#25 14 Décembre 2017 23:16:13
Je viens de finir Le voyage de Simon Morley de Jack Finney. L'intérêt numéro 1 de ce livre réside dans l'immersion réussie dans le New York de janvier 1882. La graduation utilisée pour nous plonger dans cette époque m'a convaincu et je l'ai trouvé efficace. Alors évidemment, une telle immersion ne pouvait se faire que par la petite lorgnette et il ne s'agit pas de décrire la vie à New York en 1882 au sens général. C'est plus une question de sensation que de complétude. D'ailleurs, il y a une scène où le héros rencontre un cocher qui travaille dans le froid qui me semble arriver là comme un cheveu sur la soupe et qui me semble ne constituer qu'un alibi dans le récit pour se défendre d'avoir cacher les mauvais côtés de le vie des gens en 1882.
L'intérêt numéro 2, qui est moindre, c'est une réflexion classique sur le dévoiement des progrès scientifiques par les autorités, politiques et militaires ici. Cette partie de l'histoire est amené de façon correcte mais ne révolutionne pas la science-fiction dans ce domaine.
Pour le petit point négatif, j'ai eu du mal avec le personnage principal, que j'ai trouvé clairement désincarné la première moitié du roman et qui lorsqu'il montre enfin quelques traits de personnalités dans la deuxième partie ne fait qu'enchaîner des comportements qui servent l'histoire. Cela me fait conclure que j'ai l'impression que le héros n'est qu'un personnage prétexte pour faire avancer l'histoire ce qui m'a empêché d'avoir une quelconque sympathie, ou même une antipathie, pour lui.
Pour continuer sur ce livre, il y a un passage, très mineur, qui m'interroge car il porte sur la perception de l'art et du figuratif par l'homme.
A un moment de l'histoire, Simon se trouve dans une pension en 1882 et l'une des responsables de la pension, Julia, une jeune fille que Simon trouve charmante, lui demande de proposer une activité pour amuser l'assistance puisqu'ils sont avec les autres pensionnaires à jouer (ils font des mimes, ils chantent, etc...). Comme le héros est un dessinateur, il décide de se servir du givre de la fenêtre pour faire le portrait de Julia en quelques traits. Une fois terminé et content de lui, il se rend compte que celle-ci n'aime pas beaucoup son dessin. Lorsqu'il insiste pour savoir pourquoi, elle répond qu'elle ne le comprend pas. Et voilà le paragraphe qui suit:
"Mais je comprenais maintenant ce qui n'allait pas. Dès l'enfance, nous sommes conditionnés pour accepter qu'un ensemble de lignes noires sur fond blanc puisse représenter le visage d'un être humain vivant. J'ai lu quelque part que les primitifs en sont incapables; ils ne savent pas interpréter un dessin, ni même une photo, tant qu'on ne leur pas appris à le faire. Or, mon esquisse sur givre, procédant par petits traits suggestifs censés laisser l'esprit compléter le tableau, restait une technique du XXème siècle, aussi incompréhensible ici que si je m'étais exprimé en code - ce qui était en quelque sorte le cas."
Je me suis alors demandé si on pouvait vraiment dire que le sens de l'art était un acquis au même titre que l'apprentissage d'une langue? Je dois avouer que c'est une question qui m'intéresse. Et ça m'a fait penser à cette excellente nouvelle de Balzac Le chef d'oeuvre inconnu. Si quelqu'un ici a des pistes ou des éléments de réponse sur ce sujet, qu'il n'hésite pas à intervenir.
Je vais donc maintenant continuer mes petites lectures de décembre avec Pays de Neige de Yasunari Kawabata. Ce sera mon deuxième livre de cet auteur après Kyôto dont je garde un souvenir mitigé. je possède ce livre aux éditions Le livre de poche.