Bonjour,
@Laurent Vo : je t'en dirai plus concernant le style musical quand je l'aurai lu ;)
@M. Kate : C'est le cas, j'aime bien le début de ce livre, j'ai le tome 2, mais il va falloir que je me procure le 3 maintenant. Merci.
Et je vous retrouve pour ma nouvelle chronique :
<image>Les Liaisons dangereuses - Pierre Choderlos de LaclosLa jeune Cécile Volanges quitte son couvent pour faire l’apprentissage du monde et épouser le comte de Gercourt, mais une de ses parentes, la marquise de Merteuil, entend profiter de ce projet de mariage pour se venger d’une infidélité que lui a faite autrefois Gercourt. Elle charge donc son complice, le vicomte de Valmont, de pervertir Cécile avant ses noces. Mais loin de Paris, dans le château de sa vieille tante, Valmont s’est de son côté mis en tête de séduire la dévote présidente de Tourvel, et une idylle bientôt se noue entre la « petite Volanges » et le jeune Danceny.J’ai abordé ce roman avec curiosité, un brin d’appréhension, et l’envie de découvrir ce monument de la littérature française (bon j'avoue que
Laurent Vo me l'avais super bien vendu, et qu'il m'a donné envie de vite le découvrir, merci à toi). Dès les premières lettres, l’écriture m’a happée, brillante, incisive, d’une justesse rare dans le ton masculin comme féminin.
Puis… le flottement. Trop de lettres. L'écriture épistolaire, aussi brillante soit-elle, m’a parfois lassée par son côté répétitif. Trop de tergiversations, trop de robes pour Cécile Volanges qui en change toutes les deux lettres, de postures parfois insupportable pour la Marquise de Merteuil, et de masques pour le Vicomte de Valmont. La marquise complote, Valmont tergiverse, la présidente de Tourvel soupire, et tous semblent tourner en rond dans un théâtre mondain où l’action se résume à l’attente d’une lettre suivante. Loin des préoccupations populaires, ces aristocrates ne vivent que d’amour et de stratégie, dans une société en apparence policée mais profondément cruelle.
Et pourtant, au cœur de ces échanges, un théâtre mondain comme je viens de le dire, se met en place : les personnages vont et viennent, esquivent ou s’affrontent, chacun entrant et sortant de scène comme dans une valse dramatique. J’avais davantage l’impression d’assister à une pièce bien orchestrée que de m’attacher à des êtres réels – et c’est sans doute là l’une des forces du texte.
Et pourtant… j’ai persisté. Et j’ai bien fait. Car si le cœur du roman m’a semblé un peu long, la dernière partie est une montée en puissance maîtrisée. Les lettres deviennent plus intenses, mieux rythmées, et les enjeux enfin révélés. J’ignorais le dénouement, et j’ai été saisie, fascinée même, par la cruauté, la jouissance perverse de certains personnages, et le désastre qu’ils sèment. Ce n’est pas une histoire d’amour, c’est un champ de bataille d’orgueil, de domination et de vengeance. Ainsi si certains personnages semblent tourner en rond, d’autres révèlent une profondeur inattendue dans leurs choix, leurs mensonges, ou leur silence. Pierre Choderlos de Laclos donne à voir des esprits calculateurs, cruels ou désabusés, et dresse le portrait d’un monde où la jouissance passe par l'humiliation.
Ce roman, pourtant ancré dans une époque révolue, m’a paru étrangement contemporain. L’hypocrisie sociale, les apparences trompeuses, la domination émotionnelle : tout cela pourrait être transposé dans nos sociétés modernes, à l’heure des messageries instantanées et des réseaux sociaux. Et comme le dit si bien ma mère : « les paroles s’envolent, les écrits restent ». Une vérité implacable, surtout dans cette œuvre où chaque mot peut se retourner contre son auteur.
Un texte brillant, parfois difficile, souvent troublant, mais d’une finesse psychologique remarquable. Pierre Choderlos de Laclos joue avec ses personnages comme ils jouent entre eux, et nous, lecteurs, ne pouvons qu’admirer la mécanique implacable de cette œuvre. Malgré quelques longueurs, ce classique m’a laissée songeuse, admirative, et peut-être un peu plus lucide sur les liaisons… dangereuses.