drôle d'oiseau

 
    • rascasse

      Baby lecteur

      Hors ligne

      #1 31 Octobre 2010 09:05:58

      Un poème en vers libres sur l'amour... et ses bizarreries. Un simple exercice de style mais souvent apprécié par les visiteurs de mon site.




                      Drôle d'oiseau



          La première fois qu'elle vint jusqu'à mon cabinet
          Son œil s'auréolait d'une sombre ecchymose.
          Une armoire, me dit-elle, rancunière et tenace,
          Valait explication de son œil tuméfié.
          Rancunière c'était à l'évidence vrai
          Et d'une ténacité chevillée au corps
          Puisque je la revis près d'une dizaine de fois
          Afin de soulager diverses plaies et bosses.
          Je l'incitai très vite à se séparer de cette armoire
          Qui, si elle n'y prenait garde, aurait un jour sa peau.
          Elle fit mine de croire qu'à ses dires j'étais dupe
          Jusqu'au jour où elle vint, estafilade au bras.
          De fil à suturer les plaies
          En aiguille à broder des bobards
          Elle finit par m'avouer sa moitié de mensonge.
          Son mari était une véritable armoire à glace
          Qui au coeur de leurs ébats amoureux
          Décuplait son plaisir par le biais de violences.
          Fuyez, l'encourageai-je, un jour j'en suis certain
          Tout cela finira mal sous ces mâles outrages.
          Hélas, tempéra-t-elle, je ne saurai guère où aller
          D'autant, confessa-t-elle dans un sourire contrit,
          Que je trouve en ces caresses féroces un plaisir coupable.
          Je ne sus que lui répondre instruit des sombres liens
          Qui tiennent les victimes aux bras de leurs bourreaux.

          Quelques mois s'éloignèrent où je ne la revis
          Jusqu'à ce jour d'automne que la pluie moissonnait
          Où elle vint me confier son dos tout lacéré
          Qu'un cuir de ceinture avait zébré aux chairs.
          Lorsqu'au dossier d'une chaise son chemisier eut chu
          Elle me fut révélée sans que je m'y attende
          Dans les dessous rouge vif d'une soie arachnéenne
          Qui en révélaient plus qu'ils n'auraient su cacher.
          Mon coeur à cette vue fit un bond en avant
          Dont je sentis l'écho tendre mon pantalon.
          Je prodiguai les soins qui s'avéraient nécessaires
          Et puis bien d'autres encore qui eux ne l'étaient point.
          Quand la mer des émois eut recouvré son calme
          Je lui fis sans détour cette déclaration :
          Mon coeur, madame, est vierge de toute attache
          Et il ne tient qu'à vous de briser là ce drame.
          Et si, osai-je ajouter pour mieux la rassurer,
          L'envol de nos passions vous paraissait trop sage
          Je me ferais violence pour éveiller vos frissons.
          Elle me parut émue par ma proposition
          Mais m'implora qu'au temps je lui laisse réflexion.
          J'élève des oiseaux, me confia-telle avant de s'envoler,
          Je saurai par leur biais vous adresser un signe.

          L'automne s'en est allé, et l'hiver avec lui
          Sans que je ne connusse le doux heur de la revoir
          Mais voilà une semaine qu'au coeur de mon jardin
          Un rouge-gorge se trémousse pas peureux pour un sou.
          Il vient jusqu'en ma main grappiller quelques miettes
          Et j'aurais peine à croire de ne savoir d'où il vient
          Mais au vrai peu m'importe ce rouge-gorge soutien
          Quand mon âme se languit d'un soutien-gorge rouge.