Souvenirs à partager

 
  • brijoudu93

    Lecteur professionnel

    Hors ligne

    #71 10 Mai 2024 17:54:47

    Claire C a écrit

    Oui bien sûr. Le forum s'appelle "Jeunes écrivain.e.s", tu es la bienvenue là-bas !


    merci

  • Claire C

    Passionné du papier

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    #72 17 Août 2024 16:35:19

    Leçon d'écriture

    "Il existe dans tous les sentiments humains une fleur primitive, engendrée par un noble enthousiasme qui va toujours faiblissant, jusqu'à ce que le bonheur ne soit plus qu'un souvenir et la gloire un mensonge."

    Honoré de Balzac, Le chef d'oeuvre inconnu

    ***

    Par le plus grand des hasards, je viens de faire deux courtes lectures consécutives dont l'enchainement s'est révélé un pur trésor. La première était Le chef d'oeuvre inconnu de Balzac. J'aime Balzac, je l'aime parce que mon père avait quelques uns de ces romans. Les livres étaient rares chez mes parents, et, jeune, je ne sais par quel miracle, je me suis autorisée à les lire.

    Du fond de mes incapacités, de mes difficultés à vivre le quotidien, à comprendre ce qu'on attendait de moi au milieu des colères et des messages contradictoires, je me suis réfugiée toute entière dans les livres. Je vivais plus fort la vie des personnages écrits sous la plume de Balzac, d'Alexandre Dumas, de Camus, de Vian, que ma propre vie à moi.

    La beauté du style balzacien me touche toujours, même si cela fait bien longtemps que je n'avais pas ouvert un de ces ouvrages. Celui-ci est très court, un peu frustrant pour qui aime le monde décrit par ce gigantesque auteur, et les nuances psychologiques qu'il décrit si bien. J'ai donc aimé lire ce petit texte sur l'art, entre amour et folie.

    Dans ce récit, on parle de peinture. C'est visuel, et c'est très intéressant. Trois peintres se penchent sur une oeuvre. Un débutant, enthousiasmé par la peinture qu'il regarde. L'auteur du tableau, un maître connu, qui donne à voir son travail. Et, un ancien, le Dieu même de la peinture, de l'art, qui indique fiévreusement en quoi le tableau présent rate la perfection.

    Les explications de cet ancien sont vibrantes. Il vante la perfection de la reproduction de la nature et reconnait l'exacte restitution de l'artiste. Mais, il ajoute qu'un oeuvre d'art doit montrer plus que la réalité, que sa copie ne produit qu'une figure sans vie. Il faut emmener un tableau au-delà de la juste reproduction des formes. Il faut faire vivre son oeuvre, la faire respirer.

    En quelques touches de pinceau, l'ancien corrige le tableau du maître et parvient brillamment à faire sortir la peinture de la toile, sous le regard émerveillé des deux autres compères. Cette leçon est inestimable pour le débutant, qui s'avère être Nicolas Poussin, et qui deviendra à son tour un grand maître peintre, un joli clin d'oeil à l'histoire de la peinture de la part du romancier.

    Moi qui débute en écriture, qui suis toujours pleine d'enthousiasme et de doutes, je me pose alors la question : qu'en est-il en écriture ? Combien doit-on retravailler une oeuvre qui sort presque d'elle même de la main de son auteur ? Comment faire la différence entre une situation qui est vivante, qui respire, et une qui reste figée sur le papier, sans parvenir à s'en extraire ?

    La vie m'a sans doute encore une fois guidée. J'ai choisi sur mon étagère un autre petit texte, que je souhaitais lire depuis quelques mois. Pourquoi l'ai-je sorti à ce moment là ? Je l'ignore, mais le hasard a très bien conduit ma main. Il s'agit de L'homme qui plantait des arbres, de Jean Giono. Sans avoir en tête le moindre lien à faire avec ma lecture précédente, je me suis plongée dedans.

    Tout de suite, je suis émue jusqu'aux larmes. Tout me touche au coeur. Le style est d'une simplicité et d'une pureté inégalable. Et là, je constate que ce qui est décrit dans cette petite oeuvre de Giono, vit. Son personnage respire, on sent le vent, les arbres. Le récit m'enveloppe, je vis au rythme du narrateur, je suis dans ses pas, son expérience vient me posséder de l'intérieur.

    Je repense alors au chef d'oeuvre inconnu. Et, soudain, je comprends ce que l'ancien à voulu dire en regardant le tableau. Giono éclaire le récit de Balzac d'une nouvelle lumière. Il me montre combien ce dernier est resté coincé entre les lignes. Je le sens tellement plus travaillé, plus littéraire, plus intellectuel. C'est beau, c'est très bien fait, et pourtant cela ne respire pas.

    Giono ne s'embarrasse pas de longues descriptions. En quelques mots, le décor est tracé, nous y sommes avec lui. Son personnage n'est pas parfaitement imagé, et pourtant, je le sens vivre, bouger. J'ai bénéficié là d'une très belle leçon d'écriture, que je m'approprie et réécris à ma façon. J'ai l'impression d'avoir mis en perspective ces deux récits et de pouvoir constater lequel jouit d'une dimension supplémentaire.

    Penserai-je encore cela demain ? Je n'en sais rien. C'est ma sensibilité du moment qui réagit. Mon coeur est attiré par la simplicité et la nature en ce moment. La thématique du second récit me parle sans doute beaucoup, et j'ai plus de facilité à la visualiser. Et pourtant, une partie de moi est atteinte de la fièvre d'écriture, à son humble niveau certes, mais avec toute la passion et l'entièreté dont je suis capable. Parler de création artistique devrait donc me faire vibrer tout autant.

    Même si, contrairement à ce que semble penser et poursuivre l'ancien dans le texte de Balzac, je ne crois pas à l'oeuvre parfaite, absolue. Je crois que la beauté est mouvante, selon les perceptions, les époques, les modes, les coeurs, les préoccupations... Je crois que ce qui me touche si fort aujourd'hui me touchera peut-être moins demain, que les époques de la vie se nourrissent d'ingrédients différents, que l'écriture vit et évolue, comme sa soeur jumelle, la lecture.

    Ainsi, sans vouloir l'inscrire dans un immuable futur, puisque je laisse la vie me parler encore et faire changer mes idées, je souhaite garder ici la trace de cette expérience littéraire forte. Ce fut un honneur d'écouter aux portes des grands maîtres, et j'en suis encore toute émue. Ces lectures en poche, je continue ma route, enthousiaste, débutante et pleine de doutes, chanceusement entourée de quelques étoiles scintillantes, sur les chemins de mon authenticité.

    ***

    Dernière modification par Claire C (18 Août 2024 16:04:45)

  • brijoudu93

    Lecteur professionnel

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    #73 17 Août 2024 21:20:14

    quels jolis retours qui me donnent envie de me plonger (quasi) IMMEDIATEMENT dans ces deux livres !
    merci pour ces lignes pleines d'entrain et d'enthousiasme !

    et les voilà tous les deux sur ma MAL (montagne à lire)

    Dernière modification par brijoudu93 (17 Août 2024 21:23:14)

  • Claire C

    Passionné du papier

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    #74 18 Août 2024 10:37:41

    Merci pour ton commentaire, chère Brijou !
    Te lire me donne toujours le sourire, et j'adore tes jeux avec les mots. Vive la MAL !
  • Claire C

    Passionné du papier

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    #75 21 Janvier 2025 17:18:43

    Rayon de Soleil

    ***

    Dans le marasme du quotidien, les méandres de l'intimité malade et contagieuse, une lumière soudain se fait : quelqu'un nous a écoutés. Dans la tornade où nous étions englués, voilà que le vent s'est apaisé. Un regard bienveillant nous a regardés. Nous voyons la situation de plus loin, avec recul. La tête dans le guidon, tout semble si fort, intense, terrible ! Mais quelques pas offerts par une vision lucide et décalée semblent d'un coup remettre Lucifer sous scellé.

    Après tout, ce n'est qu'une grosse vague, nous sommes loin de nous noyer. Un geste après l'autre, sans psychoter, nous voilà sortis du brouillard et en route vers la santé. Comment décrire encore les bienfaits de l'amitié ? Je voudrais les chanter, louer tous ces contacts humains qui remplissent de chaleur la dureté de certaines journées, qui rendent la vie acceptable quand on aurait du mal à la supporter.

    C'est comme un matin d'hiver glacial, on ouvre les volets et tout est blanc givré. Le brouillard nous enveloppe et ajoute des touches de grisaille à tout le paysage d'un blanc froid et piqué. Non, ce n'est pas la douceur de la neige avec son silence et sa grande paix, c'est le tranchant du givre qui hérisse ses milles pointes sur tout le règne végétal. On se sent enfermé dans cette prison blanche grisée.

    Puis, les nuages se font tous fins, et un rayon de ciel bleu apparaît. Le paysage s'illumine, tout devient clarté. Le bleu clair du ciel est limpide. Pureté. Le froid pénètre par le regard, et pourtant on est saisi de la beauté qui se donne à nous de tous côtés. Les reflets ensoleillés font briller les mille facettes givrées de la nature qui, cette fois, a fière allure sous sa parure glacée. Un nouveau monde apparaît, splendide, puissant, plein de promesses malgré le froid cuisant.

    ***
  • brijoudu93

    Lecteur professionnel

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    #76 21 Janvier 2025 22:42:21

    quel joli texte si plein de très jolis mots !
    merci pour ce moment poétique qui a adoucit ma soirée !
    au plaisir !
  • Claire C

    Passionné du papier

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    #77 08 Avril 2025 14:30:54

    Instant

    ***

    Je suis en train de me promener dans mon jardin, quand mon oeil est attiré par une forme grise sur un chemin. Bizarre, normalement il n'y a pas de cailloux sur mes graviers rouges. Je m'approche. C'est un oiseau, statique, sonné. Il est assis sur ses pattes, quelques gouttes de sang le tâchent, et il n'a plus de queue. Un rouge-gorge. C'est le printemps, et je connais cet oiseau pour être le plus bagarreur du jardin avec ses semblables. Mais aussi le plus attachant avec les êtres humains.

    On a même nommé Ernest un rouge-gorge du jardin qui nous suit partout quand on va dehors de l'automne à la fin de l'hiver. On le présente à nos visiteurs. Au printemps il en apparaît plusieurs qui se chamaillent souvent, impossible de reconnaître celui qui se fond parfois avec notre ombre, et qui est même entré plusieurs fois dans la maison. Quand on aère un peu trop, ce petit curieux entre, et c'est toute une histoire pour le faire sortir, heureusement, on y parvient toujours.

    J'ai donc un petit rouge gorge blessé devant moi. Ernest, est-ce toi ? Je ne sais pas. Ses yeux clignotent doucement, il est faible mais vivant. Je l'attrape délicatement dans mes mains, il ne se débat pas. Je le mets au chaud et à l'ombre dans la véranda, sur une soucoupe que je remplis de foin, avec une petite coupelle d'eau à côté de lui. Il ne boit pas, ne bronche pas. Ses grands yeux noirs me regardent. Comment puis-je t'aider ? Je ne sais pas. Je m'écarte, je le laisse respirer.

    Il déplie ses ailes et les replace. Plus de mouvement. Je me prépare à le soigner longuement jusqu'à ce que ses plumes de queue repoussent et qu'il puisse voler à nouveau. Je le regarde encore, derrière la porte-fenêtre, puis je le vois frissonner de tout son corps, et lentement, se coucher sur le côté. Je comprends qu'il n'a pas réussi à lutter, qu'il abandonne, épuisé. Je me rapproche, j'essaie de poser quelques gouttes d'eau avec mon doigt sur son bec, mais il ne s'ouvre pas.

    Ses yeux me regardent toujours et lentement se ferment. Le petit coeur cesse de battre entre mes doigts. Je suis triste. J'attends quelques temps en silence. Puis je lui prépare un petit endroit dans le jardin où je l'installe sur son foin, et entre les branches je lui fais un petit cercueil de verdure. Je le dépose délicatement dans la nature. Je suis désolée petit oiseau, je n'ai pas pu te sauver, je n'ai pas su faire, je te demande pardon. Adieu petit être si fragile, si léger, repose en paix.

    ***
  • brijoudu93

    Lecteur professionnel

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    #78 08 Avril 2025 19:30:11

    que de jolis mots ! quel texte joli malgré la tristesse qui s'en dégage !
    Ce petit oiseau est sûrement parti au paradis des oiseaux où je lui souhaite d'avoir trouvé la paix !

    <image>

  • Claire C

    Passionné du papier

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    #79 10 Avril 2025 10:47:04

    Merci Brijou pour ton soutien sans faille :heart: ! Et pour cette jolie photo ! Wha, j'ai encore du chemin à faire pour faire manger des oiseaux dans ma main !