[suivi lecture] Exuline

 
  • Exuline

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    #311 05 Juillet 2024 10:05:25

    <image> L'événement de Annie Ernaux

    « Depuis des années, je tourne autour de cet événement de ma vie. Lire dans un roman le récit d'un avortement me plonge dans un saisissement sans images ni pensées, comme si les mots se changeaient instantanément en sensation violente. De la même façon, entendre par hasard La javanaise, J'ai la mémoire qui flanche, n'importe quelle chanson qui m'a accompagnée durant cette période, me bouleverse. »

    Je tarde à vous faire un retour sur ce roman car je ne sais pas très bien ce que je peux vous dire sur celui-ci, car il est passé sur moi comme un voile qui se soulève par le vent, évanescent, insaisissable et pourtant on ne peut qu'attacher notre regard dessus et le voir s'éloigner sans que rien ne puisse être fait.

    J'ai ressenti un incommensurable recul à la lecture de ce titre sûrement dû à l'écriture très froide de l'autrice qui nous parle de son événement qui marquera sa vie : son avortement. D'ailleurs, elle n'en parle presque que par ce nom : l'événement. Par définition un événement est  "ce qui arrive et qui a de l'importance pour l'Homme." Chaque homme, chaque femme aura donc son propre événement qui marquera sa vie. Heureux ou malheureux, il fait parti de celui qui l'aura vécu et il en sera marqué à jamais. Annie Ernaux a eu le besoin d'exorciser à travers l'écriture cet acte déterminé et partager son passé mais dans quel but ? Aider, démystifier, s'autopurifier, la réponse n'est pas forcément dans ce livre.

    Paru en 2000, Annie Ernaux nous parle de ce qu'elle a vécu dans les années 60 avec toute la complexité qu'un tel acte engendrait, sujet tabou, sujet interdit, sujet rejeté par la société, sujet chuchoté, murmuré, on sait que ça existe mais on n'en parle pas. L'autrice décrit son insouciance avant, son combat pendant et sa nostalgie après.

    Les mots utilisés sont parfois durs, les scènes frappantes, la solitude palpable, son combat maladroit et oblige son lecteur actuel à ressentir un malaise pour cette époque qu'il n'a peut être pas connu.

    Ce qui m'a le plus frappé, c'est que je n'ai pas eu l'impression finalement que Annie Ernaux parlait d'elle même comme si elle revivait son passé mais en créant un personnage fictif ce qui est assez déstabilisant ; même si elle nous parle du fait qu'elle a décidé d'écrire cette histoire à l'aide d'une sorte de journal/agenda de l'époque, je trouve qu'elle a volontairement choisi un certain éloignement de la situation.

    Ce texte, ce titre devient pour moi une sorte d'allégorie du thème central. L'événement. Ne dit-on pas couramment que d'être enceinte est un heureux événement ? Et dans ce cas signifie-t-il que la femme enceinte peut se convaincre qu'elle ne peut pas trop ressentir d'émotions désagréables liées à son état ? Est-ce donc un homme qui a décidé de généraliser le terme d'heureux événement agacé par les nombreux maux de son épouse ? L'événement ici n'est donc pas heureux et est, au contraire, son antagonisme. L'événement : le fait de se savoir enceinte, devient fadeur, douleur psychologique et prise de décision.

    Annie Ernaux l'appelle "ça", "ça" grossit dans son ventre, "ça" doit partir, dénomination d'une extrême violence mais dont c'est le choix de nommer ainsi, comment juger, comment comprendre, comment prendre parti ?

    Oui ce livre, comme vous le constater fait réfléchir, nos droits en tant que femme ont évolués, nous avons le droit de disposer de notre corps comme nous le voulons, même si certains ne le comprennent pas ou refusent de le comprendre. Ce livre devrait être lu par toute jeune fille pour que si ça devait arriver elle soit prête et ne soit pas seule.

    En 2022, le prix Nobel de littérature lui est décerné pour « le courage et l’acuité clinique avec laquelle elle découvre les racines, les éloignements et les contraintes collectives de la mémoire personnelle », je trouve cette phrase aussi pompeuse que juste après la lecture de ce roman. Elle reflète parfaitement la difficulté qu'à du être la rédaction de cet oeuvre, de trouver les mots sur un des maux les plus vieux du monde.

    Dernière modification par Exuline (05 Juillet 2024 10:09:01)

  • Claire C

    Passionné du papier

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    #312 06 Juillet 2024 16:56:32

    Merci pour cet avis. Ca me donne envie de le lire. Je l'ajoute à ma wish-list.
    Bonnes lectures !
  • Mypianocanta

    Gardien du savoir

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    #313 06 Juillet 2024 18:04:41

    Claire C a écrit

    Merci pour cet avis. Ca me donne envie de le lire. Je l'ajoute à ma wish-list.
    Bonnes lectures !


    Moi c'est tout l'inverse : je sais que je ne le lirai pas (et je suis pas certaine de

    Ce livre devrait être lu par toute jeune fille pour que si ça devait arriver elle soit prête et ne soit pas seule.


    - à mon avis ça dépend à quel âge ou quelle maturité parce qu'il faut aussi être capable de le "digérer" vu ce que tu en dis)

    Bon week-end :)

  • Exuline

    Tourneur de pages compulsif

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    #314 08 Juillet 2024 10:04:25

    MErci les filles pour vos retours.
    @My, quand je dis : Ce livre devrait être lu par toute jeune fille pour que si ça devait arriver elle soit prête et ne soit pas seule, c'est que si ça devait m'arriver ou si ça m'était arrivé, j'aurai aimé savoir ce qui m'attendait, mais c'est peut tout simplement très subjectif et que je n'aime pas l'inconnu.
  • Exuline

    Tourneur de pages compulsif

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    #315 08 Juillet 2024 11:03:20

    GOOD MORNING !!!

    Je vous retrouve cette semaine en pleine forme, ou presque : je viens de demander à mon patron une nouvelle chaise ergonomique pour le travail , car je pense que je me fais mal au dos à cause de ma chaise. Je pense que la solution est aussi simple. Alors je vais essayer un modèle. Je sais que ce n'est pas très intéressant pour vous, mais j'avais envie de partager ceci. Sinon, c'est relativement calme en ce moment et tant mieux puisque je suis en vacances fin de la semaine. Je me suis remise dans les séries et donc je lis un peu moins et je sors bien plus me dégourdir les jambes en rapport encore avec mon dos. Ceci étant dit, voici mon bilan pas très folichon. Je ne vais pas vous parler de Il pleuvait des oiseaux que je trouve plus le temps d'avancer, mon bébé loup a décidé qu'il vient avec moi au pipi room tester son pot à chaque envie pressante de ma part, donc je mets en pause mon fameux livre pipi :aouh:

    Les livres terminés  :

    <image>Poster Girl - Veronica Roth : C'est une très bonne surprise pour ma part pour ce roman. J'étais assez frileuse de retrouver la plume de VR car j'avais abandonné Marquer les ombres. L'autrice nous revient ici avec une dystopie mais avec deux points assez originaux qui sont : i) la protagoniste est âgée de 27 ans et donc n'est plus une adolescente comme souvent présenté dans ce genre littéraire, ii) nous sommes après le renversement du gouvernement totalitaire et le soulèvement du peuple. J'ai beaucoup aimé cette histoire malgré le fait que je ne me suis pas forcément attaché aux personnages, mais l'univers et les réflexions m'ont paru pertinents et il ne m'en fallait pas plus pour apprécier ce roman. Je vous reviens très vite avec ma chronique entière.



    <image> La gosse - Nadia Daam : Livre lu en audio avec mon partenariat Net Galley, ce livre est une autobiographie de l'autrice et un partage sur ses réflexions en tant que mère célibataire élevant une jeune fille de nos jours. Tous les sujets y passent : les rapports aux hommes, à l'alcool, la balance, la famille, les origines. Ce livre court est pourtant extrêmement riche et pourra parler à l'ensemble des mamans ayant un ado à la maison. J'ai beaucoup aimé l'humour parfois grinçant de l'autrice. Je me suis reconnue à de nombreuses reprises mais pas tout le temps quand même. Les mots sont choisis, l'écriture de Nadia Damm est juste parfaite, érudite et réussit à écrire simplement ce qui est complexe : le rapport mère / fille, le rapport : grandir / infantiliser, le rapport : éduquer / protéger. Ce fut une très bonne lecture et je vous conseille si vous aimez ce genre de roman mais c'est vrai qu'il s'adressera plus facilement à des personnes ayant des enfants préado ou ado que ceux qui n'en ont pas encore.



    Mes lectures en cours :

    <image> Entre deux mondes - Olivier Norek : Ouh la la que c'est bien, ouh la la que c'est noir. J'en prends plein le crane, uppercut sur uppercut, je découvre cet auteur par ce roman, et je suis KO ou presque. Plongée dans la jungle de calais, je suis un flic français et un flic migrant qui a fuit pour protéger sa vie. C'est ultra violent mais pas dans le genre gore, c'est juste la noirceur de l'âme humaine, de la fatigue des corps et des esprits. L'histoire n'en reste pas moins incroyable même s'il faut s'accrocher. Je suis un téléobjectif qui scrute la vie de personnes qui ont tout quitté pour essayer de vivre, je suis sur l'épaule de ces flics lessivés qui deviennent acariâtres. C'est un plaisir de lecture totalement malsain mais assumé. Attention nombreux TW : viol, agression, torture et surtout tout ceci n'est pas tout à fait de la fiction. Avancement : 52%


    <image> Les Extraordinaires - Julien Sandrel : Allez !!! ni allons pas par quatre chemins, je me fais réellement CH ..IER avec ce roman. Et pourtant qu'est ce que j'ai pu apprécié cet auteur en lisant La chambre des merveilles et La vie qui m'attendait.  J'avais ressenti quelques longueurs en lisant Merci, Grazie, Thank you mais finalement la mayonnaise était montée, et je me suis laissée embarquée. Mais ici, je ne décolle pas et surement pas dans les étoiles. Je trouve les personnages tellement caricaturaux que je reste totalement insensible à leur passé et leur envie de devenir astronaute. Je n'aime pas non plus la polyphonie de ce roman, et je n'aime pas ces indices laissés comme un cheveux sur la soupe pour inciter le lecteur à continuer. Alors pourquoi, je continue vous me direz, je ne le sais pas moi même, j'ai juste envie de savoir comment ça se finit, c'est tout.  Avancement : 75%

    Je n'ai pas encore choisi quel sera mon livre sur tablette, mais je pense que j'ai envie d'un classique, à bientôt pour découvrir mon choix.



    Je vous souhaite une très bonne semaine.

    Dernière modification par Exuline (08 Juillet 2024 11:03:38)

  • Mypianocanta

    Gardien du savoir

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    #316 08 Juillet 2024 17:40:00

    Oui je comprends
    et tu m'as fait hurlé de rire avec ton histoire de pipi room :lol:

    Pour le reste je ne connais rien de tes en-cours donc je vais me contenter de te souhaiter une bonne semaine :)
  • LaurentVo

    Passionné du papier

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    #317 08 Juillet 2024 17:50:24

    Salut :)
    Tu as une lecture pour le pipi ? J'adore :lol:
    Je ne suis pas un fan de Norek mais "Entre deux mondes " j'avais adoré.
    Je note le livre de Nadia Daam, ça peut intéresser une amie dont sa fille va pas tarder à atteindre l'adolescence.

    Dernière modification par LaurentVo (08 Juillet 2024 17:50:53)

  • Grominou

    Administratrice

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    #318 08 Juillet 2024 19:37:23

    Dans le pipi room, je suis plus magazines ou mots croisés! Il me semble que je trouverais ça frustrant de ne lire que quelques pages à la fois d'un roman...
  • Exuline

    Tourneur de pages compulsif

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    #319 09 Juillet 2024 14:01:28

    Merci beaucoup pour vos commentaires.

    Oui ça fait quelques années que j'ai un livre pipi, j'en lis 4 ou 5 par an. Ce sont des livres souvent que l'on m'a offert ou que j'ai acheté et que je n'ai plus envie de lire car laissé depuis trop longtemps dans ma PAL. Donc pour moi ce n'est pas du tout frustrant de ne lire que quelques pages et puis s'il vraiment il me plait beaucoup je le sors de ce petit endroit oops


    J'en profite pour vous faire une petite citation du livre que je suis en train de lire, et qui m'a plu :

    "Dans la vie, on fait comme on peut et comme on veut, le principal étant de ne nuire à personne. Alors puisqu’on fait comme on peut et comme on veut, tout est possible. Il est, par exemple, autorisé d’arriver à l’école habillé en Superman, à condition de se changer avant d’entrer en classe. Il est permis de faire de la danse le mercredi après-midi, seul petit gars parmi les filles, puis de la boxe, à condition d’avoir troqué le justaucorps rose pâle contre les gants. Il est permis de peindre à même le mur de sa chambre, à condition de tout recouvrir de blanc chaque premier jour des vacances. Il est permis, surtout, de pleurer en public et de trouver la vie dure puis, après quelques sanglots, de trouver la vie belle et d’en rire malgré tout." SAUF - Hervé Commère

    Dernière modification par Exuline (09 Juillet 2024 14:35:44)

  • Exuline

    Tourneur de pages compulsif

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    #320 10 Juillet 2024 11:18:31

    Bonjour, bonjour.

    Etant donné que je n'ai pas grand chose à dire de plus que ce que j'ai pu indiqué dans mes différents retours hebdomadaires, je vous propose de reprendre le principe des chroniques flash pour les livres suivants.

    <image> La maison de la nuit, tome 06 : Tentée - P. C. Cast et Kristin Cast

    Zoey est de nouveau le sujet des visions d'Aphrodite : elle doit se tenir à l'écart de Kalona, l'ange déchu. Mais elle est aussi la seule à pouvoir l'anéantir. Comment la jeune prêtresse va-t-elle concilier ce combat et sa vie amoureuse agitée ? Car jongler entre trois prétendants est très compliqué. Surtout lorsque l'un d'eux s'avère être un combattant diablement sexy, capable de déchiffrer ses sentiments. Sans oublier la force malfaisante qui hante les tunnels de Tulsa...
    Zoey saura-t-elle faire face à tous ces bouleversements ?


    Je viens donc de finir le sixième tome de cette saga et j'en suis à la moitié, je tiens bon mais pour combien de temps. Je sais que beaucoup d'entre vous n'ont pas terminé cette saga à cause, me semble-t-il de son essoufflement, et je vous comprends. Oui, une chose est sûre en ayant lu ce tome, on tourne en rond. Et puis le manichéisme des protagonisme devient lassant : les gentils d'un côté, les méchants de l'autre, ça manque de plus en plus de nuances. Pas un seul traitre, pas un seul personnage vraiment charismatique, j'ai l'impression de voir des éponges qui s'écrase sans rien faire pour rendre leur âme. Seul point pour moi positif de ce tome c'est que, enfin, le roman devient polyphonique et ça donne une vision différente des événements. Mais ça n'empêche pas que je reste de plus en plus hermétiques aux petits secrets des uns et des autres, même Lucie devient à mes yeux moins intéressante et que dire d'Aphrodite qui a perdu de sa verve par es yeux de l'amour et donc commence aussi à m'agacer. Bon vous l'aurez compris, ça commence à sentir le roussi pour cette saga.

    <image> Les Extraordinaires - Julien Sandrel

    Dans l’entourage d’Anna, tout le monde le sait : à 6 ans, sur l’estrade du spectacle de fin d’année, elle a clamé qu’elle voulait être astronaute. Quarante ans plus tard cependant, Anna est bien loin des étoiles : elle est médecin généraliste, et sa vie est trop sage, arrêtée net par un très grand chagrin. Mais ce soir, pour son anniversaire, ses proches lui ont réservé une surprise : ils l’ont inscrite en grand secret au concours de l’Agence spatiale européenne, qui recrute ses futurs astronautes.
    Bien sûr, Anna leur dit qu’ils sont fous, remercie, refuse… mais le piège affectueux est bien tendu : un jour, Anna a promis à son plus jeune fils, Michael, qui se battait contre une maladie grave, de tout faire pour réaliser ce rêve de partir dans l’espace. Anna ne peut renier son serment, et se lance à corps perdu dans l’aventure. Lors de la première sélection, elle rencontre un petit groupe de candidats qui a décidé de s’entraider.
    Ils se sont baptisés « les Extraordinaires ». Anna sait bien que ses chances sont minces, mais épaulée par ces amoureux de l’espace aussi attachants que courageux et drôles, elle n’y peut rien : elle se met à croire à l’impossible…


    Pourtant une grande amatrice des romans de cet auteur, je reste après la lecture des extraordinaires très en retrait. Julien Sandrel est connu pour faire passer des émotions fortes dans ces histoires, en créant des personnages du quotidien attachant avec comme déclencheur une situation exceptionnelle. Ce livre ne révolutionne donc pas la soupe bien dosée de l'auteur mais sans y mettre de sel, de poivre ou tout autre ingrédient permettant d'agrémenter un tant soit peu la dégustation. Depuis 2018, Julien Sandrel c'est un roman estival par an, course à l'écriture, manque de recul, histoire essorée, doigts désabusée, j'ai vraiment eu la sensation que les mains  vigoureuses de la pression éditoriale ont fait leur effet.
    Au final, j'ai trouvé l'histoire des extraordinaires pas du tout extraordinaire, avec des personnages complétement caricaturaux sans nuance, au malheur lourdaud et qui ne ma pas fait pleurer dans ma chaumière. Je n'ai pas retrouvé cette sensibilité, cette délicatesse, cette petite étincelle qui nous brule la peau lorsque nos yeux courent sur les pages. Seule une toute petite flammèche éphémère m'a percuté dans l'avant dernière page du roman, trop peu pour apprécié ce roman.