#1 26 Octobre 2013 19:35:37
<image>Misery Chastain est morte. Paul Sheldon l'a tuée avec plaisir. Tout cela est bien normal, Misery Chastain est sa créature, le personnage principal de ses romans. Elle lui rapporte beaucoup d'argent, mais l'a aussi étouffé : sa mort l'a enfin libéré. Maintenant, il peut écrire un nouveau livre.
Un accident de voiture le laisse paralysé aux mains d'Annie Wilkes, l'infirmière qui le soigne chez elle. Une infirmière parfaite, qui adore ses livres, mais ne lui pardonne pas d'avoir fait mourir Misery Chastain. Alors, cloué dans sa chaise roulante, Paul Sheldon fait revivre Misery. Il n'a pas le choix...
Je suis surprise de voir que ce roman n'était pas encore présent sur Livraddict. Je pensais être la dernière, parmi les amateurs, à l'avoir lu.
Paru en 1987, Misery a été adapté au cinéma en 1990. Je n?avais pourtant encore jamais lu ce roman devenu un classique du genre. Choisi par le Club de lecture pour illustrer le thème d'Halloween, il fut mon livre de chevet cette semaine. Brrr.
Sans doute a-t-on écrit plus sanguinolent, plus cruel, plus traumatisant depuis mais ce roman mêle particulièrement bien les genres et fait mouche. King reste d'ailleurs une référence pour de nombreux auteurs de thrillers.
L'intérêt de Misery réside dans le traitement du sujet. Dans ce huis-clos implacable mettant en scène un écrivain et sa plus grande fan, maniaco-dépressive, King joue à loisir des situations tendues, sur le fil, laissant craindre le pire à tout instant. Il joue avec nos nerfs et le fait bien - notamment lors de la première « évasion » de Sheldon hors de sa chambre. La description de tout ce qu'il met en œuvre, la peur, la douleur et la crainte de voir surgir Annie Wilkes sont méticuleusement dépeintes et parviennent à nous angoisser également.
Tant l'écrivain que son geôlier ont une personnalité complexe à la psychologie problématique. Il est vraisemblable que King ait donné à Sheldon des caractéristiques et réactions puisées dans sa propre vie. Les passages de dépendances au Novril sont d'ailleurs tellement bien décrits qu'on peut supposer qu'il les a lui-même vécus. De même les états d?âme de Sheldon et ses interrogations sur son métier d'écrivain semblent exprimer les angoisses et les préoccupations de Stephen King. Soumis à la critique du public et des « professionnels », vampirisé par les admirateurs trop fervents, harcelé même, l'écrivain doit faire face à une pression insoupçonnée. Poussée ici à son paroxysme, elle en devient terrifiante.
La mise en abîme du roman apporte également un effet de réalisme très plausible, nous mettant face à une admiratrice qui développe un transfert exacerbé allant jusqu'à influencer l'écriture même de son idole. Annie Wilkes est une psychopathe, maniaco-dépressive. Cela entraine une humeur instable, explosive, et des comportements excessifs qui peuvent à tout instant la faire basculer dans la folie. Amener Sheldon à réagir en fonction de ces pulsions, afin de les déjouer et de la manipuler, rend le scénario machiavélique à souhait et le suspense haletant.
J'ai apprécié ce récit, sa double lecture et le mélange des genres ainsi que le climat de tension qui s?installe crescendo. Il me reste maintenant à découvrir le film qui en a été tiré.