#1 23 Août 2016 15:38:04
Bonjour, bonsoir, bonjoir ou bonsour pour les plus zozotants d'entre nous!
Voici un texte, jeté, comme ça, sans aucune prétention si ce n'est de répondre à un défis. Lequel? En une heure, écrire, sur le thème de "La Huitième Couleur", un texte, quel-qu’il soit. Désespoir fut le mien de ne connaître Pratchett. Alors j'ai innové? Voici ma réponse à ce défis, en espérant que vous prendrez autant de plaisir à le lire que moi à l'écrire!______________________________________________________________________
LA HUITIÈME COULEUR
One shot
"Le corps était étendu, là, aux charognards. Des cheveux blonds, longs, tachés de boue. Et sa robe, sur son corps si jeune! Violette, et de terre et de sang. Quand on arrive sur place, sur ce terrain vague, dans cette ville du Nord de la France, il bruine. Le corps est soumis à des analyses sommaires. Au dessus de nous le pont nous surplombe, indigo et blanc, sombre.
“Elle a sauté du pont, capitaine, c’est la première fois que je vois ça…”
Il est blanc, lui aussi, mais qui tire plutôt vers le vert. J’acquiesce et le laisse partir vaquer à d’autre occupation. Il est nouveau. Je crois que c’est ce qu’il voulait, au final, partir, et ses quelques mots avaient sonné comme une délivrance. Comme si j’étais dieu. J’ai dans ma main gantée le porte-feuilles de la gamine. Un modèle en jean bleu usé. Des photos, des sourires, un nom. Je m’approche du corps sans appréhension. Il est en passe d’être retiré, ne restera de la gamine qu’une silhouette au scotch jaune, comme dans ces mauvais films qui m’ont donné envie d’être flic.
“Y-a-t-il des témoins?”
Personne ne me répond. Peut-être parce que l’orage roule au loin. Le ciel se teinte d’un orange vif qui n’annonce rien de bon. Je masse ma nuque et m’approche du légiste, un croulant qui essaie de ne rien laisser derrière lui. Mais je l’aime bien, ce vieux croulant, c’est mon père.
“ - Qu’as-tu à me dire?
- A part qu'elle s'est jetée de ce pont? Bordel, ça s’arrêtera donc jamais ?”
Je hausse les épaules, que veut-il que je lui réponde? Je lui tends le portefeuille, réchauffé par ma chaleur. Mon père le récupère et le place dans un sac hermétique à la fermeture d’un rouge vif. Les mots “pièces à conviction” se détache dessus. 8 Filles en 8 ans. Je ne dirais pas qu’il s’agisse de suicide. A moins que ce soit la folie post-étude. L’entrée dans la vie courante à de quoi faire peur. C’est pas les couleurs vives de l’enfance mais bien les mâchoires noires et dégoulinantes de fiel du monde qui nous écrasent si on ne se bat pas. En quoi sauter d’un pont est une victoire sur ce mécanisme de passage à l’âge adulte? 8 Filles en 8 ans. J’y songe, encore et encore. Je l’ai découvert. Quelques heures après avoir quitté les lieux, en remplissant mon rapport. J’ai fouiné. C’est mon surnom. Pas la fouine, mais la tête chercheuse. Je ne laisse rien sans rien, pas même un suicide. Une fille. Une gamine. Pas encore 18 ans.
Je tape les mots clés. Fille 16-20 ans. Pont. Nord. Suicides.
Et je trouve.
8 filles en 8 ans…
Les noms s’étalent sous mes yeux écœurés.
Rose Antonello
Rose Madder
Rose Démé
Rose Chauvire
Rose Marie
Rose Bellino
Rose Murat
Et aujourd’hui, 17 Août 2016, ROSE Eleon.
Quelques jours plus tard le journal du jour sera un peu plus grinçant. Toujours de noir et de blanc. Mais le grand titre lui… Le Tueur à la Huitième Couleur.
Une provocation. Histoire de le sortir de son trou. Pas mon idée. Il a été assez discret pour ne pas se faire avoir à chaque fois. Pas le même pont, mais toujours un pont quand même. Pas de trace. Pas d’indice. Toujours une ville différente. Mais un point commun. Rose. Leur prénom. Rose. La couleur du vernis qu’il a posé sur les ongles de toutes ces gamines… La huitième couleur. La folle couleur. Je me demande quelle est la sienne."