Notre jeunesseCharles Péguy1910

Lire Notre jeunesse, c'est entrer hardiment dans l'une des œuvres les plus belles, les plus nécessaires du XXe siècle. Ce livre est d'abord un témoignage sans concession sur la grande cause d'une courte vie : l'affaire Dreyfus. On y découvre la figure multiple d'un socialiste porté jusqu'aux limites de l'anarchisme par la fièvre d'agir, mais qui fut aussi un chrétien et un patriote ardents. Notre jeunesse nous parle plus encore d'aujourd'hui, de ces très vieilles questions qui n'ont jamais été réglées et qui obèrent toujours notre destin de peuple libre. Nous nous payons volontiers de mots – « république », « civisme », « laïcité »… Mais pour comprendre ce qui est réellement en jeu pour notre temps chargé de tragédies, il faut lire celui qui écrivait dès 1910 : « Beaucoup peuvent vous trahir. Mais c'est beaucoup, c'est déjà beaucoup que de ne pas se trahir soi-même. » Péguy annonce cette morale souple qui vient, celle du « Tartuffe humanitaire ». Enfin, il décrit ses pratiques implacables, le « boycottage intellectuel » et le silence de plomb organisé autour de l'homme libre : « tous les ingénieux appareils de l'enfer social moderne laïcisé ».