[Sirius - Août 2021] - Parlons du roman…

  • Julie27

    Administratrice

    Hors ligne

    #1 28 Août 2021 10:48:51

    Bonjour,

    => Dans ce sujet, vous pouvez discuter de vos impressions sur le livre Sirius, de Stéphane Servant.

    Des pistes pour donner votre avis (si besoin) :
    (ce sont juste quelques pistes de réflexion, vous n'êtes pas obligé·e·s d'y répondre - et évidemment pas de répondre à tout - et n'hésitez pas à aller plus loin :))

    → Qu'avez-vous pensé des personnages? De Kid, d'Avril mais aussi de tous les personnages rencontrés au fil des pages (comme le Conteur) ? Y compris bien évidemment.... des animaux =D
    Vous ont-ils plu?
    Les avez-vous trouvés bien construits / attachants? Qu'avez-vous pensé de leur évolution?
    Et surtout qu'avez-vous pensé des liens existant entre eux? Notamment entre hommes et animaux?

    → Qu'avez-vous pensé de l'intrigue? Vous a-t-elle embarqué·e?
    Avez-vous trouvé que c'était intéressant / prenant?
    Qu'avez-vous pensé du rythme?

    → Qu'avez-vous pensé de la forme / construction? (numérotation des chapitres, chapitres alternés avec la communication non orale)

    → Qu'avez-vous pensé de la part fantastique de l'intrigue? (trop présente? trop en retrait? bien intégrée? ...)

    → Qu'avez-vous pensé des réflexions amenées par le récit? (sur la culture, la dimension écologique, ...)

    → Vous attendiez-vous à autre chose pour l'aspect post-apocalyptique?

    → Qu'avez-vous pensé de la fin? (en utilisant les balises spoiler)
    Vous attendiez-vous à autre chose?

    → De façon globale, avez-vous aimé ce livre? Ou qu'est-ce qui vous a plu / déplu?
    Le recommanderiez-vous?


    N'hésitez pas à donner votre avis, mais aussi à réagir à ceux des autres participant·e·s et à leur poser des questions !
    Le but du Book Club est d'avoir une discussion interactive :)

    Attention aux spoilers ! Si vous souhaitez révéler un aspect important, merci d'utiliser les balises suivantes :

    Code:

    [spoiler]Le texte à cacher[/spoiler]

    Merci pour celles et ceux qui n'auraient pas encore fini ce livre ;)

  • Miyuki_

    Gastronome littéraire

    Hors ligne

    #2 28 Août 2021 11:27:35

    Bonjour !

    Je vais tout de suite annoncer la couleur pour celleux qui l'ignore, j'adore Stéphane Servant. C'est mon auteur préféré et c'est avec ce livre que je l'ai découvert. Je l'ai lu une première fois en 2018 où j'avais adoré le récit, je l'avais lu en l'espace de 3-4 jours alors que je commençais un nouveau rythme de vie assez épuisant et qui me laissait moins le temps de lire. La seule ombre au tableau à ce moment là avait été le personnage de Kid. Je le trouvais insupportable vers la fin, sans que je sache réellement pourquoi. Et puis le temps a passé, l'envie de relire Sirius est rapidement apparu et le BC m'en a donné l'occasion.

    Je redécouvre totalement ce livre avec le même émerveillement que la première fois ...

    Pour moi, Sirius est un grand roman d'aventure et d'amour.

    L'intrigue est rythmée. A la fois douce, contemplative et pleine d'action. Quand on regarde en arrière, on voit tout le chemin accompli, toute la quête parcourue. Je ne me suis pas ennuyée une seule seconde. Le côté contemplatif sert totalement le livre car il permet de questionner une foule de sujet : le spécisme, l'écologie, les relations de domination, les relations familiales, etc.

    Et ces sujets sont merveilleusement bien traités. Je ne trouve pas le livre moralisateur et peu subtil en mode : oh là là il faut prendre soin de la nature, c'est important. Parce que prendre soin de la nature, ça ne relève pas seulement de manger des fruits et des légumes biologiques et de saison. Ca englobe bien plus que ça. Et je sais que l'auteur se pose des questions et qu'il tente d'y répondre à sa manière, avec ses histoires et ses personnages.

    La fin m'a semblé parfaite. Même si normalement, je ne suis pas une adepte des fins ouvertes, je trouve que l'on répond à suffisamment de questions, que c'est fait d'une manière intelligente que pour s'en satisfaire pleinement et ne pas se sentir abandonné d'un seul coup. De plus, l'auteur souligne en interview qu'il ne possède pas de réponses à ses questions alors il ne peut pas faire des fins ouvertes où il voudrait que sa vérité soit universelle.

    J'ai adoré les personnages. Là où je trouvais Kid insupportable à la première lecture, il m'a touché à la seconde lecture. Je le trouve si gentil et sa naïveté me touche beaucoup. Et même si Kid "ne semble pas faire beaucoup d'effort pour apprendre à parler ou le passé de ce monde", ses réflexions simples sont très intelligentes et il ne lui faut pas des millions de mots pour toucher à l'essentiel, capter l'essence même d'un concept ou comprendre les hommes. Son lien un peu magique avec les animaux est vraiment bien exploité et questionne notre lien avec ceux-ci. Comment on peut être extrêmement proche d'un chien/chat mais aussi éloigné d'un rat par exemple ? (Et on touche également à la question du spécisme ...



    Spoiler (Cliquez pour afficher)

    Quand Kid dit que le cochon est Sirius alors que dans l'histoire que lui raconte Avril, c'est un chien. Kid sait parfaitement que Sirius le cochon n'est pas un chien mais il refuse qu'on lui fasse du mal, qu'on le tue parce que c'est un animal. Il ne voit aucune différence entre un chien et un cochon. Et Avril aurait beau lui expliquer, penser qu'elle a raison, il n'y a aucune différence entre le cochon et le chien, ce sont tous les deux des animaux.



    Le personnage qui me touche le plus est Avril.



    Spoiler (Cliquez pour afficher)

    Sa construction et son évolution est absolument parfaite. Avril n'est pas un personnage parfait et vous ne trouverez jamais de personnages parfaits chez Stéphane Servant. Mais je me sens proche d'elle surtout quand elle explique qu'elle en voulait au monde entier et que l'amour de ses parents ne pourrait pas la soigner, pas la guérir. Malgré tout cet amour, elle entendra éternellement les mêmes remarques, les mêmes accusations.



    J'ai aussi beaucoup aimé le personnage du Conteur. Ce genre de personnages me plaisent particulièrement et je pense qu'on y voir un parallèle avec Stéphane Servant. Et autant je déteste quand les auteurs s'intègrent à leurs histoires, qu'ils brisent le quatrième mur, lui le fait subtilement et c'est génial.



    La plume est très douce et poétique. J'ai surtout adoré ces moments où

    Spoiler (Cliquez pour afficher)

    Kid est le narrateur et qu'il parle aux animaux.

    C'est très beau sans jamais en faire des tonnes. Toujours très fluide ... Enfin, c'est Stéphane Servant ! :D

    De manière globale, oui je recommande ce livre. D'ailleurs, quand on me le demande (ou pas), je conseille toujours de commencer par Sirius qui est le plus accessible de ses romans. Ca me semble être une parfaite entrée en la matière qui démontre toute l'étendu de son talent : avec une histoire simple, il parvient à décortiquer l'humanité et en dresser un portrait réaliste mais avec une touche d'espoir parce que tout n'est pas mauvais. Et c'est incroyablement touchant :pink:

  • Aryia

    Correctrice

    En ligne

    #3 28 Août 2021 15:56:17

    Bonjour par ici !

    Tout comme Miyuki-Panda, je suis une grande admiratrice de Stéphane Servant, mais contrairement à elle, ce n’est pas avec ce livre que je l’ai découvert (mais avec La langue des bêtes). Et tout comme elle, c’est également une relecture, puisque j’avais pris mon courage à deux mains pour demander un service-presse lors de sa sortie … même que c’est le seul roman pour lequel j’ai changé mes « habitudes » de chroniques puisque j’ai écrit une lettre au livre et non pas un article « classique » !


    Alors déjà, première chose que je tiens à souligner, c’est que même si j’avais quelque souvenirs … j’ai presque eu le sentiment de le redécouvrir comme si c’était la première fois, et c’est une expérience assez particulière, je trouve. Comme si, finalement, chaque lecture nous apportait vraiment un nouveau regard, une nouvelle perspective, comme s’il y avait des centaines de centaines d’éléments qui nous échappent à chaque fois pour mieux être perçu les autres fois !


    De la même, je suis vraiment bluffée par le génie de l’auteur : sans rien nous dire, il parvient à nous faire comprendre, ou du moins deviner, ce qui est arrivé. C'est comme si ça résonnait en nous, comme si c'était une évidence. Pas besoin de grands paragraphes d’exposition pour nous relater comment on en est arrivé là, à ce monde vide et stérile, ce monde silencieux et déserté.

    Peut-être, tout simplement, parce que cette fin du monde n’a rien de « romanesque » mais tout de ce qui nous pend au nez. Elle est « simple » car très réaliste, bien loin des apocalypses où tout explose dans un fracas grandiloquent. Non. Cette fin du monde, on le sent, est arrivée « sournoisement », silencieusement, sans se faire remarquer jusqu’à ce qu’il ne soit trop tard. Les signes étaient bien là, mais personne n’a rien vu, personne n’a voulu voir … Il n’y a que quand les choses sont devenues impossibles à ignorer que l’homme s’est réveillé, mais bien sûr, il avait déjà tout gâché : on ne pouvait plus revenir en arrière.


    Et c’est ainsi que le lecteur se retrouve tout simplement face à Avril et Kid. Ils m’ont beaucoup touché, ces deux-là. C'est à la fois très doux, très touchant et très triste, je trouve. D'un côté cette jeune fille, qui a très visiblement un lourd passé à trainer, et qui a le sentiment d'avoir le devoir, la responsabilité, de transmettre à son petit frère la lecture, la culture, dernier vestige de l'humanité. Et de l'autre ce petit garçon un peu sauvage, ce petit garçon qui n'a jamais rien connu de tout cela et n'en a donc pas la nostalgie, ce petit garçon qui vit dans l'instantanéité, dans l'innocence la plus "animale" qui soit, d'une certaine façon.


    Je sais que certains lecteurs sont très perturbés, pour ne pas dire franchement agacés, par la façon de parler de Kid, 8 ans. A mes yeux, c’est pourtant parfaitement cohérent : ce petit garçon n’a en réalité pas besoin de parler : il semble parfaitement évident que sa sœur et lui se comprennent sans les mots, car leurs rituels et leurs habitudes sont tellement ancrés dans leur quotidien qu’il n’est plus utile de parler, parce qu’ils se connaissent suffisamment pour se comprendre d’un regard, puisqu’ils sont en quelque sorte seuls au monde.

    Et c’est d’autant plus logique

    Spoiler (Cliquez pour afficher)

    au fur et à mesure que Kid communique autrement avec les animaux, avec ce Grand Tout, dans une sorte de communion spirituelle qui se passe forcément de mots : à quoi s’embrouiller l’esprit avec tout ceci alors qu’il suffit d’ouvrir son cœur pour comprendre le monde vivant ? Oui, Kid « ne fait plus aucun effort », mais je pense que c’est tout simplement dû au contexte : comme beaucoup d’enfants, Kid ne voit pas pourquoi il consacrerait tant d’énergie à apprendre laborieusement quelque chose qui lui apparait tout simplement inutile …

    D’ailleurs, je rebondis, mais tous ces passages où Kid est en « communication non orale » (merci du terme Julie) m’ont tout simplement tiré les larmes aux yeux et me laissent toujours dans un état d'émerveillement absolu, c'est ... incroyable, cette poésie qu'il y a dans si peu de mots, tout est une question de rythme je pense, c'est comme si ça coulait de source, comme si ça résonnait au fond de mon être, je sais pas comment l'expliquer, mais je trouve ça toujours très joli !




    Même si on est dans quelque chose de très contemplatif, de très onirique presque, où il ne se passe en réalité pas « grand-chose » si on compare à d’autres récits post-apocalyptiques où ça coure et ça saute toujours dans tous les sens (ici, il y a quelques rencontres, quelques moments de tension, mais quand on y réfléchit, ça reste relativement « calme ») … et bien je trouve qu’on ne s’ennuie absolument jamais. Que ça soit dans ces rares instants de « pression » ou tout simplement dans la marche inlassable vers ce but si flou, je me suis vraiment sentie « immergée » dans le récit !

    En arrière-fond, il y a surtout cette angoisse, celle de voir Darius rattraper Avril. Darius, l’homme-mort selon Kid et les animaux, l’esprit embrumé par sa folie sanglante, me fait vraiment froid dans le dos. C’est comme si, à lui seul, il incarnait toute la folie humaine, toute la cruauté humaine, toute cette violence plus ou moins contenue qui ne demande qu’une petite étincelle pour éclater et tout ravager sur son passage. Oui, Darius fait peur, alors même qu’on le voit peu, alors même qu’on ne sait que peu de choses sur lui jusqu’à la « presque fin » … Sa simple évocation stimulait en quelque sorte la partie « alerte » de mon cerveau !


    D’ailleurs, c’est quelque chose qui m’a beaucoup frappée lors de cette dernière lecture : c’est assez incroyable à quel point, dans un contexte tel que celui-ci, on va forcément se méfier de l’inconnu, l’étranger, on va immédiatement voir en lui un danger ... Et je me demande à quel point ça n'est pas le gros problème de l'être humain, de toujours considérer l'autre comme une menace et donc d'être sur le qui-vive, de se dire qu'il faut tuer avant d'être tué, et donc de devenir la menace, le danger, la mort. Je me demande qu'est-ce qui a fait de nous ces animaux ultra méfiants qui s'imaginent toujours le pire, et qui malheureusement ont souvent raison tout de même car le pire advient plutôt souvent ...

    Car au travers des pérégrinations d’Avril, Kid, Sirius et Un … et bien ce qu’il y a de plus horrible dans la nature humaine ressort à bien des reprises. Il y a des moments vraiment glaçants, des moments d’une noirceur infinie, des moments qui m’ont presque « dégoutée » de faire partie de cette espèce humaine, si prompte à trahir, à mentir, si prompte également à l’égoïsme et au mépris, à l’individualisme viscéral et à la soif de pouvoir. Certains passages, tel celui du Pont, m’ont vraiment noué la gorge, j’avais presque envie de reposer le livre tant c’était insoutenable, je trouve.


    Et c’est d’autant plus horrible que … finalement, on ne peut pas vraiment en vouloir à tous ces gens.

    Spoiler (Cliquez pour afficher)

    On ne peut pas en vouloir à cette pauvre vieille dame qui, le cœur encore gros de chagrin et de deuil, a cru retrouver en Kid son petit garçon. Elle ne voulait pas le séquestrer par méchanceté pure, on sent bien que c’est la souffrance qui la fait agir ainsi. Même Darius, lorsque j’y réfléchis à être reposée, lorsque j’essaye de mettre de côté cette peur (qui fait naitre la colère), est une victime avant d’être un bourreau : il ne serait sans doute pas devenu comme cela s’il n’avait pas vécu des choses difficiles auparavant.



    D’ailleurs, tout comme Miyuki, c’est pour cela que j’aime Avril. Avril nous ressemble car elle est parfaitement imparfaite, car elle a fait des erreurs, et pas des petites. Parce qu’elle s’est laissée, elle aussi, envahir par la violence, par la colère, par tout ce qui habite en nous et que nous refusons de voir car on aimerait se dire qu’on est « quelqu’un de bien ».

    Spoiler (Cliquez pour afficher)

    Avril essaye de se racheter, essaye de se prouver à elle-même qu’elle est « quelqu’un de bien ». Mais en mentant à Kid, elle se ment avant tout à elle-même …

    Et du coup, j'aime bien le moment où Avril se décharge de ses secrets, de ces fardeaux qui lui empoisonnaient petit à petit le cœur et l'âme, et je trouve ça assez marquant de se rendre compte que c'est seulement une fois qu'elle a été en « paix » avec elle-même qu'elle ressent à son tour l'appel de la montagne, comme si le fait d'avoir mis des mots sur cette culpabilité, d'avoir réellement accepté ses actions au lieu de « seulement » les regretter, lui avait redonner la plénitude dont la nature avait besoin pour « l'accepter » en quelque sorte ... Peut-être qu'on se ment beaucoup trop à nous-mêmes, et pas seulement aux autres, et que c'est cela qui nous sépare des autres et de l'univers dans son ensemble ...




    Petit point (rapide) sur la fin, car je me rends compte que j’ai déjà beaucoup trop parlé (désolée, je me suis laissée emportée, et pourtant je suis très loin d’avoir évoqué tout ce que le livre a fait naitre en moi d’émotions et de réflexions) : c’est une fin comme je les aime. Potentiellement frustrante car très ouverte, mais c’est à mes yeux ce qui la rend aussi puissante : elle est ouverte, justement. Ouverte sur un espoir, sur une lumière au bout de ce qui semblait être un interminable tunnel conduisant aux ténèbres éternelles. Ouverte sur un avenir, alors que tout semblait au contraire voué à sombrer définitivement dans le néant. Donc voilà, elle est forte par sa simplicité, et parlante par le fait qu’elle ne pose pas le mot « fin » !


    En bref, est-il véritablement nécessaire de préciser que j’ai plus qu’aimé ce roman et que, bien évidemment, je le conseille sans la moindre hésitation ? Alors bien sûr, j’ai bien conscience que c’est un récit fichtrement atypique portée par une plume toute aussi atypique, et que ce n’est donc pas un roman qui peut plaire à tout le monde, mais à mes yeux, c’est vraiment un des plus beaux livres que j’ai pu lire, donc je ne cesserai d’en parler et d’inciter le plus grand nombre à le découvrir !

  • Grimhilde

    Serial lecteur

    Hors ligne

    #4 28 Août 2021 17:17:43

    Hello :)

    Je suis contente de pouvoir participer à ce book club, c'était pas gagné, n'ayant pas Internet chez moi en ce moment.

    J'ai lu Sirius 3 fois en moins d'un an. Alors là vous allez vous dire que je suis ULTRA fan mais non, c'est parce que : 1 - je l'ai lu à titre perso 2- je l'ai enregistré à haute voix pour une association 3 - j'ai réécouté et retouché l'enregistrement. Bref tout ça pour dire que je l'ai bien en tête xD

    C'était mon premier roman de Stéphane Servant et ce ne sera pas le dernier ! J'adore son écriture, la sensibilité qui se dégage de ses mots, les messages qu'il veut faire passer.

    En commençant le roman j'ai été frappée par la dureté et la cruauté du monde post apocalyptique décrit. Je ne m'attendais pas à cela ! L'atmosphère est pesante, la lecture m'a un peu déprimée au début. Mais j'ai trouvé tout très crédible, très bien décrit, sans concession. Oui le monde serait plein de peur, de cruauté, de famine, de poison... donc ce réalisme a compensé l'ambiance lourde et grise (parce que les rares moments lumineux, avec Kid ou le conteur n'y parvenaient pas).

    J'ai adoré les personnages d'Avril et de Kid et leur relation frère soeur.
    J'ai adoré tous les animaux, surtout Ésope.
    Je trouve que la palette de personnages humains est géniale, il y a de tout : des paumés, des sages, des solitaires, des affamés, des optimistes, des débrouillards... Stéphane Servant ne s'est pas contenté de créer un monde avec des gentils et des méchants, il a mis mille nuances dans son histoire. Y compris avec le personnage d'Avril car

    Spoiler (Cliquez pour afficher)

    jusqu'au bout je me suis demandée quel fardeau elle trainait, et j'étais loin de me douter que c'était l'assassinat de ses parents et de ceux de Kid !



    Plusieurs choses sont tragiques et j'ai eu du mal à m'en remettre

    Spoiler (Cliquez pour afficher)

    la mort des parents d'Avril et de son chien, la mort du conteur et celle d'Artos.



    Deux personnages m'ont fait plus peur que tout

    Spoiler (Cliquez pour afficher)

    Nolan, le fils de Neil, qui veut rejoindre les étoiles noires et qui a tué son chien Jasper, ainsi que Rosine, la vieille femme qui séquestre Kid. J'ai ressenti de la pitié pour ces personnages, mais quand même ils m'ont bien fait flipper.



    Enfin j'ai aimé le compte à rebours chapitre par chapitre.

    Spoiler (Cliquez pour afficher)

    cela annonçait bien la fin, que tout allait repartir à zéro... pourtant je ne savais pas trop comment le livre allait finir. J'étais happée par l'histoire et je n'arrivais pas a faire des pronostics. Cette fin m'a beaucoup plu, toute en douceur et pleine d'espoir, après ce long road trip apocalyptique



    Miyuki j'étais sûre que tu serais au taquet :heart: :ptdr: mais tu as raison cet auteur mérite cet engouement ! Je suis totalement d'accord avec toi sur la fin, c'est une des rares fins ouvertes que je trouve bien.

    Je reviens demain pour en papoter encore :)

    Dernière modification par Catysprint (28 Août 2021 17:19:46)

  • Julie27

    Administratrice

    Hors ligne

    #5 28 Août 2021 23:34:29

    Enfin, je me pose ici pour mon avis.

    Je m'étais dit que je préparerais à l'avance mais finalement, ce sera comme à chaque book club : au feeling, donc un peu en vrac :sifflote:
    Déjà : j'ai beaucoup aimé ma lecture :pink:
    Principalement pour l'écriture et les messages véhiculés.

    Les personnages m'ont beaucoup plu.
    Comme vous, j'ai aimé qu'ils soient très nuancés, en particulier Avril.
    Kid est un chouia exaspérant au début mais franchement j'ai trouvé que ça passait très vite et c'est un personnage que j'ai beaucoup aimé.
    J'ai adoré le Conteur :heart:
    En parlant de nuances, j'ai d'ailleurs trouvé que c'était compliqué de se dire qui étaient les "méchants" :

    Spoiler (Cliquez pour afficher)

    Spontanément, on se dit bien que les Étoiles Noires sont tous des fanatiques complètement fous. Mais je trouve que c'est bien plus complexe que ça.
    Même pour Darius finalement... À l'image de son visage, il est très divisé. On sent bien qu'il est plus fou que foncièrement méchant, tout en gardant une petite partie d'humanité par ses sentiments pour Avril. Il est aussi très seul.
    Et ses sbires sont davantage des suiveurs qui semblent désespérés. Pour ceux qu'on croise, ils le précisent même qu'ils restent par dépit et pour survivre, pouvoir se nourrir tout simplement.
    Ceux qui sont pointés du doigt comme les "méchants" sont aussi... les générations d'avant !

    Pour Rosine, c'est encore plus marqué. Certes elle cherche à enfermer Kid mais elle est tellement triste et seule... :(
    Personnellement, elle m'a fait beaucoup de peine...



    J'ai eu de la peine pour certains personnages

    Spoiler (Cliquez pour afficher)

    Artos, le Conteur (même si c'était prévisible...), Rosa et Jasper, ... quelle tristesse !



    J'ai trouvé l'intrigue addictive, avec un rythme qui m'a bien plu.
    J'ai aimé qu'on apprenne progressivement des choses sur le contexte :

    Spoiler (Cliquez pour afficher)

    Sur ce virus, la stérilité, l'extermination des animaux, la guerre, la pénurie d'essence, ...


    Finalement, j'ai été complètement immergée, sans aucun ennui. Avec une tension un peu permanente et le fait d'être intriguée pour la suite du voyage.

    Et j'ai aimé toutes les réflexions apportées.

    Spoiler (Cliquez pour afficher)

    Déjà sur la culture (en tant que "ce qui nous différencie des animaux") et plus spécifiquement sur.... le besoin de culture !
    Dans ce monde post apocalyptique (et plus généralement dans la société) quel besoin de culture? Plutôt que l'instinct et d'autres formes de communication.

    Et évidemment j'ai aimé ce qui a trait au spécisme.
    C'est extrêmement bien rendu et je rejoins Miyuki sur le ton non moralisateur : il questionne en douceur et par le biais de la naïveté d'un enfant. C'est bien pensé (je pense aussi à la différence cochon / chien).
    En tant que végétarienne très sensible à la cause animale, évidemment ce point m'a plu énormément.
    Et d'ailleurs, quel choix extra pour les animaux !
    Il met en scène les animaux les plus méprisés / moqués : un cochon, un âne, un rat =D C'est tellement bien fait !

    Bref, c'est intelligent, comme pour le choix de Kid :heart:

    Plus globalement j'ai aimé les remarques sur la toute puissance des hommes et le droit de vie / de mort sur les espèces.
    Clairement, les humains ne sont pas à l'honneur. Déjà pour les générations précédentes, mais aussi pour le fanatisme religieux, pour le mur anti-réfugiés, pour les atrocités dans la Ville, ...



    L'ensemble est très sombre (pour le contexte) mais raconté avec une sorte de douceur très belle.

    J'ai aimé les relations entre hommes et animaux.

    Spoiler (Cliquez pour afficher)

    Surtout j'ai aimé.......... "l'inversion" des rapports entre hommes et animaux :)
    Je pense notamment au Conteur et à Ésope, aussi aux Rats qui attaquent la Ville, le fait de suivre les animaux (et qu'Avril s'en remette complètement à eux et à Kid)



    Bref, que du positif et une très belle découverte !
    Mon seul bémol concernerait la fin.

    Spoiler (Cliquez pour afficher)

    Au moment où tous les animaux arrivent (avec la mort de Darius), j'ai trouvé que c'était "too much", comme une légère fausse note en fait dans une mélodie parfaite.
    Je ne sais même pas l'expliquer clairement.
    Idem pour la toute fin très positive.

    Mais finalement je la trouve très belle. Et je n'ai pas eu le sentiment d'une fin ouverte. Pour moi, c'est un renouveau, une nouvelle chance de faire mieux en préservant ce lien si essentiel aux animaux et à la nature. Et je trouve que ça clôture à merveille l'intrigue.



    Je repasserai pour vos retours et potentiellement compléter (il en reste encore à dire !).
    En tout cas, je recommanderai sans souci !
  • domi_troizarsouilles

    Enfileur de mots

    Hors ligne

    #6 29 Août 2021 00:23:14

    Bonsoir à toutes,

    Et voici donc le premier avis mitigé... Non il n'est pas négatif, après tout j'ai donné 11/20 à ce livre, ce n'est donc pas négatif, mais clairement je ne partage pas l'enthousiasme des posts précédents. Par ailleurs, la plupart du temps, pour les book clubs, je m'efforce de suivre peu ou prou le schéma des questions posées par Julie... mais pour le coup, je me rends compte que j'ai écrit mon avis (très) long en prévision de ce BC, peut-être inconsciemment lors de mon premier jet, que je n'ai cessé de retravailler, jusqu'au final que je vous propose ici.

    Bon eh bien, allons-y... et j'en appelle d'avance à votre indulgence, car non seulement ça va à l'encontre de beaucoup d'autres avis - ceux ici, mais aussi ailleurs, sur d'autres plateformes de lecteurs - mais en plus c'est très long!



    Ce livre, qui n’aurait pas forcément attiré mon attention autrement, faisait l’objet d’un Book club et d’une lecture commune sur plusieurs challenges, si bien que je me suis lancée dans les deux. Et je dois bien dire que, pour la première fois, moi qui aime beaucoup les lectures communes (même si elles ne constituent qu’une petite part de mes lectures au total), je ne l’ai pas vraiment bien vécue. C’est que, au fil des pages, j’ai été saisie d’un malaise de plus en plus grand face à l’intrigue ; or, parallèlement, la majorité des co-lecteurs encensaient de plus en plus ce même livre ! et, partant, le sentiment d’être « seule contre tous » a enflé en conséquence.
    Suis-je tout simplement trop émotive / sensible / susceptible ? – trois synonymes, mais tous légèrement différents, tous possibles à vrai dire… quoi qu’il en soit, cette LC est devenue difficile pour moi car, quel que soit le bout d’avis que l’on donne sur la plateforme de partage, on craint d’avance la façon dont il va être reçu. C’est là le problème des mots, surtout à l’écrit : leur force de pouvoir dire tant de choses, mais leur faiblesse du fait que chacun les entend avec ce qu’il est, ce qu’il ressent à un moment précis – et quand le ressenti est à ce point différent, voire opposé à la majorité, malgré toute la bienveillance dont cette majorité tente généralement de faire preuve, on se sent bien isolée et on en perd même toute envie de poursuivre la lecture…. Ainsi, j’ai choisi de m’éloigner de cette LC alors que j’étais aux 59% de ma lecture, pour continuer « toute seule », plus sereinement.

    Oh ! je n’ai pas trouvé que du mauvais, dans ce livre, bien au contraire ! Il n’en reste pas moins que, maintenant que j’ai tourné la dernière page, c’est un sentiment de consternation qui domine.
    D’abord, l’une des choses que j’entends le plus fréquemment est que Stéphane Servant a une écriture magnifique, qu’il faut absolument le lire – et beaucoup comparent avec l’un ou l’autre de ses autres livres, mais pour moi c’est le premier livre de sa plume que je lis… et je ne suis pas certaine que j’en lirai jamais un autre ! Certes, l’écriture est belle, elle a quelque chose de poétique et/ou onirique, je le reconnais tout à fait. Il « montre » les choses bien davantage qu’il ne les « décrit », et c’est prenant car c’est précisément là tout l’art d’un écrivain – c’est aussi ce qu’on m’a toujours enseigné en atelier d’écriture, encore faut-il y parvenir, et clairement Stéphane Servant le fait bien. Mais soyons sérieux : cette écriture n’est pas non plus éblouissante ! J’ai déjà rencontré des livres qui m’ont emportée rien que par leur écriture, or ce n’est pas le cas ici ; pour moi la magie n’a pas opéré, même si je la sens bien un peu. Peut-être est-ce tout simplement trop « jeunesse » à mon goût ? Mais oui, je peux comprendre qu’une telle écriture charme et accroche, comme un certain joueur de pipeau attire tous les enfants du village, qui vont le suivre jusqu’à la rivière, hypnotisés, tandis que moi, (trop ?) adulte, je reste en arrière… mais au moins je ne finirai pas noyée !
    Je précise tout de suite : je ne pense pas un seul instant que l’auteur ait eu une démarche revancharde comme le précité joueur de pipeau. Cependant, il envoûte un peu de la même manière, et si ses intentions à lui sont positives, elles n’en sont pas moins discutables.

    On est donc sur les routes en compagnie d’Avril, une ado à qui on donnerait autour de 15-16 ans mais sans aucune certitude, les âges n’étant jamais précisés ; accompagnée de son peut-être petit frère, Kid, à qui mes calculs donnent à peu près 6 ans (Avril l’ayant « sauvé » alors qu’il était encore au berceau, donc bébé, mais ça pouvait être aussi bien 6 que 18 mois, or l’histoire se passe 5 ans plus tard), mais ce n’est jamais certain. Depuis une guerre qui a tout détruit autour d’eux, et dont les résidus restent une menace, comme ces bombes non explosées que l’on peut encore croiser çà et là, et un risque nucléaire constant, sans même parler de secousses sismiques devenues régulières (mais qui ne semblent pas dramatiques cela dit), ils vivent dans un arbre aménagé, sur leurs maigres rations, et vont parfois jusque chez Madame Mô, une ancienne domestique, âgée, qui vit désormais seule dans ce qu’il reste de la maison de ses anciens patrons. On est dans un monde post-apocalyptique, les premières pages décrivent les choses de façon assez glaçante et réaliste, avec aussi une attention écologique pas très poussée à ce moment-là, mais on la sent venir et grandir de plus en plus – ce n’est pas seulement la guerre qui a conduit le monde à ce désastre apocalyptique, mais aussi l’inconscience des hommes, leur surexploitation des ressources, leur non-respect de leur environnement.
    Et puis un jour, Avril et Kid croisent la route d’une bande d’Étoiles noires, qu’on comprend vite être un groupe d’extrémistes religieux, composé lui aussi d’enfants tout juste ados, soit dit en passant. Ils sont à la recherche d’Avril, que leur chef, un certain Darius complètement fanatisé, semble aimer autant que détester. Dès lors, il ne leur reste plus qu’à fuir, et aller vers « la Montagne »…

    L’intrigue est donc leur road-movie à travers les décombres d’une vie d’avant, une vie faite à l’image de l’homme conquérant maître du monde tel qu’on en a un trop grand nombre actuellement. C’est un monde apocalyptique assez réaliste, mais à mes yeux presque trop « doux » par rapport à la réalité, hélas. Eh oui : la réalité a tragiquement rejoint la fiction. Certaines de ces images post-apocalyptiques d’un monde de demain bien que non daté, eh bien, elles se sont tristement illustrées cet été : en Belgique et en Allemagne, pour les rivières qui charrient maisons, voitures et leurs propriétaires morts, au milieu des boues et autres déchets, probablement toxiques ; ou en Grèce … et même en Suède ou en Sibérie ! pour les forêts qui disparaissent dans des flammes incontrôlables. Ce monde post-apo, ce n’est donc pas un monde de demain, il est déjà là ! Et, comme vous pouvez (peut-être) imaginer, j’ai été bien plus bouleversée par les images que la télévision belge passait en boucle, de ces drames vécus à quelques kilomètres de chez moi, que par ce récit où deux enfants pas très nets évoluent, mais dont le côté poétique semble presque « plat » par rapport à la réalité vraie que des presque-voisins ont vécue hier…
    Cela dit, si un tel livre peut aider à conscientiser les jeunes (et moins jeunes) au drame que la Terre est en train de vivre, dans la mesure où certains d’entre eux n’ont peut-être pas cette prise de conscience dans leur milieu familial (qui est le premier que l’on côtoie), alors j’ai envie de dire : oui, lisez-le, partagez-le dans les écoles ! Mais pour moi donc, ce n’est que de la répétition de choses connues depuis longtemps (c’est depuis les années 1980 que certains scientifiques tentent de nous alerter sur les conséquences des bouleversements climatiques, pour ne citer que cette problématique-là !) et qui par ailleurs n’offre pas vraiment de solution – si seulement il y en a une…

    Malheureusement, j’ai aussi trouvé ce récit très « orienté », car sous le couvert d’une belle écriture, j’ai quand même eu la forte impression d’entendre ici un discours prônant le véganisme, ou peut-être l’antispécisme, qui sont les deux facettes d’une même façon de voir les choses. Je n’utilise pas ces mots à la légère ; mots qui ne sont jamais cités dans le livre hein, ce n’est pas ça que je dis ! En réalité, j’ai été relire les définitions qu’en donne Wikipédia. Ça vaut ce que ça vaut, mais je vous invite à les consulter (comme moi le 26 août), pour que mes propos puissent être compris avant d’être interprétés : https://fr.wikipedia.org/wiki/V%C3%A9ganisme et https://fr.wikipedia.org/wiki/Antisp%C3%A9cisme.
    Or, de telles théories  me hérissent d’emblée, à cause de leur capacité quasi-systématique à culpabiliser plus ou moins explicitement tout qui pense autrement. Pour la petite histoire, je dois vous relater cet épisode avec une collègue végane. De sa bouche, j’ai eu droit, à plusieurs reprises, à un véritable discours moralisateur, sur le bien-être animal (que je plussoie), sur les bienfaits du véganisme (que je ne partage pas), et j’en passe. À chaque fois, j’avais l’impression d’entendre un sermon dans une église où j’aurais été entraînée malgré moi, qui essayait de convertir la malheureuse (ou méchante ?) « flexitarienne » que je suis. Et puis un jour, j’étais sans doute d’humeur maussade pour une quelconque raison extérieure ce jour-là, ce énième discours m’avait irritée, si bien que je lui avais répondu sèchement : « Non, pas flexitarienne, je suis omnivore, tout simplement, comme l’espère humaine et comme les cochons ! » Elle l’avait mal pris (comment autrement ?), et rassurez-vous : nous avons ensuite pris le temps de nous excuser mutuellement… Toutefois le mal était fait, et a renforcé mon sentiment de me trouver face à une espèce de nouvelle « religion » dès lors qu’il s’agit de ces sujets-là, auxquels on adhère et alors tout va bien, ou bien on n’y adhère pas (tout à fait) et on représente « le mal ». Or, ce roman délivre bien un peu un message du même acabit.
    Certes, l’auteur a raison : l’homme exploite honteusement la terre et les animaux, il détruit la nature à tour de bras, le sait mais ne veut pas le voir –ça n’a rien d’une nouveauté, encore faut-il pouvoir l’entendre… Il dénonce bien évidemment, et à raison, des choix bien humains tels que l’agriculture intensive ou l’élevage de masse, dans l’irrespect le plus total, le plus inacceptable, de la terre et de ses habitants. Stéphane Servant n’est ni le premier ni le dernier à dénoncer ces actes de barbarie, mais sur le principe il a tout à fait raison !

    Sur la forme, en revanche… Je pense tout simplement qu’il va trop loin, partant dans un extrême à l’oppose de celui qu’on connaît… mais je me méfie des extrêmes, et de la sorte son point de vue décrédibilise son message, finalement ! Pour ma part en tout cas, je ne crois pas un seul instant à une quelconque fable où tous les animaux, hommes inclus, seraient égaux et marcheraient ensemble vers un même but ! Soit dit en passant, cette vision a quelque chose de très noachique, assez déconcertant de la plume de quelqu’un qui, par ailleurs, avance un véritable plaidoyer antireligieux (en parlant ici de nos religions « traditionnelles »)…
    Pour commencer, un « détail » en particulier me pose question : de tels courants de pensée, quoi qu’on en pense, sont assez typiques de notre monde occidental privilégié, ce qui me gêne beaucoup quand on parle d’écologie, de la Terre, du futur des hommes et des animaux… qui sont donc des valeurs universelles, qui sont censées concerner tous les hommes et tous les animaux. Rappelez-vous, aussi, ou sachez, pour ceux qui ne le savent pas, que je travaille depuis près de 16 ans désormais dans le domaine de l’aide humanitaire… sujet tellement sensible, revenu sur le devant de la scène ces derniers jours notamment à cause des événements en Afghanistan ; et pour moi, le sort de tous ces hommes, ces femmes, ces enfants ne peut être dissocié de ces autres problématiques universelles telles que le bien-être animal, le respect de la nature, etc. Tout est lié ! mais tant d’auteurs pro-bien-être animal pensent aux animaux en priorité, et ça, pour moi c’est insupportable – c’est du spécisme retourné contre l’humain…
    Dès lors, c’est un peu « facile » (que ce soit voulu ou juste sans y penser) d’exclure d’une telle fable la moitié – si pas plus - de l’humanité et les animaux gênants !

    Commençons par ces derniers : avez-vous remarqué comme le choix les animaux qui apparaissent tour à tour est opportun, d’une certaine façon ? Oh, bien sûr, l’auteur a bien veillé à bousculer le lecteur, je ne le nie pas : ce sont bel et bien des animaux qui peuvent surprendre, voire déranger, entre l’animal d’élevage/domestique (si, si : je connais plusieurs familles où un Sirius est choisi comme animal de compagnie !), l’animal de trait, l’animal dangereux ou le nuisible… Spontanément ils dégoûtent ou ils font peur, mais ça pourrait être bien plus terrible ; et puis bon, trois d’entre eux sont omnivores, le quatrième est herbivore, en quelque sorte ils restent « acceptables ». Imaginons la même histoire avec de purs carnassiers, par exemple respectivement un chat (pour la compagnie), un chien-loup (oui, oui, comme Croc-Blanc, qui a bien été chien de traîneau), un lion et un scorpion… ça aurait été tout de suite beaucoup plus compliqué à mettre en scène !
    Bon, d’accord, je vais peut-être moi aussi trop loin, après tout c’est la liberté de l’auteur d’avoir choisi les animaux qu’il a choisis. Tournons-nous du côté des humains alors, et des décisions parfois extrêmes qu’il faut prendre dans certaines situations. Alors, comment iriez-vous expliquer, dans certains pays en guerre (et ils sont nombreux !), qu’il faut manger des plantes quand il n’y a plus rien et que de toute façon rien ne pousse, et qu’il ne faut surtout pas braconner ces animaux qu’on appelle aussi parfois « viande de brousse », car non, ce n’est pas bien ?! En effet, non, ce n’est pas bien. Pourtant, ça permet à peine de survivre… J’avais été tellement outrée, il y a quelques années, en voyant une émission que j’apprécie pourtant d’habitude ( « Le jardin extraordinaire », l’une des plus anciennes, et généralement très belles émissions de la 1re chaîne de télévision belge francophone) où les présentateurs, non seulement dénonçaient ce braconnage, avec raison certes, mais en plus accablaient celles et ceux qui le pratiquent, au lieu de fustiger les vrais responsables. Or, certaines scènes du livre m’ont fait repenser à ce reportage, et j’en suis restée ahurie. Stéphane Servant vit-il donc dans un monde de bisounours où tout le monde va bien, merci, et ne fait qu’exploiter les animaux sans réfléchir ? La faim n’est-elle pas un moteur autrement plus puissant que toutes les théories bien-pensantes ? Certes, la « faim dans le monde » ne sera pas résolue demain… mais je ne suis pas certaine que le point de vue prôné ici aide à la résoudre jamais. Honnêtement, Monsieur Servant, posez-vous la question : si demain vous crevez de faim, si votre mère, votre père ou votre enfant se meurt de faim sous vos yeux, allez-vous vous contenter de le/la regarder sans rien faire ; allez-vous ignorer une source de protéines qui se balade sous vos yeux sans y toucher parce que tué lé zanimos, lé pas bien ?...

    J’arrive là à un autre problème majeur de ce livre… et je suis presque soulagée : je ne sais pas trop ce que mes co-lecteurs en pensent, le sujet ayant été à peine évoqué avant que je m’écarte quelque peu du salon de partage, mais j’ai quand même lu ici ou là un certain nombre de critiques (très) négatives sur Kid. Pour ma part, je n’ai rien à redire de Kid en tant que personnage : c’est un enfant, plutôt bien décrit en tant que tel, avec sa spontanéité mêlée d’une part d’inconscience, sa joie de vivre qu’un rien éteint ou rallume, et aussi son étrangeté… Dans un premier temps, je me suis demandé si l’auteur voulait nous le présenter comme un enfant « simple » voire « simplet », nous sensibilisant à la thématique du handicap... Après tout, outre l’attachement à la terre et aux animaux, il aborde plusieurs autres sujets sociétaux, sur lesquels je ne m’attarderai pas dans ce commentaire, qui sera déjà bien assez long ainsi ! mais je pense notamment à la problématique des réfugiés aux portes de nos villes, ou les extrémismes religieux (que l’auteur ne semble pas distinguer des religions en tant que croyance modérée, on comprend qu’il ne voit les religions que par le prisme de l’extrémisme… mais comme dit plus haut, je ne vais pas approfondir ce sujet-là, qui n’est de toute façon pas central).
    En parlant de personnage : j’ai aussi beaucoup aimé l’évolution d’Avril, son souci constant et infaillible envers Kid, quelles que soient ses motivations ; et le Conteur est juste « terrible » !
    Bref, je digresse, mais donc : pourquoi pas le handicap ? Mais non, on comprend peu à peu que c’est autre chose… mais quoi ? Quoi qu’il en soit, ces traits de caractère de l’enfant ne m’ont pas dérangée en tant que tels, Kid était tout à fait bien typé dans son genre, pas de souci là-dessus.

    Ce qui est beaucoup plus problématique à travers ce personnage de Kid, c’est le message improbable, et bien un peu contradictoire, que l’auteur a voulu faire passer (pour ce que j’en ai compris !), et plus encore, la façon dont il s’y est pris !
    D’abord, on est d’accord sur le point que, à travers tout son livre, l’auteur tend à dire que les hommes et les animaux sont égaux… et pourtant il ne cesse de les distinguer lui-même ! Il y a plusieurs passages que j’ai trouvés ambigus en ce sens, et notamment ce bout de dialogue, pas trop spoilant je pense, qui m’a fait tiquer (parmi d’autres) : « - Oui, je ne sais pas comment c’est possible mais Kid comprend ce que vivent les animaux. Il entend leurs pensées. – C’est comme s’il était lui-même un animal, n’est-ce pas ? »
    Pourtant, si un homme = un animal, c’est que l’homme est un animal, point-barre, ça ne peut pas être « comme si »! Il aurait été plus correct, plus réaliste, de dire que Kid a une sensibilité animale plus exacerbée que bien d’autres, par exemple, un réel don de communication. Après tout, même au sein de l’espèce humaine, certains sont plus doués que d’autres pour communiquer ! Mais ici la formulation est pour le moins maladroite… Oui, je joue sur les mots, mais je reste sur mon idée : soit l’homme (et particulièrement l’enfant Kid) devient peu à peu un animal, mais c’est contradictoire avec la théorie selon laquelle l’homme et les animaux sont tous égaux dès la naissance…

    … soit il est un animal, certes humain, mais alors pourquoi ne peut-il pas conserver ses caractéristiques d’animal humain, dont un langage propre ?
    C’est là probablement l’un des pires choix de l’auteur dans ce livre ! Il n’y a aucune raison que Kid régresse au point d’adopter le langage d’un tout petit enfant, voire pire. Certes, le débat existe : le langage est-il inné ou acquis chez l’être humain ? De ce que j’ai appris lors de mes études, et lu en regardant vite fait sur Internet, il est un peu des deux… Il est en partie inné, en tout cas l’être humain naît avec tous les attributs nécessaires pour que ce langage puisse se développer. Ensuite, pour peu que le petit d’homme soit suffisamment entouré, encouragé, motivé, ce langage s’acquiert sans aucun problème. Et même dans des conditions de non-scolarisation ! Prenons par exemple le cas de trop de petites filles, dans certains pays d’Afrique ou d’Asie du Sud (encore l’Afghanistan…), privées d’école parce que c’est trop cher et/ou trop loin et/ou parce qu’elles sont des filles, tout simplement : elles sont pourtant elles aussi tout à fait capable d’un langage articulé et cohérent ! Certes elles ne vont pas faire un discours philosophique sur l’être ou ne pas être demain matin, mais elles sont capables de s’exprimer et de se faire comprendre avec suffisamment d’aisance ! L’exemple extrême inverse serait celui de l’un ou l’autre « enfant sauvage » qui aurait grandi loin de toute attache humaine (on pense au célébrissime Mowgli), ou séquestré dans un environnement particulièrement nauséabond (il y a hélas aussi des cas recensés), où l’acquisition du langage n’a pas pu se développer, et devient quasi-impossible à partir de la puberté (si tant est que des enfants ainsi traités survivent jusque-là).

    Mais ce n’est pas le cas de Kid : il n’est pas abandonné, et si Avril n’a pas les compétences pédagogiques d’une institutrice par exemple, elle n’en est pas moins un autre être humain qui veille sur lui, qui lui parle (or c’est bien là le moteur principal !) et s’efforce sans cesse de le « tirer vers le haut » comme elle peut, notamment pour ce qui est du langage. On a de nombreuses scènes où elle corrige les erreurs de langage du petit avec une patience dont manquent bien des professeurs ! Les deux enfants font ensuite plusieurs rencontres humaines, de personnages qui n’ont aucun souci de langage… Et pourtant Kid ne cesse de régresser…
    Dès lors je me demande, toujours suivant le présupposé du livre selon lequel un être humain = un animal : un animal (autre qu’humain) privé de compagnie perd-il lui aussi toute capacité au langage propre à son espèce ? Je n’ai jamais entendu cela, et ce n’est pas ce que l’auteur laisse entendre, au contraire – on a un magnifique brame du cerf, par exemple ! Alors, finalement, qu’est-ce que Kid ? Pourquoi l’auteur le traite-t-il ainsi ? L’enfant devait-il vraiment perdre cette capacité de langage propre à son espèce à lui, l’espèce Homo, pour pouvoir partager une compréhension universelle de la nature et des animaux ? Merci, mais non merci : dans ces conditions, ça ne m’intéresse pas !

    Pire encore : pourquoi l’auteur a-t-il cru utile de noter la moindre parole de Kid, dans cette transcription orale exagérée, dont je donnais un petit exemple (inventé) plus haut ? Cette façon d’écrire est déjà bien énervante dans les livres qui tentent de retranscrire l’oralité, quand il s’agit d’un accent régional ou prolétaire par exemple. Mais ici, on a droit à ce non-français à la moindre parole de Kid – or, étant personnage principal, et même si les dialogues ne sont pas dominants dans ce livre, il intervient quand même beaucoup… et ce choix d’un langage phonétique qu’on pourrait attribuer à un tout-petit (ou à une personne handicapée, à nouveau…) est de pire en pire. C’est aussi inopportun qu’agaçant ; cette façon d’écrire « on copie l’oral » m’a toujours horripilée dans les livres qui font ce choix… mais ici on a réellement attrapé le pompon !

    Pour finir, c’est un peu difficile de résumer tout cela, et il y a de nombreux points que je pourrais encore développer, mais je m’abstiendrai car tout ceci est déjà bien trop long. Ainsi, je dirais que le principal mérite de ce livre est d’avoir ré-attiré l’attention des lecteurs, peut-être même « primo-attiré » l’attention de certains dont les plus jeunes, sur des problématiques écologiques brûlantes d’actualité, mais trop souvent encore minimisées. À travers une écriture souvent belle, à tendance onirique, il est plutôt convaincant… mais provoque néanmoins un débat houleux entre ses admirateurs et les plus réservés (dont moi), gênés par son côté quelque peu extrémiste dans cette obsession toute occidentale de l’égalité entre hommes et animaux. Le comble a été atteint avec les derniers chapitres, que je ne veux pas dévoiler bien sûr, mais je ne peux m’empêcher de signaler que je les ai trouvés complètement délirants (

    Spoiler (Cliquez pour afficher)

    il encense carrément un meurtre qui a quelque chose de « rituel », cette punition de l’ensemble des animaux, contre le méchant absolu qui représente la mort, pour que la nature puisse revivre après un long sommeil réparateur ?!, ce serait bien un peu biblique, en plus !

    ), et je n’ai plus lu les toutes dernières pages qu’en diagonale, car j’étais vraiment trop consternée. Pour moi ce n’est pas une fin ouverte, c’est un délire, qui justifie toutefois la numérotation inhabituelle des chapitres ; mais là encore, je n’ai pas été convaincue.
  • Grimhilde

    Serial lecteur

    Hors ligne

    #7 29 Août 2021 09:14:05

    Julie27 pour les bémols que tu as évoqué

    Spoiler (Cliquez pour afficher)

    effectivement je n'avais pas non plus aimé cette scène avec tous les animaux qui se jettent sur Darius, c'était too much (même si cette fin fait "plaisir", comme tout le reste est plutôt crédible et réaliste ce passage tombait un peu... à l'eau, justement :lol: )



    Et pour ce que tu dis sur les Étoiles Noires, c'est un aspect du roman que j'ai trouvé vraiment bien traité aussi. Je me demande souvent quelle révolte, quel procès les générations futures feront aux anciennes générations (et s'il y en aura une). Stéphane Servant en a imaginé une avec les Étoiles Noires et cette version là fait froid dans le dos...

    domi très intéressant ton avis, je crois que sur le BC on est pas là pour être tous d'accord à l'unanimité ni pour défendre son livre préféré à cor et à cris, je doute que quelqu'un soit fâché que tu n'aies pas aimé plus que ça ;)

    Comme toi je n'aime pas les retranscriptions de l'oral dans les livres mais pour Kid ici je l'ai trouvé justifié, puisque c'était pour montrer qu'il ne perdait le langage des hommes petit à petit, en fait il se transformait, il devenait peut-être un nouvel Homo. Donc j'ai souffert mais pas trop :lol: pour moi il perdait le langage pour découvrir une autre forme de communication. Et cette perte du langage voulait plutôt dire : "qu'est ce qui est essentiel dans notre rapport au monde ? Qu'est ce qui est essentiel pour vivre et survivre dans la nature ? Les mots, ou la communication ?" Parce que le cerf brame mais c'est de la communication, pas un langage.

    Personnellement j'ai trouvé que la fin

    Spoiler (Cliquez pour afficher)

    était plus mystique que biblique, plus de l'ordre de "la nature à fait le tri pour repartir" que "Arche de Noé". Mais je comprends que tu y aies vu ça.



    À bientôt :)
  • Miyuki_

    Gastronome littéraire

    Hors ligne

    #8 29 Août 2021 09:51:04

    Domi, je pense que tu spoiles l'intrigue à plusieurs niveau. Pourrais-tu mettre les balises spoiler stp ?
  • Lepandarouxquilit

    Bibliothécaire en herbe

    Hors ligne

    #9 29 Août 2021 09:52:30

    J'ai enfin le temps de me poser pour donner mon avis sur ce livre, je réagirai plus tard aux commentaires de chacun·e (que j'ai plus ou moins survolé, histoire de ne pas trop me faire influencer XD)

    Sirius est mon deuxième livre de l'auteur, après avoir lu Le coeur des louves il y a presque un an et demi... Pourtant, ce livre trainait dans ma PAL depuis plus longtemps, puisqu'il a fait un peu la Une des réseaux sociaux livresques. Mais justement, en raison de cette extrême popularité, je n'osais pas me lancer dans cette lecture, car je craignais une quelconque déception.

    Fort heureusement, ces inquiétudes se sont vite dissipées, une fois les premières pages lues : j'ai été très vite embarquée dans cette quête initiatique aux côtés d'Avril et de Kid, grâce à l'écriture de l'auteur très immersive (avec cette part onirique et contemplative qui me parle tellement) et au sujet du livre.
    Dès le départ, j'ai trouvé la relation entre les deux enfants très touchante. Je savais que Kid pouvait être un peu particulier, car je me souvenais d'un avis de Miyuki qui l'avait trouvé assez insupportable lors de sa première lecture. Il est vrai qu'il peut avoir par moment des côtés agaçants, comme tout enfant de 8 ans peut l'être, qui n'a pas l'air de mesurer l'ampleur de ce que fait Avril pour lui et qui semble rejeter de plus en plus ce qui fait de l'être humain un animal différent des autres.
    Mais au final, ce personnage est plutôt bien construit. Il a une candeur et une naïveté touchantes, qui nous amène à réfléchir également à notre rapport à la nature et aux animaux : ce jeune garçon n'a connu rien d'autre que l'Arbre (la période jusqu'à ses 3 ans étant sans doute trop loin pour lui et si différente de son quotidien), dans un monde où son seul référentiel humain en permanence reste Avril, une ado à l'orée de l'âge adulte, qui cherche à l'éduquer avec ses maigres moyens à disposition (et une vieille dame qu'il voit de loin en loin). Il est vierge de toute vision erronée ou faussée d'une quelconque supériorité de l'Humain sur l'environnement si chère à Descartes, qui mène pourtant l'Humain à sa perte dans sa course effrénée pour le pouvoir et la domination.   

    Je me suis sentie assez proche d'Avril parce qu'elle représente un peu ce que nous sommes : des personnes qui font de leur mieux, mais qui restent encore trop convaincues qu'il y a une impossibilité à vivre en communion avec notre environnement. Elle est en mode "survie", craint ce que le monde peut lui apporter (en partie parce qu'il y a eu une contamination à large ampleur, en partie parce qu'elle ne doit rien connaître aux plantes qui peuvent lui venir en aide autour d'elle), et a des réactions mécaniques face au danger ou à l'imprévu ou à ce qui semble rationnel.
    (Ex : la rencontre avec Sirius est emblématique de l'opposition entre ces deux visions, et c'est extrêmement touchant de voir l'acceptation progressive d'Avril de la situation).
    Elle finit par évoluer dans son regard et son attitude, comme nous dans notre lecture (si on n'est pas déjà sensibilisé à ces questions là et même si on l'est je pense :grat:),.

    D'ailleurs, j'ai beaucoup aimé les réactions que ce livre suscitait en moi :

    Spoiler (Cliquez pour afficher)

    Je suis assez sensible aux questions environnementales depuis plusieurs années (comment pourrait-on ne pas l'être quand tous les rapports, tous les experts, prédisent un avenir de plus en plus difficile, voire pas d'avenir du tout ?) et je lis et me questionne beaucoup sur ce qu'en tant qu'individu je suis en capacité de faire pour réduire mon impact sur les ressources naturelles ; je bosse également dans le domaine. L'une des pistes les plus évidentes reste l'alimentation (tendre vers une alimentation plus végétale car elle nécessite moins de ressources et d'espaces, peut être plus équitablement partagée dans le monde, etc.) et il y a de plus en plus de réflexions (et d'actions) autour de cela. Bref, cette digression pour dire que malgré mon bagage que je pense plutôt bien étoffé sur le sujet et mes remises en question, lorsque Kid utilise son "pouvoir" la première fois et qu'on voit une altération évidente de son comportement "humain" (langage, tenue), et qu'Avril lutte contre cette altération en lui disant qu'il ne peut pas devenir un animal, j'étais plutôt dans la même attitude qu'Avril : cela me gênait que Kid change comme ça. Puis, je me suis demandé pourquoi cela me dérangeait, pourquoi cela devrait-il poser problème, dans un monde fini, où le passé n'existe plus : à quoi bon chercher à le ressusciter, quand il faut au contraire, s'adapter, évoluer pour construire quelque chose de différent, qui pourrait éviter de reproduire les mêmes erreurs... Puis au final, ce n'est pas un appauvrissement, puisqu'il y a de nouvelles aptitudes qui sont développées qui lui sont utiles ? J'ai donc essayé de me départir de ma vision anthropocentrée pour mieux me laisser porter par le récit.



    J'ai beaucoup apprécié la façon dont le livre, malgré un univers sombre et parfois terrifiant (le fanatisme des Etoiles noires et notamment de Darius est totalement flippant ; les habitants de la Ville/le Pont m'ont laissé une sensation de malaise persistante ; les rares humains qu'on croise sont peu engageants au final, livrés à leur solitude ou crispés sur leurs souvenirs), reste malgré tout très doux et porteur d'un message assez optimiste.
    Malgré tout, on ne peut pas s'empêcher de ressentir de l'empathie face aux personnes qu'on rencontre, même si elles ont des attitudes dérangeantes (ex : Rosine, le père de Nolan, vivent dans leurs souvenirs et ont perdu prise sur le réel). Et Kid nous le fait comprendre par son regard dénué de filtres.

    J'ai été bluffée par la capacité de l'auteur à nous rendre certains personnages tout de suite très sympathiques : les animaux qu'on rencontre m'ont émue/touchée/fait rire/transportée ; Madame Mô ; Le Conteur... Ceux qui accompagnent le chemin de Kid et Avril de façon plus ou moins brève. :heart:
    J'ai beaucoup aimé la figure du Conteur : j'avais l'impression qu'il s'agissait d'une représentation de l'auteur puisqu'il raconte des histoires et qu'il était écrivain dans le passé ; il a un rôle de mentor et de vieux sage qui fait progresser Avril dans son parcours et son acceptation de son passé par une posture presque paternelle qui lui a fait défaut pendant plusieurs années.

    D'ailleurs, concernant la numérotation des chapitres, je pensais

    Spoiler (Cliquez pour afficher)

    que c'était parce qu'Avril reprend le carnet du Conteur et qu'elle fait le récit de son voyage. Bon, au final, ce n'est pas ça, c'est juste le compte à rebours avant le renouveau :goutte:



    Pour les animaux, j'ai aimé le fait qu'il s'agisse de ceux qui côtoient les humains "dans l'ombre" mais qu'on méprise/exploite ou qui nous font peur parce qu'il y a tout une image autour qui n'est pas rassurante. Puis au final, notre vision d'eux s'inverse et évolue (comme Avril finit par évoluer sur la question, notamment après l'épisode avec Rosa).
    (Vraiment, je me répète, mais j'aime beaucoup Avril, elle a des défauts, elle n'est pas parfaite, mais elle avance et elle chemine à son rythme et quand elle est prête à regarder en face et ne plus se mentir, elle le fait sans concession, et les moments qui suivent cela sont vraiment doux, et beaux, et emplis de tendresse...)

    Je ne m'attendais pas forcément à une fin de ce genre.

    Spoiler (Cliquez pour afficher)

    Déjà parce que le personnage de Darius est assez ambivalent et je ne sais pas trop sur quel pied danser avec lui : il me fait peur, il a une folie dans son attitude qui est terrifiante, son besoin de destruction l'absorbe tout entier et il n'est pas en capacité d'évoluer dans sa vision du monde qu'il a en face de lui ; mais en même temps, il avait un côté si ... paumé et terrifié au final. Donc d'un côté, j'étais "soulagée" qu'il ne participe pas au renouveau ; de l'autre, j'aurais bien aimé une rédemption de ce personnage (mais sans un traitement trop rapide).
    Puis cette fin plutôt ouverte et optimiste, sur la paix faite entre les humains et avec la nature, ça m'a fait frissonner...



    Bref, c'est un livre que j'ai beaucoup aimé, et j'ai aussi apprécié les discussions qu'on a eu dessus sur Discord, ainsi que les explications de texte sur le "sous-texte" un peu biblique/religieux qui ont été données.
    Je rajoute que c'est un livre que je prendrai aussi plaisir à relire parce qu'il y avait beaucoup de choses à percevoir et que je serai aussi curieuse de voir mon cheminement après cette première lecture

    Dernière modification par RedPanda (29 Août 2021 11:01:12)

  • Miyuki_

    Gastronome littéraire

    Hors ligne

    #10 29 Août 2021 10:37:47

    Red : Justement, pas longtemps après ma première lecture, j'y ai repensé et je me suis dit que j'avais été super dur avec Kid. Moi aussi j'ai été une enfant de 8 ans et parfois, je ne mesurais absolument pas tout ce qu'on pouvait faire pour moi, comme un enfant. Et là, avec ça en tête, bien en fait, je le trouve très attachant. Certes, il peut parfois faire des bêtises mais c'est un enfant et se souvenir de ce qu'on a été enfant, ça aide beaucoup.



    Pour ton spoiler sur les réactions :

    Spoiler (Cliquez pour afficher)

    L'évolution de Kid ne m'a pas gêné et en fait, je la trouve très intéressante parce qu'elle va questionner différents axes du livre et puis de notre réalité. Je sais que Stéphane Servant fait souvent des liens avec les animaux comme dans Le cœur des louves où Célia et Alice deviennent des louves. Parce qu'il y a une part animale en nous ... Et avec Sirius, je commence avec le début d'une hypothèse sur le pourquoi du comment les animaux et les hommes ne se comprennent plus, une des questions qui est posé dans La langue des bêtes. Kid permet de visualiser un monde où les hommes et animaux vivraient dans une belle harmonie.



    Sur la scène de fin :

    Spoiler (Cliquez pour afficher)

    Je suis comme Red, soulagée que Darius ne participe pas à ce renouveau. Non pas que je le trouve complètement détestable et sans nuances, je crois qu'il avait besoin de se nourrir de la peur des autres, de se déculpabiliser en chargeant les autres de reproche pour ne pas voir ses propres erreurs et mauvaises actions. Mais, je pense qu'il était arrivé à un point de non-retour où il était tellement persuadé de dire la vérité, qu'il ne voulait/pouvait pas voir ses erreurs et sa responsabilité. Au contraire d'Avril ou de ses sbires ...

    Dernière modification par Miyuki-Panda (29 Août 2021 11:02:45)