João Guimarães Rosa

 
    • ZeBebelo

      Livraddictien débutant

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      #1 20 Juillet 2022 10:36:46

      Pour la partie biographique, je pourrai me laisser tenter par un vulgaire copier/coller de sa fiche Wikipedia, mais étant un esthète et parlant de mon idole, j'ai décidé de faire une biographie de tête avec tous les éléments que j'ai glané à droite et à gauche :

      João Guimarães Rosa, que j'appellerai à l'avenir JGR, est né en 1908 dans le riche et populeux Etat brésilien du Minas Gerais. Très jeune versé dans la littérature et surtout dans l'étude des langues (il a commencé à apprendre le français tout jeune et il parlait couramment de nombreuses langues), son destin dans l'écriture était tout tracé.
      Mais ce n'est pas la voie qu'il a choisi de suivre directement puisqu'avant d'écrire, JGR, a eu une carrière de médecin de campagne dans son sertão mineiro (sertão = arrière-pays plus ou moins désertique selon l'Etat) mais aussi de guerre lors d'une guerre civile dans son Etat.
      JGR abandonnera ce métier pour une carrière diplomatique qui le mènera aux ambassades du Brésil en France, en Allemagne durant la Seconde Guerre Mondiale où il sera interné dans une sorte de camps de transit quand son pays sortira de sa neutralité pour déclarer la guerre au IIIe Reich (par ailleurs, sa femme sera Une Juste parmi les Nations pour son rôle dans l'établissement de passeport pour les Juifs Allemands malgré les contre-indications de son gouvernement) et en Colombie.

      Vient enfin sa troisième et dernière carrière, celle d'écrivain !
      JGR commencera doucement en écrivant quatre petites nouvelles pour un concours, qui seront publiées de manière posthume en 2011 et qui ne sont pas encore traduites en français, et un recueil de poèmes : Magma. Lui aussi, encore inédit en français.
      Il écrira ensuite un recueil de nouvelles, Sagarana avant de sortir coup sur coup et en cette année 1956, son roman culte, Diadorim, et un autre recueil de nouvelles, Corpo de Baile. Diadorim sera son seul roman puisqu'il publiera avant son décès en 1967 (quelques jours après avoir été intronisé dans l'équivalent brésilien de l'Académie Française) deux autres recueils de nouvelles : Premières Histoires et Toutaméia. A titre posthume sera aussi publié Mon oncle le Jaguar et autres histoires.

      Je ferai un autre poste où je rentrerai plus en détail dans sa bibliographie.
    • ZeBebelo

      Livraddictien débutant

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      #2 20 Juillet 2022 13:53:29

      Comme dit ci-dessus, JGR, était un amoureux des mots et un grand adepte des néologismes mais aussi de l'utilisation de mots tombés en désuétude. La lecture de son oeuvre est réputée  très fastidieuses, que ce soit dans sa version originale, que dans sa traduction française. J'ai lu six fois Diadorim en quatre ans mais je dois concéder que ce roman m'est tombé un bon nombre de fois des mains avant d'entrer définitivement dedans lors de ma première lecture !

      Outre l'amour des belles et nouvelles formules, il y a énormément de récurrence dans l'oeuvre roséenne. Notamment et le plus important, le domaine spatiale et les acteurs de toutes ces histoires : le sertão et ses habitants, les sertanejos (quelques rares nouvelles ne déroulent pas dans le sertão, mais le chiffre est négligeable). Le sertão est un terme générique pour qualifier l'arrière-pays comme l'outback en Australie, plus ou moins aride et désertique selon l'Etat. En l'occurrence, dans l'oeuvre de JGR, c'est le sertão mineiro (de Minas Geraïs) qui est à l'honneur et ce dernier est beaucoup plus luxuriant que les sertões de Bahia ou du Ceara par exemple. Le désert y côtoie des forêts presque tropicales et surtout des veredas, sorte d'oasis, où les buritis règnent en maitre. Ces fameux buritis, qui sont présent dans quasiment tous les écrits de l'auteur, est un palmier de l'intérieur des terres et qui est synonyme d'eau pour les divers voyageurs qui arpentent le sertão. Pour reprendre les mots d'un préfacier, le buriti est une sort de totem pour JGR ou une "église" comme l'auteur le fait dire à un personnage.

      Mais, et c'est une interprétation toute personnelle, la grande obsession de JGR est le Temps ! Le Temps passé, le Temps qui passe, le Temps qui revient nous hanter malgré nos mesures ou nos précautions pour l'oublier ou avancer malgré lui. Mais le Temps, comme nous le rappelle la lemniscate qui clos Diadorim, revient sans cesse nous remémorer nos faits passés, les bons comme les mauvais. Quoiqu'on fasse, nous sommes obligés de vivre avec et de l'assumer. Malgré la nostalgie constante dans l'oeuvre roséenne, ou la saudade pour reprendre un terme portugais, JGR reste un auteur très optimiste et agréable à lire. D'ailleurs, la saudade peut se définir comme ressentir de la tristesse pour un fait passé, pour quelque chose mais aussi la joie d'avoir vécu ce que nous avons vécu etc. En lisant du JGR, on en ressort pas complétement dépressif comme après avoir lu du Kafka ou du Dostoïevski !

      Comment rentrer dans l'oeuvre roséenne ?
      Après avoir lu au moins deux fois chaque livre disponible en français, je ne conseillerai pas de commencer directement pas son chef-d'oeuvre : Diadorim.
      Bien qu'il ne soit plus édité (mais disponible en occasion), le recueil de nouvelles Sagarana peut être une bonne introduction à l'oeuvre roséenne même si il n'est pas très représentatif du style d'écriture qu'on lui connaitra plus tard dans Diadorim.
      Comme dit plus haut, le thème central est le Temps. Comme ce personnage, qui après une vie de vagabondage parsemée d'escroqueries en tout genre, s'installera dans une petite bourgade du sertão et montera un commerce tout à fait licite et florissant. Mais au hasard d'une rencontre, son passé resurgira et...
      Marche aussi avec le gros bras, frôlant la mort après une trahison, qui profitera de sa survie pour choisir la voie de la rédemption... Mais encore, le passé tentateur s'en mêle...
      Ou ce personnage, frappé de saudades de sa terre natale et de tout ce qu'il y a laissé, après être parti sur un coup de tête à la Capitale pour vivre la vie qu'il prétendait mensongèrement avoir mené. La vie simple convenait-t-elle mieux à ce mythomane que la vie rêvée qu'il vit pourtant comme souhaitée ?
      Idem pour ce personnage qui a fuit à la grande ville après une affaire d'honneur qui a mal tourné. Mais le temps qui passe veut-il dire qu'il nous oublie ?
      Ou ces amours manqués par couardise ou bêtise, qui ne cessent de nous tourmenter...

      Si l'expérience est concluante, Diadorim devient abordable car il est très difficile de rentrer dans ce roman tellement l'écriture est surprenante. Diadorim est un longue monologue où le narrateur, Riobaldo, raconte son histoire avec énormément de digressions, passe du coq à l'âne, ne respecte pas la chronologie de sa propre histoire en usant de nombreux flashbacks ou "d'avance rapide", mais au final, on s'en sort sans problème et on est complétement happé par cette Odyssée version brésilienne !
      Car oui, Riobaldo est une sorte Ulysse qui a baroudé et surtout guerroyé dans les quatre coins du sertão par amitié et amour comme Ulysse a suivi son roi sous les murs de Troie ! Diadorim reste, malgré une part d'aventure, un roman psychologique voir d'initiation où les quelques récits héroïques de batailles permettent de "souffler" après toute sorte de questionnement sur l'amour, Dieu, le Diable, le Temps, l'oubli, le Bien et le Mal etc...

      Diadorim n'est pas un roman qu'il faut avoir lu, enfin si, mais avant tout, Diadorim est un roman qu'il faut au moins avoir testé !!!

      Roséennement.