[Enard, Mathias] Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants

 
  • constance-ciel

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    #1 12 Février 2011 11:31:10

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    4e de couverture :
    13 mai 1506, un certain Michelangelo Buonarotti débarque à Constantinople. A Rome, il a laissé en plan le tombeau qu'il dessine pour Jules II, le pape guerrier et mauvais payeur. Il répond à l'invitation du Sultan qui veut lui confier la conception d'un pont sur la Corne d'Or, projet retiré à Leonardo da Vinci. Urgence de la commande, tourbillon des rencontres, séductions et dangers de l'étrangeté byzantine, Michel Ange, l'homme de la Renaissance, esquisse avec l'Orient un sublime rendez-vous manqué. Par l'auteur du très remarqué "Zone" (prix Décembre 2008 et prix du livre Inter 2009).


    Sorti à la rentrée 2010, prix Goncourt des Lycéens, ce livre, très court, partage ses lecteurs.

    Quelques-uns, comme moi, ont tout simplement adoré. Pour la poésie du style, pour la force de l'intrigue, pour l'humanité présente derrière chaque ligne, pour la plongée dans un siècle et un lieu fascinants (Istanbul au début du XVIe) ou pour la beauté du livre, de la couverture aux scènes descriptives, en passant par les moments d'action très puissants.

    D'autres ont été déçus : face à l'avis des lycéens et aux nombreuses chroniques "coups de coeur" publiés sur la blogo, ils en attendaient beaucoup, et le livre n'a pas été à la hauteur de leurs attentes.

    Et d'autres encore n'ont tout simplement pas croché : rythme trop lent, époque qui ne les intéressait pas, difficulté d'accès...

    Et vous, dans tous ça, vous vous situez où ? Avez-vous lu ce roman ? Aimé ? Ou au contraire pas croché ? Et pourquoi ?

  • amaryllis

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    #2 12 Février 2011 11:47:57

    J'ai envie de faire mon propre avis parmi les avis mitigés, je le lirai bientôt.
  • constance-ciel

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    #3 12 Février 2011 11:49:19

    et pour que vous ayez une idée de mon ressenti perso face à cette lecture, ma chronique : Parle-leur à la lueur d’un pont

    Quand l’ébauche d’un pont devient le sujet d’un roman abouti de pages en pages et de rives en rives, l’édifice surplombant le récit permet de voir celui-ci de plus haut et, sans doute, de contempler un paysage plus vaste qu’on ne l’aurait cru. Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants nous éblouit de cette manière : alors que Michel-Ange part à Constantinople pour répondre à la commande d’un pont sur la Corne d’Or, Mathias Enard préfère nous embarquer vers d’autres rives.

    Au-delà de la simple élaboration d’une passerelle, le récit se prolonge en pont des soupirs, pour devenir une histoire d’amour tragique où les personnages ne font que se rejeter, se sacrifier et s’éloigner d’une rive à l’autre. Relations charnelles impossibles, distance entre les personnages : l’homosexualité refoulée de Michel-Ange va entraîner des séparations et des larmes, des scènes d’amour et de dérive.

    De même que la danseuse androgyne susurre des légendes perses au cœur de la nuit à l’oreille de Michel-Ange, Mathias Enard nous murmure une magnifique histoire qui nous parle « de rois, de batailles et d’éléphants ». Ils incarnent des existences, des rêves et des réalités que rencontre l’artiste dans des récits contés au creux de son oreille. Des récits orientaux, mais surtout universels, rappelant la poésie persane, tout en touchant les occidentaux à travers leur lyrisme ; textes écrits qui pourtant semblent oraux. C’est dans ces paradoxes et ses infinies variétés que ce récit prend forme, s’étirant en un long poème en prose qui nous transporte et nous éblouit.

    L’auteur s’est donc éloigné du pont pour nous parler, nous toucher et nous surprendre. De même, la quête artistique de Michel-Ange au travers de la ville va se convertir en découverte de lui-même. L’âme de la ville va le toucher profondément pour le transformer à tout jamais, l’influencer dans son œuvre et dans le reste de sa vie. Ce livre a la même fonction que la ville : provoquer en nous un changement qui nous fait ouvrir tous nos sens et nous permet de ressentir des émotions fortes, douces, belles ou tragiques. Notre humanité est alors embarquée vers des parfums exotiques et nous voguons à fleur de peau le temps d’un rêve de 140 pages.

    Le pont illumine également l’âme d’Istanbul : une ville internationale dont l’édifice au-dessus du Bosphore dévoile son alliance entre l’Occident et l’Orient. Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants nous révèle le cosmopolitisme et la tolérance intemporels de la capitale de la Turquie en nous plongeant dans la ville au XVIe siècle, alors même que le symbole de l’union entre les deux continents, au cœur de Constantinople, n’a pas encore été construit.

    Le style de Mathias Enard, lui aussi, se révèle sous l’éclat du récit. Le projet de jonction entre deux rives éclaire des phrases délicatement ciselées et une puissance évocatrice donne au récit une rare beauté, une majesté dans les détours et dans les raccourcis que peu d’auteurs parviennent à franchir. Chaque mot est mis en valeur, illuminé et lumineux à la fois. La musique douce qu’ils produisent est en harmonie avec le récit.

    A la lueur d’un pont s’éclaire donc un récit de toute beauté mêlant romance et poésie, présent et passé, douceur et dureté, art et humanité. Le pont, inexistant, est pourtant bien réel sous la plume magique de Mathias Enard. Un très bel acte d’écriture. Un immense plaisir de lire.
  • constance-ciel

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    #4 12 Février 2011 11:53:05

    amaryllis a écrit

    J'ai envie de faire mon propre avis parmi les avis mitigés, je le lirai bientôt.


    oui, c'est un livre à tester pour savoir si on aime.

    J'ajoute que ce qu'il y a de bien avec cet auteur, c'est qu'il change d'univers à chaque livre, par peur de s'enfermer, et donc que ses autres livres peuvent convaincre des lecteurs qui n'ont pas aimé Parle-leur de batailles de rois et d'éléphants. Si vous êtes dans ce cas, vous pouvez peut-être tenter Bréviaire des artificiers, un petit livre hilarant dans lequel vous recevrez 10 leçons absolument pas sérieuses sur le terrorisme, ou, si vous êtes ambitieux et aimez l'ambition, Zone, une épopée moderne de 500 pages composée d'une seule et unique phrase, ou encore un autre ouvrage de l'auteur : il saura toujours vous surprendre.

    Dernière modification par constance93 (12 Février 2011 11:53:36)

  • amaryllis

    Casual lecteur

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    #5 12 Février 2011 11:57:08

    Merci pour cet avis détaillé. Il donne envie de s'y mettre rapidement.
    J'en ai profité pour voir d'autres billets sur ton blog.
    Je reviendrai pour partager mon avis quand je l'aurai lu. A bientôt.
  • constance-ciel

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    #6 12 Février 2011 11:58:54

    amaryllis a écrit

    Merci pour cet avis détaillé. Il donne envie de s'y mettre rapidement.
    J'en ai profité pour voir d'autres billets sur ton blog.
    Je reviendrai pour partager mon avis quand je l'aurai lu. A bientôt.


    super !
    j'allais justement découvrir le tien ;)

  • zatoun

    Petit rat de bibliothèque

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    #7 12 Février 2011 21:17:57

    Ah j'ai adoré! Je l'ai trouvé extrêmement poétique, et j'ai été charmée tout du long! Je le conseille vraiment! D'ailleurs, je ne l'ai pas trouvé long, au contraire. Lent peut être, mais ça ne m'a pas dérangée. J'ai fait un billet sur mon blog.
  • Elea23

    Lecteur en pantoufles

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    #8 15 Février 2011 10:16:59

    Et bien moi je n'ai pas accroché au livre... L'écriture est peut-être trop poétique, je ne sais pas, je suis restée à la surface du livre sans jamais ressentir d'émotion...
  • Ikebukuro

    Puits de lecture

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    #9 24 Février 2011 07:07:16

    Il est dans ma PAL mais le style des quelques lignes que j'ai lues m'a bien plu, ce qui est déjà un bon point.
  • constance-ciel

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    #10 24 Février 2011 12:03:30

    Ikebukuro a écrit

    Il est dans ma PAL mais le style des quelques lignes que j'ai lues m'a bien plu, ce qui est déjà un bon point.


    j'espère que tout le livre te plaira ! :)
    il est doté d'une écriture splendide d'un bout à l'autre, avec un lyrisme immense dans les passages où une danseuse parle à un peintre une nuit...