ! C’est à désespérer de pouvoir jeter un pont entre deux esprits en inharmonie complète, quelle que soit la sincérité de chacun. Celui que j’ai traité d’imbécile ne l’était peut-être pas plus que la moyenne des admirateurs de Sacha Guitry ou de Philippe Sollers. Ils ont la majorité pour eux, ils gagnent donc démocratiquement le droit de dire des conneries. Moi, ou quiconque ne les suit pas, celui de les envoyer balader et de n’en penser pas moins.

  • FloXy

    Empereur des pages

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    #362 02 Septembre 2018 20:49:54

    Extrait de Tuer le père d'Amélie Nothomb :

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    Jongler revient à nier tant la pesanteur que la multiplicité des choses. Le pari du jongleur est d’assurer le mouvement perpétuel et aérien d’une matière lourde et nombreuse. L’esprit n’a ni poids ni chiffres, il est indénombrable. Jongler déguise la matière en esprit en conférant à celle-ci les propriétés de celui-là. Le jongleur doit avoir la tête aussi rapide que les mains, doit calculer le temps que prendra la chute de chaque objet et accorder son geste à son estimation.
    Le jongleur de feu ajoute à ce pari une clause démentielle : la matière, outre son poids et son nombre, possède un danger. Si cette propriété demeure plus d’une fraction de seconde en contact avec le corps, il brûle.
    Quant au danseur de feu, c’est le fou absolu : c’est un jongleur de feu qui fait de sa technique un acte total, non pas seulement accomplir des prodiges avec ses bras, mais incarner le miracle de la tête aux pieds.
    Depuis Nietzsche, on sait que Dieu danse. Si Nietzsche avait pu aller à Burning Man, il aurait connu l’existence d’une espèce supérieure de divinité, qui danse avec pour partenaire le meilleur danseur de l’univers : le feu.
    Les fire dancers n’ont pas créé leur art pour le plaisir un peu vulgaire de faire du trop difficile. Il y a une logique profonde à associer ces deux dieux, la danse et le feu. Regarder de grands danseurs provoque le même émoi que regarder une bûche enflammée : le feu danse, le danseur brûle. C’est le même mouvement, aussi hirsute qu’harmonieux. C’est le combat sans vainqueur entre Dionysos et Apollon, l’alternance continuelle du danger et de la maîtrise, de la folie et de l’intelligence, du désir et de la plénitude.
    Les langues ont tour à tour leur supériorité. En l’occurrence, l’anglais l’emporte sur le français : fire dancer, c’est tellement mieux que danseur de feu. Pauvre français de besogneux analytique, qui doit établir un constat d’accident – un complément déterminatif – est-ce un génitif objectif ou subjectif ? Qu’est-ce que la grammaire vient faire entre deux divinités ? C’est l’anglais qui a raison, il faut jeter les deux mots l’un contre l’autre – et qu’ils se débrouillent – et aussitôt ils crépitent ensemble.

  • AmySunday

    Marin sur les mers du savoir

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    #363 05 Septembre 2018 13:32:58

    Extrait de Nos chemins de Travers de Georgia Caldera :
    "Et ainsi se perpétue la domination des hommes sur les femmes. Nous, on se goinfre tant qu'on le souhaite et on vous regarde faire semblant de vous contenter de vos trois feuilles de salade dégueulasse. Vous affamer, juste parce que des conneries de magazines vous font croire que c'est ainsi qu'on vous préfère. Ce serait vraiment dramatique, voire presque immoral, de ne pas user au moins toute votre énergie à essayer de ressembler à une pub pour Photoshop, uniquement dans le but de nous être un tant soit peu agréables."
  • Espyvie

    Serial lecteur

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    #364 08 Septembre 2018 12:21:57

    Extrait  de la nuit des temps de René Barjavel :

    « Ils étaient onze, deux Noirs, deux Jaunes, quatre Blancs, et trois allant du café au lait à l'huile d'olive. Mais leurs onze sangs mêlés dans une coupe n'eussent fait qu'un seul sang rouge.»

  • FloXy

    Empereur des pages

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    #365 06 Octobre 2018 17:17:13

    Extraits de La vie devant soi d'Emile Ajar de Romain Gary :


    -"Pendant longtemps, je n'ai pas su que j'étais arabe parce que personne ne m'insultait."

    -"Ne dites pas de conneries. La France n'a jamais torturé personne, on n'est pas en Algérie, ici."

    -"Moi, l'héroïne, je crache dessus. Les mômes qui se piquent deviennent tous habitués au bonheur et ça ne pardonne pas, vu que le bonheur est connu pour ses états de manque. Pour se piquer, il faut vraiment chercher à être heureux et il n'y a que les rois des cons qui ont des idées pareilles. [...]
    Mais je tiens pas tellement à être heureux, je préfère encore la vie. Le bonheur, c'est une belle ordure et une peau de vache et il faudrait lui apprendre à vivre. On n'est pas du même bord, lui et moi, et j'ai rien à en foutre. J'ai encore jamais fait de politique parce que ça profite toujours à quelqu'un, mais le bonheur, il devrait y avoir des lois pour l'empêcher de faire le salaud. Je dis seulement comme je le pense, et j'ai peut-être tort, mais c'est pas moi qui irais me piquer pour être heureux. Merde. Je ne vais pas vous parler du bonheur parce que je ne veux pas faire une crise de violence"
  • FloXy

    Empereur des pages

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    #366 24 Octobre 2018 01:47:31

    Extrait de Comptine mortelle d'Anthony Horowitz :

    "J'ai passé toute ma vie dans une ville où les rues mènent quelque part car, soyons francs, elles ne peuvent pas se permettre le contraire."
  • FloXy

    Empereur des pages

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    #367 27 Novembre 2018 02:40:14

    Extrait de Changement de décor de David Lodge, une vision délicieusement négative de la critique littéraire anglaise qui n'est pas pour me déplaire :

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    Il y a quelques années, il s’était lancé avec beaucoup d’enthousiasme dans un projet critique ambitieux : une série de commentaires sur Jane Austen qui prendrait en compte toute la littérature sur le sujet, examinant chaque roman l’un après l’autre et disant absolument tout ce qu’on pouvait en dire. Le principe de base consistait à être complètement exhaustif, à étudier les romans sous tous les angles concevables, l’angle historique, biographique, rhétorique, mythique, freudien, jungien, existentialiste, marxiste, structuraliste, allégorique dans la tradition chrétienne, éthique, exponentiel, linguistique, phénoménologique, archétypal et tout le reste ; de sorte que, une fois le commentaire rédigé, il n’y aurait absolument plus rien à dire sur le roman en question. Le but de l’exercice, comme il l’avait souvent expliqué avec toute la patience dont il était capable, était non pas d’aider le lecteur à mieux aimer et à mieux comprendre Jane Austen, encore moins de célébrer la gloire de la romancière elle-même, mais de mettre un terme une fois pour toutes au tas de conneries que l’on pourrait être tenté d’écrire sur le sujet. Les commentaires ne seraient pas destinés au grand public mais au spécialiste qui, en consultant Zapp, se rendrait compte que le sujet qu’il envisageait d’étudier avait déjà été traité, et que le livre, l’article ou la thèse qu’il voulait écrire devenait par là même superflu. Après Zapp, tout ne serait plus que silence. Cette pensée lui procurait un plaisir intense. Dans ses moments d’exaltation faustienne, il rêvait, après avoir réglé son compte à Jane Austen, de poursuivre sa tâche et de refaire la même chose avec tous les autres grands romanciers anglais, et, ensuite, de s’attaquer aux poètes et aux dramaturges, en utilisant au besoin des ordinateurs et des équipes de jeunes étudiants-chercheurs bien formés, réduisant ainsi inexorablement les espaces encore ouverts aux commentateurs dans le domaine de la littérature anglaise, semant la stupeur dans toute l’industrie, mettant en chômage plusieurs dizaines de ses collègues : les revues se tairaient, les départements d’anglais les plus célèbres seraient désertés comme des villes fantômes…
    Comme on l’aura peut-être compris, Morris Zapp ne tenait pas en très haute estime les travailleurs qui œuvraient avec lui dans les vignes de la littérature. À ses yeux, ce n’étaient que des êtres inconsistants, velléitaires et irresponsables qui se vautraient dans le relativisme comme des hippopotames dans la boue, et dont le museau émergeait à peine dans les couches supérieures du sens commun. Ils voulaient bien admettre l’existence d’opinions contraires aux leurs – et même, Dieu leur pardonne, il leur arrivait de changer d’avis. Leurs piteux efforts pour paraître profonds étaient rendus totalement dérisoires par leurs tâtonnements et leurs précautions oratoires. Ils aimaient commencer leurs communications par des formules comme : « J’aimerais soulever quelques questions à propos de… » et le simple fait d’avoir soulevé ces questions leur donnait l’impression d’avoir accompli leur devoir intellectuel. Cette stratégie mettait Morris Zapp hors de lui. N’importe quel imbécile, prétendait-il, pouvait concocter des questions ; c’étaient les réponses qui distinguaient l’homme de l’enfant. Si vous ne parvenez pas à répondre à vos propres questions, c’est soit parce que vous ne les avez pas suffisamment creusées, soit parce que ce ne sont pas de vraies questions. Dans les deux cas, vous n’avez qu’à la fermer. Depuis quelque temps, on ne pouvait faire un pas dans les études anglaises sans buter sur des questions sans réponse que quelque sombre idiot avait négligemment laissé traîner – c’est comme quand vous essayez de réparer une fuite dans une mansarde encombrée de meubles poussiéreux et délabrés. Eh bien, son commentaire allait mettre un terme à tout ça, du moins en ce qui concerne Jane Austen.

  • Aealo

    Lecteur fou

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    #368 14 Décembre 2018 11:05:24

    - … il s’agit d’une fusée Titan II. Elle contiendra deux astronautes, des alliés des vassaux, dans la module principal. Ils piloteront en direction du satellite avec l’aide de ce qu’on appelle un « ordinateur ». Une sorte de cerveau électronique.
    - Bon Dieu de merde. On aurait du s’arrêter au cheval.
    American Vampire tome 8
  • Rhavanielle

    Insomniaque des livres

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    #369 08 Janvier 2019 21:29:14

    « Notre époque est, dit-on, le siècle du travail ; il est en effet le siècle de la douleur, de la misère et de la corruption. »
    Le droit à la paresse, de Lafargue.

    Dernière modification par Rhavanielle (08 Janvier 2019 23:51:04)

  • Aealo

    Lecteur fou

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    #370 04 Février 2019 22:57:45

    L'exposition universelle ! La perle des mensonges ! L'histoire de l'exploitation des colonies réécrite en un conte de fées pour la société bourgeoise occidentale ! Une machine à bonne conscience ! Tu sais ce qu'on fait des colonies, Victor ? Pillage ! Meurtre ! Esclavage ! Destruction ! Et surtout, fortune !
    Et regarde ces gens, leurs costumes du dimanche, qui flânent dans le s pavillons et les palais, le sourire aux lèvres. Ils viennent découvrir l'espace d'un dimanche ce qu'ils s'emploient à détruire méthodiquement tout le reste de l'année, et qu'ils vont faire disparaître !
    On vient célébrer l'exportation de l'exploitation de l'homme par l'homme. Désormais, les damnés de la terre seront ailleurs, ça fera plus propre.

    L’assassin qu’elle mérite t.3