Aux confins de l'invisible : Haïkus d'intérieur illustrésCornéliu Tocan2020

Écrire des haïkus suppose, dans un premier temps, une certaine réclusion volontaire par rapport au tumulte quotidien, un changement de perspective, une nouvelle optique, une acuité sensorielle, psychologique, intellectuelle. S’abstraire, dans l’intention de mieux observer, sentir et interpréter le monde extérieur, constitue la deuxième étape créative d’un haijin.

Le confinement de sa propre pensée à l’égard de l’environnement surjacent, de sa bulle ambiante, permet de mieux réfléchir, de communiquer subliminalement avec l’extérieur, de ratiociner la myriade d’observations organoleptiques acquises, de les distiller dans les cornues du laboratoire mental de la créativité et, enfin, de les faire fondre dans les creusets intellectuels miniaturés des haïkus.

N’est-il ainsi le créateur de ce genre de poésie japonaise le mieux équipé et le meilleur cueilleur des fruits d’un isolement quelconque? L’embastillement sanitaire et épidémiologique peut pour autant nuire davantage que l’emmurement volontaire de l’abstraction créative? Peut-il conduire à un esseulement frisant la déréliction?

C’est sous l’emprise de cette introspection que je me suis abîmé dans la contemplation, habité par l’esprit des temps qui courent, inspiré aussi par les mots de l’écrivain québécois Denis Morin, « Le confinement appelle d’une part la frustration et d’autre part la contemplation. » , écrits récemment, en recensant mon premier recueil de haïkus.

Les cinquante titres récupèrent et déroutent, avec un zeste d’ironie et, parfois, avec un léger effet captieux, le lexique sur la pandémie de COVID-19 , le vocabulaire et les syntagmes titrés dans les journaux. Les illustrations, en tons de tristesse grise, aliment ou dissipent la confusion, en sauts d’humeur graphiques.