#22 09 Avril 2016 13:53:50
J'ai lu ce roman il y a quelques temps (bon ok, assez longtemps et après avoir vu le film). Je me souviens que l'adaptation cinématographique m'avait laissée perplexe. Mais le titre "L'amour dure trois ans" avait un effet assez attractif et quand je l'ai repéré en librairie: j'ai cédé à ma curiosité littéraire (aaah...les bas instincts...).
Résultat: j'ai réussi à suivre la logique. Pire encore, je me suis surprise à comprendre le personnage de Marc Marronnier (ou Beigbeder lui-même). J'ai apprécié cette proximité dans la folie des mots et des sentiments: on a limite l'impression d'être le psy qui écoute un patient, et, au fur et à mesure, si vous êtes dubitatifs, vous finissez soit par éprouver de la compassion, soit par émettre un jugement. (Et là attention, parce qu'en fonction de ce que vous ressentez, vous pouvez vous psychanalyser vous-même et ça fait peur. *SBAFF*)
Petit bémol (qui peut être un gros bémol pour d'autres): certains termes - passages - crus me semblaient vraiment inappropriés et déplacés. A trop vouloir faire dans le sarcasme, la causticité et le "j'emmerde le monde entier", l'auteur m'a laissé une petite pointe de révulsion mais rien de bien grave ! Je dirais même que ça fait parti du "jeu". Allez jusqu'à l'extrême et laisser une petite touche amère, comme si on devait, nous aussi être meurtrit par les déboires du personnage.
C'est un style particulier et je pense que ce genre d'écriture ne peut que soit vous plaire, soit vous "freiner".
Alors, est-ce que vous devez le lire ? Si vous êtes curieux: oui, vous devez. Ce n'est pas un chef-d'oeuvre à mon sens, mais c'est quelque chose qui vaut le détour et qui ne vous laissera certainement pas indifférent.
Je laisse un petit extrait, probablement celui qui m'a le plus marquée, parce qu'il est à la fois logique et irrationnel, et reflète très bien l'univers de Beigbeder:
Spoiler (Cliquez pour afficher)
[q]L'amour le plus fort est celui qui n'est pas partagé. J'aurais préféré ne jamais le savoir, mais telle est la vérité: il n'y a rien de pire que d'aimer quelqu'un qui ne vous aime pas - et en même temps c'est la chose la plus belle qui me soit jamais arrivée. Aimer quelqu'un qui vous aime aussi, c'est du narcissisme. Aimer quelqu'un qui ne vous aime pas, ça, c'est de l'amour. Je cherchais une épreuve, une expérience, un rendez-vous avec moi-même qui puisse me transformer: malheureusement, j'ai été exaucé au-delà de mes espérances. J'aime une fille qui ne m'aime pas, et je n'aime plus celle qui m'aime. J'utilise les femmes pour me détester moi-même.
"Fan-Chiang demanda: - Qu'est-ce que l'amour ?
Le maître dit: - Donner plus de prix à l'effort qu'à la récompense, cela s'appelle l'amour." (Confucius)
Merci, fourbe oriental, mais moi je ne cracherais pas non plus sur la récompense. En attendant, je suis abandonné. Dès qu'Alice a appris que ma femme m'avait quitté, elle a pris peur et fait marche arrière. Plus de coup de fil, plus de messages sur la boîte vocale 3672, ni de numéros de chambres d'hôtel sur le répondeur du Bi-Bop. Je suis comme une petite maîtresse collante qui attend que son homme marié se souvienne de son petit cul. Moi qui n'affectionnais que les larges avenues, je me retrouve "back street". Une seule question me taraude sans cesse et résume toute mon existence:
Qu'y a-t-il de pire: faire l'amour sans aimer, ou aimer sans faire l'amour ?[/q]
P. 66-67, L'amour dure trois ans, Frédéric Beigbeder, Grasset, 1997.
Dernière modification par Aurèl' Stark (09 Avril 2016 14:01:31)