J'avais tellement peur d'oublier des éléments que j'avais déjà écrit mon avis dans la semaine qui a suivi ma lecture. :goutte:
Je commencerai par le début : Philip K. Dick fait visiblement partie de ces auteurs qui ne plairont pas à tout le monde j’ai l’impression… En tout cas si j’en juge d’après ce livre.
Il possède une plume très particulière, en apparence simple, basée énormément sur les détails et la subtilité (dans sa structure mais pas dans sa forme). Il est donc crucial d’être concentré lorsqu’on le lit. Ce n’est pas une lecture légère, elle ne prend pas le lectorat pour un imbécile (bien au contraire) mais elle attend de ce dernier d’abord une attention particulière pour capter les éléments importants, et ensuite des références (ici historiques notamment), afin de profiter au mieux du voyage littéraire.
J’ai beaucoup aimé aussi les ‘’transitions de personnage’’ car au sein des chapitres on change plusieurs fois de personnage et donc de vue. Mais pour nous montrer qu’il ‘’reste dans un même cadre’’, la fin du dernier paragraphe d’un passage d’un personnage coïncide souvent avec le début du passage du personnage suivant. Par exemple, Un personnage finit par s’asseoir et dans le paragraphe suivant, le personnage qui suit soit est assis, soit se lève. Il ne le fait pas chaque fois mais ça arrive plusieurs fois.
En bref, c’est intelligent, c’est subtil mais c’est plutôt exigeant. Et ce, seulement dans sa ‘’structure’’ de texte car il faut dire que dans sa ‘’forme’’, la plume de Dick en elle-même n’a là rien de très particulier.
Mais Philip K. Dick semble être aux antipodes des auteurs qui ‘’
prennent le lecteur par la main pour tout lui expliquer directement’’.
En effet, on ne va pas avoir droit à une belle explication posée du monde dans lequel on met les pieds. Au contraire, on débarque dans des quotidiens de personnes qu’on apprend à connaître petit à petit à travers leurs pensées, leurs actions, leurs attitudes, leurs choix, leurs relations.
Ainsi morceaux par morceaux, chacun des profils va se dessiner et on va d’abord cerner les contours de ce qui fait nos guides dans ce monde parallèle, puis les choses vont se préciser pour nous permettre de nous positionner par rapport à eux mais surtout par rapport à ce fameux monde qu’on découvre.
C’est là que commence une part des subtilités de ce livre. On va finir par se rendre compte qu’avec ces personnages on a une vision d’ensemble des différentes classes sociales, du fonctionnement de l’économie, des positions politiques ‘’hors nazisme brut’’, des avancées technologiques ou non… et même de la situation mondiale globale !
Tout cela sans jamais en donner la moindre explication directe.
Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si nous découvrons ce monde à travers des quotidiens !
En effet, Philip K. Dick ne fait pas un foin de son sujet principal. Oui son sujet principal est ‘’le monde si le nazisme avait gagné la guerre’’. Mais il n’en fait pas un événement historique plus important que les autres. Au même titre que la victoire des Alliés ne nous obsède pas à longueur de temps dans notre quotidien : c’est un événement historique qui comme tous les autres nous même au moment présent. Et bien, de cette victoire nazi, il en fait de même ici, c’est un événement qui n’obsède pas les personnages au quotidien (dans une certaine mesure mais j’y reviendrai) mais qui a simplement un écho au moment que les personnages vivent durant notre lecture.
Et dans la forme comme dans le fond, je trouve ça très bien vu de sa part. C’est plus subtil.
(Même si je pourrais comprendre que ça puisse paraître un peu ‘’too much’’ à certaines personnes).
Il a pensé à un tas de choses pour cet univers, un tas de nuances et de détails. C’en est impressionnant !
Le fait que le Japon ayant obtenu la face ouest des États-Unis et étant un des vainqueurs de la guerre, ils se sont installés aux États-Unis avec une bonne part de leurs mœurs, leurs codes sociaux et leurs croyances. Avec de nombreuses conséquences :
- L’américain, tel que nous nous le connaissons, n’est pas forcément le profil le plus répandu, certains d’entre eux ayant fuit.
- Les attitudes à avoir en société sont plus proches de celles des codes sociaux asiatiques.
- Les ‘’croyances’’, comme celle de l’oracle Yi king, viennent elles aussi en bonne partie d’Asie.
- L’économie tourne autour de ce que cherchent les Japonais un peu huppés (l’historicité des objets américain).
- Les transports sont en bonne partie des cyclo-pousses.
- …
Tout cela en gardant à l’idée que le Japon n’a pas adhéré complètement aux idées nazies d’où la zone neutre entre la partie japonaise et la partie allemande, d’où les tensions toujours présentes entre les deux parties, d’où les coups bas qu’ils sont capable d’intenter entre eux, d’où l’ambiance tendue avec les tentative d’espionnage et de contre-espionnage, d’où la menace atomique allemande (ici)… Ce qui n’est pas sans rappeler l’ambiance de la Guerre Froide !
La critique des régimes totalitaires n’est pas en reste lorsque meurt le Führer en place ! Là encore une très belle idée scénaristique et politique pour jeter un pavé dans la mare.
Par contre, la compréhension de ce titre
Le Maître du Haut Château est étonnante. En effet, il n’est pas difficile d’avoir imaginé Hitler derrière ce titre. Pourtant il n’en est rien et finalement c’est encore plus drôle qu’il en soit ainsi parce qu’au final, à travers ‘’
Le poids de la sauterelle’’, l’écrivain est quand même indirectement un des éléments centraux de l’histoire.
Petite parenthèse - J’aime beaucoup l’idée des ‘’livres fictifs’’ de manière général, je trouve le principe très drôle et je dois avouer que toute l’histoire autour de ‘’
Le poids de la sauterelle’’ m’a beaucoup plu ! Parenthèse fermée.
Je trouve cette idée de contre-pied historique, par l’intermédiaire d’un livre, tout à fait géniale ! Intégrer la vraie Histoire dans la fausse m’a beaucoup plu mais j’ai encore plus apprécié l’idée que ce soit un genre d’élément ‘’perturbateur’’ pour la société en place!
D’ailleurs je me demande si derrière cette tentative d’assassinat de l’auteur, il n’y a pas une part de la paranoïa dont a fait preuve Dick une partie de sa vie…
Mais je trouve que c’est notamment par les références du ‘’
Le poids de la sauterelle’’ que je pense qu’il faut malgré tout un certain niveau en Histoire (que je n’ai pas) pour pouvoir cerner toutes les finesses (et je pense n’en avoir cerner qu’une partie seulement).
Alors oui, je suis un tantinet déçu par la fin, de même que je lui ai trouvé quelques longueurs (notamment certaines réflexions de M. Tagomi), et on y trouve aussi quelques clichés (mais le livre ne date pas d’hier). Mais j’ai été sidéré par l’intelligence de ce livre. Lorsque je l’ai terminé j’ai pensé que c’était pas mal mais plus j’y pensais plus je prenais mesure de l’ampleur de cet ouvrage !
Je serais curieux à présent de me renseigner sur les références pour en saisir les nuances qui m’ont échappé ! (et de voir la série)
@brijoudu93, @Riz-Deux-ZzZ et @Mana_ : Je comprends complètement votre ressenti. J'ai eu très peur en attaquant cette lecture, j'ai relu plusieurs fois certains passages (n'étant pas certains d'avoir bien saisi certaines choses), j'ai même ré-attaqué le début car je l'avais commencé bien trop à la légère la première fois. Le début de l'immersion n'est pas simple en effet et la lecture dans son ensemble ne permet pas forcément beaucoup de "relâchements" dans la concentration qu'elle nécessite.
Ca n'a pas toujours été évident non plus pour ma part, je le reconnais.