[Thérèse Desqueyroux - Avril 2023] - Parlons du roman

Administratrice

Hors ligne

#1 29 Avril 2023 10:05:57

Bonjour,

► Dans ce sujet, vous pouvez discuter de vos impressions sur le livre Thérèse Desqueyroux, de François Mauriac.

Des pistes pour donner votre avis (si besoin) :
(ce sont juste quelques pistes de réflexion, vous n'êtes pas obligé·e·s d'y répondre - et évidemment pas de répondre à tout - et n'hésitez pas à aller plus loin :))

→ Qu'avez-vous pensé des personnages?
En particulier, quel est votre avis sur Thérèse? Avez-vous eu de l'empathie pour elle? pour son mari?
Votre avis a-t-il évolué au cours de votre lecture?

Et qu'avez-vous pensé des relations entre les personnages?
Entre Thérèse et Bernard? Ou avec Anne?

→ Qu'avez-vous pensé de l'intrigue?
Avez-vous été embarqué·e?

→ Qu'avez-vous pensé du rythme? De la construction du récit?
Et de l'écriture?

→ Avez-vous trouvé ce contexte immersif? ce milieu provincial / bourgeois bien exploité?

→ Comment percevez-vous les raisons de l'acte de Thérèse?

→ Qu'avez-vous pensé de la fin? (en utilisant les balises spoiler)

→ De façon globale, avez-vous aimé ce livre? Vous a-t-il donné envie de lire la "suite"?
Ou qu'est-ce qui vous a plu / déplu?

N'hésitez pas à donner votre avis, mais aussi à réagir à ceux des autres participant·e·s et à leur poser des questions !
Le but du Book Club est d'avoir une discussion interactive :)

Attention aux spoilers ! Si vous souhaitez révéler un aspect important, merci d'utiliser les balises suivantes :

Code:

[spoiler]Le texte à cacher[/spoiler]

Merci pour celles et ceux qui n'auraient pas encore fini ce livre ;)

petite utopie (Lyzmod)

Lecteur timide

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#2 29 Avril 2023 11:37:43

Bonjour !

D'abord je remercie la personne qui a proposé ce livre pour le bookclub car je connaissais ce titre de nom mais n'aurait probablement pas été vers lui sans ce bookclub, or ce fut une très belle découverte ! et je lirais avec plaisir d'autres livres de Mauriac =)

Le style de l'auteur est très agréable : fluide, léger, très musical, comme un ruisseau par lequel on se laisse emporté. Poétique mais d'une façon très “concrète”. C'est très sensoriel : “l’ odeur de fournil et de brouillard”, “elle aspira de nouveau la nuit pluvieuse”, “elle fermait les yeux au souffle de la terre herbeuse et mouillée” on a vraiment tout dans la tête : les odeurs, le calme, l'atmosphère lourde et humide, les sensations physiques. Sans avoir besoin de longues descriptions de décor, en quelques mots on parvient rapidement à s'immerger et à se projeter dans l'histoire. J'ai particulièrement aimé la Lande et la façon dont l'auteur fait de ce paysage plus qu'un simple décor mais un “milieu” qui impacte les personnes qui y vivent, leur quotidien, leur mode de vie, leurs émotions et crée une véritable ambiance tantôt ensoleillée et joyeuse tantôt particulièrement angoissante.

J'ai aimé que le personnage de Thérèse soit très nuancé : elle paraît très froide et détachée, lorsque des répliques qu'elle aurait dites à sa belle-famille ou à son mari sont évoquées, on ne la reconnaît pas “prenez donc un siège belle-maman” c'est trop chaleureux pour elle et ça illustre bien le masque qu'elle porte en société. Elle a du mal à démêler ses émotions, ses pensées, à comprendre le pourquoi de son geste, ce que j'ai trouvé beaucoup plus vraisemblable que si l'auteur avait donné une explication tranchée. Je me suis attachée à elle en mode “solidarité féminine” ><, certaines choses auxquelles elle est confronté sont encore très actuelles : la pression familiale, le non-désir de maternité, les aspirations à “devenir soi”, notamment à travers les livres <3 et en développant son analyse sur le monde, son esprit critique, etc. Ça m'a beaucoup parlé.

Je me suis demandé si Jean Azevedo n'était pas un “avatar” de François Mauriac. Je ne connais pas très bien l'auteur mais j'imagine que si François Mauriac et Thérèse Desqueyroux s'étaient rencontrés, ils auraient eu des conversations comme celles de Thérèse et Jean Azevedo.

Ces deux personnages sont les seuls auxquels je me suis attachée, ils paraissent d'ailleurs être les seuls en “reliefs”, le mari et la belle-famille sont particulièrement quelconque.

Spoiler (Cliquez pour afficher)
Chaque étape dans la vie de Thérèse semble la mener inexorablement vers la dépression. Aussi je m'attendais à une fin beaucoup plus tragique : qu'elle se suicide ou que sa santé se dégrade et qu'elle décède. Je ne m'attendais pas du tout à une happy end et à la fois ça m'a rendue heureuse pour ce personnage auquel je me suis attachée, à la fois ça m'a laissé un peu sceptique. J'ai vu que l'auteur en plus du tome suivant à écrit plusieurs nouvelles autour du personnage de Thérèse. Peut-être n'en avait il tout simplement pas fini avec ce personnage.

Dernière modification par Lyzmod (29 Avril 2023 11:44:56)

Alhweder

Restaurateur de livres

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#3 29 Avril 2023 15:00:51

Je trouve que tu parles très joliement de ce livre @Lyzmod. Et du coup, je ne saurai trop quoi ajouter car je me retrouve dans l'ensemble de ton propos.

J'apporterais peut-être une nuance sur le mari dont je trouve au contraire que le portrait, fait de manière indirect, est assez intéressant. Jusqu'où une personne, une famille, mais un individu surtout, est-il prêt à aller pour sauver les apparences. Thérèse, quelque soit les évènements qui l'y conduise, a cherché à l'empoisonner. Même s'il l'écarte de sa vie, il la tolère quand même. Il finit même par adoucir son isolement. Je trouve l'idée assez puissante : mieux vaut sauver les apparences que dénoncer son assassin. Elle n'est peut-être que sous-jacente, c'est vrai. Comme il est vrai que ce n'est pas le sujet du récit...

C'est très intéressant ce que tu dis de la fin, car personnellement, je ne l'ai pas du tout interprétée en happy end... Pour moi, le naufrage se consommait au contraire... Du coup, cela me donne envie de la relire. Je suis peut-être passée à côté d'un élément.

Dernière modification par Alhweder (29 Avril 2023 22:38:45)

Grominou

Modératrice

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#4 29 Avril 2023 16:07:50

J'allais dire moi aussi que je ne saurais mieux décrire cette expérience de lecture que ne l'a fait Lyzmod! :ok: En particulier le côté sensoriel de l'écriture, je cherchais un thème pour décrire cela, sensoriel est excellent!

Je vous fais un petit copier/coller de l'avis qui paraîtra sur mon blogue (enfin, c'est le premier jet!) et je termine ensuite avec un mot sur la fin pour répondre aux deux commentaires ci-dessus.

Quelle belle découverte pour moi que cet écrivain! Je ne le connaissais que de nom, nous avons maintenant fait connaissance et nous nous reverrons bientôt (je possède un autre de ses romans, trouvé en boîte à livres).

Mariée à un homme avec qui elle n'a rien en commun, dans un mariage arrangé depuis l'enfance par leurs familles pour réunir les deux propriétés adjacentes, Thérèse souffre d'un manque total de stimulation sentimentale, sexuelle mais surtout intellectuelle. Sa grossesse et la naissance de sa fille ne lui apportent aucun bonheur. Sombrant dans la dépression, elle commet l'irréparable...

J'ai été particulièrement épatée par l'ambiance que Mauriac arrive à établir tout au long de l’œuvre. On étouffe dans cette relation malsaine entre Thérèse et son mari qu'elle a tenté d'empoisonner (je ne divulgâche rien, c'est dit dès le début). On étouffe dans cette vieille maison de campagne sombre et humide alors que pourtant dehors le vent souffle dans la pinède en transportant des odeurs de champignons et de résine. On étouffe dans cette famille, dans cette société où l'honneur et la tradition passent avant le bonheur individuel.

J'ai trouvé les thèmes abordés par Mauriac assez modernes, et la fin en particulier a su me surprendre! Si la plume dans son ensemble m'a beaucoup plu, notamment son côté concret, son appel à tous nos sens, je ne déplore que quelques termes un peu datés et qui m'ont fait tiquer -- j'ai noté par exemple l'expression «posséder une femme» (au sens sexuel) qui ne passe plus très bien de nos jours! Mais c'était le vocabulaire en usage à l'époque, il faut faire avec!

Sur la fin:

Spoiler (Cliquez pour afficher)
Sans la qualifier carrément de happy end, je la trouve plus douce qu'amère, remplie d'espoir. En effet, on peut espérer que, libérée du carcan du mariage et de la famille, Thérèse saura trouver une vie plus stimulante. Je m'attendais vraiment à une fin tragique, que Thérèse se suicide par poison ou qu'elle se laisse dépérir, ou même que Bernard n'en finisse par prendre les choses en main, qui sait? J'avais d'ailleurs complètement oublié qu'il y avait une suite, heureusement parce que c'est un peu divulgâcheur de le savoir!

Dans les personnages secondaires, j'ai bien aimé comment le parcours de la petite Anne est décrit,

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elle si vive et innocente, abattue par la désillusion amoureuse, elle finit par rentrer dans le rang, marier l'homme désigné par ses parents et adopter les valeurs traditionnelles. Peut-être la revoit-on dans la suite, peut-être se libérera-t-elle de son carcan elle aussi?

Julie27

Administratrice

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#5 29 Avril 2023 19:46:22

Coucou,

Je ne me serais sûrement pas laisser tenter sans ce book club (en tout cas pas avant pas mal de temps) et ça aurait été bien dommage !

Je rejoins aussi Lyzmod sur le style "sensoriel" (c'est bien trouvé !).

Le personnage de Thérèse m'a semblé si intéressant et je suis d'accord pour les nuances.
On compatit un peu et en même temps, elle semble si froide (par rapport à sa fille ou à tante Clara, d'ailleurs), enfin peut-être plus détachée que froide.
J'ai eu du mal à la cerner mais elle m'a plu, pour ce gros potentiel !

Je ne me suis pas vraiment attachée à Jean Azevedo, par contre. Je l'ai davantage perçu comme un "déclencheur" et son intérêt s'arrêtait un peu là.

Pour la famille, je les ai trouvés intéressants, mais j'imaginais que ce serait davantage centré sur le père de Thérèse d'ailleurs :chaispas:

Par contre, comment avez-vous perçu la relation avec Anne?

Spoiler (Cliquez pour afficher)
Elle semble un peu ambigüe, mais pas tant que ça.
Or, dans la première adaptation (supervisée par l'auteur lui-même, si je ne me trompe pas), cette homosexualité serait davantage mise en avant.

L'ambiance est si bien retranscrite, si pesante.

Spoiler (Cliquez pour afficher)
En fait, c'est dès le début. Thérèse est libre en théorie, mais on sent qu'elle n'est pas ravie du verdict et qu'elle est toujours comme enfermée, qu'elle étouffe dans cette vie toute étriquée.

D'ailleurs, j'ai lu que l'un des titres auxquels l'auteur a pensé était "L'esprit de famille". Je trouve qu'il était aussi bien adapté, car on sent bien le réquisitoire contre ce "milieu provincial" plein de non-dits.

Et que ça la mène à la dépression, en tout cas à la résignation :
"Il fallait qu'elle sût, comme Thérèse, que le bonheur n'existe pas" (quand elle s'adresse à Anne)
"Ne penses-tu pas que la vie des gens de notre espère ressemble déjà terriblement à la mort?" (quand elle s'adresse à Bernard, de mémoire)
Ce sont des passages assez marquants.

J'ai trouvé la construction très intéressante, notamment ce début si intrigant avec les éléments progressifs. Puis avec le recul qu'a Thérèse quand elle évoque son histoire, j'ai trouvé le procédé intelligemment mené.

Pour la fin

Spoiler (Cliquez pour afficher)
Je m'attendais aussi à quelque chose de tragique, je n'avais pas non plus prêté attention à la "saga" (mais qui aurait pu finalement suivre un autre personnage, d'ailleurs).
Je ne la qualifierais pas de "happy end" mais d'un renouveau et d'un potentiel pour la suite.
J'ai apprécié la dernière scène avec Bernard, qu'ils trouvent une forme de "sérénité" mais que les incompréhensions persistent (j'aurais été déçue qu'ils s'entendent vraiment bien, qu'il la comprenne et lui pardonne, etc. ça m'aurait semblé trop détonner).

C'est quand même une fin apaisée et presque optimiste ; on sent l'opposition avec le tout début : solitude / brume / verdict d'un côté, et à la fin Paris / avec plein de monde / du beau temps / une forme de liberté par rapport à ses obligations familiales.
Je trouvais que ça laissait présager un meilleur avenir pour elle.

Je ne sais pas si vous aviez vu que ça s'inspirait d'un fait divers?
J'ai trouvé l'info intéressante.

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J'ai eu la note dans mon édition : ça s'inspire de l'affaire des Chartrons, avec le procès d'Henriette-Blanche Canaby qui a tenté d'empoisonner son mari (avec d'ailleurs le même cocktail que celui évoqué dans le livre).
Mauriac a assisté à ce procès et a été marqué par l'accusée.

Je trouve qu'on ressent presque l'empathie à travers le personnage de Thérèse qu'il... hum... déresponsabilise presque?
Il y a la circonstance de l'incendie (qui la bouleversait un peu), puis le confrère qu'on ne fait pas venir, tante Clara qui est alitée, ... Bref, il lui donne pas mal de circonstances pour "atténuer" la gravité de son acte.

Grominou

Modératrice

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#6 29 Avril 2023 19:55:51

oh je savais pas du tout pour le fait divers! J'avais aucune préface ou autre dans mon édition (comme si je les lisais quand il y en a...:ohlecon:)

Pour la relation avec Anne:

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J'ai vaguement eu un doute à un moment donné mais après j'ai pensé que cela n'allait pas dans cette direction, j'ai plutôt pensé à une amitié intense et entière comme peuvent avoir les jeunes filles!

Julie27

Administratrice

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#7 29 Avril 2023 20:29:20

Alors que pour ma part j'adore les préfaces et éditions augmentées pour situer le contexte =D

Par rapport à Anne :

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Je te rejoins !
En fait, c'est au tout début que j'ai eu un doute...
Et ensuite j'ai l'impression que la jalousie que Thérèse ressent est plus liée au fait qu'Anne a une relation passionnée (alors qu'elle-même a une vie très morne), plutôt que ce soit lié au fait qu'Anne aime quelqu'un d'autre :chaispas:

Donc j'étais étonnée que les notes de mon édition mettent l'accent dessus...

Grominou

Modératrice

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#8 29 Avril 2023 21:51:20

Oui, même interprétation pour moi.

Alhweder

Restaurateur de livres

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#9 29 Avril 2023 22:43:54

Coucou, pour Anne, l'idée d'une ambiguité amoureuse ne m'était pas du tout venue à l'esprit pour le coup. J'étais plutôt sur la dernière interprétation que vous en donner.

Je ne savais pas non plus pour l'inspiration d'un fait divers ! (Pourtant, je lis aussi les préfaces ;) Ce n'était pas préciser dans la mienne.) Du coup, le rapporchement que j'ai fait dans le "Pour aller plus loin" avec Thérèse Raquin de Zola me semble encore plus pertinent. J'ai l'impression que c'est le même exercice que font les deux auteurs, chacun à leur période.

Dernière modification par Alhweder (29 Avril 2023 22:44:06)

ilonaisreading

Serial lecteur

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#10 30 Avril 2023 10:27:58

Coucou!
Je viens vous donner mon avis qui sera moins élogieux que les vôtres.

La plume de Mauriac est étonnement intéressante. Je ne suis pas fan du personnage donc je m'attendais à lire quelque chose d'assez plat, et ce n'est pas le cas!
L'auteur arrive à mettre nos sens en éveil grâce à ses descriptions qui sont justes.

Par contre, je dois avouer que l'histoire ne m'a pas intéressée... J'avais l'impression de lire une Thérèse Raquin light. L'idée de base n'a rien de novatrice mais pourrait être plus palpitante à lire et à découvrir. Zola y arrive avec brio. Thérèse était soit trop peu soit trop, je m'attendais à mieux. J'ai terminé ce livre en diagonale donc difficile de vous en dire plus.

Le mari m'a rappelé Charles Bovary avec sa soumission absolue et aveuglé par l'amour. C'est le personnage que j'ai préféré, il me faisait un peu de peine comme Charles.

Je pense continuer ma lecture de Mauriac avec Genitrix, je pense que cette lecture sera décisive puisque je saurai si j'aime cet auteur ou non. Malheureusement, la plume ne fait pas tout. Flaubert c'est pour toi!

Dernière modification par ilonaisreading (30 Avril 2023 10:29:29)