[Suivi lecture] Claire C

 
  • Claire C

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    #41 11 Août 2023 16:51:06

    @ Nicolas : C'est vraiment super ce forum, merci beaucoup pour tes mots.
    Ca m'encourage à continuer dans ces partages que j'aime !
    Au plaisir de te retrouver sur ton prochain suivi !
  • Claire C

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    #42 14 Août 2023 16:50:47

    Voilà, j'ai fini de lire l'Oeuvre de Zola, une belle première expérience de lecture commune sur Livraddict !
    Je trouve que ce roman laisse beaucoup à désirer pour garder une intensité digne de ses trois premiers chapitres. Mais ce n'est pas spécialement l'intrigue principale que je retiens de ce livre (de même que mon premier post sur ce livre, je ne mets pas de spoiler puisque je pense ne pas en dévoiler trop sur ce sujet). J'ai plutôt en tête quelques réflexions percutantes qui apparaissent à quelques endroits du roman. C'est parti pour mon pavé du jour !


    ** Le rapport à la création **

    "Il y en a, paraît-il, pour lesquels la production est un plaisir facile, bon à prendre, bon à quitter, sans fièvre aucune. [...] Est-il possible qu'on soit assez dépourvu de doute, pour croire en soi ?"

    Excellente question que je me pose aussi.

    "Ecoute, le travail a pris mon existence. Peu à peu, il m'a volé [...] tout ce que j'aime. C'est le germe apporté dans le crâne, qui mange la cervelle, qui envahit le tronc, les membres, qui ronge le corps entier. Dès que je saute du lit, le matin, le travail m'empoigne, me cloue à ma table, sans me laisser respirer une bouffée de grand air ; puis, il me suit au déjeuner, je remâche sourdement mes phrases avec mon pain ; puis, il m'accompagne quand je sors, rentre dîner dans mon assiette, se couche le soir sur mon oreiller, si impitoyable, que jamais je n'ai le pouvoir d'arrêter l’œuvre en train, dont la végétation continue, jusqu'au fond de mon sommeil..."

    J'aime cet état, ce don de soi dans une œuvre qui dépasse la seule personne. Et plus je lis plus je vois que scientifiques et artistes se rejoignent dans cet état de créativité. J'aime lire à ce sujet, et c'est encore par les mathématiciens que j'ai choisi d'entrer dans ce domaine avec Jacques Hadamard, The Mathematician's Mind. Ce livre est un bijou, écrit par Hadamard (mathématicien français) en anglais, pendant la seconde guerre mondiale où il est aux Etats-Unis (il me semble, point à vérifier néanmoins).

    Jacques Hadamard est un nom peu connu aujourd'hui, et pourtant cela semble avoir été un homme très attachant, et un mathématicien de talent, Il a fallu qu'un étranger (Vladimir Mazya, mathématicien russe (décidement !)) publie le premier sa biographie en anglais (Jacques Hadamard: A Universal Mathematician). J'ai découvert récemment qu'elle a été traduite en français. Pour l'anecdote, ce serait Jacques Hadamard qui a inspiré le personnage, très distrait, du professeur cosinus (cf la série de bandes dessinées de Christophe : l'Idée fixe du savant cosinus).

    J'ai lu d'autres livres depuis celui-là, toujours dans la veine scientifique :
    - Fors intérieurs, d'Isabelle Boccon-Gibod, qui interroge quelques mathématiciens sur leur quotidien et leur façon de créer. Je trouve très beaux et très forts leurs témoignages.
    - Les coulisses de la création, une dialogue entre mathématiques (avec Cédric Villani) et et création musicale (avec Karol Beffa). L'idée est très jolie d'échanger entre les disciplines, même si ce livre m'a laissée un peu sur ma faim, je l'ai trouvé moins profond que je l'avais espéré.
    - Théorème vivant de Cédric Villani, qui parle aussi beaucoup de cette obsession, de cette recherche.

    Et cette dernière référence me renvoie à l'Oeuvre, parce que, clairement, Villani cherche la médaille Fields et travaille quelques années dans le seul but de l'obtenir. Donc je me pose la question des motivations, derrière ce travail de création.


    ** Récompenses et bons points dans le présent **

    "n'était-ce pas une honte, ces médailles, ces croix, toutes ces récompenses qui déshonoraient l'art, tant on les distribuaient mal ? Est-ce qu'on devait rester d'éternels petits garçons en classe ? Toutes les platitudes venaient de là, cette docilité et cette lâcheté devant les pions, pour avoir des bons points !"

    L'Oeuvre est écrite en 1886 et Zola fait un rapprochement intéressant entre le développement de l'Ecole, et celui des récompenses artistiques. Il faut que je me plonge mieux dans ces deux histoires pour en comprendre les liens.


    ** Recherche de l'immortalité **

    "l'enseignement classique a tout déformé, nous a imposé comme génies des gaillards corrects et faciles, auxquels on peut préférer les tempéraments libres, de production inégale, connus des seuls lettrés. L'immortalité ne serait donc qu'à la moyenne bourgeoise, à ceux qu'on nous entre violemment dans le crâne, quand nous n'avons pas encore la force de nous défendre..."

    "Il suffit de se dire qu'on a donné sa vie à une œuvre, qu'on n'attend ni justice immédiate, ni même examen sérieux, qu'on travaille enfin sans espoir d'aucune sorte, uniquement parce que le travail bat sous votre peau comme le cœur, en dehors de la volonté ; et l'on arrive très bien à en mourir, avec l'illusion consolante qu'on sera aimé un jour..."

    "As-tu jamais songé à cela, toi, que la postérité n'est peut-être pas l'impeccable justicière que nous rêvons ? On se console d'être injurié, d'être nié, on compte sur l'équité des siècles à venir, on est comme le fidèle qui supporte l'abomination de cette terre, dans la ferme croyance à une autre vie, où chacun sera traité selon ses mérites. Et s'il n'y avait pas plus de paradis pour l'artiste que pour le catholique, si les générations futures se trompaient comme les contemporains, continuaient le malentendu, préféraient aux œuvres fortes les petites bêtises aimables !... Ah ! quelle duperie, hein ? quelle existence de forçat, cloué au travail, pour une chimère !..."

    Alors, le but de créer, c'est l'espoir de la reconnaissance, ou le besoin de se délivrer ? Un peu des deux ? Et comment faire la différence, pour des œuvres d'aujourd'hui ou dans le passé, entre les bêtises aimables et les créations fortes ?


    ** Romantisme, Réalisme, Naturalisme **

    "notre génération a trempé jusqu'au ventre dans le romantisme, et nous en sommes restés imprégnés quand même, et nous avons eu beau nous débarbouiller, prendre des bains de réalité violente, la tache s'entête, toutes les lessives du monde n'en ôteront pas l'odeur."

    "notre génération est trop encrassée de lyrisme pour laisser des œuvres saines. Il faudra une génération, deux générations peut-être, avant qu'on peigne et qu'on écrive logiquement, dans la haute et pure simplicité du vrai... Seule, la vérité, la nature, est la base possible, la police nécessaire, en dehors de laquelle la folie commence ; et qu'on ne craigne pas d'aplatir l’œuvre, le tempérament est là, qui emportera toujours le créateur. Est-ce que quelqu'un songe à nier la personnalité, le coup de pouce involontaire qui déforme et qui fait notre pauvre création à nous !"

    Beaucoup reste à comprendre pour moi des différences et évolutions entre romantisme, réalisme, et naturalisme. Ce livre m'ouvre les portes pour creuser davantage, et j'ai passé du temps ces derniers jours sur wikipédia pour m'y retrouver un peu mieux, j'ai fait une moisson de livres pour plonger dans ces sujets, miam !


    ** Nature, science, progrès, bonheur... Sujets modestes pour finir **

    "Sandoz, qui ne pouvait voir couper un arbre sans sans montrer le poing au bûcheron, pâlissait de la même colère, exaspéré qu'on se fût permis d'abîmer la nature."
    En recopiant cette phrase, je me rends compte qu'elle bat le record des accents circonflexes !

    "Je crève de tristesse, et je sens tout qui crève... Ah! oui, l'air de cette époque est mauvais, cette fin de siècle encombrée de démolitions, aux monuments éventrés, aux terrains retournés cent fois, qui tous exhalent une puanteur de mort ! Est-ce qu'on peut bien se porter, là-dedans ? Les nerfs se détraquent, la grande névrose s'en mêle, l'art se trouble : c'est la bousculade, l'anarchie, la folie de la personnalité aux abois... Jamais on ne s'est tant querellé et jamais on n'y a vu moins clair que depuis le jour où on prétend tout savoir."

    "C'était fatal [...] cet excès d'activité et d'orgueil dans le savoir devait nous rejeter au doute ; ce siècle, qui a fait tant de clarté devait s'achever sous la menace d'un nouveau flot de ténèbres... Oui, notre malaise vient de là. On a trop promis, on a trop espéré, on a attendu la conquête et l'explication de tout ; et l'impatience gronde.  Comment ! On ne marche pas plus vite ? La science ne nous a pas encore donné, en cent ans, la certitude absolue, le bonheur parfait ? Alors, à quoi bon continuer, puisqu'on ne saura jamais tout et que notre pain restera aussi amer ? C'est une faillite du siècle, le pessimisme tord les entrailles, le mysticisme embrume les cervelles ; car nous avons eu beau chasser les fantômes sous les grands coups de lumière de l'analyse, le surnaturel a repris les hostilités, l'esprit des légendes se révolte et veut nous reconquérir, dans cette halte de fatigue et d'angoisse... Ah ! certes ! Je n'affirme rien, je suis moi-même déchiré. Seulement, il me semble que cette convulsion dernière du vieil effarement religieux était à prévoir. Nous ne sommes pas une fin, mais une transition, un commencement d'autre chose... Cela me clame, cela me fait du bien, de croire que nous marchons à la raison et à la solidité de la science..."

    Là encore, comprendre comment le "progrès" technique lié à la science est perçu dans certaines époques comme le chemin, et à d'autres comme l'anti-chemin. Il y a de nombreux allers-retours : Les Lumières (glorifient la "raison"), puis la Réaction du romantisme (met les sentiments et la rêverie à l'honneur), puis le Réalisme (qui veut décrire le vrai tel qu'il est).

    Ca me fait penser à un titre de Philippe Bihouix, Le bonheur était pour demain. Promesses d'un avenir toujours meilleur grâce à la technologie, et toujours différé... Je n'ai pas lu celui-là, j'ai plutôt lu L'âge des Low Tech de Bihouix. Je trouve ce livre écrit très vite et un peu brouillon, à l'encontre de l'idée de ralentir, et de faire mieux les choses. Cela mis à part, une belle marche à suivre et plein d'idées sont proposées !

    D'ailleurs, à ce sujet, je me demandais comment sont choisies les catégories du Prix Livraddict, et si elles sont figées. Je m'attendais à y trouver une catégorie "Enjeux de société" ou équivalent, pour les livres qui fleurissent ces dernières années et nous encouragent réfléchir à l'écologie au sens large.

    Dernière modification par Claire C (14 Août 2023 16:52:46)

  • Grominou

    Administratrice

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    #43 15 Août 2023 03:20:23

    Coucou! Je passe rapidement, je n'ai pas eu le temps de lire attentivement tout ton post, mais concernant le Prix Livraddict, les organisatrices essayent d'intégrer une section essai ou non fiction depuis queques années, mais c'est difficile d'avoir assez de titres se qualifiant à la fois par rapport au critère du nombre de votes sur la fiche BBM (typiquement cela prend 20 votes) et au critère de la note moyenne assez élevée.  N'hésite pas à en faire la remarque sur ce post, cela pourrait encourager les organisatrices à essayer encore plus fort l'année prochaine!
  • Livrepoche.fr (Nicolas)

    Lecteur professionnel

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    #44 15 Août 2023 09:27:09

    Salut Salut,

    Bel exposé encore une fois. Je n'ai pas encore lu L'oeuvre mais j'ai l'impression que Zola fait encore un beau tableau critique de son temps et de l'art en général. Pour tes références non-fiction, elle me passe au-dessus de la tête. Tout juste un nom entendu dans les média (Villani) et encore. Je suis décidément un lecteur exclusif de romans.
  • Claire C

    Passionné du papier

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    #45 15 Août 2023 09:57:18

    Coucou !

    Merci Grominou pour  ton passage ici et tes précisions, oui ça me plairait qu'il y ait une section non-fiction, je vais voir ce que je peux poster dans ce sens !

    Merci pour ton retour Nicolas. J'étais comme toi à une époque, je ne supportais pas les gens qui parlaient sans le décor d'une fiction. Et puis à une période de ma vie, plus moyen de lire des fictions. Je trouvais que j'étais seulement dans la subjectivité d'une personne, et que tout ce que je vivais dans un roman était faux et mensonger, puisque créé de toutes pièces par un seul cerveau. Alors j'ai lu plus d'essais, des gens qui parlent avec leur vrai visage, sur la société, sur les parties de la vie qui existent, qu'ils expérimentent, qu'ils connaissent. J'avais l'impression que le cadre était plus clair et plus honnête au moins. Petit à petit je me réouvre aux deux mondes. A la fois j'apprécie de me faire emmener dans un roman, et entrer dedans est plus facile, et je finis souvent frustrée parce que l'auteur n'a pas forcément emmené les personnages là où j'aurais imaginé.
    Tu ne lis pas non plus des biographies ou des autobiographies ? Certaines peuvent ressembler à des romans dans la forme.
  • Claire C

    Passionné du papier

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    #46 16 Août 2023 10:29:35

    Nouvelle lecture démarrée !
    Je vais essayer de ne pas oublier pas trop longtemps les romans. D'ailleurs les lectures communes Livraddict sont là pour m'aider. La prochaine en septembre pour moi !

    Mais là, j'avais un grand besoin de changer de domaine et de changer de langue, même si je garde le lien avec l'esprit créateur et la même période historique. Mon choix s'est en effet porté sur le début du premier volume de : The World of Mathematics, de James Newman.
    Ce volume s'ouvre sur un petit ouvrage pas très long de Philip Jourdain (1879 - 1919) : The Nature of Mathematics. Petite citation pour se mettre en appétit : "I hope that I shall succeed in showing that the process of mathematical discovery is a living and a growing thing."

    J'ai mis quelques années à réunir les 4 volumes de cet ouvrage physiquement dans ma bibliothèque. J'ai découvert cet auteur par John Holt. Dans son livre, Learning all the time, il mentionne sa relation avec les mathématiques, que je trouve très jolie, et il cite un ouvrage qui lui a plu : Mathematics and imagination, d'Edward Kasner et James Newman. J'ai donc commandé ce livre (je n'ai pas encore trouvé d'autres pistes qu'Amazon, pour ces bouquins des éditions Dover en anglais, si vous avez d'autres pistes plus éthiques, je suis intéressée !), et je l'ai lu avec beaucoup de plaisir.

    J'aime leur manière de parler de mathématiques, ""Haute vulgarisation" is the term applied by the French to that happy result which neither offends by its condescension nor leaves obscure in a mass of technical verbiage. It has been our aim to extend the process of "haute vulgarisation" to those outposts of mathematics which are mentioned, if at all, only in a whisper ; which are referred to, if at all, only by name ; to show by its very diversity something of the character of mathematics, of its bold, untrammeled spirit, of how, as both an art and a science, it has has continued to lead the creative faculties beyond even imagination and intuition." Je leur tire mon chapeau pour ce beau travail. Et pour l'anecdote (j'ai posé cette question dans mon topic de présentation mais sans réponse, je retente une fois ici !) : savez-vous ce qu'est un Googol ?

    Et donc j'ai creusé pour retrouver cette belle manière d'écrire sur les mathématiques, et je suis tombée sur ces 4 Volumes, réunissant des textes de différents auteurs, sélectionnés soigneusement par James Newman : "It is more than fifteen years since I began gathering the material for an anthology which I hope would convey something of the diversity, the utility and the beauty of mathematics". C'est un trésor pour moi. Il m'a fallu quelques tentatives de commandes malheureuses pour pouvoir les recevoir enfin. C'est ainsi que j'ouvre le premier volume et que je lis les premières lignes. J'espère que ces livres seront à la hauteur de mes attentes !
  • Grominou

    Administratrice

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    #47 16 Août 2023 22:36:25

    savez-vous ce qu'est un Googol ?


    Aucune idée! :grat:

  • Livrepoche.fr (Nicolas)

    Lecteur professionnel

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    #48 17 Août 2023 08:52:22

    Claire C a écrit

    Et pour l'anecdote (j'ai posé cette question dans mon topic de présentation mais sans réponse, je retente une fois ici !) : savez-vous ce qu'est un Googol ?


    Je ne sais pas non plus mais je soupçonne que c'est pas un compliment et que ça à un rapport à Google.

  • Claire C

    Passionné du papier

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    #49 17 Août 2023 09:36:34

    Merci Grominou, mon soutien indéfectible sur ce forum :pink:

    Et merci Nicolas aussi ! En effet, ce n'est pas un compliment. Et oui, je suppose que c'est là d'où est inspiré le nom de Google.

    Un googol, c'est un 1 suivi de 100 zéros. "The name "googol" was invented by a child (Dr. Kasner's nine-year-old nephew) who was asked to think up a name for a very big number, namely, 1 with a hundred zeros after it."

    Dernière modification par Claire C (17 Août 2023 10:08:55)

  • Mypianocanta

    Gardien du savoir

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    #50 17 Août 2023 11:48:02

    Je t'admire de lire tous ces essais, j'avoue qu'en-dehors du boulot je n'ai plus vraiment le courage de le faire (pourtant ma wish-list en regorge) et je lis principalement pour me changer les idées (donc plus de romans qu'autre chose).
    En tout cas je ne connaissais pas le googol, je vais essayer de le retenir :)