300 words a day keep the doctor away

 
  • Claire C

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    #21 18 Août 2023 12:09:22

    Super ! Alors je me suis lancée sur ce mot !

    Fait-il encore jour ? Est-ce déjà la nuit ?
    Cela fait plusieurs heures au moins que nous sommes enfermés dans cette salle sans fenêtres. Vissés sur nos chaises, accrochés à nos instruments, chacun les yeux rivés sur sa partition. Et lui, sur son piédestal, nous dirigeant d'une main de maître avec sa baguette. Mes souvenirs s'embrouillent, ne pas perdre le fils des notes.
    Mes doigts font automatiquement leur travail, et mon archet suit les gestes du maître. D'abord chacun pour soi, pour venir à bout de la technique, concentré, solitaire, dans ce bruit commun. Puis, sur un mot du maître : "la technique est dans les doigts, maintenant je veux plus d'ampleur, de générosité, de son !", nos archets se sont déliés, les sonorités ont pris le dessus, nous nous sommes retrouvés enveloppés dans cette musique, que c'était bon ! L'harmonie, l'entende, on pouvait percevoir cela dans l'ensemble, nous n'avions jamais ressenti cela avec cette force. Un frisson de jouissance nous a parcouru tous le corps. Chacun de nous s'est trouvé propulsé dans un univers qu'il ne maîtrisait pas et dans lequel chacun se fondait.
    Mais le maître n'a pas lâché sa baguette, et le morceau tourne en boucle dans cette salle close. Peu à peu le son a fait sa loi, la peur du silence s'est installée, l'envie de rester dans cette bulle musicale, et nous y sommes toujours. Cette fois nos corps nous font mal, les instruments nous dominent, nous avons perdu la faim, la soif, la liberté. Ma pensée se perd, tenir, encore, faire l'effort, encore. Les premières cordes se brisent, le vacarme est assourdissant. Continuer, tenir, faire avec, compenser la disparition des cordes, rester dans la bulle, suivre les gestes de cet homme. Jusqu'où allons-nous tenir ?
  • Delkinger

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    #22 18 Août 2023 12:32:01

    J'aime bien ce que tu as fait. Tu fais de la musique ? Je n'y avais pas pensé ainsi ! J'ai pris le mot "ampleur" au sens un peu plus littéral.

    Le mot d'aujourd'hui : ampleur

    Les yeux plissés par le soleil, les jambes douloureuses d’avoir tant grimpé, nous regardions le faucon s’apprêter à prendre son envol. En partant randonner en pleine nuit, nous ne pensions pas avoir droit à un tel spectacle. Ni Bess ni moi ne pipions mot. L’instant était à la contemplation.
    Le grand oiseau lissait ses plumes, perché au bord de la falaise. Ses yeux perçants balayaient la montagne autour de nous, les grands arbres persistants qui ployaient sous les courants d’air et les roches nues et hostiles. Où nichait-il ? Que faisait-il de si bonne heure ? Chassait-il ? Rejoignait-il sa famille dans un nid haut perché ? La vie des oiseaux recèle de mystères particuliers ; comment est-ce, la vie, vu d’en haut ?
    Le faucon ouvrit grand ses ailes chamarrées. Bess et moi retenions notre souffle. Déjà le soleil apparaissait à l’horizon, et la montagne, comme vivante, entamait sa douce respiration. L’oiseau sauta du haut de la roche sur laquelle il était perché, se laissa planer un instant avant de remonter en tournoyant. Son envergure lui donnait une ampleur, une grandeur qu’égalait sa grâce. Il monta haut dans le ciel, l’œil torve, déjà en recherche de proie peut-être. Puis, soudain, redescendit en piqué, regroupant ses majestueuses ailes contre son corps, disparaissant dans la vallée, hors de notre vue.
    Nous nous remîmes soudain à respirer. Sans dire mot, seulement appréciant le calme et la sérénité du moment, nous reprîmes notre marche. Le temps semblait se dilater sous nos pas, la montagne nous soulever, et le faucon qui tournoyait encore dans notre dos semblait nous crier son au revoir. Je souriais intérieurement.


    Ce que j'en ai pensé : Honnêtement, j'en ai bavé. Je ne connais rien aux oiseaux, alors je n'ai aucun vocabulaire spécifique à ce sujet, et pourtant, le mot "ampleur" m'a tout de suite évoqué un oiseau. J'ai essayé de partir dans cette direction mais je pense que j'ai un peu manqué de lâcher prise. J'aime bien ce que le texte dégage cependant.
  • Claire C

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    #23 18 Août 2023 14:42:18

    C'est très joli ton texte, une belle ode à la nature, bravo !
    Et oui, j'ai fait de la musique, en effet ;)
    J'espère que d'autres se laisseront bientôt tenter par cette aventure d'écriture que tu as proposé ! C'est super sympa et motivant comme partage je trouve, merci à toi !
    A toi de nous proposer le prochain mot, si tu veux bien.

    Dernière modification par Claire C (18 Août 2023 14:43:32)

  • Delkinger

    Lecteur averti

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    #24 18 Août 2023 21:21:29

    En tous cas ta passion pour la musique peut se ressentir dans ton écrit, bravo.
    Nouveau mot, un peu moins conceptuel : point.
    Je fais ça dimanche, mais je donne le mot en avance si tu veux un peu écrire dessus !
  • Claire C

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    #25 19 Août 2023 08:35:18

    Merci pour ton gentil mot, et pour ton nouveau mot et ok pour dimanche !
  • Claire C

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    #26 19 Août 2023 13:51:46

    Voilà, j'ai tenté quelque chose ! Je t'ai pris au mot, et j'ai fait de ce mot un mot conceptuel ;)

    Dans ce cours participatif sur les relations entre les mathématiques et la physique, je propose aujourd'hui qu'on discute autour du concept de point. Ca vous va ?
    - Bein, ça dépend ce que tu nous racontes là-dessus...
    - Bonne remarque, alors à vous de commencer à parler : c'est quoi pour vous un point ?
    - C'est ce qu'on met à la fin d'une phrase.
    - Bien, Maxime, je vois que tu es assidu aux cours de français ! Bon, plaisanterie à part, ta réponse est bien sûr pertinente et intéressante. Essayons de creuser un peu : le point que tu mets à la fin de la phrase, est-ce qu'il appartient au monde de la physique, ou au monde des maths ?
    - A la physique !
    - Aux maths !
    - Très bien, peut-on préciser ce qui vous fait penser cela ? Marine par exemple, pourquoi le point de Maxime appartient à la physique pour toi ?
    - Parce qu'on peut le représenter, on l'écrit, on le dessine, il a une réalité matérielle, donc physique.
    - Tout-à-fait Marine, pour cet aspect je suis d'accord avec toi. Et par rapport à l'aspect mathématique, que pensais-tu Johan ?
    - Je pensais que c'est aussi une séparation entre deux phrases, donc un peu comme un point en maths qui sépare deux segments. Ca a surtout un sens symbolique pour moi, même si c'est vrai qu'on le matérialise physiquement. Mais, en maths, sur les figures, on écrit aussi les points, et pourtant cela reste des mathématiques, non ?
    - Très intéressant ! En effet, même si le point mathématique n'a pas d'épaisseur, concept un peu dur à intégrer pour nos cerveaux habitués à côtoyer plutôt un monde physique, on le représente bien sur les figures. Tout dépend donc du point de vue qu'on adopte !
  • Delkinger

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    #27 20 Août 2023 19:26:43

    Claire C : Surprenant ton texte ! Marrant d'opposer monde mathématique à monde physique quand au fond tout est lié, et qu'en vérité un point reste un point. :)

    Le mot d'aujourd'hui : points

    C’était la première présentation de Marie, celle qui allait tout dire sur elle : son aise, sa perspicacité, son sérieux, son professionnalisme. Elle avait ouvert mille fois ses slides, vérifié que le câble HDMI de la salle de réunion fonctionnait correctement, vérifié son maquillage dans le miroir salle de la salle de bain mal éclairée. Elle avait répété son pitch devant sa mère, son père, son frère, sa meilleure amie et son chat. Elle était prête.
    Les parties prenantes étaient son N+1, sa collègue, et ses clients, qui devaient venir à trois. La réunion était prévue à onze heures, mais Marie tournait en rond dans l’open space depuis son arrivée. Incapable de se concentrer sur autre chose que sur cette échéance et sur les secondes qui s’écoulaient inexorablement.
    Elle éclaircit sa voix. Les clients avaient le mérite d’être silencieux – pour l’instant. Elle les accueillit avec un sourire. Elle en avait vu d’autres. Sa soutenance de mémoire ? L’anxiété l’avait rongé jusqu’aux os mais elle s’en était sortie avec un beau 14. Son entretien d’embauche ? Beaucoup de larmes avant, beaucoup de larmes après, mais une offre de poste à la clef. Elle saurait y faire.
    Le diaporama s’ouvrait sur une liste d’objectifs, répondant étrangement avec la feuille de primo-évaluation que son chef avait devant lui. Sa présentation était double : elle devait présenter au client le champ de son étude et montrer à son supérieur qu’elle méritait de passer la période d’essai.
    Premier point : Elaboration d’une feuille de route pour le projet, mais aussi avoir une attitude commerciale qui permet de mettre en confiance le client
    Second point : Etude de marché pour orienter les futures recherches, mais aussi avoir une présentation soignée
    Marie avançait lentement, la forêt de points à suivre et de cases à cocher dansait devant ses yeux.


    Ce que j'en ai pensé : Au début de mon écriture, je ne savais pas où est-ce que j'allais. J'ai vu directement au choix du mot une liste de bullet points dans une présentation. Et comme j'ai récemment lu un bouquin sur les cabinets de conseils, j'ai pensé intéressant d'essayer de creuser ce monde-là. La double vision de Marie m'est venue qu'après ! Je l'ai écrit assez vite, j'en suis plutôt contente.
  • Claire C

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    #28 21 Août 2023 10:12:23

    Coucou !

    @ Delkinger
    : Pour moi ce n'est pas si simple qu'un point est un point. Selon notre point de vue, on ne voit pas la même chose. Je suis d'accord avec toi que tout est lié, et je dirais que la vision des maths et de la physique ne sont pas opposées, mais différentes. Et le concept de point n'est pas intuitif en mathématiques, c'est même ce qui nous pose problème pour résoudre certains paradoxes.

    Je suis moins à l'aise avec le milieu du conseil, donc ton texte me touche moins que le précédent, mais il reste agréable à lire.

    Dernière modification par Claire C (06 Septembre 2023 15:58:15)

  • Claire C

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    #29 14 Septembre 2023 09:59:30

    Coucou ici !

    J'ai pris goût à ce petit exercice d'écriture, et si c'est possible, j'ai bien envie de continuer à poster de petits textes de temps en temps. Je vous propose mon texte d'aujourd'hui.
    Mot choisi : soeur.

    ***

    Marianne est fille unique. Elle s'est souvent imaginée avoir une soeur. Mais pas n'importe quelle soeur : une jumelle, exactement comme elle. Là, elle était sûre qu'elle aurait eu une amie garantie pour toutes les cours de récré par exemple. Et les longues heures passées chez la nounou, elles auraient joué comme des folles. Et, surtout, ce terrible tête à tête avec ses parents n'aurait pas eu lieu, jamais. Avec sa soeur, elles auraient ri, elles auraient brisé l'implacable silence de la maison.

    Oh, il n'y avait pas de cris, ni d'engueulades chez elle, quelle chance lui disait-on ! Et pourtant, comment décrire cette vie régie par le tintement de l'horloge, par l'ordre, la propreté, la bienséance. Ce sourire hypocrite et bien poli qui ne quittait pas les lèvres de ses parents. Des "bonjour", "bonsoir", toujours proprement échangés, mais personne ne franchissait le pas de la porte, pas d'invitations, pas de fêtes, pas de musique, pas de bruit.

    Oui, elle aurait voulu hurler, juste par horreur du silence, mais son effort restait sans son, son petit corps chétif était incapable d'aller au delà des limites fixées implicitement et imprimées jusque dans sa chair. Elle aurait voulu jeter tout par terre, faire naître un grand bordel, mais, invariablement, ses petites mains ne résistaient pas à l'habitude de ranger chaque chose à sa place. La force de l'habitude ? La peur de se heurter à l'inconnu ? La peur de voir ces visages exprimer autre chose que ce sourire d'automate ? Elle n'avait aucune réponse.

    Mais, petite, bébé, n'avait-elle pas pleuré ? Même une seule fois ? Ah, cette mémoire qui fuit quand on veut la tenir ! Non, pas moyen de remonter aussi loin dans son souvenir. Aussi loin que ses forces lui permettaient d'aller, elle voyait toujours les mêmes visages calmes, fermes, et lointains.

    ***

    Petit clin d'oeil à Maxime le Forestier, "Mon frère".

    Dernière modification par Claire C (14 Septembre 2023 14:32:43)

  • Claire C

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    #30 15 Septembre 2023 16:43:03

    Je prends tellement de plaisir à écrire ces petits textes !
    Encore un mot aujourd'hui : jouet.

    ***

    Elle s'appelait Wendy. Nous étions en CM2. Elle était arrivée en cours d'année. Elle avait les cheveux noirs, coupés au carré, avec un frange. Je n'arrive pas à me souvenir de la couleur de ses yeux. Elle avait le visage plutôt rond, avec quelques tâches de rousseur. Elle était de taille moyenne, assez carrée d'épaules, pas épaisse, habillée plutôt en survet.
    Elle était gaie, souriante, dynamique. Elle habitait à quelques pas plus haut sur la rue. Dans un petit immeuble de trois étages. Elle habitait au dernier étage.

    Dans son appartement, je me souviens de sa maman, et de son aquarium, avec plein de tous petits poissons colorés et un super système qui donnait tout seul la nourriture aux poissons à certaines heures. Wendy venait d'avoir un chien, un magnifique bébé labrador, couleur beige clair. Que nous en avons passé des heures toutes les deux dans la rue, avec un sac de friandises et un livre de dressage ! Sans grands succès pour nos "assis" ou "couché"... mais quelle aventure !

    Un jour, je ne sais plus pourquoi, elle m'a montré son garage. L'immeuble était parallèle à la rue, et en continuant tout droit au niveau de son numéro, on avait l'immeuble à notre droite et on passait sous une petite arche, et là il y avait une grande cour et des garages alignés, perpendiculaires à la rue, l'immeuble et les garages faisaient un grand L.
    Elle a ouvert, il devait y avoir une télécommande, puisque nous étions seules et je ne me souviens pas avoir contribué à ouvrir cette porte.

    Et là, la caverne aux merveilles ! Le garage était rempli de jouets du sol au plafond. Je n'en croyais pas mes yeux. Devant cette montagne de jouets, je me rappelle m'être exclamée quelque chose comme "Quelle chance tu as !". Et là, je me souviendrai toujours de sa réponse, elle est restée gravée comme une douche froide en moi : "Tu sais, je donnerais volontiers et tout de suite tous mes jouets, si cela pouvait faire en sorte que mes parents se remettent ensemble".

    ***