[Suivi lecture] Cocolanoix

 
  • cocolanoix

    Lecteur timide

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    #91 04 Août 2018 00:41:20

    Bonsoir,

    Mypianocanta, j'espère que tu pourras te procurer le livre de Nodier à l'occasion ! Je crois en effet que c'est un signe :P As-tu lu d'autres livres de Nodier ? J'avoue que je ne connais aucun autre titre et en cherchant un peu, j'ai vu qu'il avait écrit sur les Prisons imaginaires de Piranèse mais je ne sais pas du tout de quoi il s'agit précisément. Bonnes lectures à toi aussi ! :)

    Emyalouise,  j'espère que cette nouvelle te plaira, je serais curieuse de connaître ton avis dessus parce qu'elle est assez déroutante. Tu as déjà lu la saga des Otori en entier ? D'après une de mes amies, les derniers tomes s'essoufflent un peu :( Mais j'ai hâte de poursuivre, rien que pour le personnage de Kaede !


    J'ai acheté et aussitôt lu un livre de Virginie Despentes, King Kong théorie. Elle écrit avec un langage très cru et percutant. Elle aborde plusieurs sujets intéressants, mais j'ai trouvé que c'était parfois trop court et par conséquent pas assez développé. J'avoue qu'il y a quelques points sur lesquels je suis restée perplexe, notamment sur la prostitution, même si je comprends et respecte son point de vue, En revanche, certains de ses propos me semblaient un peu désuet. La fin claque pas mal.
    Si quelqu'un a lu ce livre ou est intéressé par le sujet, je serai ravie d'échanger un peu plus en profondeur ! :)

    Bonne soirée !

  • Widukind

    Lecteur timide

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    #92 04 Août 2018 10:49:20

    Bonjour Cocolanoix,
    J'avais lu ce livre il y a quelques années et j'en avais rédigé une chronique à l'époque. Je la reproduis ici avec quelques modifications dans la forme. Je pense que tu ne seras pas d'accord avec tout ce que j'ai écrit mais qu'importe Livraddict est aussi un lieu de débat après tout :)

    ->
    On ne sait pas trop par où commencer lorsqu'il s'agit d'émettre un commentaire sur ce livre tellement il est un fouillis complètement incohérent !
    Le livre est divisé en plusieurs chapitres dont un sur le viol, un sur la prostitution et un sur le porno.
    Je passerai brièvement sur le style d'écriture qui se veut rentre-dedans et volontairement vulgaire, histoire de se la jouer rebelle punk et tête brûlée. On a déjà vu ça tellement de fois qu'on y reste désormais insensible et du coup l'auteur manque totalement son but provocateur. Si encore, elle l'avait écrit en vers ou façon Jack Kerouac pourquoi pas, mais là on nage dans le ridicule.

    Maintenant concernant le contenu, on est bien obligé de dire que niveau argumentaire est très faible voire indigent. Le fil conducteur du livre (même s'il n'est pas évident à cerner) est l'idée selon laquelle il y aurait un sorte de complot depuis la nuit des temps où le seul but des hommes est de dominer les femmes et de les réduire à la servilité dans tous les domaines. Elle parle de "terreur" infligée aux femmes ainsi que "d'oppression féminine".
    Ensuite on a droit à une très belle contradiction : Elle se plaint que la société actuelle fait que " nous régressons vers des stades d'organisation collectives infantilisant l'individu" (p.26) et seulement deux pages plus loin : "Qu'est ce que ça exige d'être un homme un vrai ? Quitter l'enfance brutalement, et définitivement : les hommes-enfants n'ont pas bonne presse." (p.28). Le hic c'est qu'il faut choisir : on ne peut pas défendre la chose et son contraire, vouloir d'un côté émanciper les gens et de l'autre vouloir qu'ils restent des enfants. Il n'est pas étonnant que Virginie Despentes (VD) s'empêtre dans ce genre contradictions, elle dit elle même qu'elle est issue du punk-rock et qu'elle est restée punk. Mais qu'est ce que les punks sinon des professionnels de la rébellion totalement inclus dans le système. Clouscard disait que les hippies étaient le dernier degré d'individus produits par la société de consommation. On pourrait dire la même chose des punks.

    P.30 elle critique le capitalisme égalitariste qui "nous soumet tous et emmène à nous sentir piégés". Ok mais alors pourquoi VD veut-elle que la différence entre les hommes et les femmes s'estompe ? Si ça n'est pas de l'égalitarisme ça. Elle reprend la vieille équation qui a maintenant fait école : différence = inégalité = injustice.

    Les chapitres sur le viol et la prostitution sont les plus intéressants car l'auteur a été violée et s'est prostituée. Donc on pourrait se dire qu'elle connait son sujet. Mais lorsqu'elle cherche les causes de l'augmentation du viol ou du pourquoi les hommes violent des femmes on tombe de l'armoire. Ex p.37 : " En revanche, que les mâles français ne soient pas partis à la guerre depuis les années 60 et l'Algérie augmente certainement le nombre de viols civils." Pathétique !
    La réponse ne serait-elle pas a chercher plutôt dans le fait que l'individualisme poussé à l'extrême, le manque de repères et d'éducation mais surtout une société dans laquelle tout le monde est invité à épancher ses moindres désirs amène les gens paumés et sans tabous à commettre ce genre d'actes horribles ? Mais ça VD ne peut pas l'admettre car il faudrait remettre en question le type de société (libérale-libertaire) qui produit ça. Elle se garde bien de faire une sociologie des viols selon les pays. Projet pourtant sans doute très intéressant.

    Une de ses méthodes est la généralisation abusive et sans preuves. Illustration p.51 : "Il y a ce fantasme du viol. Ce fantasme sexuel. [...] L'idée d'être livrée, forcée, contrainte est une fascination morbide et excitante pour la petite fille que je suis alors. Je suis sure que nombreuses sont les femmes qui préfèrent ne pas se masturber, prétendant que ça ne les intéresse pas, plutôt que de savoir ce qui les excite." Sur quoi se base-t-elle pour dire des choses pareilles ? Réponse : sur RIEN. J'aimerais bien savoir combien de pourcentage de femmes ont le désir d'être violées ... On est dans l'obscène là .
    VD ne peut envisager les relations homme-femme que sous le prisme de la domination, du masochisme et de la guerre. Les autres possibilités sont passées sous silence. Sans m'aventurer dans des spéculations psychanalytiques, peut-être que le fait qu'elle ait subi un viol n'y est pas étranger. Mais pour autant, pourquoi se permet-t-elle de parler au nom des femmes en général ?
    En témoigne sa vision du mariage p.59 : "Le contrat marital apparaît comme ce qu'il est : un marché où la femme s'engage à effectuer un certain nombre de corvées assurant le confort à l'homme à des tarifs défiant toute concurrence. Notamment les tâches sexuelles."  Le mariage ne serait qu'une sorte de prostitution gratuite pour les femmes.

    Transparaît aussi dans son texte la détestation de l'hétérosexualité p.80 : " Le pacte de prostitution " je te paye si tu me satisfais" est à la base du rapport hétérosexuel." Ah Bon ! Et les homosexuels alors, il font l'amour en dehors de toute recherche de plaisir peut-être ?? Elle ne parle d'ailleurs pas de la prostitution homosexuelle dans son livre, car cela réduirait ses thèses à néant.
    Le cœur du sujet vient à la p.107 où VD se dévoile enfin, elle et son vrai ennemi : la société traditionnelle qui produit les codes sociaux et sexuels et qu'il faut détruire car "elle assigne des rôles à chaque sexes" "elle transforme les femmes en esclaves des hommes" (sic) et ça VD ne peut pas le supporter, elle qui milite pour l'indistinction généralisée.
    La seule réponse vient à la p.112 où elle fait allégeance à la théorie du genre, elle veut transformer l'homme et la femme en un King Kong "sans bite, ni couilles, ni seins auquel personne ne peut assigner un genre." L'homme et la femme s'apprivoiseraient l'un, l'autre mais de façon non sexuée." Car pour elle l'homme n'est vu que comme un ennemi, d'ailleurs un des chapitres du livre s'appelle "coucher avec l'ennemi" et la féminité n'est perçue que comme "une putasserie" p.126. Donc en résumé femme féminine = pute et homme viril = prédateur !

    Au fil des pages son argumentation finit par se noyer définitivement quand elle nous explique que finalement si les hommes parlent souvent des femmes et les aiment c'est pour mieux cacher leurs fantasmes à eux : la sodomie homosexuelle masculine et le fait de se faire sodomiser par leurs femmes. p.142 "Ils se baisent à travers leurs femmes, beaucoup d'entre eux pensent déjà aux potes quand ils sont dans une chatte." Admirez la qualité du style littéraire !

    Son programme, à part sa volonté de toujours pousser en avant la théorie du genre ( démontrée comme fallacieuse par Berenice Levet dans son livre : Théorie du genre) est de "tout foutre en l'air". Et là on retourne aux vieilles lunes adolescentes des punks. Le problème c'est que "tout foutre en l'air" n'a jamais été un programme politique sérieux car après, on fait quoi ?
    On aurait bien du mal à trouver dans ce livre ce qui pourrait constituer ne serait-ce que le début d'une Théorie.
  • cocolanoix

    Lecteur timide

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    #93 04 Août 2018 14:31:02

    Bonjour Widukind, merci pour le partage de ta chronique ! :)

    Effectivement, je ne suis pas d'accord avec tout mais je te rejoins sur plusieurs points. Pour ce qui est du style, je ne l'ai pas trouvé déplaisant parce que je n'ai pas l'habitude. Mais j'avoue qu'un style plus travaillé et sérieux ne m'aurait pas déplu, c'est davantage le fond qui m'intéresse ici que la forme.

    Le livre est en effet très confus et j'ai souvent regretté l'absence de développement plus étayé. J'ai trouvé qu'elle allait un peu vite en besogne. Mais sur le fond, je ne pense pas qu'elle évoque une oppression qui date de la nuit des temps, mais plutôt une oppression qui a été construite par la culture et qui a évolué au fil des temps. Enfin pour moi, elle dénonce les inégalités entre les hommes et les femmes, rien de plus (même si j'avoue que j'ai lu des choses plus convaincantes).
    L'extrait p.37 que tu cites est effectivement un des arguments étranges avancés par Virginie Despentes (mais pour repréciser la phrase, pour elle le porno n'augmente pas le nombre de viols tandis que la fin de la guerre si, puisqu'elle permettait le viol collectif ...) Bon ça reste fumeux, c'est vrai. Là encore, ce que je trouve dommage c'est qu'elle ne développe pas davantage son idée, peut-être qu'elle aurait paru moins absurde.

    Quand j'ai évoqué des choses désuètes, je parlais notamment de sa conception du mariage qui ne vaut plus vraiment aujourd'hui, je pense...

    En fait, dans l'ensemble, je suis plutôt d'accord avec ce que tu en dis et pourtant, je m'intéresse de près aux questions de genres. Vraiment mon plus grand regret, c'est le manque d'argumentation. En revanche, je respecte Virginie Despentes, pour avoir écrit ce qu'elle avait vraiment envie d'écrire sur le sujet.


    Bonne journée :)

  • Widukind

    Lecteur timide

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    #94 04 Août 2018 15:20:04

    Merci pour ta réponse !

    Je me permets de poster le lien vers une conférence sur le féminisme qui éclaire vraiment la situation. Camille Froidevaux-Metterie a écrit un livre qui s'intitule "La révolution du féminin" qui me semble très prometteur et beaucoup plus intelligent que celui de Despentes. Je n'ai pas encore lu ce livre mais mon intérêt croissant pour la question des différences liées au sexe fait que je le lirai sans doute bientôt. Si tu as des suggestions bibliographiques sur la question n'hésite pas en m'en faire part !
  • Widukind

    Lecteur timide

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    #95 04 Août 2018 19:48:18

    Evidemment j'ai oublié le lien :  https://www.youtube.com/watch?v=sCNX39yeB1U
  • cocolanoix

    Lecteur timide

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    #96 07 Août 2018 19:21:08

    Merci pour ce partage ! Camille Froidevaux-Metterie contribue intelligemment au débat, c'est indéniable, en revanche son postulat de base sonne faux.

    J'ai terminé Les tsarines : les femmes qui ont fait la Russie de Vladimir Fédorovski et ce fut une belle déception ... La promesse du titre n'est absolument pas tenue. Je m'attendais à apprendre des choses sur les tsarines, leur façon de gouverner, leur politique, etc. et par ce biais, en apprendre davantage sur l'histoire russe et la place des femmes au sein de ce pays ... Que nenni, il s'agit plutôt de petites anecdotes, de coucheries et d'une succession de portraits de tsars dont on ne présente que le couronnement et la mort (avec en prime le mariage, les maîtresses et tout le blabla). Ce livre manque cruellement de rigueur historique, je suis vraiment étonnée de le voir rangé au rayon "Histoire" de ma médiathèque. Evidemment, si je suis déçue, c'est parce que je ne m'attendais vraiment pas à ça ... Mais c'est plaisant et rapide à lire.

    Si vous voulez lire des petits portraits biographiques de quelques figures importantes russes, hommes comme femmes, ce livre fera l'affaire.

    Je n'ai plus qu'à essayer de trouver un livre plus pertinent sur la Russie !


    Bonne soirée :)

  • Mirmont

    A la découverte des livres

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    #97 07 Août 2018 23:33:03

    Bonsoir cocolanoix,

    Tu as raison, Fédorovski n'est guère sérieux et ses livres (qui se lisent certes très facilement, d'où son succès relatif) consistent souvent en une compilation d'anecdotes et d'idées reçues, agréables à découvrir mais au fond sans grand intérêt. Mais tu me sembles ici un peu injuste dans le sens où - me semble-t-il - il ne prétend pas faire autre chose que cette espèce de vulgarisation historique de 4ème ou 5ème rang (c'est au moins un immense avantage sur Despentes qui, elle, est convaincue d'avoir du talent et d'écrire des choses importantes et pertinentes...).

    Pour une histoire de la Russie un peu plus sérieuse, la référence me semble celle de Riasanovsky (traduite en français et disponible un peu partout) ; sinon Hélène Carrère d'Encausse (l'académicienne et accessoirement mère d'Emmanuel Carrère) a produit des ouvrages de bonne qualité et très accessibles sur l'histoire russe - ouvrage servis par une grande érudition, une formation sérieuse d'historienne, une belle langue et une connaissance très intime du pays. Après, si tu veux du très sérieux et le meilleur niveau universitaire francophone (cela changera de Fédorovski), il faut aller piocher dans les publications du Centre des études Slaves.

    Bon, je ne t'embête pas plus avec mes références - continue de mettre à jour ce suivi, il est toujours agréable de le consulter. Belles lectures.
  • cocolanoix

    Lecteur timide

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    #98 07 Août 2018 23:58:52

    Bonsoir Mirmont,

    Je ne vois pas en quoi je suis injuste, je n'ai pas trouvé qu'il prenait du recul sur ce qu'il proposait et le manque de rigueur me laisse franchement perplexe en l'occurrence. En revanche, je ne dénie pas une certaine qualité au livre, qui est sympathique à lire et l'auteur se veut immersif. Mais le titre ne reflète absolument pas le contenu du livre, ce qui est très décevant.  Je pense que c'est vraiment ce dernier point qui m'a le plus agacée.

    Je te remercie pour ces références, j'y trouverai sans doute davantage mon bonheur !

    Bonne soirée :)
  • Mypianocanta

    Livraddictien de l'espace

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    #99 08 Août 2018 09:32:27

    Je suis d'accord avec vous sur Fédorovski : ce ne sont pas vraiment des ouvrages sur l'Histoire mais plutôt des ouvrages historiques (en prenant le sens du terme comme pour les romans du même nom) (mais ça reste plaisant à lire quoique au final pas super intéressant ni distrayant).
    Et je plussoie pour Hélène Carrère d'Encausse.
    Bonne semaine coco :)
  • Mirmont

    A la découverte des livres

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    #100 08 Août 2018 13:58:19

    Cocolanoix,

    Je ne vois pas en quoi je suis injuste, je n'ai pas trouvé qu'il prenait du recul sur ce qu'il proposait et le manque de rigueur me laisse franchement perplexe en l'occurrence


    Fédorovski est un peu le Bern ou le Deutsch de l'histoire russe ; ils font tous trois dans le divertissement à caractère historique plus que dans l'histoire. On ne peut guère leur reprocher leur manque de sérieux et leur manque de recul, puisque leur travail ne nécessite pas ces qualités - ils sont là pour divertir (et ils le font plutôt bien, me semble-t-il, du moins leur succès parle pour eux en ce sens).

    Cela me fait penser au travail d'un jeune historien (Clément Salviani), qui s'est "amusé" à relever toutes les erreurs factuelles et les approximations des livres de Lorànt Deutsch (qui sont légion) : pourquoi pas, mais c'est un peu manquer sa cible puisque Deutsch ne prétend guère être historien, c'est juste un vulgarisateur peu consciencieux qui cherche à vendre des livres par centaines de milliers (et il y arrive, ce qui veut dire que son travail - dans son ordre et en rapport à son objectif - n'est pas si mauvais). De ce fait, essayer de lui imposer la rigueur et la méthodologie que doit suivre un historien digne de ce nom est un peu vain.

    Mais tu as évidemment raison sur le fond et je ne suis pas étonné de ta critique sévère de ce livre !