[Le Horla - Mai 2013] Le style et l'auteur

  • Nathalie

    Ex-Team

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    #1 22 Mai 2013 18:04:07

    => Qu'avez-vous pensé du style de narration ?

    Vous pouvez notamment répondre aux questions suivantes (préparées par Elsinka) :

    1) Qu'avez-vous pensé du choix de faire du Horla un journal intime ?
    2) Avez-vous été sensible aux effets de style de Maupassant pour marquer la montée progressive de la peur ?
    3) Un court extrait où la langue de Maupassant vous a enchantée ?
  • Cerise Timide

    Lecteur confirmé

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    #2 22 Mai 2013 18:14:36

    La langue de Maupassant m'a enchanté du début à la fin!
    Je trouve que la forme de journal donne un côté plus intimiste. Le narrateur nous force à voir les évènement de ses yeux, et l'on se sent plus enclin à croire. CEtte forme n'est finalement pas si éloignée de celle de la première version, où le fou monologue finalement. Sauf qu'icile décor est mieux planté, et l'on a le droit à plus détails. Par exemple, j'ai réellement eu envie de visiter Rouen et le Mont Saint Michel en lisant!
    Je trouve que les très courts extraits où il ne se passait rien faisaient monter la tension. Ils sont utilisés à bon escient pour ne pas devenir lassant.
  • Unity

    Lecteur confirmé

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    #3 22 Mai 2013 18:52:43

    Un choix maintenant classique pour une nouvelle fantastique. Le journal intime justifie la première personne et permet une subjectivité nécessaire à la tension du récit : phénomènes surnaturels ou folie du narrateur ?
    Après, je n'ai pas été plus transcendée que cela par ce récit. Je suis surtout contente d'avoir pu découvrir une référence du genre à côté de laquelle j'étais complètement passée. Mais Maupassant parvient assez bien à nous faire douter avec les raisonnements très rationnels du narrateur. Sans avoir tremblé, je suis restée en haleine jusqu'à la fin.
    Et voici mon passage préféré (ou en tout cas, le seul que j'ai pris le soin de noter) : "Certes, la solitude est dangereuse pour les intelligences qui travaillent. Il nous faut, autour de nous, des hommes qui pensent et qui parlent. Quand nous sommes seuls longtemps, nous peuplons le vide de fantômes."
    Une bonne description du genre de paranoïa qui peut s'emparer d'un esprit qui s'ennuie.
  • Nathalie

    Ex-Team

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    #4 22 Mai 2013 18:57:25

    Oh Unity, c'est amusant, c'est un des passages que j'ai surligné sur ma liseuse !  Par contre je ne l'ai pas compris comme une description des prémices d'une paranoïa, mais plutôt au pied de la lettre : quand on est trop seul, on finit par vivre dans ses pensées, ses souvenirs, "peupler le vide de fantômes" et c'est quelque chose de négatif, de "dangereux".
  • Cerise Timide

    Lecteur confirmé

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    #5 22 Mai 2013 18:58:24

    Je me rend compte que j'ai souligné un passage en fait, où ce n'est pas tant le style qui m'a marqué mais la clairvoyance de Maupassant :

    Le peuple est un troupeau d'imbécile, tantôt stupide patient et tantôt férocement révolté. On lui dit "Amuse-toi."Il s'amuse. On lui dit "Va te battre avec le voisin." Il va se battre. On lui dit "Vote pour l'Empereur." Il vote pour l'Empereur. On lui dit "Vote pour la République." Et il vote pour la République.
    Ceux qui le dirigent sont aussi sot ; mais au lieu d'obéir à des hommes, ils obéissent à des principes, lesquels ne peuvent être que niais, stériles et faux, par cela même qu'ils sont des principes, c'est-à-dire des idées réputées certaines et immuables, en ce monde où l'on n'est sûr de rien, puisque la lumière est une illusion, puisuqe le bruit est une illusion.

  • stefiebo

    Mange-mots

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    #6 22 Mai 2013 18:58:36

    Je ne connaissais pas la plume de Maupassant mais j'ai été de suite séduite. Pas de fioriture, pas trop d'abus de langage.
    Au final, c'est un style assez contemporain...

    Mon passage préféré "Pourquoi ? Oh ! Je me rappelle à présent  les paroles du moine du Mont St Michel : "est-ce que nous voyons la cent millième partie de ce qui existe ? Tenez, voici le vent qui est la plus grande force de la nature, qui renverse les hommes, abat des édifices, déracine les arbres, soulève la mer en montagnes d'eau, détruit les falaises et jette aux brisants les grands navires, le vent qui tue, qui siffle, qui gémit, qui mugit, l'avez-vous vu et pouvez-vous le voir : il existe pourtant !"
  • Mypianocanta

    Livraddictien de l'espace

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    #7 22 Mai 2013 19:01:49

    Avant de répondre aux questions : il y a une chose qui me frappe dans le style de Maupassant dans Le Horla (et on retrouve cela dans la plupart de ses nouvelles) : c'est le sens de la phrase et du mot juste. Il ne s'épanche pas en grandes descriptions ou "sentiments" mais il va droit au but avec une précision implacable (quand on pense qu'il est disciple de Flaubert, les différences à ce niveau-là sont notables). Du coup, cela donne un langage plutôt moderne pour l'époque, même si ce qu'il raconte est parfaitement daté.
    Ayant lu les deux versions, je trouve le choix du journal très pertinent pour nous faire entrer dans la tête du personnage. On ressent plus ce qu'il vit que dans la nouvelle.
    Je crois que j'ai été plus que sensible à la montée de la peur : j'ai fini ma lecture la première fois totalement terrifiée au point de ne pas l'avoir relu avant cette semaine (soit près de 30 ans après)… dans le journal, elle est plus dosée en raison des épisodes hors de la maison qui coupent un peu et montrent bien qu'à chaque retour, la peur est montée d'un cran.
    Je ne mets pas de citation, je n'aime pas sortir des phrases de leur contexte , mais j'aime bien celle donnée par Stefiebo.

    @ Fantastique Cerise : les phrases que tu cites sont un reflet exact de la pensée politique de Maupassant.
  • stefiebo

    Mange-mots

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    #8 22 Mai 2013 19:05:07

    Fantastique Cerise a écrit

    Je me rend compte que j'ai souligné un passage en fait, où ce n'est pas tant le style qui m'a marqué mais la clairvoyance de Maupassant :

    Le peuple est un troupeau d'imbécile, tantôt stupide patient et tantôt férocement révolté. On lui dit "Amuse-toi."Il s'amuse. On lui dit "Va te battre avec le voisin." Il va se battre. On lui dit "Vote pour l'Empereur." Il vote pour l'Empereur. On lui dit "Vote pour la République." Et il vote pour la République.
    Ceux qui le dirigent sont aussi sot ; mais au lieu d'obéir à des hommes, ils obéissent à des principes, lesquels ne peuvent être que niais, stériles et faux, par cela même qu'ils sont des principes, c'est-à-dire des idées réputées certaines et immuables, en ce monde où l'on n'est sûr de rien, puisque la lumière est une illusion, puisuqe le bruit est une illusion.


    Voilà ! Là j'ai adoré sa clairvoyance !

  • Cerise Timide

    Lecteur confirmé

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    #9 22 Mai 2013 19:07:12

    Mypianocanta a écrit

    @ Fantastique Cerise : les phrases que tu cites sont un reflet exact de la pensée politique de Maupassant.


    Bin je pense qu'on aurait été copains.

  • Unity

    Lecteur confirmé

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    #10 22 Mai 2013 19:10:13

    Nathalie a écrit

    Oh Unity, c'est amusant, c'est un des passages que j'ai surligné sur ma liseuse !  Par contre je ne l'ai pas compris comme une description des prémices d'une paranoïa, mais plutôt au pied de la lettre : quand on est trop seul, on finit par vivre dans ses pensées, ses souvenirs, "peupler le vide de fantômes" et c'est quelque chose de négatif, de "dangereux".


    ça peut être vu de cette façon, en effet. Mais dans le contexte, le personnage essaye plutôt de se raisonner pour chasser les visions qui lui viennent, les fantômes étant le surréel. On comprend assez bien, au final pourquoi cette nouvelle a fait dire aux journalistes plus tard qu'elle annonçait la folie de Maupassant. : )

    Fantastique Cerise : J'ai aussi beaucoup apprécié la citation que tu as donné et qui est malheureusement, toujours aussi actuelle.