[Dans la forêt - Mai 2020] - Parlons du roman...

  • Truculent_ichneumon

    Dévaliseur de rayonnages

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    #11 30 Mai 2020 11:25:41

    Bonjour !
    Il y a déjà beaucoup d'avis très variés, c'est chouette ! :D
    Moi aussi je m'attendais à un roman post-apocalyptique conforme aux codes du genre, et le fait que ce ne soit pas le cas m'a très agréablement surprise. Étonnament j'ai été captivée par toutes ces petites scènes de vie presques banales. C'est peut-être la plume de l'autrice qui crée un charme, en tout cas j'ai ressenti une très belle ambiance.
    Les personnages m'ont pour le coup vraiment plu. Oui, certains traits de caractères de Nell peuvent paraître anthipatiques, mais pour moi ce sont ces défauts qui la rendent justement humaine et tellement crédible. Par contre s'il y a bien un personnage dont je n'ai pas saisi l'utilité c'est Eli. :/
    J'ai beaucoup aimé l'atmosphère de la forêt aussi,

    Spoiler (Cliquez pour afficher)

    qui devient de plus en plus présente au fil des pages, se dévoile peu à peu. Et du coup la fin m'a aussi semblé adéquate. Même si c'est vrai que brûler la maison (en plein milieu d'une zone assez inflammable en plus) était un peu excessif. XD


    À propos du fameux passage

    Spoiler (Cliquez pour afficher)

    où les sœurs font l'amour, j'aimerais bien moi aussi avoir vos avis. :grat:

  • Riz-Deux-ZzZ

    Modératrice

    Hors ligne

    #12 30 Mai 2020 11:40:35

    Truculent_ichneumon a écrit

    Bonjour !
    Il y a déjà beaucoup d'avis très variés, c'est chouette ! :D
    Moi aussi je m'attendais à un roman post-apocalyptique conforme aux codes du genre, et le fait que ce ne soit pas le cas m'a très agréablement surprise. Étonnament j'ai été captivée par toutes ces petites scènes de vie presques banales. C'est peut-être la plume de l'autrice qui crée un charme, en tout cas j'ai ressenti une très belle ambiance.
    Les personnages m'ont pour le coup vraiment plu. Oui, certains traits de caractères de Nell peuvent paraître anthipatiques, mais pour moi ce sont ces défauts qui la rendent justement humaine et tellement crédible. Par contre s'il y a bien un personnage dont je n'ai pas saisi l'utilité c'est Eli. :/
    J'ai beaucoup aimé l'atmosphère de la forêt aussi,

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    qui devient de plus en plus présente au fil des pages, se dévoile peu à peu. Et du coup la fin m'a aussi semblé adéquate. Même si c'est vrai que brûler la maison (en plein milieu d'une zone assez inflammable en plus) était un peu excessif. XD


    À propos du fameux passage

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    où les sœurs font l'amour, j'aimerais bien moi aussi avoir vos avis. :grat:


    Pour Eli, je pense que c'est vraiment la figure de la liberté pour Nell. Pouvoir se détacher de sa sœur, de cette maison qui commence à accumuler les mauvais souvenirs. Rêver aussi d'un nouveau départ parce qu'elle met du temps à se dire que ça ne reviendra jamais "comme avant". Il est là comme une porte de sortie.

    Pour la fameuse scène, j'avoue que ça ne m'a pas marqué plus que ça... Je m'en souviens vaguement parce que vous l'évoquez aujourd'hui : ça arrive avant ou après Eli du coup ?

  • Truculent_ichneumon

    Dévaliseur de rayonnages

    Hors ligne

    #13 30 Mai 2020 11:46:47

    Ah je n'y avais pas pensé comme ça mais du coup oui c'est pertinent. :-) Même si j'aurais aimé que ce personnage soit plus travaillé.
    Il me semble que ça arrive après Eli. En tout cas c'est juste après

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    le viol d'Eva.

  • Caedy

    Casual lecteur

    Hors ligne

    #14 30 Mai 2020 12:01:17

    Je reviens pour l'instant que sur la fameuse scène évoquée également par @Maa, @Grominou, @Truculent et @Riz-Deux-ZzZ, puis je répondrai/commenterai vos avis plus tard dans la journée.

    En en parlant lors de notre lecture commune, nous avons plus ou moins déduis que cette scène — qui pourtant m'a, contrairement à vous, bel et bien gêné (peut-être parce que j'ai une sœur avec qui je partage une relation très fusionnelle donc le transfert que j'avais effectué jusqu'alors m'a bien dégouté :ptdr:) — permet une sorte de réappropriation du corps d'Eva.

    Spoiler (Cliquez pour afficher)

    Après avoir subit le viol, qui est un acte en tout point violent, et reçu des coups. Nell masse et caresse sa sœur, ce qui finit en un acte sexuel qui à l'inverse du dernier ne représente que de l'amour.
    Dans l'un on retrouve la violence, le besoin animal, les coups, la haine et l'homme inconnu ; Tandis que dans l'autre on y perçoit la douceur, une sorte "d'altruisme" de la part de Nell, les caresses, l'amour et la sœur (une femme) qui partage tout ses instants de sa vie.

    Ce n'est pourtant pas parce que je perçois cette écriture en miroir, encore une fois très bien écrite et construite, que je comprends pour autant l'interêt de l'acte en soi qui à mon sens aurait pu se suffire sans que cet amour soit pour autant obligé d'être exprimé de façon charnel.


    Après je dis peut-être des bêtises :goutte:
    En tout cas ça arrive après Eli si ça peut vous aider.

    Dernière modification par Caedy (30 Mai 2020 19:28:36)

  • Citrouille Papote

    Grand chef libraire

    Hors ligne

    #15 30 Mai 2020 12:30:38

    Bonjour,

    J'attendais ce book- club avec impatience. J'ai terminé le livre cette nuit à 3h du matin, pas parce que je me suis dépêchée pour vous donner mon avis; mais simplement parce que je n'arrivais pas à arrêter ma lecture. C'est à ce genre de livre qu'on a affaire.

    Pour suivre les pistes données par Julie, commençons par les personnages. Je les ai trouvés très touchants, je me suis beaucoup attachée à cette famille, même au père ou à la mère.
      Eva est très touchante, que ce soit à cause de son hobby ( son acharnement à continuer la danse est vraiment attendrissant) , par le biais de sa relation avec sa sœur, ou encore lors des péripéties qui ont lieu dans la deuxième moitié du livre.
    Quant à Nell, elle force l'admiration. Je crois que je n'ai pas cessé de l'admirer tout au long du récit. Son évolution est très intéressante, le passage avec son petit ami ainsi que tous les passages avec sa sœur nous apprennent vraiment à la connaître, et cela pour le mieux. Elle fait continuellement preuve d'amour et de loyauté. L'évolution de la relation entre les deux sœurs m'a paru finalement assez naturelle.

    Concernant le décor, la forêt dans laquelle vivent les deux sœurs m'a complètement fascinée ; pourtant il me semble que c'est une forêt des plus communes. La lente découverte de leur environnement en dit beaucoup sur notre psychologie d'humains dits civilisés. J'ai adoré passer du temps avec elle, au milieu de ses arbres, au milieu de ses herbes sauvages, près de la rivière, près de la souche, au milieu de ses plantes dotées de noms latins.

    Ensuite, l'intrigue est fascinante. Évidemment, on ne peut que faire le rapprochement avec les événements récents que nous avons vécu - même si pour le moment il demeure des différences-, nous n'avons jamais été aussi proches d'un présent post-apocalyptique dans notre histoire récente.

    Être plongé dans cette situation du point de vue de deux jeunes femmes qui ont accès à la nature est extrêmement intéressant. D'ailleurs, dans la réalité, je pense que ceux qui ont le plus souffert sont ceux qui avaient le moins accès à la nature. Ce récit nous rappelle que la terre est la seule vraie richesse dont on puisse bénéficier, que nous devons tous à la nature. Bref, tout à fait mon type de récit.

    Concernant la narration je n'ai aucun reproche à formuler l'auteur m'a vraiment séduite. L'an dernier mon plus gros coup de cœur de 2019 avait été "my absolute darling", et au niveau de l'écriture il est même supérieur au roman de Jean Hegland. Il faut croire que le nature writing me plaît, et même me plaît énormément. Ici l'évolution de l'histoire m'a surprise, et la fin également.

    En résumé : encore une très belle lecture :heart:
  • Grominou

    Modératrice

    Hors ligne

    #16 30 Mai 2020 12:38:44

    Au sujet de la solidarité:  sur cette question je me situe au milieu, certains petits groupes s'organiseraient pour s'entraider mais il y en a toujours pour qui c'est la loi du plus fort...  Il n'y a qu'à voir comment les gens se sont précipités dans les magasins pour rafler les stocks de papier-Q au début de la pandémie, on sentait bien que ce n'était pas pour pouvoir le partager ensuite avec leurs voisins...

    On a cantonné les membres de la famille à des stéréotypes : une maman Etsy, un papa bricolo rigolo, une sœur petit génie et l’autre prodige de la danse.


    C'est quoi une maman Etsy? Je ne connais pas cette expression. 

    J'ai quant à moi aimé les personnages des parents, il y avait beaucoup d'amour dans la famille.  La mère pouvait sembler froide mais elle voulait avant tout que les filles développent leur libre arbitre («you are your own person» répétait-elle).  Nell n'était pas pour moi un petit génie mais une ado dont le cursus atypique lui a conféré une grande originalté.  Et Eva était une passionnée pour laquelle la danse est devenue presque une béquille, la seule chose qui la rattachait à la vie d'avant.
    Au sujet de la fameuse scène, je l'ai interprétée tout comme Caedy,

    Spoiler (Cliquez pour afficher)

    ie une façon pour Eva de se réapproprier son corps et sa sexualité, mais il m'a semblé que cela aurait pu s'arrêter à la scène du massage.  Est-ce qu'il y avait une volonté chez Hegland de choquer, de faire scandale?

  • Tattoobabydu45

    Livraddictien débutant

    Hors ligne

    #17 30 Mai 2020 15:37:03

    Caedy a écrit

    En en parlant lors de notre lecture commune, nous avons plus ou moins déduis que cette scène — qui pourtant m'a, contrairement à vous, bel et bien gêné (peut-être parce que j'ai une sœur avec qui je partage une relation très fusionnel donc le transfert que j'avais effectué jusqu'alors m'a bien dégouté :ptdr:) — permet une sort de réappropriation du corps d'Eva.

    Spoiler (Cliquez pour afficher)

    Après avoir subit le viol, qui est un acte en tout point violent, et subit des coups. Nell masse et caresse sa sœur, ce qui finit en un acte sexuel qui à l'inverse du dernier ne représente que de l'amour.
    Dans l'un on retrouve la violence, le besoin animal, les coups, la haine et l'homme inconnu ; Tandis que dans l'autre on y perçoit la douceur, une sorte "d'altruisme" de la part de Nell, les caresses, l'amour et la sœur (une femme) qui partage tout ses instants de sa vie.

    Ce n'est pourtant pas parce que je perçois cette écriture en miroir, encore une fois très bien écrite et construite, que je comprends pour autant l'interêt de l'acte en soi qui à mon sens aurait pu se suffire sans que cet amour soit pour autant obligé d'être exprimé de façon charnel.


    C'est également mon avis et ton analyse de comparaison en spoiler est très juste. Je rajouterai qu'il y a sans doute une partie de Nell qui se sent redevable

    Spoiler (Cliquez pour afficher)

    pour ce qu'elle refuse à sa soeur, comme le chocolat, ou l'essence pour sa musique (si ça se passe avant, je ne me souviens plus tellement), et des choses sur lesquelles elle n'a aucun pouvoir (la grande carrière de danseuse à laquelle sa soeur était promise et qu'elle n'aura pas). Pour les deux on a cet instant où elles reprennent une forme de contrôle. C'est un de ces passages que j'ai trouvé émouvant, plus que choquant (mais je suis fille unique).



    Grominou a écrit

    C'est quoi une maman Etsy? Je ne connais pas cette expression.


    Juste une façon de dire qu'elle est très "travaux manuels"

  • Aealo

    Lecteur fou

    Hors ligne

    #18 30 Mai 2020 15:48:29

    Nous y voilà donc! :-)

    ° Globalement une lecture extrêmement agréable pour ma part. En effet, le genre "petits faits quotidien " n'est pas trop mon truc mais ici Jean Hegland par sa plume est parvenue à rendre ça très agréable et très fluide surtout (possibilité de lire 20 pages sans s'en rendre compte). Même si j'ai quelques reproches à faire, je suis étonné de la tenue globale de cette histoire, pas mal de choses sont venues me surprendre (ou me gêner mais pas au point de m'agacer). L’ironie c’est que s’il y avait eu un tome 2, je me serais plongé dedans illico et en tant que non-amateur de sagas, ça en dit très long sur la plume et l’attachement qu’elle est parvenue a susciter…
    Donc une lecture très agréable pour moi que je recommanderai sans doute aucun ! Une des toutes bonnes lectures de cette première moitié d'année!

    ° Je commencerai par cette histoire de post-apo. Alors oui, il y a bien du post-apo mais de là à en faire un livre représentant du genre, c'est une autre histoire. Ici, le post-apo, même s'il fait partie intégrante du livre, est plus une toile de fond, un "outil scénaristique" qu'un véritable élément de premier ordre.
    Tout du long je n’ai cessé de me poser 2 questions : Comment cela va-t-il finir (d’office une fin ouverte mais laquelle) ? Quel est ce fléau dont on parle tant à l’échelle nationale (voire mondiale)?
    - En ce qui concerne la première, j’ai émis des tas d’hypothèse mais une m’est restée en tête durant le dernier tiers…

    Spoiler (Cliquez pour afficher)

    J'étais convaincu que Eva allait mourir en couche et Nell se retrouver seul avec le bébé.


    Mais je me suis trompé et c’est mieux ainsi, j’ai eu une pleine surprise.

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    A un détail près. J’ai toujours pensé qu’elles quitteraient la maison mais pas de cette manière.


    - Et finalement la seconde est sans véritable importance… Et ce n’est pas plus mal ainsi. (preuve que ce côté post-apo n'est pas "si important" que ça)
    Mais il est vrai que pas mal de questions, de voies de réflexion s'ouvrent à nous sans véritablement donner de réponse nette (même si on devine certaines réponses de Jean Hegland).
    Qu’est-ce qui importe ? Qui fait nos vies ? Qu’est-ce qui nous définit ?
    Qu'est-ce qui est essentiel ? Qu'est-ce qui est vital ?
    Qu’est-ce qui définit une civilisation ? Art et connaissance ?
    Qu’est-ce qui distingue l’espoir de l’illusion ?

    De quoi nous pousser à la réflexion sur des questions vastes mais très pertinentes. Aussi bien globalement que personnellement.
    Mais un des choses qui me frappe dans ce livre, c'est qu'il montre qu’un des pires ennemis (dans la survie et sans doute même en dehors) c’est l’ego.

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    Car il faut le dire c’est en partie ça qui tue le père : tout faire seul ne pas vouloir être aidé, de vouloir tout faire seul dans son coin... L'accident, je l'ai vu venir, je ne savais pas quoi (tomber du toit, une poutre, accident dans l'atelier...) mais ça devait arriver... Leur mère demande de l'aide (qu'elle n'obtient pas forcément) mais pas lui.
    Eli c'est pareil... Il se braque sur une idée sans vouloir en mesurer les risques en se basant seulement sur une rumeur... Il n'écoute pas les craintes de Nell et "fonce", braquer sur une idée.
    Et on sent très fort que c’est ce qui pourrait tuer les sœurs si elles se séparent car leurs disputes sont régulièrement des histoires d’ego (rester bloquer sur son propre avis sans vouloir écouter l'avis ou les arguments l'autre, se braquer...



    ° Le choix de la narration est très intelligent car c'est un moyen efficace de nous faire vivre l'ambiance générale et l'atmosphère de la maison au plus près de l'expérience. Le choix de Nell pour tenir le journal est également le plus judicieux (mais j'y reviendrai).
    Le format journal a de très nombreux avantages :
    - Il nous permet de connaître en profondeur le personnage de Nell à travers ses ressentis, ses idées, ses réactions, ses propos, ses doutes... Et de nous sentir au plus près concerné par ce qui lui arrive y compris les doutes dans sa relation avec sa sœur.
    - On sent très bien l'évolution des idées et du moral par la plume de Nell, les différentes étapes sont claires, l'évolution est très progressive.
    - Elle parvient même jusqu'à nous faire ressentir la fatigue des nerfs.
    - Elle permet de jouer avec nos propres sentiments. Cette impression que l’espoir est encore là mais… mais… le désespoir aussi même s’il ne se montre pas. Et par instant, on en vient se demander, entre l’espoir et le désespoir, lequel des deux, se cache derrière l’autre... C'est parfois subtil mais c'est puissant.
    - Et puis le fait de ne pas le dater nous fait perdre la notion de temps autant qu'elles... Je me suis plusieurs fois posé la question du temps écoulé depuis le début du livre...

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    Même pendant la grossesse de Eva on ne sait plus toujours où en est

    . L'idée étant vraiment de nous mettre au plus près de leur expérience à elles j'ai l'impression et pour moi ça a marché du feu de dieu!

    ° En ce qui concerne les personnages, quelques mots rapides sur les autres avant de parler d'Eva et de Nell.
    Le père et la mère : Je trouve qu'il n'y a pas grand chose à en dire. Le père j'ai déjà dit ce que j'avais à en dire. Et pour la mère

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    je rejoins l'idée que "Ta vie t'appartient" ne fonctionne qu'à demi avec elle, à cause de ce petit côté "faite ce que je dis pas ce que je fais" lorsque Eva veut se mettre à danser... J'ai l'impression que c'est un peu le fusil de Tchekhov posé là maladroitement pour pouvoir être ressorti comme "formule magique de réconciliation de fin"...
    Je me demande même si le "rôle" de la mère n'est pas d'amener une première fois la notion de mort... Qui devient une épée de Damoclès par après...

    . Alors qu'on soit d'accord, je n'ai rien contre les parents mais le peu qu'on les a vus : j'ai aimé certaines de leur idées éducatives (vivre la forêt...), je n'en ai pas aimé d'autre (ignorance de la forêt, isolation...) mais surtout je ne me suis pas vraiment attaché à eux... :chaispas:
    Eli : Il n'y a rien à en dire... Vu le peu que Nell en dit avec le peu qu'elle sait... Il est transparent pour moi...

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    Ce qui fait que je n'ai pas douter une seconde que Nell resterait à la maison avec Eva... Eli est un personnage trop "léger" pour parvenir à installer le doute...
    D'ailleurs, les représentations masculines ici pardon... Mais entre le père, Eli et le violeur... Pour finir par préférer un ours (en matière de symbolique)...



    ° Pour les 2 sœurs, ça va être difficile d'être claire et concis... Mais on va essayer...
    Pendant un temps j'ai cru que les filles "reprenaient" en quelque sorte les personnalités des parents mais je me suis vite rendu compte que non.
    Dés le début il est évident que nous avons affaire à 2 personnalités diamétralement opposées chacune vivement les épreuves à sa façon… C'est étrange car à peu de chose près, je me suis vu un peu dans l’une des deux et surtout dans l’autre… Et j'ai aussi une sœur qui m'ait diamétralement opposée aussi... :goutte::D
    Mais pour en revenir au livre, leur différence n'est pas anodine, car j'ai eu, de plus en plus par la suite, l'impression que ce n'était pas leur parents qu'elles "reprenaient" mais tout simplement les 2 "idéologies extrêmes face à une fin du monde" : le consumérisme et l'économisme : la cigale et la fourmi…

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    En effet, Nell s'inquiète fortement du lentement du lendemain, compte ce qui reste, recompte les stocks, fait des listes des réserves, économise les rations, limite... pour le "on ne sait jamais si on en a besoin plus tard". (C'est d'ailleurs grâce à cette façon que Nell était le personnage le plus intéressant pour la narration, puisque par ses doutes et ses questions, elle a le sens du détail, du questionnement de l'avenir et donc de l'intrigue...)
    Tandis que Eva semble (car nous ne sommes pas dans sa tête) moins s'inquiéter, elle veut continuer à danser, ne s'occupe pas des réserves, ne semble pas vouloir pendre autre chose que ce qui lui permet de continuer à danser, elle souhaite continuer à profiter de sa passion (peu importe le prix)
    L'essence étant la plus belle démonstration. Le fait de vouloir garder l’enfant dans ses conditions aussi... L'une pense à "elle et à l'enfant", l'autre pense aux risques et aux réserves.


    Et il n'y en a pas une qui prévaut sur l'autre (pas dans le livre en tout cas), ce sont sont simplement deux façons différentes de vivre une adversité comme celle-là.
    Puisque malgré cette différence leur influences réciproques (surtout Eva sur Nell) sont le plus souvent porteuses, l’enthousiasme et l'énergie d’une seule peut emporter l’autre avec elle… Et l'une comme l'autre n'auraient sans doute pas survécu sans l'autre.
    Cette dualité des sœurs ainsi que les circonstances permet au livre d'aborder bon nombre de thématiques aussi variées qu'intéressantes : la relation espoir/désespoir, la civilisation, les relations « sororales/fraternelles », la différence entre essentiel et vital, la survie, le comportement face au lendemain, le retour à la nature, la guérison...
    Et puis soudain, je me suis pris ce coup de maillet en pleine figure…

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    La scène incestueuse...
    J'ai presque lâché mon livre...
    Ça m'a désarçonné, comme tombé de selle, je me suis senti tiré par le cheval sur les pages qui suivirent qui ne faisait qu’en remettre des coups avec d'autres éléments, ce qui a suivi était rude, m’a mis mal à l’aise pour pas mal de choses…
    Car même si je comprends le "pourquoi" (opposition violence/tendresse et sexe/amour par rapport au viol, la réappropriation de son corps, la voie de guérison), comme l'a expliquée @Caedy, je ne comprends malgré tout pas la "forme"... Je ne sais pas si c'est du au fait que j'ai moi-même une sœur... Mais non... Non... Pourquoi donner une telle forme à la guérison, pourquoi comme ça... La guérison me parait presque aussi sale que le mal... Ça ne doit pas se passer ainsi...
    J'ai mis du temps à ré-émerger...



    ° Mais revenons-en au titre... au décor...
    J'ai bien aimé la dimension donné à la forêt. Oui une forêt comme celle-là c'est l'isolation. Oui une forêt c'est un beau cadre pouvant contenir des merveilles. Mais non la forêt n'est pas une amie (comme on peut le voir trop souvent). La forêt vit par elle-même et ce ne sont pas quels êtres (surtout humains) en moins qui feront la différence.
    C'est d'ailleurs un des reproches que j'ai à faire au livre... Certes, je en connais pas la flore californienne mais si je transpose un peu ça chez nous... Certaines choses sont un peu "grosses" (pour ne pas dire "trop") pour être avaler sans discuter...

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    Car même si j'ai bien aimé la transition que Nell fait entre la connaissance "culturelle" (pouvant paraître superflue dans leurs conditions) et la connaissance "pratique" (grandement importante pour leur survie)... Elle a ses limites... Nell a beau être une "petite douée" (je fais ici un raccourci car je rejoins @Grominou qui la voit comme une ado dont le cursus atypique lui a conféré une grande originalté), en ayant le degré zéro de la connaissance en botanique "pratique" parvenir à se débrouiller seule (pas un problème en soi) mais sans casser des œufs (allergies, indigestions, réactions cutanées... pour ne pas dire empoisonnement involontaire)... Même avec un très bon bouquin, c'est un peu gros...
    Très beau aussi, le coup du sanglier... Je ne suis pas chasseur mais même si certaines choses ont été réfléchies et amenées en amont (entrainement superflu debout de jour au fusil, les vêtements pour l'odeur...) et parvenir à toucher un sanglier en étant en position inconfortable et de nuit... C'est un peu "magie, cadeau de la forêt"... A nouveau c'est  gros...
    Le sommet étant atteint avec cette espèce de semi-rêve flou avec l'ours sur lequel on est censé avoir un doute puis qui semblerait être réel... Il faut repenser à The Revenant puis repenser à la crédibilité de cette scène... Heureusement j'avais d'autre inquiétudes scénaristiques à ce moment-là sinon c'est le genre de chose pour faire fermer le livre... Même si je comprends la symbolique que Jean Hegland veut mettre derrière (quelque chose du genre démonstration "d'acception par la forêt" mais à nouveau la forêt n'est pas ton amie)...



    ° Pour le reste, j'en arrive à une impression toute personnelle...
    Une impression de second degré de lecture...

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    J'ai abord cru que le livre était dans une métaphore de la vie (en général), sa rudesse et ses risques pour des "jeunes", en particulier des "jeunes filles".
    D'abord, une certaine innocence (oui la situation n'est que temporaire, oui ça va revenir, oui continuons à vivre "normalement") puis les doutes par rapports à cette situation, le besoin de se responsabiliser, de se prendre en main, d'apprendre par soi-même, d'essayer quit à se planter mais oser. Tout en veillant à sa propre (sur)vie : nourrir son esprit et/ou ses envies, vivre avec les autres sans oublier ce qui est vital manger, dormir... Mais il ne faut jamais oublier, toujours prendre en compte et en faire attention aux épreuves et aux risques : perte d'un proche, la mort (même la pensée suicidaire est abordée), le viol, les risques du sexe, guérison, ...
    Et continuer à avancer malgré tout...


    Mais j'ai un doute malgré tout...
    Car au final j'ai pour ainsi plus l'impression d'avoir lu un livre traitant métaphoriquement parlant du deuil...

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    Arrivé à demi lecture, j'ai déjà eu cette sensation mais une fois aux 3/4 j'ai trouvé ça plus marqué.
    Les 2 sœurs vont devoirs faire plusieurs deuils (leur "innocence/ingénuité", les décès de leurs parents, de leurs ambitions...) certes mais ils ne sont tous qu'une part du deuil principale : celui de la vie d'avant les événements, de leur vie d'avant.
    Je ne vais pas faire de grand développement car je n'ai pas pris assez de notes, ayant pensé à tout ça trop tard dans ma lecture.
    Mais le deuil se vit en 5 étapes :
    1) Choc/Déni : leurs espoir/illusions de situation temporaire, de retour à la normal, d'acceptation à Harvard, ...
    2) Colère : les tensions (incompréhensions, doutes...) entre elles deux, les divergences sur plusieurs points (dont l'essence) la désillusion qui commence à s'installer (Nell)...
    3) Négociation : autour de l'essence, de la gestion des vivres et des ressources, le "départ" de Nell...
    4) Dépression douleur : la phase "noire" et douloureuse de l'histoire, les sœurs ne se parlent plus, Nell parle de suicide, le viol, les désillusions complètes sur les ambitions...
    5) Acceptation : la guérison, puis de travailler ensemble à leur survie, puis que leur vie ne serait plus la même, acceptation du bébé par les deux...
    L'acceptation ultime étant de ne plus vivre dans cette maison et pour cela de la voir tomber en cendre à travers les flammes... Ce clou devient alors logique...
    De ces cendres naît une vie complètement nouvelle...
    Le style étant très fluide, ces étapes s'entremêlent parfois durant les transitions (car il y a 2 personnages aussi) mais je les ai plutôt bien senties à travers le texte malgré le côté subtilement progressif de l'historie. Et puis les sœurs étant diamétralement opposés, elles ne vivent pas ces étapes de la même façon (on ne peut pas percevoir toutes les nuances du coté d'Eva mais certaines "conséquences sont perceptibles comme ces coups de colère, sa froideur...), illustrant par là qu'il y n'a qu'une façon, pas qu'une vitesse pour faire son deuil... Chaque personne est différente. Et puis même si chacune a son propre rythme et sa propre manière de le vivre : même si on est sœurs… Mais c’est plus facile quand on est deux.



    Malgré ses défauts, une très belle lecture au final!

    Voilà! Pfiou! :faischaud

    Je repasserai plus tard pour réagir! ;)

    ps : mes excuses par avances pour les fautes et les tournures pas claires mais je n'ai ni le courage ni le temps de me relire...:goutte:

    Dernière modification par Aealo (30 Mai 2020 15:53:33)

  • Citrouille Papote

    Grand chef libraire

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    #19 30 Mai 2020 16:39:38

    Catysprint > j'ai été très étonnée que Nell te paraisse antipathique et égoïste, je n'ai pas du tout eu cette impression ...

    Riz-deux-zzz > moi aussi je pense qu'en cas de grand bouleversement ce serait malheureusement chacun pour soi , et qu'il ne faut pas trop compter sur la solidarité et l'entraide -même si personnellement je ferai tout pour qu'il y en ait ,mais je parle de façon générale...
  • Citrouille Papote

    Grand chef libraire

    Hors ligne

    #20 30 Mai 2020 17:14:53

    Je voudrais rebondir sur certains points que vous évoquiez. Du coup je pense que je vais tout mettre en spoiler ce sera plus simple.

    Spoiler (Cliquez pour afficher)

    En ce qui concerne le personnage d'Eli, je pense que sa raison d'être est de présenter une forme de test qui met à l'épreuve les sentiments entre les deux sœurs .

    Au sujet de l'acte sexuel, c'est vrai qu'on ne s'y attend pas et que ce passage brise un tabou, mais ça ne m'a pas plus choquée que ça. À mon avis, ce moment est plus symbolique qu'autre chose et effectivement il permet à Eva de guérir et de se réapproprier son corps mais aussi son esprit. Je me souviens très bien à quel moment ça se produit donc je vais essayer d'apporter un petit éclaircissement : cet épisode survient longtemps après qu'on ait plus vu le petit ami de Nell, par contre il se passe aussi un certain temps après le viol d'Eva.

    Nell remarque que sa sœur semble ne plus être elle-même, quelle a l'air abattu et que comme on pouvait s'y attendre, l'acte de violence qu'elle a subi avec son viol a laissé une empreinte extrêmement négative sur elle. Elle a l'impression qu'elle va perdre sa sœur. Si vous avez déjà lu des livres qui traitent du thème du viol, tout ceci ne devrait pas vous étonner.
    C'est pour cela qu'elle décide de la masser, en espérant soulager la douleur psychique de sa sœur un peu comme on le fait en sophrologie. Et finalement ça fonctionne même un peu trop bien. :lol:

    Lorsque le bébé vient au monde je trouve que les réactions de la maman sont très injustes, et que malgré les particularités de la situation, elle aurait dû être reconnaissante d'avoir une personne aussi dévouée auprès d'elle, prête à tout pour l'aider - ainsi que son enfant.

    Troisième point. Vous parliez de la décision de brûler la maison à la fin. J'ai l'impression que c'est une très bonne décision car cela permet de vivre complètement dans la forêt, et surtout : faire disparaître l'habitation permet effectivement de ne plus attirer l'attention et d'éviter que des rôdeurs mal intentionnés ne reviennent ou essaient de tirer profit de deux femme seules avec un bébé. Tout ça pour dire que globalement ça me paraît plutôt logique. Quand l'objectif est de rester dans la forêt bien sûr.