[Saro-Wiwa, Ken] Sozaboy

 
    • Le Chat Noir

      Livraddictien débutant

      Hors ligne

      #1 28 Février 2013 14:45:35

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      Jeune apprenti chauffeur, Méné coule des jours paisibles à Doukana, petite ville du Biafra. Pour l'amour d'Agnès, il s'engage, achète son uniforme et s'initie aux armes. Embarqué dans un conflit qui le dépasse et dont il fait le récit avec naïveté et horreur, il découvre les violences et les absurdités de la guerre civile nigérianne (1967-1970).

      Salué par William Boyd comme "l'un des grands chefs-d??uvre de la littérature africaine",  ce roman tient sa force de la langue choisie par Ken Saro-Wiwa: un "anglais pourri" (rotten english) mélange de pigdin, d'anglais dégradé ou idiomatique, d'emprunts aux langues nigérianes et de créations dont la traduction française rend parfaitement compte.

      Originale et bouleversante, voici l'une des plus efficaces dénonciations de la guerre et de ses folies.



      Voici un roman franchement singulier, et je m'étonne qu'il n'y ait pas encore eu de topic dessus, c'est pourquoi je me charge de le faire! ^^
      Sozaboy (pétit minitaire) plonge le lecteur dans la guerre civile du Biafra qui éclata dans les années 1970, conflit qui ici est vu à travers les yeux d'un petit garçon répondant au nom de Méné, qui s'engage dans l'armée par amour pour sa bien-aimée Agnès, malgré la réprobation de sa mère. Il va alors prendre part au conflit dans les différents camps armés. Le but de Ken Saro-Wiwa est bien évidemment de sensibiliser les lecteurs à la dure réalité de la guerre mais aussi des enfants-soldats. C'est alors que j'en arrive à un point essentiel et, qui plus est, fait la force du roman. En effet, plutôt que de nous servir des images de soldats blessés ou tués, de la peur de se faire tuer régnant dans les différents camps, Saro-Wiwa va se servir de la puissance du langage comme arme de dénonciation de l'absurdité de la guerre. Tout comme c'est écrit sur la quatrième de couverture, l'écrivain nigérian emploie un "anglais pourri", parfaitement rendu par la traduction de Samuel Millogo et d'Amadou Bissiri. Notre premier réflexe en tant que lecteur est de penser que cela est du au fait que c'est un enfant qui tient le rôle de narrateur, d'où la syntaxe plus que bancale et un énoncé et une énonciation assez maladroite, très enfantine. Oui mais. Ne serait-ce pas là aussi un moyen de mettre en avant la toute-puissance de la corruption qui règne alors sur la société nigériane à l'aube de la guerre civile? La corruption qui non seulement s'abat sur les hommes, mais va jusqu'à littéralement pourrir le langage, le rendant ardu, bancal, rude. Ici donc, pas d'effets de style violents et d'images fortes, pas de phrasé ni de rythme qui se veulent chargés de sens, mais juste un langage en fin de compte pas si inventé que ça, témoin de la corruption et de la violence de la société mise en scène dans le récit.
      La lecture peut sembler un peu rude voire difficile durant les premières lignes, mais on finit par s'y habituer au bout d'une dizaine de pages. C'est un défi de lecture, mais qui vaut le coup.
      Enfin, je ne peux pas terminer sans dire un mot sur l'auteur: Ken Saro-wiwa était un écrivain et éditeur nigérian engagé pour de nombreuses causes humanitaires, qui a été condamné à mort injustement dans les années 1990 suite à des accusations infondées et des procès intentés contre lui, et pendu alors qu'il avait 54 ans.



      Edit Speech : Correction du titre