Moyenne
-
0 vote
-
Pour qui est resté sensible aux espoirs suscités par la révolution de 1905, souvent définie comme une répétition générale de ce qui devait représenter son accomplissement dans le futur, la révolution de 1917, la pièce laisse dès la première lecture une durable impression de fusion entre l'aspiration à la liberté, à l'émancipation de l'humanité et l'aspiration au savoir, à la compréhension des phénomènes célestes. L'action se déroule, en effet, dans un observatoire, lieu ô combien symbolique et stratégique : au sommet d'une montagne, placé au-dessus des luttes sanglantes qui ont lieu dans la grande ville -- on devine très vite St Pétersbourg -- l'observatoire, non loin d'une frontière, est un refuge pour les proscrits. Mais ce lieu d'où les savants se projettent dans l'espace intersidéral et ses cycles d'années lumières, peut devenir un lieu de conflit entre une jeunesse impatiente d'en découdre avec le régime tsariste honni et des "adultes" exposés au reproche d'indifférence. La froideur apparemment immobile des étoiles est-elle en opposition avec la fournaise où se jette la jeunesse révolutionnaire? Pour Andreiev, la contradiction est dépassée dans le discours visionnaire du vieux savant, confronté pourtant à la disparition d'un fils aimé.
Cette projection analogique des aspirations humaines dans l'espace, qu'on aurait tort de ramener à une attirance atavique du peuple russe pour le sentiment océanique, se situe sur la ligne de crête entre pensée matérialiste et mysticisme, et correspond à un moment de la réflexion et de la sensibilité d'Andreiev. Le fil est bien ténu, et Andreiev, comme bien d'autres intellectuels à la même époque, basculera peu après dans une sorte de mysticisme, sort commun d'une génération égarée par la défaite révolutionnaire parce que coupée des forces vives du changement social. Mais ce moment si rare, si singulier, où la pensée prend tous les risques, à la pointe du danger, "Vers les étoiles" nous le rend presque palpable, comme à portée de télescope. C'est pour retrouver cette sensation et la faire partager que j'ai désiré réaliser cette pièce, qui n'a pas été mise en scène depuis 1921. » Michel Sidoroff
1998 Editions José Corti
Langue française | Traduit par André Markowicz | 107 pages | ISBN : 9782714306548
En vous inscrivant à Livraddict, vous pourrez partager vos chroniques de blog dans cette zone ! M'inscrire !
En vous inscrivant à Livraddict, vous pourrez commenter ce livre. M'inscrire !