#92 04 Août 2018 10:49:20
Bonjour Cocolanoix,
J'avais lu ce livre il y a quelques années et j'en avais rédigé une chronique à l'époque. Je la reproduis ici avec quelques modifications dans la forme. Je pense que tu ne seras pas d'accord avec tout ce que j'ai écrit mais qu'importe Livraddict est aussi un lieu de débat après tout :)
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On ne sait pas trop par où commencer lorsqu'il s'agit d'émettre un commentaire sur ce livre tellement il est un fouillis complètement incohérent !
Le livre est divisé en plusieurs chapitres dont un sur le viol, un sur la prostitution et un sur le porno.
Je passerai brièvement sur le style d'écriture qui se veut rentre-dedans et volontairement vulgaire, histoire de se la jouer rebelle punk et tête brûlée. On a déjà vu ça tellement de fois qu'on y reste désormais insensible et du coup l'auteur manque totalement son but provocateur. Si encore, elle l'avait écrit en vers ou façon Jack Kerouac pourquoi pas, mais là on nage dans le ridicule.
Maintenant concernant le contenu, on est bien obligé de dire que niveau argumentaire est très faible voire indigent. Le fil conducteur du livre (même s'il n'est pas évident à cerner) est l'idée selon laquelle il y aurait un sorte de complot depuis la nuit des temps où le seul but des hommes est de dominer les femmes et de les réduire à la servilité dans tous les domaines. Elle parle de "terreur" infligée aux femmes ainsi que "d'oppression féminine".
Ensuite on a droit à une très belle contradiction : Elle se plaint que la société actuelle fait que " nous régressons vers des stades d'organisation collectives infantilisant l'individu" (p.26) et seulement deux pages plus loin : "Qu'est ce que ça exige d'être un homme un vrai ? Quitter l'enfance brutalement, et définitivement : les hommes-enfants n'ont pas bonne presse." (p.28). Le hic c'est qu'il faut choisir : on ne peut pas défendre la chose et son contraire, vouloir d'un côté émanciper les gens et de l'autre vouloir qu'ils restent des enfants. Il n'est pas étonnant que Virginie Despentes (VD) s'empêtre dans ce genre contradictions, elle dit elle même qu'elle est issue du punk-rock et qu'elle est restée punk. Mais qu'est ce que les punks sinon des professionnels de la rébellion totalement inclus dans le système. Clouscard disait que les hippies étaient le dernier degré d'individus produits par la société de consommation. On pourrait dire la même chose des punks.
P.30 elle critique le capitalisme égalitariste qui "nous soumet tous et emmène à nous sentir piégés". Ok mais alors pourquoi VD veut-elle que la différence entre les hommes et les femmes s'estompe ? Si ça n'est pas de l'égalitarisme ça. Elle reprend la vieille équation qui a maintenant fait école : différence = inégalité = injustice.
Les chapitres sur le viol et la prostitution sont les plus intéressants car l'auteur a été violée et s'est prostituée. Donc on pourrait se dire qu'elle connait son sujet. Mais lorsqu'elle cherche les causes de l'augmentation du viol ou du pourquoi les hommes violent des femmes on tombe de l'armoire. Ex p.37 : " En revanche, que les mâles français ne soient pas partis à la guerre depuis les années 60 et l'Algérie augmente certainement le nombre de viols civils." Pathétique !
La réponse ne serait-elle pas a chercher plutôt dans le fait que l'individualisme poussé à l'extrême, le manque de repères et d'éducation mais surtout une société dans laquelle tout le monde est invité à épancher ses moindres désirs amène les gens paumés et sans tabous à commettre ce genre d'actes horribles ? Mais ça VD ne peut pas l'admettre car il faudrait remettre en question le type de société (libérale-libertaire) qui produit ça. Elle se garde bien de faire une sociologie des viols selon les pays. Projet pourtant sans doute très intéressant.
Une de ses méthodes est la généralisation abusive et sans preuves. Illustration p.51 : "Il y a ce fantasme du viol. Ce fantasme sexuel. [...] L'idée d'être livrée, forcée, contrainte est une fascination morbide et excitante pour la petite fille que je suis alors. Je suis sure que nombreuses sont les femmes qui préfèrent ne pas se masturber, prétendant que ça ne les intéresse pas, plutôt que de savoir ce qui les excite." Sur quoi se base-t-elle pour dire des choses pareilles ? Réponse : sur RIEN. J'aimerais bien savoir combien de pourcentage de femmes ont le désir d'être violées ... On est dans l'obscène là .
VD ne peut envisager les relations homme-femme que sous le prisme de la domination, du masochisme et de la guerre. Les autres possibilités sont passées sous silence. Sans m'aventurer dans des spéculations psychanalytiques, peut-être que le fait qu'elle ait subi un viol n'y est pas étranger. Mais pour autant, pourquoi se permet-t-elle de parler au nom des femmes en général ?
En témoigne sa vision du mariage p.59 : "Le contrat marital apparaît comme ce qu'il est : un marché où la femme s'engage à effectuer un certain nombre de corvées assurant le confort à l'homme à des tarifs défiant toute concurrence. Notamment les tâches sexuelles." Le mariage ne serait qu'une sorte de prostitution gratuite pour les femmes.
Transparaît aussi dans son texte la détestation de l'hétérosexualité p.80 : " Le pacte de prostitution " je te paye si tu me satisfais" est à la base du rapport hétérosexuel." Ah Bon ! Et les homosexuels alors, il font l'amour en dehors de toute recherche de plaisir peut-être ?? Elle ne parle d'ailleurs pas de la prostitution homosexuelle dans son livre, car cela réduirait ses thèses à néant.
Le cœur du sujet vient à la p.107 où VD se dévoile enfin, elle et son vrai ennemi : la société traditionnelle qui produit les codes sociaux et sexuels et qu'il faut détruire car "elle assigne des rôles à chaque sexes" "elle transforme les femmes en esclaves des hommes" (sic) et ça VD ne peut pas le supporter, elle qui milite pour l'indistinction généralisée.
La seule réponse vient à la p.112 où elle fait allégeance à la théorie du genre, elle veut transformer l'homme et la femme en un King Kong "sans bite, ni couilles, ni seins auquel personne ne peut assigner un genre." L'homme et la femme s'apprivoiseraient l'un, l'autre mais de façon non sexuée." Car pour elle l'homme n'est vu que comme un ennemi, d'ailleurs un des chapitres du livre s'appelle "coucher avec l'ennemi" et la féminité n'est perçue que comme "une putasserie" p.126. Donc en résumé femme féminine = pute et homme viril = prédateur !
Au fil des pages son argumentation finit par se noyer définitivement quand elle nous explique que finalement si les hommes parlent souvent des femmes et les aiment c'est pour mieux cacher leurs fantasmes à eux : la sodomie homosexuelle masculine et le fait de se faire sodomiser par leurs femmes. p.142 "Ils se baisent à travers leurs femmes, beaucoup d'entre eux pensent déjà aux potes quand ils sont dans une chatte." Admirez la qualité du style littéraire !
Son programme, à part sa volonté de toujours pousser en avant la théorie du genre ( démontrée comme fallacieuse par Berenice Levet dans son livre : Théorie du genre) est de "tout foutre en l'air". Et là on retourne aux vieilles lunes adolescentes des punks. Le problème c'est que "tout foutre en l'air" n'a jamais été un programme politique sérieux car après, on fait quoi ?
On aurait bien du mal à trouver dans ce livre ce qui pourrait constituer ne serait-ce que le début d'une Théorie.