Pensées d'un philosophe sous ProzacFrédéric Schiffter2002

Il y a vingt ans, l’auteur, jeune professeur de philosophie, se prenait pour Socrate : le lycée était, pour lui, une agora où, par des questions et des paradoxes, il provoquait de jeunes esprits à la critique et au souci de la personnalité. Il avait juste oublié que Socrate fut pour cela même condamné à mort par une démocratie — condamnation qui fit du philosophe un aristocrate de la pensée et de la philosophie un savoir indésirable. Or c’est cette tragédie qu’il a le sentiment de revivre aujourd’hui, le Prozac ayant remplacé la ciguë.
Autre temps, autre mode d’exécution. « Hors-service » pendant six mois, il ne lui restait plus qu’à se retirer en lui-même, et, en cette mauvaise compagnie, rédiger le discours philosophique de sa déprime.
Que le fruit de ces cogitations puisse, comme on dit, regonfler des gens qui auraient un peu le moral à plat, mais non en forger un autre à eux qui, comme l’auteur, l’auraient perdu.