Rencontre rêvée par Elise47

 
    • elise47

      Lecteur timide

      Hors ligne

      #1 24 Mai 2013 18:57:23

      La rencontre... Instant magique où l'angoisse doit prendre tout notre corps, les larmes au bord des yeux, la peur au ventre, la certitude que ça y est, le temps est venu de devenir parents.
      Il pleuvra. Ou non, il fera un beau soleil éblouissant. Une chaleur écrasante. Peut-être. Peut-être pas. Bon, le temps sera doux en fin de compte, juste ce qu'il faut pour se sentir bien.
      L'arrivée devant l'orphelinat sera poignante, on se prendra les mains et on ira l'un et l'autre, ensemble, vers toi, notre petit bout d'amour, porté si longtemps par nous deux. Une nounou arrivera dans une petite pièce un peu sombre... L'une de celles qui aura accompagné ta vie jusque-là, qui aura tout été pour toi : ton repère, ton pilier, des bras pour t'aimer. A ce moment-là, on ne verra plus que toi, c'est sûr. La bulle sera suffisamment fine pour que tu entres dans nos vies et assez cloisonnée pour ne pas entendre les autres adoptants et les enfants qui jouent, qui crient, qui pleurent. Ta nounou te posera dans mes bras. Aucun doute: c'est toi que l'on aura cherché pendant tout ce temps, toi et uniquement toi, comme une évidence. Le début de grossesse, ce n'était pas le bon chemin. A Metz, c'était une fausse route. Au Mali aussi. On t'aura cherché partout mais tu étais là, au pays des dragons, c'était écrit.
      Nous nous regarderons. Nous, nous n'aurons de yeux que pour toi en tout cas. Toi, peut-être auras-tu le regard fuyant. Peut-être, peut-être pas. Finalement, peut-être que tu voudras bien nous observer par intermittence. Il te faudra du temps et ce temps, on te le laissera. Ce temps nécessaire pour que tu n'aies plus peur, que tu te laisses aller et que tu aies confiance en nous. Le temps que l'on devienne tes parents. A ton rythme. Je me rappellerai alors ces photos volées où je t'ai vu à plusieurs reprises dans les bras de ta nounou, l'air effrayé en voyant des inconnus arriver de nulle part.
      Je fermerai les yeux pour te respirer longuement, inspirer toute ton odeur pour se souvenir à jamais de cet instant unique. Respirer tes cheveux, ton cou... Essayer d'imprimer ces senteurs comme autant d'émotions que, quelques mois plus tard, j'aurai oubliées à coup sûr. Nous nous regarderons avec ton père et ravalerons nos larmes tant de fois cachées de toute façon. Puis je trouverai un coin pour m'asseoir, les jambes en coton. Et là, ton père te prendra dans ses bras. Instant unique, instant magique. Vous serez beaux tous les deux et je trouverai qu'il y a un air de ressemblance. C'est toujours comme ça que ça se passe dans une maternité : on cherche les ressemblances là où il n'y en a finalement pas, du moins pour les autres. Comme si tous les parents voulaient se retrouver en miroir... Etrange comportement qui m'aura toujours agacée mais nous n'échapperons pas à la règle. Peut-être pas après tout. Car ce qu'on admirera se trouvera au-delà d'une ressemblance physique. La forme de ton visage si douce, tes yeux si bien dessinés, tes lèvres si jolies, tes joues arrondies, tes yeux en amande... Tu auras de grands pieds, des orteils arrondis à croquer... ce qui nous aura tant fait sourire durant les mois où, avec ton père, on a décortiqué chaque détail de chaque photo reçue. Et là, nous rigolerons... Rigoler de ce bonheur incroyable qui nous submerge, rire de ce chamboulement incroyable, rire parce que nous serons dans une scène surréaliste. Instant magique! Tu auras peur de nos rires, nous nous excuserons et t'embrasserons tous les deux en même temps, tout doucement, la main sur tes cheveux, pour ne pas te brusquer et te rassurer. Puis tu comprendras. Peut-être. Ou pas. En tout cas, tu auras l'air intrigué. Alors je saisirai le petit sac rempli de quelques trésors à ton intention : ton doudou choisi sur un coup de coeur de notre part, un jouet qui fait du bruit... quoi d'autre encore? Je prendrai le doudou Paco. Tu le prendras à pleine main. Tu l'adopteras sans plus tarder. Tu l'auras reconnu. C'était lui sur les photos envoyées quelques jours avant notre venue! Paco le lapin. Puis tu mettras ton pouce à la bouche. Et nous te dirons : "Non, ne fais pas ça"... pour se raviser : "Bon, d'accord, mais à partir de demain, c'est fini, hein, mon coeur?". Ou pas. Quoi qu'il en soit, nous nous ferons déjà avoir. C'est sûr.
      Puis, quelques heures plus tard, tu diras au revoir à ces femmes qui auront pris soin de toi, à tes copains qui ne partiront pas tout de suite. Ou pas du tout. Nous franchirons la grille bleue, comme une ligne de départ, le coeur en vrac, toutes sortes de sentiments se mélangeant, les larmes au bord des yeux.

      Nous prendrons le temps de faire connaissance. Nous t'apprendrons des milliers de choses. Et en sortant de l'orphelinat, au bord d'un lac ou en attendant un taxi, ou peut-être de la fenêtre de l'hôtel, nous soufflerons des bulles de savon. Comme autant d'espoirs pour tes copains restés là-bas.
      Nous t'apprendrons comme c'est beau, la vie, les océans, les mers, les montagnes, la neige, les milliards d'odeurs et les trésors qui se trouvent sur notre route...

      Et toi, toi mon fils, tu nous apprendras bien plus encore.

      Dernière modification par elise47 (24 Mai 2013 18:58:11)