Compagne de la nuit.

 
    • Matilda

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      #1 13 Janvier 2010 15:08:18

      c'est une nouvelle que j'ai écrite il y a un moment déjà, mais que j'aime pas mal et j'aimerais savoir ce que vous en pensez ^^


      « Naguère j'avais peur de la nuit, des fantômes
      Et j'admirais qu'on pût marcher dans les ténèbres.
      Mais à présent Compagne de la nuit, je le sais,
      C'est aussi facile que de te contempler » (1)

      Extrait du Livre Premier des Amours d'Ovide.

      oÕoOõ

      Je fus une humaine parfaitement insipide et si vous m’avez jamais connu je ne serais pas étonné que vous ayez oublié jusqu’à mon nom. Mais ce n’est pas pour vous parler de mon humanité que j’écris. Ni pour pleurer sur ma vie mortelle comme sait si bien le faire Louis. Je ne vois pas pourquoi je regretterais la souffrance et la flétrissure.

      Ma vie était en somme la même que la vôtre, aussi fus-je parfaitement reconnaissante au vampire quand il me tua. Mais j’anticipe, il me faut vous raconter comment cela se passa. J’étudiais à la faculté de V. et louais une petite chambre de bonne non loin de là. Je ne rentrais que le week-end chez moi pour voir mes parents et ma petite sœur.

      Alors que je rentrais tard d’une séance de révision à la BU, et que je courais le long des ruelles menant chez moi, je trébuchais sur un pavé apparent et fis tomber tous mes livres.

      Je jurais et me baissais pour les ramasser. J’avais presque terminé quand le vampire se pencha pour m’aider. Je vis tout d’abord sa main claire, ses doigts effilés, ses ongles brillants, puis levais la tête pour croiser son regard. Je restais interdite devant tant d’étrangeté. On a rarement l’occasion de voir un être parfaite dans sa vie, enfin dans la vôtre, hors c’était bien ce que je voyais à présent. J’étais tellement fascinée par son visage que je ne pouvais comprendre exactement ce que je voyais, je n’aurais pas pu vous le décrire à ce moment là, heureusement que je le revis.

      Presque comme hypnotisée je levais la main vers son visage et touchais du bout des doigts sa peau satinée. Je n’avais pas tôt fait de me rendre compte de ce qu’il se passait qu’il enserrait déjà mon poignet de sa main droite et qu’il me bâillonnait de la gauche tout en me relevant. Je pus encore moins esquisser un geste avant qu’il ne plante ses dents dans mon cou.

      Je me sentis presque aussitôt devenir aussi molle qu’une poupée de chiffon et ne pensais plus à mon idée de fuir ou même me défendre. Je laissais le vampire boire mon sang.

      oÕoOõ

      Il faisait presque jour lorsque je me réveillais. Les rideaux tirés ne laissaient filtrer qu’un mince filet de lumière brumeux et triste, au dehors il pleuvait. Je me tournais vers le réveil, il était sept heures. J’allais me lever et agir comme tous les autres jours quand je remarquais sur mon bureau les livres que j’avais emprunté la veille à la BU. Sans savoir pourquoi je portais la main à mon coup en tressaillant.

      La peau était lisse, sans défaut, enfin autant que pouvait l’être ma peau d’humaine. Je restais encore un instant perdue dans mes pensées, tentant de me souvenir de ce que j’avais fait la soirée précédente. J’avais été à la BU après les cours, j’étais ensuite rentrée et … oui j’avais fait tomber mes livres sur le chemin et avais fini par rentrer et à terminer la lecture de mon roman du moment. Celui-là même qui trônait sur ma table de nuit comme preuve supplémentaire. Rassurée je repris mon train-train quotidien, mis le pain à griller et passais dans la salle de bain en attendant avec l’idée de me débarbouiller et de me coiffer.

      La lumière crue du néon éclaira mon visage chiffonné par le sommeil et quand j’écartais mes cheveux des épaules pour les discipliner je remarquais une petite marque rouge sur mon cou. A l’endroit même que j’avais touché quelques minutes auparavant. Pourtant cela n’avait rien d’une blessure, la peau était simplement irrité, mais je ne sais pourquoi, je restais à me regarder dans le miroir avec une sorte de perplexité. Soudain le souvenir que j’avais de ma soirée me sembla appartenir à un autre jour, ou même que je l’avais inventé. Je me repassais sans cesse les images de ce que j’avais fait la veille, tout du moins de ce que je me souvenais avoir fait. Je me revoyais dans la rue aux murs aveugles, j’entendais les livres tomber au sol et je vis la main blanche de l’homme venu m’aider …

      Ce fut comme si mon crane se fendait en deux, tandis que je me voyais lever la tête pour observer l’inconnu, je me pris la tête entre les mains, en proie à une migraine fulgurante, haletant presque sous l’afflux soudain de douleur. Pourtant je continuais de revoir la scène, je me revoyais encore et encore lever la main vers l’inconnu, lui toucher la joue, lui me saisissant le poignet et lui encore m’immobilisant et me déchirant la gorge.

      D’accord déchirer est peut-être un peu fort, mais à présent je me rappelais de ce que j’avais ressenti quand il avait planté ses dents dans mon cou. C’était indéfinissable comme sensation, je ne pouvais placer de mots sur l’expérience mais mon corps n’avait pas autant de scrupules. Il me fit soudain revivre la scène, je sentis les dents s’enfoncer à nouveau et dans une exclamation de surprise je portais les mains à mon cou. Rien. Je rêvais.

      Le pain sautant du grille-pain me tira de ma rêverie et je sortis de la salle de bain comme un zombi. Je mangeais machinalement, sans véritable appétit, perdue dans une foison d’images. Pensant ne savais-je pourquoi aux tableaux de Botticelli, comme un diaporama devenu fou. D’abord La vierge à l’enfant et un ange, puis Saint Sébastien transpercé par les flèches mais vivant toujours, le portrait de Julien de Médicis ensuite … les tableaux se confondirent bientôt en un flou kaléidoscopique et je me pris la tête dans les mains en soupirant. Mon front était brulant et toute envie de courir sous la pluie afin d’aller à mes cours s’envola. D’autant plus que j’avais un mal de crâne carabiné et que j’avais juste l’impression de virer schizophrène. Pas sûre que ça tienne comme motif pour une absence mais bon …

      J’éteignis la lumière après avoir sortit un livre sur Botticelli de ma bibliothèque, puis retournai dans mon lit. A la lumière que déversait le soleil je tournais doucement les pages jusqu’à m’endormir.

      oÕoOõ

      A mon réveil je décidais subitement de sortir malgré la pluie battante. J’enfilais un jean, un pull et pris mon parapluie. A peine eu-je posé le pied dehors qu’une trombe d’eau s’abattit sur mes épaules, déjà trempée je renonçais à ouvrir mon parapluie et commençais à courir sur le trottoir. Mes pas me portèrent machinalement vers la ruelle où j’avais fais tomber mes livres et restais pétrifiée. Ignorant l’eau qui me dégoulinait le long du coup et qui me faisait en définitif ressembler à une serpillère, je me repassais une fois de plus le film mental.

      Au début tout ce passa bien, mais une fois que l’homme apparu, j’eus de nouveau l’impression qu’on me fendait le crane en deux et chancelais jusqu’à me retrouver par terre. N’y faisant pas attention je tentais de comprendre ce que je voyais. Car c’était bien beau de voir des images se suivre, encore fallait-il les comprendre. Hors je ne comprenais pas. Je ne comprenais pas comment l’homme avait pu surgir sans que je l’entende ou le voit arriver. Je ne comprenais pas pourquoi je m’étais oubliée l’espace d’un instant et avais levé la main sur son visage, je comprenais encore moins à quoi rimait qu’il m’attaque et me morde. Se serait-il prit pour un vampire ?

      Je me forçais à rire afin de chasser l’absurdité de cette idée, mais mon rire sonnait faux, même à moi. Pourtant ce ne pouvait être qu’un rêve. Ce ne devait être qu’un rêve.

      -Pourquoi cela devrait-il être faux ? demanda le vampire devant moi.

      oÕoOõ

      Je me relevais brutalement, passant du rêve à la réalité. Il se tenait devant moi, les bras croisés, semblant apprécier le spectacle, un sourire ironique plaqué sur les lèvres.

      -Pourquoi n’as-tu rien oublié ? demanda-t-il presque avec curiosité.

      Je dis presque, car même si la réponse devait l’intéresser, il semblait au-dessus de toutes considérations bassement humaine. Et moi de ne pas parler. Les yeux rivés sur sa personne, sur son visage, superposant à son image un tableau de pied que j’avais si longtemps admiré. Devant moi se tenait l’exacte réplique du Saint Sébastien de Botticelli, mais aussi du Mars. Il tenait à vrai dire plus du Mars que du Saint Sébastien. Ses boucles brunes trempées par la pluie lui encadraient un visage délicatement coloré, des sourcils sombres et arqués ornaient son front et ses dents immaculées semblaient luire dans le demi-jour de l’orage.

      Mon crane me faisait toujours souffrir et au lieu de m’enfuir, ce qui entre nous aurait été parfaitement humain et plus que normal, mais surtout moins drôle, je m’approchais et comme la nuit précédente levais la main et frôlais sa joue droite. J’avais l’irrésistible besoin de le toucher, de sentir qu’il était bien là devant moi et non une chimère naît de mon esprit embuée par la fièvre. Cette fois-ci il ne m’arrêta pas mais je reculais de moi-même l’instant d’après. Le bout de mes doigts comme incandescents.

      -Tu trouves que je lui ressemble ? demanda-t-il de nouveau comme s’il avait pu suivre tout le cheminement de mes pensées aussi bien que si j’avais parlé.

      Je hochai la tête incapable de parler, totalement sous le choc. La scène semblait surréaliste et pourtant c’était bien ce qui était en train de se passer. Dans l’effort désespéré de conserver le peu d’emprise que j’avais encore sur moi, je passais en revue mes connaissances. Qu’avais-je donc lu sur Botticelli et sur ses deux peintures en particulier … on avait suspecté Filipino Lippi d’en être le modèle, on avait également suspecté Botticelli d’être son amant.

      En fait la tentative pour me calmer ne fit qu’accroitre ma migraine. Avant que je ne me rende même compte que j’allais m’évanouir sous l’effet de la fièvre, de la confusion et de cette douleur à la tête qui enflait, le vampire m’avait cueilli dans ses bras. Je restais consciente encore une seconde, juste le temps de voir ses yeux tout près de mon visage, et me rappeler le début d’un dialogue : « -Que dirais-tu … hésita Sandro, si je prenais toi, ta bouche, tes jambes, tes yeux, tout de toi pour modèle à mon Saint Sébastien … » (2)

      oÕoOõ

      J’ai toujours cru que les héroïnes de romans s’évanouissait toujours trop vite et théâtralement, mais en fait ça arrive beaucoup plus vite et facilement qu’on ne le pense, surtout quand il pleut, que vous être trempée, que vous avez de la fièvre et que la veille un vampire vous a largement pompé votre sang.

      Je me réveillais pour la troisième fois dans la journée, allongée sur un canapé de velours vert d’eau. La tête légèrement embrumée, et toujours fiévreuse je me redressais. Me demandant vaguement où je pouvais bien me trouver. La pièce était grande, haute, lambrissée de bois clair et lumineux. Le sol était nu à part un tapis devant le canapé, et quelques livres sur une commode en face de moi complétaient l’aménagement de ce petit salon. J’allais me relever quand la porte située à ma droite s’ouvrit et dévoila le vampire.

      -Tu sais que c’est assez malpoli de toujours s’entendre appeler « le vampire ». On se croirait dans un vieux film des années 50 avec Bella Lugosi en vedette.

      Il s’assit  à côté de moi sans que j’aie ouvert la bouche et tout de suite, la tentation de le toucher revint, encore plus forte qu’auparavant. Je pivotais vers lui et plaquais mes mains froides sur son visage d’albâtre, lui se laissant faire comme si tout cela n'était rien que de très naturel. Je ne sais combien de temps je restais à caresser son visage, dessinant le contour de son nez, de ses pommettes, de son cou.

      Ce fut lui qui précipita les choses, il agit si rapidement que je ne vis rien venir. En une seconde mes mains étaient retournées sur mes genoux et lui plantait ses dent dans mon cou, juste à la diagonal du menton. Je ne fis rien pour l’en empêcher, le laissant aspirer mon sang, luttant cependant contre le plaisir étrange et puissant que cela me procurait. Sentant ma résistance il accru la pression de sa bouche sur mon cou et je lâchais enfin prise.

      C’était comme de se retrouver dans une prairie infinie, je ne sentais même plus le poids du vampire sur moi, je ne le sentis pas non plus me faire basculer sur le dos et planter ses dents de l’autre côté de mon cou. Je laissais le plaisir se déverser en moi, gémissant comme à regret. Il advint cependant un moment où la vision commença à tressauter et où je retournais dans la pièce. Le vampire toujours collé à moi, sauf que cette fois j’avais mal. Il allait me tuer à me vider ainsi de mon sang. Cette pensée me donna un sursaut d’énergie et j’agrippais son bras, serrant aussi fort que je le pouvais, c’est-à-dire que j’ai à peine du froisser son vêtement, mais cela le fit s’arrêter et me fixer. Je ne sais ce qu’il vit dans mes yeux, sur mon visage, toujours est-il qu’il se pencha à mon oreille.

      -Ne t’inquiètes pas, je m’ennuie trop pour te tuer tout de suite…

      Il replongea les dents dans mon cou.

      oÕoOõ

      J’avais l’impression d’être un noyé luttant pour respirer au cœur d’une tempête. Quoi que je fasse pour aspirer plus d’oxygène mon débit diminuait et je ne pouvais que contempler le vampire, accroché à mon cou comme une sangsue. Le délire s’empara de moi. Je repensais à La morte amoureuse de Gautier, à la réflexion du prêtre à la fin : « Hélas ! elle a dit vrai : je l’ai regrettée plus d’une fois et je la regrette encore. » La panique qui avait commencé à me gagner sembla se calmer, mon esprit malade et fiévreux se demanda si lutter était réellement la chose à faire, s’il ne valait pas mieux de laisser le vampire « s’amuser ». Après tout je ne perdais pas grand-chose en mourant. Qui aurait voulu vivre une vie si banale et aseptisée ? Je lâchais prise, la douleur repartit, la prairie revint.

      Au dessus de moi le vampire sourit.

      oÕoOõ

      Quand je me réveillais pour la quatrième et dernière fois j’étais un vampire.

      Vous trouvez sans doute assez abrupte cette transition, mais à moins d’anticiper, je dois vous raconter les choses comme je me les rappelle et comment elle se sont déroulées.

      A mon « réveil » donc, j’étais un vampire. Oh pas encore à l’image de celle que je suis à présent mais presque. Il avait bien du passer une nuit et le début de la matinée suivante. J’étais toujours dans le salon mais les choses étaient différentes. Mon corps d’abord, je me relevais d’un bond et me retrouvais de l’autre côté de la pièce, les pieds enfoncés dans le parquet que j’avais massacré en me réceptionnant. Je regardais mes mains, ma peau. Blanche. Tout était d’une couleur beaucoup plus subtil qu’auparavant. Mon derme était satiné et clair comme celles des personnages d’un tableau de maître. Mes cheveux n’étaient plus cette masse informe en bataille, c’était une cascade d’un châtain aussi doux que de la soie et aussi miroitante que les écailles d’une carpe.

      Il se trouvait dans le coin en face une psyché que je n’avais pas pu voir de mon poste d’observation. Je me dirigeais vers le miroir d’un pas étonnement souple et silencieux. Je restais bouche bée devant mon reflet. Tout semblait beaucoup plus « beau ». J’étais pourtant toujours la même, enfin j’avais la même taille, la même corpulence, les même vêtements, les mêmes yeux. Mais tout était indéniablement plus parfait. Mon visage n’était plus trop carré, ma peau plus granuleuse et moite comme celle d’une adolescente tardive.

      Après mon reflet c’est aux sons et aux odeurs que je m’intéressais. Tout semblait décuplé. Je pouvais entendre les voitures passer en bas de l’immeuble où se situait l’appartement, mais également les passants parler, la radio de la voisine trois étages en dessous, je pouvais sentir l’odeur étrange et délicate émanant de l’extérieur de la pièce. Un bouquet suave comparable à celui qu’exhale une pèche mûre et que l’on ne peut s’empêcher d’inspirer. J’actionnais la clenche, sans doute avec trop d’enthousiasme, car celle-ci me resta dans la main. Je la laissais tomber au sol et suivit l’odeur. Je traversais une salle de musique, un couloir, encore une salle, puis je le trouvais.

      C’était bien sûr de lui qu’une telle odeur provenait. Il semblait m’attendre, debout devant une fenêtre, observant la ville en contrebas. Je le rejoignis d’un pas que je pensais inaudible, pourtant il se tourna vers moi au moment où j’allais parler. Je fus une fois de plus saisie par la ressemblance entre son visage et celui de Mars, mais après tout ce n’était pas lui qui ressemblait à Mars mais le contraire.

      -Fillipino, dis-je.

      Il sourit. Leva la main vers mon visage et le frôla de la même manière que je l’avais fait quand j’étais encore humaine.

      -Je t’avais bien dit que je ne tuerais pas …

      Cependant la question du comment et du pourquoi de ma transformation ne m’intéressait pas. Il me semblait que de telles considérations, si importantes soient-elles, enfin si importantes avaient-elles été, ne pouvaient pas vraiment avoir de l’importance pour moi. Pourquoi se torturer sur le pourquoi du comment alors qu’une jeunesse dorée et éternelle me tendait les bras ? Pourquoi pleurer sur une fade vie d’humaine alors que j’avais devant moi Fillipino Lippi ?

      Il entendit aussi clairement que moi le cheminement de ma pensée et sembla d’accord. Pour preuve il m’attira à lui. La suite vous choquerait trop, sachez seulement que vous ne vivrez jamais cela.

      oÕoOõ

      Je mis soixante ans à m’intéresser de nouveau à ma vie d’humaine. Il me semblait que celle que j’avais été ne méritait pas que je m’intéresse à ceux que j'avais aimé. Pendant ce temps je m’enivrais de Fillipino, avoir été l’amant de Botticelli ne l’empêchait pas d’aimer les femmes … Je lisais plus que je n’aurais plus le rêver, apprenais toutes les langues que j'avais voulu apprendre, l’araméen, le latin, le grec et des monceaux d’autres. Je devins peintre accomplie, pas aussi talentueuse que Fillipino bien sûr, mais bien au-dessus de ce que j’aurais pu faire même en m’entraînant toute une vie.

      Je m’amusais à créer des blogs sur le net ou je racontais ma vie de vampire. J’avais un succès fou. Tous les petits humains étriqués dans leurs obligations, médiocrité, se régalaient de mes exploits supposément imaginaires. Ce la ne m’amusait cependant pas très longtemps et supprimais bientôt les pages pour en créer d’autres, en une langue différente, rencontrant toujours le même succès.

      Je mis donc soixante ans à me demander ce qu’était devenue ma « famille ». Tout était si facile que j’en fus presque déçue, je n'eus qu’à entrer sur les sites des journaux, lire les archives de la police. On avait signalé ma disparition deux jours après que Fillipino m’eut transformé. Les investigations avaient duré six mois, laps de temps après lequel on avait classé le dossier sans suite, dix ans plus tard j’étais déclarée officiellement morte.

      Je me rendis chez moi, la maison était vide depuis que mes parents étaient décédés, cinq ans auparavant. Ils avaient vécu heureux si j’en croyais les voisins qui me prirent pour une journaliste, la disparition de leur fille avait bien failli les séparer mais au final ils n’en avaient été que plus proches. Ma petite sœur avait, elle, eut plus de mal à m’oublier. Elle était morte à l’âge de dix-sept ans, suicide me dit-on.

      Peut-être vous semblai-je froide et distante, mais comment m’intéresser et compatir aux sorts de ces humains alors que j’étais moi-même épargnée de ces fléaux que sont la mort et la vieillesse ? Je sais bien que les humains ont tendance à humaniser tout ce qu'ils touchent, même lorsqu'ils se veulent écrire du fantastique. Aussi si la vision du vampire que je donne vous semble trop irréel, trop cruel, dites-vous que c'est parce que je vous donne l'entière vérité.

      Ce fut également à ce moment là que je consentis demander à Fillipino pourquoi il ne m'avait pas tué. La réponse aurait pu me choquer si j'avais encore été humaine, mais à moi elle me sembla naturelle, je ressentais à présent la même chose.

      -Je m'ennuyais, dit-il, et tu m'as amusé avec tous tes tableaux. Tu as été la première et la dernière a faire le rapprochement avec le Saint Sébastien et à ne pas avoir oublié.

      Car lorsque nous mordions un humain et buvions sans sang sans le tuer, il ne se souvenait plus à son réveil de ce qu'il s'était passé. Son esprit inventait des souvenirs pour le contenter et il ne s'étonnait même pas de leurs manques de logique. C'était alors parce que j'avais voulu savoir que j'étais toujours en vie, que j'étais devenue celle que je suis.

      Je pourrais à l'image du roman fleuve des vampires de la Nouvelle-Orléans, vous raconter mes pérégrinations d'immortels, vous charmer par mes récits de rencontres, vous dire quel poète et quel peintre a survécu à son époque pour entrer dans le domaine du crépuscule. Je pourrais vous dire que l'histoire du soleil, du cercueil et du crucifix c'était de la blague, mais je me tairais. Que vous apporterait de connaître des choses que vous ne vivrez jamais ?

      oÕoOõ

      (1) Me pardonnerez-vous d'avoir modifié les vers d'Ovide pour qu'ils collent à mon texte ? Les deux phrases en italique sont donc de moi.
      (2) Extrait du premier chapitre du Rêve Botticelli de Sophie Chauveau.
      (3) Le deuxième tableau est le Saint Sébastien de Botticelli (1473).
    • Luciole

      Baby lecteur

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      #2 17 Juin 2010 01:54:15

      Matilda : J'adore !

      Quelques fautes relevées :
      - l’occasion de voir un être parfaite dans sa vie > parfait au masculin
      - la peau était simplement irrité > +e à irritée
      - Soudain le souvenir que j’avais de ma soirée me sembla appartenir à un autre jour, ou même que je l’avais inventé. > la formule en "que je l'avais inventé" ne me semble pas coller bien dans la phrase.
      - Tout était d’une couleur beaucoup plus subtil > +e à subtile
      - Mon derme était satiné et clair comme celles des personnages  > Comme celui (Le derme) des personnages
      - vampire que je donne vous semble trop irréel, trop cruel, > trop irréelLE, trop cuelLE

      Au cas où tu le ressorte ailleurs

      Le point de vue détaché adopté par ta narratrice me plaît beaucoup, je n'ai pas lu tellement d'histoires de vampires mais ça me semble quand même assez original, et en tout cas ça l'est dans une nouvelle comme celle-là.
      J'aime les références, livresques et peinture, bien utilisées, bien agencées dans le récit.
      Beaucoup de phrases bien tournées

      De quoi retenir mon attention et ne pas s'en trouver déçue !!
    • Matilda

      Collectionneur de pages

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      #3 17 Juin 2010 14:36:10

      Oh je suis contente d'avoir un avis ^^ Mon premier sur ce texte que l'on semble bouder. Je vais corriger les fautes dans mon fichier word mais je suis très tête en l'air donc ...
      Bref merci pour ton avis :D
    • Luciole

      Baby lecteur

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      #4 17 Juin 2010 15:26:47

      you welcome ^^ (Il est plus mastoc que les autres, peut-être que les visiteurs l'ont remis à "plus tard", et tête en l'air...)
    • reveanne

      Petit joueur sur les mots

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      #5 17 Juillet 2010 02:16:20

      Haaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa (voui, je hurle facilement dans mes commentaires, en général c'est bon signe.) j'avais croisé ce texte sur l'Encrier sans prendre le temps de le lire (honte à moi très très grande honte à moi) mais à côté de quoi étais-je passé? D'une véritable petite merveille!!!!
      Fantastique, génial... que dire de plus? je manque superlatif.

      Bravo!
    • Matilda

      Collectionneur de pages

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      #6 17 Juillet 2010 10:44:03

      Merchi :D Il aura fallu un an mais j'ai enfin un avis sur ce petit texte ^^
    • reveanne

      Petit joueur sur les mots

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      #7 17 Juillet 2010 12:51:06

      C'est souvent le problème avec les nouvelles, sur les sites de publication, vu le turn-over des mises à jour des histoires on passe facilement à côté et sur des sites comme ici, la section où les membres postent leur histoire est très peu fréquenté.
      Résultat on passe à côté de petite merveille.