[Suivi lecture] Errant

 
  • Errant

    Bookworm

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    #681 28 Décembre 2023 15:25:04

    La reine de rien de Geneviève Pettersen

    Plus je lisais ce roman, plus je me faisais la réflexion que si le personnage principal était un homme plutôt qu’une femme, on assisterait à un ressac certain. En effet, alors que sa petite famille va bien, que son mari est un père exemplaire de son propre avis, une femme décide de batifoler avec un nouveau collègue, alors que celui-ci ne veut pas vraiment; la notion de consentement a-t-elle un sexe? Par la suite, elle va s’engager dans une relation avec un homme marié, toujours en se foutant des conséquences possibles. Et, lorsque le chat sort du sac, elle semble étonnée et désarçonnée; ben voyons! On parle ici d’une femme intelligente avec une belle carrière, qui l’intéresse. Qu’elle soit tannée de vie conjugale et parentale, je veux bien. Mais que ce soit de cette façon qu’elle s’en sorte m’a semblé à la fois peu crédible et pathétique.

    Jamais je n’ai eu une seule once de sympathie pour le personnage de Catherine. J’ai trouvé que les personnages de Fred et Mathieu étaient de vraies caricatures. J’avais pourtant adoré “La déesse des mouches à feu” de la même autrice, notamment pour une certaine fougue dans l’écriture et un ton personnel accrocheur. Ces qualités y sont encore ici, encore faudrait-il qu’il y ait un propos à la hauteur.


    La bourse de Honoré de Balzac

    Cette très courte nouvelle parle d'un coup de foudre et des doutes déchirants qui s'ensuivent. Instantanément frappé par la beauté d'une voisine, un jeune peintre talentueux viendra à s'interroger sur la probité de celle-ci et ses mœurs réelles à la suite de la disparition d'une bourse pleine d'argent qu'il a perdu au domicile de sa belle. Le rôle exact de deux vieillards qui la fréquentent chaque soir le laisse également perplexe. Les explications seront trouvées.

    J'ai aimé ce court récit. Balzac va aux faits sans s'égarer, nous fait bien partager les états d'âme et angoisses de Schinner. J'ai aussi trouvé cocasse qu'il avertisse le lecteur de la nécessité de bien décrire l'appartement des Leseigneur de Rouville, comme s'il se prémunissait à l'avance d'éventuelles critiques à cet égard. D'autant plus que ladite description n'est même pas vraiment longue, enfin. Bref sans doute pas un tome marquant de la Comédie, mais une petite incursion plutôt agréable.


    Whisky et Paraboles de Roxanne Bouchard

    J'ai éprouvé du plaisir à lire ce livre malgré quelques irritants. D'abord, du bon coté des choses, le mystère entretenu sur ce qui a causé la fuite effrénée d'Élie vers une nouvelle vie, vers la recherche d'un refuge; quel crime a-t-elle commis, quel drame en est à l'origine? Deuxio, le personnage de Richard, le musicien voisin qui la confrontera dans ses échappatoires, elle qui lui rendra bien par ailleurs. Ensuite la galerie de personnages secondaires, dont l'apport ne le sera pas, au contraire, puisqu'il encadre et exacerbe à la fois les tourments des deux premiers. Sans oublier l'audace de l'écrivaine qui ose insérer le fantastique avec ses sylphides et autres allégories ambiguës à souhait. Finalement la progression de la tumultueuse et touchante relation entre Élie et Amorosa, deux écorchées qui s'apprivoisent à la dure.

    Par contre,  certains dialogues de la part d'une petite fille de huit ans, aussi allumée puisse-t-elle être, sont peu crédibles. Les bondieuseries à répétition m'ont agacé, de même que les salmigondis de Manu où les répugnants tarifs de taxi, les tirades sur son peuple, la supposée sagesse ancestrale et les élans musicaux cohabitent difficilement. Reste que ces passages ont leur place dans le récit et n'altèrent pas significativement la belle découverte de cette facette de l'écrivaine que je ne connaissais que pour sa trilogie Morales, d'un tout autre ordre. Au final, une très belle trouvaille.


    Montana 1948 de Larry Watson

    Une petite ville, un shérif consciencieux, son frère, héros de guerre et médecin apprécié, qui  fait soudain l'objet de rumeurs sur ses pratiques douteuses envers les femmes indiennes de la réserve d'à côté. Dilemme pour l'homme de loi: on ferme les yeux, on limite les dégâts contre un engagement de cesser, on va au bout de l'enquête et on le traduit en justice ? Alors que le père l'idolâtre, que la communauté l'apprécie et que le lien fraternel s'y oppose. Toute l'histoire est racontée par le fils de douze ans du shérif qui adorait son oncle avant d'entendre ces rumeurs à l'accent de vérité.

    Le roman est court, le récit bien développé, les voix qui s'élèvent pour une option ou l'autre bien représentées, la perplexité du jeune narrateur bien exprimée. Il y est question d'abus sexuels, de racisme, de droiture, d'abus de pouvoir, de l'attraction du déni et, par-dessus tout, de justice. Malgré la lourdeur du sujet, tout y est traité avec retenue, pudeur presque. Une réussite qui incite à lire l'autre roman consacré à la famille Hayden “Justice”.
  • Grominou

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    #682 28 Décembre 2023 19:41:43

    Oh dommage pour le Pettersen!  Bon, moi je n'ai toujours pas lu son précédent, j'avoue que j'ai peur que  ce soit un peu trop trash pour moi...
  • Errant

    Bookworm

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    #683 28 Décembre 2023 23:11:29

    Pour  Déesse c'est possible que ce ne soit pas tellement ton genre.

    Dommage ? Pas vraiment, 2023 a été une très bonne année de lecture, donc une déception ici et là n'est pas la fin du monde. Surtout depuis que j'ai appris à abandonner lorsque cela me parait imbuvable.

    D'ailleurs, pour 2024, je vais tenter de sortir plus souvent des sentiers battus que j'arpente depuis plusieurs années, C'est certain que ce ne sera pas toujours les trouvailles du siècle !
  • Grominou

    Administratrice

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    #684 28 Décembre 2023 23:42:33

    Oh j'ai hâte de voir les sentiers que tu vas emprunter!
  • isallysun

    Cauchemar des auteurs

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    #685 02 Janvier 2024 20:28:49

    J'ai impression que la reine est pour surfer sur la vague du succès du précédent. Est-ce que c'est un sentiment que tu as aussi depuis que tu l'as lu?
    Fuite effrénée vers une nouvelle vie pour whisky et paraboles: est-ce un pastiche du sel de la mer? Ou c'est vraiment différent cette fuite?

    Comment tu fais pour avoir ce rythme de lecture?

    Bonne année!
  • Errant

    Bookworm

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    #686 02 Janvier 2024 22:47:51

    @ isallysum
    Possible pour le Pettersen, pourtant elle a aussi une belle carrière radiophonique, rien  d'alimentaire ne l'obligeait à publier rapidement.

    Pour le Bouchard c'est complètement différent, plus décousu mais plus allégorique aussi.

    Pour le rythme c'est simple. En plus d'être à la retraite c'est une période creuse de l'année tant qu'il n'y aura pas assez de neige pour tracer les sentiers et atteler les chiens. Bien  sûr, faut aimer lire !

    @ Grominou
    Sans devenir exclusif je vais surtout me concentrer sur les classiques principalement français et aussi anglais, mes lacunes étant béantes. Tenter également de lire une vingtaine de québécois et explorer plus souvent le courant de "nature writing" qui, bien qu''étant assez diversifié, me plait généralement beaucoup. Sans oublier de finir quelques unes des nombreuses sagas déjà entamées.
  • isallysun

    Cauchemar des auteurs

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    #687 03 Janvier 2024 02:38:47

    Ah, la retraite, c'est ça l'explication! Lis-tu autant que tu espérais, en travailleur, le faire rendu là?
  • Errant

    Bookworm

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    #688 06 Janvier 2024 18:41:23

    La promenade au phare de Virginia Woolf

    Que dire d’un roman où il ne se passe presque rien, sinon qu’une suite d’impressions et de réflexions dans la tête des personnages? D’abord que cela est déroutant. Ensuite que le lecteur doit s’astreindre à rassembler les pensées de chaque personnage pour s’en faire une idée, en même temps qu’il doit aussi procéder à un autre assemblage, sur les thèmes abordés cette fois-ci, afin de cerner le propos. Et cela, tout en extrayant ces informations d’une écriture sinueuse, sans référence temporelle ni séparations claires entre les cogitations de l’un et l’autre. Autrement formulé, il faut être attentif et concentré. Et j’ajouterais fortement motivé, car rien n’est donné gratuitement ici.

    Rendu là, l’effort en vaut-il la peine? À chacun sa réponse. Quant à moi, oui, pour le dépaysement, pour affronter sa paresse mentale, à titre d’expérience nouvelle, pour la découverte d’une écriture atypique. Mais je n’en ferais pas ma tasse de thé. Si les autres romans de l’auteure sont du même type, je laisserai à d’autres ce genre de casse-tête. Reste que l’exploration m’a plu d’une certaine façon. L’ironie de l’écrivaine sur la place des femmes, les contradictions internes de Mme Ramsay, le rapport à la peinture de Lily et le personnage du père, prisonnier de son propre caractère, sont autant d’éléments que j’ai savouré. Bref, une lecture étonnante et demandante, lumineuse par certains aspects, qui constitue en soi une expérience mémorable.


    Perdre la tête de Heather O'Neill

    Suite à une gaffe majeure, un meurtre accidentel (annoncé dès les premières pages), deux jeunes amies sont séparées de force et connaîtront des destins bien différents. Au fil des ans, elles passeront par une gamme de relations : amitié, jalousie, complicité, rivalité, amour, jalousie, envie, haine, mais jamais par l’indifférence . . . L’époque n’est pas tendre pour les femmes. Qu’elles soient chefs d’entreprises, simples ouvrières, écrivaines, bonnes, prostituées ou avorteuses, qu’importe, les hommes ont le pouvoir et n’entendent pas leur céder. Conquérir son indépendance devient alors un combat quotidien, parfois ouvert, parfois souterrain.

    Toute une trame de fond pour ce roman qui met en scène deux femmes “de la haute”, mais aussi plusieurs autres de classe moins privilégiées. On passe d’une perspective à une autre, on saute des motivations individuelles à des considérations de classes sociales, on flirte avec l’ambiguïté de genre. En plus, l’auteure nous mène en bateau, s’amuse à détricoter ce qu’elle nous avait concocté, finit le tout avec un feu d’artifice. J’ai bien aimé cette lecture à multiples tiroirs, avec ses personnages pétillants, toujours animés par de fortes pulsions.
  • Mypianocanta

    Gardien du savoir

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    #689 06 Janvier 2024 19:23:00

    J'ai abandonné Mrs Dalloway de Virginia Woolf pour les mêmes raisons que tu énonces (et pas par paresse intellectuelle … vraiment je crois ne m'être jamais autant ennuyée dans un livre). Donc je dirais que oui, c'est caractéristique de l'autrice ;)

    Bonne année 2024 en passant :party6:
  • isallysun

    Cauchemar des auteurs

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    #690 06 Janvier 2024 19:38:43

    Je ne sais pas pour Woolf, on dirait que ça pourrait me plaire, mais je crois manquer beaucoup de concentration.
    J'avais moins apprécié Hotel Lonely Hearts que ce que j'espérais de mémoire, mais je voulais relire l'auteure. Ce que tu dis de celui-là pourrait bien me plaire. On verra bien!
    Bonnes lectures!