#676 24 Décembre 2023 13:52:41
La conjoncture des hirondelles tome 2 de Thierry Lefebvre
Ce deuxième tome de la trilogie est difficile à commenter sans divulgâcher quoi que ce soit des différentes intrigues. Je suis resté sur mon appétit dans cet épisode, car aucune des interrogations soulevées dans le premier livre ne trouve réponse ici. Au contraire, d’autres s’ajoutent alors que certaines se complexifient. Que ce soit au niveau scientifique, interpersonnel ou politique, les questions demeurent et s’accumulent; l’auteur aura plusieurs fils à dénouer dans la finale qu’on attend avec impatience. Tout porte à croire que le voyage en bateau qui se prépare sera riche en péripéties et dénouements. L’écriture est toujours fluide, le rythme s’accélère et j’ai bien hâte de voir comment tout cela s’achèvera. Preuve que l’auteur sait y faire !
Mademoiselle samedi soir de Heather O'Neill
“Personnages en quête d’une vie” pourrait bien convenir comme titre à ce roman. Désœuvrés sans en être tout à fait conscients, et surtout pas coupables de l’être, constamment réfugiés dans le délire et le fantasme, ils évoluent dans la vie comme on se laisse aller dans le courant, secoués à l’occasion d’un spasme de révolte. Pourtant jamais on ne s’ennuie, tellement leurs parcours sont atypiques, ponctués d’imprévus, virevoltant au gré des humeurs ou des prises de substances diverses. On a là une faune exotique, inadaptée, à la rancœur aussi tenace que justifiée, prise dans le filet de ses limites et contradictions. Il n’y a que Nouschka qui, malgré ses errements à gauche et à droite, a un but et tient, tant bien que mal, le cap.
J’ai adoré cette histoire où l’autrice, moins déjantée ici que dans “La vie rêvée des grille-pains”, aborde avec candeur des thèmes aussi variés que la parentalité, la cohabitation francos anglos, l’indépendance du Québec, le trauma des enfants vedettes, les motards, etc. Mais c’est surtout le personnage de Nouschka, torturée, pleine de questions pragmatiques, déterminée, audacieuse même, qui permet au lecteur d’appréhender ce monde de marginaux, d’en décoder les règles qui n’y existent peu ou pas. Définitivement une autrice que je vais suivre de très près.
Indice des feux de Antoine Desjardins
Les comportements humains bousculent la nature, les changements climatiques en étant le meilleur exemple. Dans ce recueil de nouvelles, l'auteur illustre quelques-unes de ces conséquences néfastes en les intégrant dans des tranches de vies qui n'y sont pas, de prime abord , reliées. Le résultat est inégal, allant de l'éblouissant au plus léger, sans toutefois ne jamais décevoir. La fusion des deux thèmes dans certaines allégories est géniale, je pense ici particulièrement à “À boire debout” et “Feu doux' alors que celle du coyote urbain m'a semblé moins évidente, bien que l'histoire en soi reste amusante.
Mort d'homme et mort d'arbres, disparition d'oiseaux et météo chamboulée, angoisse de paternité et extinction des baleines noires, empiétement urbain et perte de nature, autant de liens, joliment emmenés, qui portent à réflexion. En soi, les récits captent l'intérêt et, en prime, sensibilisent. On est loin du pamphlet, rien d'agressif ici. Juste une prise de conscience. Comme s'il n'était pas déjà trop tard. Espérons-le . . .
Haute démolition de Jean-Philippe Baril Guérard
En refermant ce livre, je me suis demandé si ce milieu de l’humour québécois ressemblait vraiment à cela; j’ai bien peur que oui, en partie du moins. Car, en suivant la carrière et la vie mouvementée de quelques humoristes issus d’une cohorte de L’École nationale de l’humour, le portrait qui se dégage n’est pas flatteur : mesquinerie entre collègues, abus généralisé d’alcool et de drogues, maraudage des gérants, pas de pitié pour les perdants à cette course au podium. Plusieurs y laisseront des plumes, certains leur carrière, certains leur santé mentale. Ce roman n’a rien de réjouissant, mais le rythme trépidant, l’intérêt créé envers les personnages principaux, la découverte de ce milieu particulier et les dialogues forts en font une lecture addictive; lu en une journée.
J’avais beaucoup aimé “Royal” du même auteur qui examinait, avec une loupe semblable, celle qui met tout à nu sans compromissions, une faculté de droit. On retrouve ici les qualités d’écriture qui façonnent un microcosme hallucinant d’authenticité. En plus, la narratrice, elle-même au cœur de l’action, écrit comme si elle prévoyait tout ce qui était pour arriver et s’adressait au protagoniste; déroutant et envoûtant à la fois. Et l’actualité qui s’invite dans les derniers milles. . . À la fin, je me suis demandé qui de Laurie ou Ralph avait finalement le destin le plus enviable. La question reste ouverte.