Helena découvrit le secret des plus surprenant de son ami d’enfance par un matin froid du milieu d’hiver. Elle n’aurait jamais imaginé qu’il était ce qu’il était. Et que sans le vouloir, ça faisait des années qu’elle lui faisait des éloges après l’avoir agonie d’injure.
Mais que ce soit un froid matin d’hiver ne changeait pas grand chose pour Helena. Elle attendait toujours Abel en se demandant toujours pourquoi elle le faisait encore. Elle regardait toujours sa montre et voyait toujours le temps fuir inexorablement. Elle regardait toujours le grand portail d’entrée et désespérait toujours de voir arriver son ami.
La seule chose qui changeait, c’est qu’Helena avait froid, et était d’encore plus mauvaise humeur que d’habitude, pour le plus grand malheur d’Abel.
Aussi, quand il arriva enfin et qu’il s’écroula à ses pieds, la jeune fille manqua lui sauter à la gorge.
- Eh bien ! Ce n’est pas trop tôt, railla-t-elle.
- Désolé, je devais m’occuper d’un dragon, répondit Abel en se mettant difficilement à genoux et en levant la tête pour regarder son amie en face.
Ce ne fut qu’à ce moment qu’Helena vit son uniforme déchiré, ses brûlures et les traces de suie qui le maculait de la tête au pied. Il lui manquait même une chaussure. Quel imbécile ! Aller si loin pour faire croire ses mensonges.
- Un Dragon, mais bien sûr… repris Helena, dubitative.
- C’est vrai. Je…
- Debout !
Sa voix avait claqué comme un coup de fouet. Helena pris Abel par le col de sa veste en lambeaux et le remis sur pieds. Le garçon sortit d’un coup de sa torpeur. Helena repris en lui tournant autour comme une lionne d’assez mauvaise humeur :
- Et hier, c’était un vampire ?
- Oui ! Ça fait un mal de chien ces bestioles. Regarde, j’ai encore la marque, dit-il en relevant sa manche pour dévoiler deux traces brunâtres sur son avant-bras.
Helena s’approcha doucement et pris le bras pour mieux voir. Son visage s’éclaira d’une lueur de compréhension.
- C’est pour ça que tu es en retard…
- Oui, fit naïvement Abel.
- C’est parce que tu prend le temps de te dessiner dessus !
Le garçon resta un instant interdit.
- Non ! Pourquoi est-ce que tu ne me crois jamais ?
Abel avait crié en retirant brutalement son bras, mais il regretta très vite son éclat de voix quand les yeux d’Helena se plantèrent dans les siens. Sa voix se fit suave.
- Tous les jours, tu es en retard. Tous les jours, tu inventes des histoires incroyables, peuplées de créatures plus inimaginables les unes que les autres. Un clan de zombie par exemple.
Abel paru réfléchir un instant et osa demander timidement :
- Quand était-ce déjà ?
- Il y a deux jours.
- Ah ! ça me reviens.
Helena soupira et leva les yeux au ciel de désespoir. Pour se moquer encore un peu de son ami, elle le questionna malicieusement :
- C’est quoi l’histoire avec le dragon ? Tu as pris le thé et les biscuits avec lui ?
Abel eu un sourire gêné et détourna le regard pour balbutier une réponse.
- Il… a pris le thé et… j’étais… le biscuit.
Helena eu un éclat de rire puis, intriguée, eu la mauvaise idée de vouloir se renseigner.
- Si, j’ai bien dis « si », un dragon t’as mangé ; comment peux-tu être là ?
La jeune fille avait pris le bras d’Abel pour illustrer ses propos mais cette fois-ci, elle le serrait un peu trop fort au goût du garçon qui grimaça et s’empressa de répondre.
- J’ai pris la voie de sortie naturelle.
- Quoi ? répondit Helena, interloquée.
Abel se redressa, chercha ses idées et parla comme s’il s’adressait à un enfant tandis que la prise se desserrait imperceptiblement.
- Quand tu manges quelque chose, ça ressort dans les toilettes, vrai ?
La jeune fille hocha la tête, sentant qu’elle n’allait pas apprécier la suite.
- C’est la même chose pour les dragons.
Helena se tut quelques secondes le temps de digérer l’information :
- Dans se cas, comment se fait-il que tu ne soit pas dans une… fiente de dragon ?
- J’ai nagé plus vite que son système digestif.
L’adolescente pris alors conscience de ce que signifiait ce que venait de lui dire son ami. Elle regarda sa main autour du bras d’Abel et le lâcha subitement.
- Non. Oh mon dieu… Non !
Helena frotta nerveusement ça main sur sa jupe, sur le mur, sur tout ce qui lui passait à portée. D’un seul coup, elle s’arrêta et se redressa. Son regard aussi froid que le matin se planta dans celui de son ami.
- Heureusement, ce n’est qu’un mensonge. C’est quoi la véritable histoire ?
De nouveau, Abel fut étrangement embarrassé. De nouveau, il détourna les yeux.
- Le… bus à été plus… rapide que… moi.
Un sourire inquiétant étira les lèvres d’Helena. C’était un de ces sourires que dessinait la bouche quand les yeux vous promettaient un avenir proche des plus sombre.
- Oh. Je vois. Maintenant, avec tes idioties, le prof a été plus rapide que nous !
Alors que la jeune fille faisait un pas en avant, son ami en faisait un en arrière, les mains devant lui en un geste vain de protection. La voix dangereusement douce et calme d’Helena avait tonné sur le dernier mot. Abel déglutit avec difficulté et s’assura d’une chose :
- Je suis mort ?
Comme la jeune fille hochait la tête il lâcha un bref et tremblent « Bye » et s’enfuit à toutes jambes. Helena se lança immédiatement à sa poursuite en criant.
- Je vais te faire la peau ! Reviens ici ! Attends !
Mais elle ne s’était pas imaginé qu’Abel le ferais. Aussi manqua-t-elle lui rentrer dedans. La jeune fille fut alors suffisamment près pour entendre le garçon marmonner :
- C’est pas possible ce que ça peut être coriace c’est truc !
Il fit soudain beaucoup plus sombre devant le grand portail du lycée et la terre trembla légèrement. Abel bougea. Alors seulement, Helena vit ce qui leur barrait le passage et elle ne put retenir un cri d’effroi. Alors qu’elle reculait et tombait à la renverse, un bafouillis réussi à s’échapper de sa gorge serrée :
- Dd… Dra… Dragon !
Abel lui jeta un regard cynique par dessus son épaule :
- Il est beau mon dessin, hein?
Helena vit tout ce qui suivit comme dans un rêve. Et quel rêve ! Le Abel stupide et naïf qu’elle côtoyais tous les jours était soudain devenu le héros de son livre favori. Comme elle s’en voulu alors de l’avoir constamment comparé au Abel de ce même livre ! Comme elle s’en voulu de n’avoir jamais su que les deux Abel, son ami et son héros, n’était qu’une seule et même personne ! Une personne qui ne lui avait jamais menti, sauf qu’en elle le lui demandait, et qui maintenant, se battait devant elle. Pour elle !
Mais pendant qu’Helena prenait conscience de ça, son ami-héros la jeta en lieux sûr, hors de portée du dragon. Quand elle retomba au sol, le choc lui fit perdre connaissance. Mais avant que ses yeux se ne ferment, Helena emporta une dernière image qui resta gravé dans sa mémoire à jamais. Le visage d’Abel tourné vers elle malgré le danger. Ses yeux agrandis par l’inquiétude qu’elle ne se soit fait mal. Puis ses même yeux déterminés à… à quoi ?
Elle ne le sut jamais. Son esprit avait sombré dans les ténèbres.
Quand la jeune fille repris connaissance, elle était à l’hôpital. Abel était à son chevet, couvert de bandages et de brûlures. Elle appris qu’un incendie c’était déclaré dans le lycée et qu’une explosion l’avait mit dans l’état dans lequel elle était. Elle apprit aussi que si Abel était arrivé un peu plus tôt et qu’elle s’était retrouvé au rez-de-chaussée du bâtiment, elle serait probablement morte. Helena devait la vie qu’ au cinq minutes de retard supplémentaires de son ami. Quand la jeune fille lui raconta ce qu’elle avait vu, Abel lui assura qu’il n’y avait jamais eu de dragon, qu’il ne l’avait donc jamais combattu et que son uniforme avait était déchiqueté dans l’explosion. Tout ce que l’adolescente était persuadé d’avoir vu et vécu n’était en fait qu’un rêve.
Cependant, Helena resta certaine que son rêve avait un fond de vérité, mais elle se garda bien de le dire. Elle avait parlé à Abel avant que tout ne dérape. Ça ne faisait aucun doute.
Quand tout se fut tassé, quand tous les blessés furent guéris, quand tout redevint normal, Abel continua à arriver en retard. Étrangement, Helena ne se mis plus en colère et ne lui demanda plus jamais d’explication pour ça. Elle l’attendait juste, un léger sourire flottant sur ses lèvres.
