L'Espagne : Au Siècle d'or
Bartolomé Bennassar et Bernard Vincent2003

L'expression Siècle d'or, le Robert nous le dit, qualifie une époque brillante de prospérité et de culture, qu'on emploie surtout en Espagne. Et, de fait, on désigne outre-Pyrénées comme Siècle d'argent la fin du XIXè siècle et le début du XXè, qui, en matière artistique, de Gaudi à Picasso, ont été féconds, et l'on réserve les mots de Siècles d'or aux XVIè et XVIIè siècles, qui furent brillants dans tous les domaines.
Le Siècle d'or est le temps de Charles Quint et de Philippe II, de Cervantès, du Greco et de Vélasquez. Mais que sait-on, au-delà de ces grands personnages? Assurément, des clichés sur l'Inquisition et sur l'extermination des Indiens en Amérique, ce que les Espagnols appellent la "légende noire" de leur histoire. Sans nier ces réalités, il s'agit ici de décrire et d'analyser toute la complexité d'une singulière construction politique, d'un empire aux dimensions inouïes, imaginé et administré depuis l'Espagne, et aussi d'illustrer l'éclat, la force et l'originalité des arts et des lettres hispaniques. Ce Siècle d'or de deux cents ans ou presque, à la fois étrange et fascinant, n'a nullement épousé une trajectoire linéaire. L'apogée politique, situé au XVIè siècle, ne coïncide pas avec celui de la culture, postérieur d'un demi-siècle environ. Et on oppose parfois Charles Quint et Philippe II, les Habsbourg "majeurs", à leurs successeurs, les Habsbourg "mineurs". Pourtant, c'est bien la même dynamique économique, politique et intellectuelle qui a porté et maintenu, vaille que vaille, l'Espagne au premier plan. Et le duo Philippe IV-Vélasquez a été peut-être plus accompli, plus significatif que celui de ses deux devanciers, Charles-Quint-Titien et Philippe II-le Greco.