La fin d'un monde

 
    • lady_kora

      A la découverte des livres

      Hors ligne

      #1 21 Décembre 2012 18:05:39

      Coucou!

      Voici un petit texte que j'ai écrit hier dans l'ambiance de la possible fin du monde. Un genre de nouvelle plutôt personnelle. J'espère qu'elle vous plaira.

      Nous étions toutes les deux assises dehors. Il faisait un froid polaire, mais il y a de ces conversations qu’on ne peut garder à l’intérieur. C’était peut-être une des dernières fois que nous aurions une conversation aussi profonde avant un bout de temps. Tu savais que je n’aimais pas les adieux, alors tu m’avais proposé d’aller regarder les étoiles dehors. Je venais de t’avouer que j’avais peur. Peur du temps qui passe. Peur de n’en avoir jamais assez pour tout faire. Peur de ne pas pouvoir tout dire. Peur de perdre mon temps. Peur que le monde bascule dans le néant.


      Tu m’as regardée, un petit sourire au coin des lèvres. Si j’avais pris le temps d’analyser ton regard, j’aurais pu y déceler toute la misère, tous les mystères de ton âme, les larmes de tes déceptions, le pourquoi de l’amertume dans ta voix.  Dans tes yeux, j’aurais pu me voir moi-même, j’aurais pu apprendre tant de choses… Parce qu’ils avaient la même couleur, la même douceur que les miens. Savais-tu au moins combien je t’aimais, mon amie?





      « Quel monde? », m’as-tu demandé.


      Deux mots qui  voulaient tout dire, et rien en même temps.


      Je n’ai pas su quoi te répondre. Je n’ai jamais su ce qu’était le monde, en fait. Après une vingtaine d’années sur Terre, je me sentais déjà si vieille, si usée, et pourtant encore si jeune. J’avais vécu, comme toi aussi, je le sais, tant d’horreurs que les bonheurs les plus futiles en venaient à me faire peur. Le monde, pour moi, c’était des gens. Des gens qui vous aident, qui vous aiment, mais qui peuvent aussi se montrer méchants. Des gens qui courent, qui volent, qui dansent, qui rient, qui pleurent. Qui laissent une trace dans votre vie sans que vous ne puissiez imaginer à quel point ils vous ont touchés réellement. Cette vie, ce fourmillement d’activité perpétuel, je crois que c’est ce qui allait me manquer le plus. Parce que moi, je ne bouge jamais.





      Je suis atteinte du doute perpétuel, une maladie qui m’empêche de vivre au maximum. Je n’ai  pas toujours été comme ça. Ce sont les gens qui, à force de poser le regard sur moi, m’y ont habitué. Les gens m’ont appris à m’exprimer, à aimer. À écrire, à lire, à compter. Ils ont tenté de me faire marcher dans leur pas, mais peu d’entre eux ont réussi. Car je suis unique, différente. Les gens n’aiment pas la différence. Certains la fuient comme la peste. D’autres apprennent lentement à vivre avec, mais au fond d’eux, il subsiste toujours un doute.


      Je me souviens, une fois, avoir croisé une dame d’origine Vietnamienne au magasin. Elle m’a regardé franchement, m’a souri et m’a dit :


      « Tu sais ce que je vois en toi? La pureté. Tu es pure. Au Vietnam, c’est une qualité qu’on estime beaucoup. »





      J’avais eu une mauvaise journée, et j’avais le goût de pleurer. Mais je me suis dit qu’elle avait raison. Depuis que je suis toute petite, j’essaie de cultiver le bonheur et l’amour. Peut-être parce que je sais ce que c’est d’en manquer. Je fais des réserves pour les jours noirs… Comme maintenant.





      Je déteste les adieux. Je déteste encore plus les adieux qui se font dans les non-dits. Il y a toujours une part d’inachevé dans les départs, quelque chose qu’on aurait aimé dire mais qu’on ne dit pas. Un « Je t’aime » caché dans les « Je te hais ». Un « Ne me quitte pas » dans les « Reste encore un peu ». En ce moment, je revois ses yeux dans les miens, j’entends ses promesses non-tenues dans le vent qui souffle. Que savait-il, quand il a pris sa décision? La revoyait-il aussi clairement que je te voyais devant moi, en cet instant? Il se disait peut-être qu’il allait me garder une nuit de plus près de lui car il savait qu’il ne la reverrait jamais? Moi, j’ai toujours su qu’il l’aimait encore. Mais j’avais l’audace de croire qu’il m’aimait au moins un peu plus. Maintenant, au lieu de sa main, c’est la tienne que je tiens, fort, pour ne pas tomber. Mais à quoi bon, puisque tout ça finit bientôt?


      Je me suis relevée. Mon train partait dans quelques minutes. Je t’ai serrée dans mes bras, je t’ai promis que je te donnerais des nouvelles. Mais je déteste les promesses. Je suis toujours la seule qui finit par les tenir jusqu’au bout…





      Je pars vers un nouveau monde. Un monde où je serai plus libre, où les couleurs seront peut-être plus belles. C’est la fin d’un monde, mais le début d’un autre… Et si je suis chanceuse, si le bonheur existe vraiment, je vous retrouverai tous les deux là-bas.