Le corps de l'hydre, chap. 1

 
    • Soundandfury

      Serial lecteur

      Hors ligne

      #1 10 Juillet 2015 18:39:24

      Le corps de l'hydre

      Chapitre 1 - Profondeurs

      Le cercueil, contre toute attente, occupait non pas le centre de la pièce mais son renfoncement le plus obscur.  Ipso, déconcerté, jeta un regard en direction de l'homme qui l’avait mené jusqu’ici et dont il ne connaissait toujours pas l’identité. Il lui sembla que celui-ci l'invitait, d'un imperceptible mouvement du menton et des yeux, à s'approcher du cercueil. Mais dans cette pénombre il n'en était pas certain et  le sens de cette situation lui échappait complètement.

      Tout en suivant son guide à travers la ville jusqu'à cette petite cour et aux escaliers humides et glissants conduisant à cette cave, il n’avait pu se défaire d’une impression diffuse de danger, d’autant que la nuit noire ne lui avait pas permis de déchiffrer l’inscription sur l’enseigne du bâtiment. A présent, il redoutait un guet-apens. Mais pouvait-il se dérober à un ordre qui portait le sceau royal ? De plus, qui pourrait bien vouloir attenter à la vie d’un tout frais lieutenant de la garde ?

          Le vieil homme s’était rangé le long de la paroi du cachot et semblait attendre quelque chose. Le jeune lieutenant se décida à s'enfoncer de quelques pas dans la direction indiquée, incertain. Du coin de l'oeil, il guettait tout mouvement, craignant encore d'être  enfermé à son insu. La pièce, s’aperçut-il, était jonchée de vieilles planches abîmées. La forme très caractéristique de certaines ne laissait aucun doute sur leur morbide destination. Quelques cercueils déjà montés attendaient le long des murs, deux autres à même le sol. Seul celui vers lequel il se dirigeait échappait à ce lugubre abandon. Il reposait sur un épais drap gris étendu avec soin sur un monticule aplani constitué de bûches tenues par des cordes, veillé par une bougie.

          Le jeune homme résista aussi longtemps qu’il put à l’appel de la funeste boîte dont le couvercle était oté. Ce cercueil-ci, il le devinait, hébergeait un cadavre. Tant qu’il ne fut pas arrivé à moins d’un mètre, il garda obstinément le regard fixé sur l’homme, à la porte, qui s’était à présent emparé d’un flambeau et marmonnait des formules sans lever les yeux. Enfin, Ipso ne put plus tergiverser. Il fit glisser son regard le long du suaire, et remonta, très lentement, évitant de se laisser aller à la formulation de trop effrayantes hypothèses. 

      Il n'émit aucun son, mais son esprit, déjà abruti par la faim et le manque de sommeil, patina furieusement tandis que saisi d'horreur, il tentait d'évaluer toutes les implications. Ce qu'il avait sous les yeux... Que la fortune leur vienne en aide ! Sa main heurta le rebord du cercueil, il chancela, si choqué qu’il ne sursauta même pas lorsqu’une terrifiante silhouette noire s’éleva lentement de derrière la dépouille. Pétrifié, sonné, il songea simplement « Voici la Mort », et il fallut une demi-minute à sa raison pour dissiper le spectre et prendre conscience de l'identité – bien humaine – de cette apparition.

      Relevez-vous, lieutenant Ipso. Réservons le protocole à des jours moins graves.

          Elle est belle, songea Ipso qui la voyait d’aussi près pour la première fois, l’observant à la dérobée tandis qu’elle remontait sa capuche de peau, dissimulant à nouveau son visage. Belle et ravagée. Sa douleur est immense. Je n’aurai jamais pensé que… Finalement, la situation était encore pire que ce qu’il avait premièrement évalué !

          Son trouble n’échappa pas à la femme encapuchonnée, qui réduisit à néant la question qu’il s’apprêtait à poser.

          - Nous allons bientôt tout expliquer.

      Ce « nous », comme il ne tarda guère à s’en apercevoir, la désignait elle-même, ainsi que ce vieillard qui était venu quérir Ipso au Camp Nord mais l'assemblée n'était pas encore au complet. En effet, après quelques minutes qu'Ipso occupa à ruminer de sombres pensées, d’autres pas se firent entendre dans l’escalier. Le vieil homme, toujours posté près de la porte, l’entrouvrit et échangea quelques mots avec les nouveaux arrivants avant de s'effacer pour les laisser entrer. Ipso reconnut immédiatement deux des trois personnes qui pénétrèrent dans la cave, chacune munie d’une torche. Le plus grand des deux hommes, encore vêtu de son uniforme, était le plus haut supérieur d’Ipso, le Haut-sénéchal.

      L’autre homme était un inconnu, mais ressemblait si fortement au vieillard par les yeux et le menton qu’il en déduisit, sans erreur, qu’il devait s’agir de son fils. Enfin, Ipso connaissait très bien la dernière arrivante, même s’il ne l’avait pas revue depuis près de quatre ou cinq mois. Elle le salua d’un sourire tremblant, au travers de ses larmes. Ipso en déduisit que le décès n’était pas une nouvelle pour elle. Quant au Haut-Sénéchal, il accusait visiblement le coup,  un tic nerveux lui secouait la bouche. Il s'efforçait de n'en rien montrer  mais ses yeux reflétaient le désespoir de celui qui voit son univers piétiné et son propre cercueil apprêté. Ipso ne put que se sentir honteux de sa propre faiblesse.

      La femme en gris fit approcher le vieil homme tandis que le fils gardait la porte. Elle le présenta. Il s’agissait du célèbre Thanos, l’embaumeur le plus réputé du pays. Cet homme était une légende, mais une légende vieilissante. Il se murmurait que son fils s’apprêtait à prendre la relève.

      Alors, leur identité révélée, Ipso constata que tous, ici, avaient leur place. Sauf lui.

      (Début du chapitre 1)
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      J'ai repris il y a peu l'écriture de ce roman que j'ai en projet depuis de nombreuses années et qui n'a jamais dépassé le 2nd chapitre. Mais je sens qu'il mûrit et avant d'aller plus loin, je crois que j'ai besoin de tâter la température de potentiels lecteurs. Sachant que mon style d'écriture est loin d'être génial, je mise lâchement sur l'intrigue et son suspense. Et sur l'humour si j'en trouve sous le sabot d'un cheval.

      Problème 1 : Je n'arrive pas à écrire un fichu résumé façon 4e de couv'.  En bref ça donne:  [ SPOIL du tt début, rien qui ne s'apprenne très rapidement]
      Une reine. Une héritière - bien pratique en cas de pépin !
      La souveraine  choisit de protéger l'enfant en l'envoyant en exil.  Problème, quand le pépin arrive, cette taquine de reine se jette dans le cercueil sans dire à personne comment la retrouver.
      Et voilà le roman: une poignée de types/nanas avec Ipso à leur tête, chargés d'escorter non pas une héritière, mais trois prétendantes. Trois post-adolescentes aux caractères et aux motivations très différentes. Qu'il sera parfois tentant de laisser sur le bord de la route...


      Problème 2 : Ce qui m'ennuie, c'est que ce roman en projet pourra brandir sans tromper personne l'étiquette fantasy,  Mais j'ai  la quasi certitude de décevoir les adeptes du genre et de rebuter, à tort, ceux qui n'en sont pas friands (dont moi sic).  Pourtant, j'ai beau tourner le truc en tous sens, c'est bien la forme qui convient à ce que je veux dire.  [/b]
    • Itenarasa

      Maître de conférence des étagères

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      #2 10 Juillet 2015 18:46:01

      Je suis fière de toi que tu ais osé partager ici le début de ton roman. J'ai foi dans ta capacité à le mener à bout.

      Pour le reste nous en avons déjà discuté alors je laisse la place à d'autres de te dire ce qu'ils pensent de ce début qui m'a par ailleurs donné très envie de connaître la suite :)

      Dernière modification par C'era una volta (10 Juillet 2015 18:46:48)

    • Felina

      Lecteur professionnel

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      #3 22 Juillet 2015 22:02:25

      J'ai plusieurs bouquins qui me tournent dans la tête mais je n'ai jamais réussi a aller au delà d'un plan très très détaillé.
      Félicitations de t'être lancée. Je veux moi aussi connaitre la suite.
      Concernant la fantasy, écrit le roman selon ton intuition sans t'occuper de qui aime quoi.
      De toute façon rien ne satisfait jamais tout le monde alors autant que tu le sois toi.

      Bon la suite!