#23 14 Avril 2016 20:56:11
Chapitre 5
Le sablier du désertJe fermais la marche, admirant la nuque de Line. Je la trouvais vraiment charmante. Roland, mains dans les poches et clope au bec, progressait un peu plus loin dans l’allée. Nous tournâmes à gauche dans l’Impasse du Temps. C’était le premier décor que je découvrais. Des dunes de sables envahissaient les lieux. C’était l’image d’une ville fantôme dans le désert où le temps semblait s’être figé et où la nature reprenait ses droits. On observait des bâtiments érodés : une maison, une école, une épicerie et une église que les occupants avaient fuies à la hâte. C’était saisissant, j’oubliais complètement l’Allée du Tapis Rouge. Dans l’habitation, une des chaises autour de la table était à terre, marquant la soudaineté du départ des occupants. La poussière avait envahi le cadran de l’horloge, dont on ne pouvait plus lire les chiffres, et le sable recouvrait quelques endroits où il s’était infiltré, notamment au niveau des portes. D’autres festivaliers observaient les décors, dont deux enfants que les parents accompagnaient et qui, comme moi, avaient les yeux écarquillés. Ils étaient dans l’église où l’orgue abîmé ne jouerait plus. Roland ne regardait pas, il connaissait déjà les lieux :
- Je suis un peu l’homme à tout faire, ici. J’ai participé au montage de chaque ambiance, et pour les problèmes techniques c’est souvent à moi que l’on s’adresse.
Il accélérait le pas et parlait par-dessus son épaule.
- C’est mon neuvième festival et, cette année, je suis très confiant !
Ce Roland devait avoir des anecdotes en pagaille. J’aurais aimé prendre le temps de bavarder avec lui, mais il pressait le pas et je jugeais le moment inopportun.
- Vous nous emmenez où ? osa demander Line.
- De l’autre côté.
- De l’autre côté ? demandâmes Line et moi en chœur.
Je continuais :
- C’est une impasse, non ?
Nous étions arrivés au bout de la rue, face à un bâtiment qui représentait ce qu’il restait d’une ancienne épicerie rognée par la dune.
- C’est une impasse pendant le festival, mais…
Roland sortit alors un petit trousseau de clés longues.
- … il faut se méfier des apparences.
Dans une des pierres, une serrure dissimulée attendit qu’il tourne la clé. Une porte s’ouvrit. Nous la franchissions tous les trois, alors que j’entendais la voix d’un des enfants croisé juste avant :
- Wouah ! Regarde, ils sont passés par un passage secret ! Je…
La fin de sa phrase ne me parvint pas aux oreilles. Nous étions plongés dans le noir. Notre ami alluma une lampe torche et marcha jusqu’à un interrupteur, qu’il enclencha, pour dissiper les ténèbres. La pièce était grande, mais surtout haute. C’était un ajout, partie invisible aux festivaliers, qui devait prendre l’autre partie de la rue. Roland nous ordonna :
- Retournez-vous. (...)