[Suivi Lecture] Mirmont

 
  • cocolanoix

    Lecteur timide

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    #71 09 Février 2018 02:43:04

    Mirmont a écrit

    je suis un peu étonnée de ton avis sur la pièce de théâtre d'Ibsen, je l'ai trouvé passablement ennuyante au début car ressemblant beaucoup à un drame bourgeois mais éclatant à la fin et les personnages m'ont semblé profonds et nuancés. Les tirades de Nora ont su me convaincre. Mais peut-être que Peer Gynt saura davantage te convaincre, c'est une très belle pièce d'Ibsen.


    J'ai été également étonné, car j'avais lu de fort bonnes critiques sur cette oeuvre ; j'ai trouvé Nora (le seul personnage un peu travaillé de la pièce - les autres ne sont que des pantins destinés à la mettre en valeur) un peu trop caricaturale et le retournement de son personnage dans la dernière partie un peu facile. Mais je n'ai pas non plus detesté l'oeuvre : il s'agit d'une pièce fort bien construite et assez plaisante à lire, bien qu'anecdotique à mon sens. J'attends effectivement pas mal de Peer Gynt, que je lirai sans doute en écoutant la composition de Grieg !


    Je suis sincèrement désolée, je me permets d'insister un peu (et ce n'est pas dans mon habitude) parce que cette pièce me tient à cœur mais ... Je comprends ton avis, simplement je ne trouve pas les personnages si caricaturaux, Torvald est un homme qui incarne des problématiques intéressantes et le docteur Rank est une main tendue qui n'est pas saisie ... Quant à Madame Linde, elle est un contrepoint de Nora... D'autant que cette histoire est inspirée de faits réels. Ibsen a écrit cette pièce en écoutant les conseils de sa femme et en s'inspirant de la vie d'une amie danoise qui était aussi autrice. Je trouve cette pièce importante dans l'histoire du théâtre, surtout quand on voit la place de la femme dans ce milieu jusqu'à il y a peu encore ... Il faut peut-être rappeler qu'il s'agit d'une pièce écrite au XIXe siècle en Norvège, elle a subi des censures à l'époque car beaucoup trop innovante et scandaleuse sur la place de la femme au sein du foyer. C'est vrai qu'aujourd'hui cela paraît peut-être un peu désuet, quoique... Voilà, je n'insiste pas plus, je respecte ton point de vue et j'espère que tu passeras un meilleur moment avec ses autres pièces. :)


    Mirmont a écrit

    Merci pour ton passage ici et - même si c'est désormais un peu tard - très bonne nouvelle année et belles découvertes livresques !


    Merci beaucoup, je ne peux que te souhaiter la même chose :)

  • Mirmont

    A la découverte des livres

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    #72 09 Février 2018 11:55:02

    Tu fais bien d'insister : il est toujours louable de défendre un oeuvre que l'on apprécie et, de mon côté, c'est stimulant puisque cela me force à mieux expliciter les raisons de ma (relative) déception.

    Ce qui t'a, me semble-t-il, plu, c'est le côté "pièce à thèse" ; en effet, on peut aisément y voir une sorte de proto-féminisme, de critique de la conception bourgeoise de la famille, ou même plus fondamentalement encore (et plus pertinemment je crois s'agissant Ibsen) une sorte d'ode à l'individu prenant conscience des structures collectives d'aliénation et en y échappant par un acte radical de volonté. Et c'est, je le crains, justement cet aspect qui m'a déplu : comme tout ouvrage visant à valoriser une ou des thèse(s), il réduit les personnages à des archétypes, en jouets à fonction démonstrative, en symboles, et cela réduit d'autant plus l'intérêt psychologique des protagonistes et rend l'oeuvre plate et prévisible jusque dans le retournement (pourtant spectaculaire) de Nora.

    Bon, Une maison de poupée est tout de même plus intéressant que ce que je viens de dire, qui est sans doute trop tranché et caricatural (la postface de mon édition prend bien garde de répéter que ce n'est pas qu'une pièce à thèse, tout en ayant toutefois bien du mal à mettre autre chose en évidence dans son analyse) ; et qui plus est, cela reste une bonne petite lecture - simple, très efficace dans sa construction et plaisante à lire (je lui ai d'ailleurs mis une note tout à fait honorable). Mais je suis persuadé qu'Ibsen a fait bien mieux ; je confirmerai cela sans doute lors de mes prochaines lectures de cet auteur.

    Voilà, je n'insiste pas plus, je respecte ton point de vue


    Oui, je respecte le tien également, d'autant plus qu'il est argumenté ; je sais que beaucoup ont apprécié cette pièce. Peut-être suis-je passé à côté, après tout, ou n'ai-je tout simplement guère été sensible au propos.

    Merci beaucoup, je ne peux que te souhaiter la même chose


    Merci !

  • Gaspard-de-la-Nuit

    Baby lecteur

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    #73 11 Février 2018 13:36:47

    Mirmont a écrit

    Merci Gaspard-de-la-Nuit et ravi de vous voir ici ! N'hésitez pas à venir discuter si vous le souhaitez. Je serais par exemple très curieux de savoir ce que vous avez pensé, comme vous n'en avez pas encore fait mention dans votre blog, du Millet que vous avez lu dernièrement - je cherche une bonne porte d'entrée dans l'oeuvre de cet auteur, que je connais hélas plus pour ses prises de position politiques que pour son (pourtant réputé) travail littéraire


    Je ne vous ai lu que trop tard,
    À vrai dire, c’était mon premier Millet, j’avais tenté de l’aborder étant plus jeune en vain. Ce coup-ci ça a pris. J’ai trouvé que Millet avait réussi à donner à ce qui pourrait être lu comme un fait divers, la matière qui fait les grands mythes. Le renard dans le nom est un tour de force: certes c’est lent et plein de redites et contemplatif mais c’est cette lenteur, et le jeu sur la voix narrative et ses possibles qui confèrent au texte une dimension incantatoire et intemporelle (après le Limousin, c’est très loin de chez moi donc ça pourrait expliquer ce ressenti de hors lieu et de hors temps que j’ai eu mais pas que). Il y a quelque chose du chant dans l’écriture, peut être à cause des redites, peut-être à cause des échos et du déroulement en spirale ce qui fait que le récit joue avec le poème et c’est peut être ça qui a sû me faire entrer dans la danse.
    J’en lirai d’autres à l’occasion: la confession négative peut-être, mais j’aime beaucoup cette ambiance sombre et somnambulique  du renard dans le nom donc pour découvrir le reste du « cycle ». À voir avec ma médiathèque.
    Bon dimanche.

    Dernière modification par Gaspard-de-la-Nuit (12 Février 2018 01:34:45)

  • Mirmont

    A la découverte des livres

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    #74 11 Février 2018 16:27:56

    Lenteur, ambiance somnambulique, échos, construction spiralée, intemporalité, chant : très intéressant et, pour tout dire, parfaitement séduisant et engageant. Je commencerai donc par celui-ci - d'après ce que vous en dites, il ne peut que me plaire (même si le Limousin, relativement près de chez moi, a dans mon esprit une dimension mythologique très ténue - le drame de la proximité et de la familiarité, sans doute...).

    Merci beaucoup pour ce compte-rendu et bon dimanche également.
  • Mirmont

    A la découverte des livres

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    #75 14 Février 2018 18:49:14

    Trois derniers ouvrages lus

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    - La Plage de Scheveningen, Paul Gadenne (1952). Voici un grand écrivain qui n'est malheureusement que peu lu aujourd'hui (un seul de ses ouvrages était enregistré sur Livraddict lorsque je me suis inscrit). J'avais déjà particulièrement apprécié L'Invitation chez les Stirl et L'Avenue (un peu moins le Vent Noir, en revanche). Dans la Plage de Scheveningen, il est question de jugement, de trahison, de fraternité, de la difficile (impossible ?) communication entre les êtres, d'Abel et de Caïn, de meurtre et de cruauté, de réconciliation avec les Hommes et la tragédie ; le tout sur fond de guerre, d'Occupation et d'épuration. Gadenne (Arnoult dans le livre) y évoque notamment Brasillach (Hersent) qu'il a fréquenté plus jeune. C'est bien écrit, c'est très intelligemment construit et c'est d'une grande profondeur - un petit bémol pour les amours malheureuses du narrateur avec Irène, intéressantes car au coeur de l'ouvrage et des thèmes abordés, mais qui ont eu tendance à m'ennuyer un peu. En tous cas, lisez Gadenne. 15/20.

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    - Lettres à Louise Colet, Gustave Flaubert (1846 à 1848 pour la rédaction des lettres). Poétesse (de talent, parait-il) et pivot de la société littéraire parisienne sous la Monarchie de Juillet, Louise Colet a été éprise de manière particulièrement vigoureuse du jeune Flaubert - il avait 25 ans lors du début de cette correspondance enflammée, elle 10 de plus. Ce petit recueil édité chez Rivages Poche à deux particularités : il ne reprend que les lettres de Flaubert et s'arrête lors de leur première rupture (la liaison, et donc la correspondance, a repris brièvement bien des années plus tard). On y trouve un Flaubert, tendre, confident, volontiers rassurant mais ne pouvant jamais entièrement satisfaire l'amour débordant et passionnel que lui livre son amie. Semaine après semaine, le ton (que l'on devine) des lettres de Louise Colet se fait plus amer, plus pressant, et une rapide dégradation intervient dans leur relation malgré la patience infinie de Flaubert ; Flaubert qui toutefois fera vite comprendre en creux à Colet que seul l'art l'intéresse, que son travail littéraire est la seule chose qu'il met sur un piédestal, et qu'il n'est guère en mesure de répondre à ses ardentes sollicitations et supporter indéfiniment ses imprécations. Mise à part cette relation amoureuse asymétrique d'une banalité finalement confondante, ces lettres sont très précieuses pour les considérations que Flaubert développe au sujet de son rapport à l'art, à l'écriture, à la vie et - Flaubert oblige - par la superbe du style employé. 15/20. (Premier auteur cité par Régnier lu cette année, mon petit challenge personnel débute ici).

    Je ne résiste pas à l'envie de restituer ici la toute dernière lettre de Flaubert à Colet, qui n'est pas dans ce livre (elle date de 1855) - lapidaire, cruelle et efficace :

    Madame,

    J’ai appris que vous vous étiez donné la peine de venir, hier, dans la soirée, trois fois, chez moi.

    Je n’y étais pas. Et dans la crainte des avanies qu’une telle persistance de votre part pourrait vous attirer de la mienne, le savoir-vivre m’engage à vous prévenir : que je n’y serai jamais.

    J’ai l’honneur de vous saluer.


    Ouch...

    <image>

    - Œuvres complètes, Platon (IVème Siècle av. J.-C. - quelques siècles plus tard pour certaines oeuvres apocryphes). Après une année d'attente dans ma bibliothèque et trois mois et demi de lecture quasi-quotidienne, je suis enfin venu à bout de ce pavé (qui tutoie tout de même les 2200 pages !). Je sais gré à Flammarion et à Luc Brisson (qui a dirigé cette publication) d'avoir rendu cette lecture-fleuve particulièrement plaisante. Le parti-pris de cette édition a été de réunir tous les textes de Platon et ceux qu'on a pu lui attribuer faussement (45 écrits au total - d'Alcibiade à Sur la vertu - dont un bon tiers de textes apocryphes) avec le moins de notes possibles et avec des traductions élégantes, modernes, tout en restant le plus fidèle possible aux sources (traduction issues du travail de Brisson pour la collection GF pour la plupart - mais il y en a également des inédites). C'est parfaitement réussi : la lecture est fluide et le plaisir littéraire est indéniablement présent, sans enlever à l'intérêt philosophique proprement dit. Bien évidemment, les textes - qui vont d'une dizaine de pages à 350 pour les Lois - sont d'un intérêt inégal, mais les lire d'une traite dans un même volume permet de faire des rapprochements et des comparaisons, d'observer les évolutions, les récurrences, la profusion et la diversité des thèmes et styles employés, et - dans le cas des écrits apocryphes - de dégager certaines tendances et écarts dans la première réception de l'oeuvre platonicienne. L'édition est toutefois accompagnée d'annexes (d'un intérêt variable) et d'un fort utile (et fourni) index. Le défaut majeur de cette édition est la contrepartie de ses qualités : peu d'éléments de contexte et un ordre des textes purement alphabétique qui ne fait guère sens. Pour les amis de la maïeutique, de la métaphysique et de l'ironie socratique, cette édition semble parfaite pour une fréquentation régulière et je dirais plus littéraire que philosophique des textes mais néanmoins insuffisante pour une étude approfondie de Platon. Je vais compléter sous peu cette lecture par le Lire Platon de Brisson également, paru chez PUF. 19/20.

  • Mypianocanta

    Gardien du savoir

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    #76 14 Février 2018 19:16:39

    La dernière lettre de Flaubert est en effet très … cassante. Mais au moins, elle met les points sur les i et les barres sur les t.
    Je t'admire d'avoir lu tout Platon comme ça de manière quand même quasi continue. Je crois que je n'en aurai jamais le courage même si j'ai en effet entendu beaucoup de bien (de la part de mes collègues de lettres classiques essentiellement) de cette édition et traduction.

    Bonne soirée :)
  • Mirmont

    A la découverte des livres

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    #77 14 Février 2018 19:37:23

    Je t'admire d'avoir lu tout Platon comme ça de manière quand même quasi continue.


    Comme dans le cas de La Recherche, je commençais à culpabiliser de voir l'ouvrage dans ma bibliothèque et de reporter sans cesse sa lecture du fait de son intimidante épaisseur. Je me suis fait violence, mais au final le mérite n'est pas si grand : une fois lancé, ce sont deux lectures tout à fait agréables et je n'ai pas vu passer les quelques mois de fréquentation de ces deux mastodontes (je précise toutefois que je n'ai pas encore terminé la Recherche, j'attaque tout juste Le Temps retrouvé).

    Bon, je dis cela mais les 2900 pages des oeuvres d'Aristote (toujours chez Flammarion) et les 2100 de celles de Lévi-Strauss m'attendent déjà mais je vais attendre un peu et éviter les pavés (1000 pages et plus) pendant quelques mois...

    Bonne soirée également Mypianocanta !

  • Mypianocanta

    Gardien du savoir

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    #78 14 Février 2018 20:36:08

    J'ai déjà lu La Recherche entièrement une fois et j'avais commencé une relecture il y a quelques années mais elle s'est arrêtée en route. Il faudrait que je me motive pour la reprendre.
    C'est vrai qu'à côté de cela mon Guerre et Paix actuel parait presque petit.
  • Mirmont

    A la découverte des livres

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    #79 14 Février 2018 21:42:44

    Oui, ces lectures nous permettent de relativiser l'ampleur d'autres ouvrages pourtant conséquents (Guerre et Paix - excellente lecture soit dit en passant !). Le premier tome des lettres de Schopenhauer (700 pages) que j'ai lu entre temps m'a semblé en comparaison bien léger. Mais comme tout est question de degré, les oeuvres de Platon et la Recherche de Proust paraissent pourtant bien maigres par rapport - par exemple - aux huit tomes de la Pléiade des Mémoires de Saint-Simon ou aux 16 000 pages du journal d'Amiel (deux autres monuments de la littérature qu'il faudra pourtant bien que je lise).
  • Cachal_eau

    Espoir de la lecture

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    #80 15 Février 2018 10:01:21

    Je retiens Gadenne pour lorsque j'aurais fini de déblayer devant ma bibliothèque. De toute façon, beaucoup d'auteurs de la collection de L'imaginaire me sont inconnus et doivent faire l'objet d'une découverte.

    Cette lettre de Flaubert me donne très envie même si je suis un peu réservé du fait que les lettres de Louise Collet ne soient pas présentes.

    Dernière modification par Cachal_eau (15 Février 2018 10:01:42)