Pour la noblesse du geste
Georges Lis1995

La Camargue, pour la plupart des gens, c'est un pays marécageux où s'ébattent en liberté les petits chevaux blancs qui ont fait sa renommée. Moins nombreux sont ceux pour qui ce nom évoque d'emblée les taureaux noirs dont l'élevage se perpétue car la "fe di biou" (la passion du taureau) est toujours aussi présente au cœur des habitants du "pays de la bouvine".
D'Arles aux Saintes Maries, de Beaucaire à Lunel ou Nîmes, le plus petit village entretient des arènes que ces taureaux vont embraser tout au long de la belle saison. Les meilleurs d'entre-eux, ceux qui sont craints et respectés des raseteurs, ceux dont le nom seul suffit à remplir des arènes, ceux-là entendront souvent la musique de Carmen saluer leur bravoure. Peut-être même qu'à leur mort, une statue ou un monument rappellera leurs exploits à la postérité.
Sur les cornes du taureau on fixe une cocarde. Le raseteur qui s'en empare reçoit une prime. Tel est le principe de la course camarguaise. Au cœur de la confrontation entr l'homme et l'animal, quelques grammes de ficelle et de laine… Pourtant le danger présent à tout moment donne au spectacle une dimension impressionnante. L'exploit est toujours au rendez-vous et si l'adresse des raseteurs fait oublier un instant le risque, il suffit que d'un coup de corne, l'animal brise sans effort une des énormes planches de la palissade, pour que l'intensité dramatique retrouve son paroxysme.
Entre la poussière d'août et l'émotion de toujours, entre les platanes et les marais s'inscrit ce monde de la bouvine dont Georges Lis donne ici les clés, "Pour la noblesse du geste" fait plus qu'ouvrir les serrures de la course camarguaise, en inscrivant ce goût du taureau dans l'histoire sentimentale et en révélant l'ampleur populaire et historique du phénomène "bouvine", avant d'en dévoiler le quotidien et d'en livrer la pratique.