Mon kafka : kafka, l'unique
Anne Gorouben2015

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« Ce dimanche 19 juillet 1910,
j'ai dormi, je me suis réveillé, dormi, réveillé,
misérable vie. »
Franz Kafka, Journal.

« J'y songe souvent et, chaque fois, » je me demande quand dans ma vie est apparu le Journal. Impossible de dater cette apparition, mais il me semble tout de même que ce fut très tôt, dès mes premières années d’étude, presque à l’âge où Kafka a commencé à l’écrire. Il ne m’a plus quitté. Ce grand livre souffrant, tragique et drôle, n’est pas de ceux qui détruisent, mais de ceux qui sauvent, qui donnent de la force. On y revient, sans cesse. Parcouru par la douleur de l’existence, il est traversé par la lumière. D’une beauté déchirante, il est transpercé par l’échec, par l’angoisse lancinante de l’échec, par le désir de solitude et par le désir de la rencontre, par la nécessité menacée d’écrire et la douleur du corps, du « désespoir que me causent mon corps et l’avenir de ce corps » (1910).
« Je suis une fois de plus tiraillé à travers cette fente longue, étroite, terrible, dont, à vrai dire, je ne puis triompher qu’en rêve. À l’état de veille et par la seule force de ma volonté, je n’y parviendrais jamais » (5 décembre 1919).
Aujourd’hui je parcours à nouveau le Journal par le biais de cette quête particulière de l’écriture de ses rêves, de ses visions d’avant le sommeil (« mais je n’ai pas dormi du tout ») et de l’immédiat après réveil.
Franz Kafka écrit comme on dessine – c’est l’écriture la plus proche du dessin que je connaisse. Quelque chose que je n’ai jamais vu ailleurs. Et, dans le Journal, le travail incessant de cette écriture se frayant un chemin par approches successives, cet effort pour aller vers cette vérité dépouillée est incomparable – Kafka dessine.
« L’insatisfaction dont une rue offre l’image, chacun lève les pieds pour quitter la place où il se trouve » (21 août 1912).
« Tout oublier. Ouvrir la fenêtre. Vider la chambre. Elle est traversée par le vent. On ne voit que le vide, on cherche dans tous les coins et l’on ne se trouve pas » (19 juin 1916).
« Vague espoir, vague confiance » (2 novembre 1921).
« Cet après-midi, rêve d’une tumeur sur ma joue. Cette frontière oscillant perpétuellement entre la vie ordinaire et une terreur en apparence plus réelle » (22 mars 1922).
« Mon travail se clôt, comme peut se fermer une plaie qui n’est pas guérie » (8 mai 1922).
La plaie n’est pas et ne peut se guérir, chaque page ouverte du journal l’est sur une douleur et sur un récit mêlé de désespoir et de lumière. Pour moi, les images, ce que j’appelle cette évocation si violente qu’elle s’apparente donc au dessin, se reçoivent de façon viscérale, intense ; elles se ressentent physiquement : ce sont des mots qui agissent sur le corps, qui pénètrent avec toute la force que nécessita leur expulsion.
« Mon Kafka », il est celui de tous et celui singulier de chacun. Marina Tsetaïeva écrivit « Mon Pouchkine » en 1937. Mon titre lui est un évident hommage.
Anne Gorouben, Paris, juin 2015

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2015 Editions Encre marine

Française Langue française | 160 pages | ISBN : 2350880958

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