#214 05 Juin 2018 16:51:51
Trois derniers livres lus...
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Feu pâle de Vladimir Nabokov (première parution en 1961) - Deux parties pour ce roman : un poème composé de 999 vers suivi d'un appareil de notes délirantes rédigées par le voisin excentrique du poète. Une forme singulière, donc, pour ce récit fantaisiste, labyrinthique et surchargé de symbolisme. Nabokov fait du Nabokov, il écrit en joueur d'échecs et nous offre une lecture divertissante, évidemment très maline, dont le décryptage des différents niveaux de lecture possible est jouissif. Seulement, la fabrication est trop huilée et dont l'on devine l'auteur trop satisfait de son petit jeu : peu de place pour la littérature dans tout cela. Une lecture amusante mais superficielle et, somme toute, dispensable. Dans un genre et avec des procédés très similaires, préférez La Vraie Vie de Sebastian Knight. 12/20.
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La philosophie médiévale d'Alain de Libera (première édition en 1993) - De Boèce à Cues en passant par Maïmonide et Averroès (pour ne citer que les plus connus parmi les centaines d'auteurs évoqués dans cet ouvrage), Libera nous offre un voyage érudit au gré de la translatio studiorum. Deux observations importantes pour ceux qui désireraient lire ce volume. D'une part il s'agit moins d'une histoire des idées philosophiques au Moyen Âge qu'une histoire de la circulation des savoirs philosophiques et des conditions d'élaboration de ceux-ci dans une optique historiographique très proche de celle l'histoire connectée, dont je ne jugerai pas de la pertinence ici (mais c'est parfaitement assumé - voire revendiqué - par l'auteur). D'autre part cet ouvrage ne conviendra pas aux débutants absolus : il est touffu et parfois (en fonction des connaissances préalables et relativement aux sujets/auteurs abordés) relativement ardu. Malgré cela, c'est une somme exigeante et extrêmement intéressante, rédigé par un auteur qui connait parfaitement son sujet et accompagné une bibliographie bien fournie et précieuse pour de futures explorations sur ce thème. 13/20.
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Adophe - Le Cahier rouge - Cécile de Benjamin Constant (parutions initiales respectivement en 1816, 1907 et 1951) - Il s'agit ici d'une relecture, j'avais lu ces trois récits (sur écran d'ordinateur, avec un confort moindre) il y a quelques années. Ma première impression alors très favorable a été largement confirmée. L'on pourrait sous-titre ces trois récits, autobiographiques à divers degrés, l'inconstance de Constant. En effet, il y est souvent question d'amours tourmentées, d'indécision sentimentale aux effets dévastateurs, le tout sous la forme de récits où la psychologie de l'auteur - d'une intelligence et d'une lucidité rares - est finement mise en relief. Le moraliste n'est jamais bien loin de l'introspectif ici et Constant tire sans cesse les justes leçons des ses errements de jeunesse : c'est toujours pertinent et, en fonction des situations, drôle ou tragique. Le tout est servi par un superbe style : simple, élégant, fluide - un véritable plaisir de lecture. Incontournable (a minima pour Adolphe, mais les récits strictement autobiographiques que sont Le Cahier Rouge et Cécile sont également des bijoux). 18/20.
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Autre chose : pour ceux qui ont un peu de temps, la très bonne chaîne YouTube Rien ne veut rien dire a - entre autres contenus intéressants - récemment mis en ligne d'anciens documentaires de la Radiodiffusion Française (piqués sur ina.fr, de toute évidence) sur de grands noms de la littérature française. De Pascal à Labiche, il y en a pour tous les goûts et la qualité audio/vidéo est très correcte.