#1 17 Août 2016 21:44:50
Encore un petit texte écrit pour passer le temps :
Fallait-il faire du mal à quelqu'un pour aider un être cher ?
Il n'y a pas si longtemps, Heidi n'aurait pas vraiment su quoi répondre, en se disant quand même que c'était cruel de s'en prendre à quelqu'un qui n'avait rien demandé. Cruel et égoïste. Mais elle ne s'était jamais retrouvée au pied du mur auparavant.
Oui, auparavant. C'était bien le mot.
Parce que les choses avaient changé depuis. Elle menait une vie normale et même heureuse malgré les disputes entre ses parents. Cela ne faisait pas que les empoisonner, eux : sa mère, Lisa, était une véritable mégère. Elle s'était déjà mis un premier mari à dos, et il était parti sans un regard en arrière ; Heidi avait mal pris le premier mariage de sa mère, elle qui pensait que son père avait été le seul homme de sa vie...Elle s'était bien trompée ! Donc, ce premier époux parti, Lisa avait réussi à se brouiller avec sa sœur cadette avec qui ça n'allait déjà pas fort à la base ; pourquoi ? Parce qu'elles étaient intéressées par le même garçon ! La cadette, Cecilia, sortait avec ce type avant que sa sœur le lui pique...et voilà qu'il avait fui sa terrible épouse quelques années plus tard ! C'était ironique et tellement stupide : Heidi n'avait plus vu sa mère de la même façon après avoir su cela. Par contre, elle en appréciait d'autant plus sa tante, qu'elle trouvait géniale, ainsi que le fils de cette dernière, son cousin, un peu plus âgé qu'elle.
Ce cousin, Heidi l'idolâtrait, elle le suivait partout quand il venait en visite. Il montrait bien qu'il n'était pas là de gaieté de cœur mais au moins n'était-il pas méchant avec elle. En grandissant, elle avait toujours gardé une profonde affection pour lui, elle en venait même à envier son caractère indépendant et rebelle, elle qui était docile et introvertie. Mais après la grosse dispute de leurs mères, il ne donnait quasiment pas de nouvelles. Et puis, un jour, il est parti en école militaire et ce fut le silence radio. Heidi ne l'avait pas très bien vécu, mais elle avait été forcée de tourner la page.
A cause des morts-vivants.
Foutus morts-vivants.
Heidi n'avait pas fait attention aux premiers signes de l'invasion. Quelques cas de rage par-ci par-là, une hausse des agressions, de plus en plus de malades dans les hôpitaux. Elle n'était pas le genre d'adolescente à suivre scrupuleusement les informations. Elle ne se sentait pas concernée. Aujourd'hui, elle regrettait.
Comme beaucoup de personnes, elle avait vu sa famille mourir, ses parents devenir des monstres cannibales. Elle avait fui, sous le choc, elle avait couru, hurlé, appelé à l'aide, fui à nouveau...C'était très flou, elle ne se rappelait plus vraiment les détails. Le traumatisme, sûrement. Elle ne se sentait plus en sécurité, elle se voyait mourir à tous les instants, mais il semblerait qu'elle avait de la ressource : elle avait survécu à la première vague de l'invasion, celle qui avait balayé impitoyablement le monde qu'elle avait connu. Elle appelait cela « la période des cris » car c'était tout ce que l'on pouvait entendre, les hurlements des pauvres gens qui se faisaient attraper, les plaintes des mourants, les gémissements des morts ; tout cela formait une macabre cacophonie.
Et puis, le silence a fini par tomber et, quelque part, c'était encore pire. Cela voulait dire que c'était la fin, qu'il devait y avoir très peu de survivants. Elle faisait partie de ceux-là, à sa grande surprise : elle n'avait pas fait partie des plus vulnérables, elle s'en était sortie. Et en quelques jours, elle avait appris à être furtive et à trouver de quoi survivre. Elle se cachait là où elle le pouvait après avoir bien fouillé les lieux. Elle s'était équipée d'un couteau, au cas où, mais elle se sentait démunie malgré tout : elle aurait bien voulu une arme à feu même si elle ne savait pas s'en servir. Cela aurait au moins eu le mérite de la rassurer.
Elle s'etait mise en quête d'autres survivants, certaine de trouver en eux de la solidarité. Autant dire qu'elle fut très déçue : la première personne qu'elle rencontra fut un homme. Mal en point, seul, l'air hébété...Elle lui avait demandé s'il avait besoin d'aide ; à peine avait-il entendu le son de sa voix qu'il s'était rué sur elle en hurlant. Elle n'avait pas compris, mais elle avait eu le réflexe de courir. Finalement, elle fut sauvée par un groupe de zombies qui ont été attirés par les cris de son poursuivant. Il a vite fini encerclé ; elle ne s'est pas éternisée pour assister à sa triste fin.
Cela lui avait vraiment mis un coup au moral. Elle avait encore plus peur. Comment allaient-ils tous s'en sortir s'ils en venaient à s’entre-tuer ? Les morts-vivants ne suffisaient pas ? Elle en eut les larmes aux yeux mais se gifla mentalement : elle devait être forte.
Les jours suivants fut un calvaire : elle était terrifiée à l'idée de tomber sur un autre vivant. Elle en dormait à peine. Et elle ne cessait de changer de planque. Trouver de quoi s'alimenter était compliqué, elle n'osait pas s'aventurer dans de grands magasins de peur qu'ils abritent des prédateurs potentiels. Heidi était rongée par l'angoisse, elle sentait qu'elle ne tiendrait pas longtemps comme ça.
Puis Billie était arrivée dans sa vie. Et ce fut plus simple de répondre à cette question : « Fallait-il faire du mal à quelqu'un pour aider un être cher ? ».
Parce qu'elle était un être cher.
Le plus cher qu'elle avait depuis la fin du monde.
Voilà ! :)
Dernière modification par Kae (29 Août 2016 23:18:33)