#339 13 Avril 2017 00:03:45
Bonsoir,
Bon, j'ai terminé Tausend strahlende Sonne de Khaled Hosseini (1000 Soleils splendides). J'ai beaucoup à dire à ce sujet, donc cela va être un peu long. J'ai même eu à faire des notes pour organiser ce que j'ai besoin de dire.
Résumé
C'est l'histoire de deux femmes en Afghanistan. La plus vieille des deux deux, d'une vingtaine d'années, c'est Mariam. La plus jeune, c'est Laila. On suit d'abord leurs enfances de manières séparées, pour arriver jusqu'au point de rencontre. Mariam est une enfant hors-mariage. Elle a été élevée à part de la société par sa mère. À quinze ans, elle est forcée de se marier à un homme plus âgé, Rachid. Laila grandit plutôt librement dans Kaboul, inséparable de ses amis jusqu'à ce que la guerre la force à quitter son enfance pour aller vivre avec Mariam et Rachid. On va s'arrêter là pour le résumé (c'est un peu moins que la fiche BBM, et je vais éviter tout spoil par la suite.
Les qualités littéraires
Ce livre m'a touchée. Je ne suis pas souvent sensible à ce que d'aucuns appellent "la plume de l'auteur" à moins d'un style très marqué ou particulièrement mauvais. Je rentre assez aisément dans les histoires et j'oublie facilement les mots qui les soutiennent. C'est le cas pour ce livre, mais au vue de tout ce qui ressort de ma lecture, je pense que l'auteur sait très bien transmettre son monde.
L'histoire est très dense. On a une vue d'ensemble de l'Afghanistan, et plus particulièrement Kaboul, sur plusieurs décénnies jusqu'aux années 2000. Le contexte, les personnages, les réflexions de ceux-ci, les contextes géopolitique et visuels sont tous très présents sans lourdeur pour autant. J'ai particulièrement apprécié que les émotions, qu'il y avait en grande quantité, ne soient pas de facteurs de pathos inutile, ou purement utilitaire comme je le craignais au vue du thème du roman.
Ce livre m'a touchée, et je n'ai pas envie de le quantifier par le biais de superlatifs ou de métaphores poétiques. Ce serait, je pense, "uniformisant" : Hop, dans le panier des excellent à côté de la cité des livres qui rêvent, Donjon, et David c'est moi.
Je préfère dire que c'est un livre complet. et juste. Au contraire de Chinoises de Xinran, qui m'avait désemparée sans me donner de clés pour avancer, celui-ci me donne des appuis solides de réflexion que ce soit sur la fiction ou sur la réalité.
Papa, moi, et la guerre en Afghanistan
Quand les Talibans occupaient le pouvoir en Afghanistan, on en entendait beaucoup parler. J'avais demandé cà mon papa de m'expliquer ce qui se passait là-bas, et pourquoi. C'était avant les attentas de 2001, dans l'ancien appartement, donc je devais avoir 5 ans, presque 6. Donc il avait essayé. (Courageux papa) Je n'arrivais pas à appréhender la violence et la haine, la sensation d'être très désemparée mise à part. Je cherchais une raison. C'est probablement pour cela qu'au final la conversation a plus tourné vers les jeux de pouvoirs des USA et des soviets avec les divers retournements de situations, le fait que les actions extérieures existent de manières directes (occupation soviétique) et indirecte (vente d'armes, pouvoir donné à un groupe). Au final, c'était un point de vue très extérieur et européen, et depuis, je n'en ai jamais appris beaucoup plus sur ce qui se passait, vraiment, en Afghanistan ces années là.
C'est là que ce 1000 Soleils splendides intervient. Il m'a donné à voir et ressemtir de l'intérieur ce dont je ne connaissais que la carcasse de "pays en guerre, les sovietiques et les américains jouent au football", et peut-être mieux qu'un témoignage concentré sur une seule vie et moins sur le contexte ne l'aurait fait. La vue d'ensemble que j'ai évoqué plus haut, sur les évènnements qui secouent le pays et la capitale, était précieuse.
La réalité transformée
Ce livre était si efficace qu'au lieu de se contenter de me transporter à Kaboul, il a aussi changé ma perception de la réalité. Je l'ai beaucoup lu dans le tram, et quand j'en sortais, je voyais les rues ensoleillées de Karlsruhe, et j'étais bizarrement étonnées que les maisons ne soit pas en ruines, les gens parfaitement tranquilles. Et cela m'a rappelé que Karlsruhe était en ruine il y a quelques décennies, et que les rues dans lesquelles je marchais en considérant ma sécurité comme dues avaiient eu un tout autre visage. Bref. La guerre surgi subitement dans ma réalité, et ma fait un sourire de beaucoup plus près que je n'en aurais eu conscience.
Sur un registre différend, j'ai perdu une nuit de sommeil, pas parce que je lisais mais parce que je n'arrivais plus à sortir de cette maison fermée aprés l'arrviée des Talibans qui signait quaisment la fin de toute liberté ou droit pour les femme. Je n'arrivais à éloigner l'oppression violente de l'impuissance face au vol de sa propre liberté.
Une autre prise de conscience qui m'a fait voir des fantômes à été l'idée de la transmission. Je peux pas dire qu'est ce qui m'y a amené (Spoiler), mais J'ai également pris conscience de la présence décisive et muette des gens m'ayant précédé. Les familles juives pauvres de Pologne, les agriculteurs en Beauce, les paysans et les bourgeois de France. Je ne me suis jamais intéressées à la généalogie, trop tournée vers soi-même et le seul passé à mon goût. Mais Khaled Hosseini m'a fait comprendre que même si j'existe dans la plus merveilleuse ignorance de ce qui m'a précédent, les hommes et les femmes d'avant existent encore par l'influence qu'ils ont eu sur ma vie, en se battant pour leurs idées, ou pour leurs familles, ou juste pour vivre, et ils hantent le monde parce que le monde ne serait pas tel qu'il est sans chacun d'eux.
L'incompréhension démunie
Un des sentiments les plus présents pendant ma lecture, c'était cette incompréhension démunie. La faiblesse de ses propre limites. désemparée et frustrée devant l'absurdité nocive que la raison et les argument n'arrivent plus à combattre.
L'incompréhension démunie face à la guerre. Parce que j'ai jamais trouvé la réponse au Pourquoi ?.
L'incompréhension démunie face à la haine absurde. Comment peut-on être convaincu qu'une femme est très inférieure, un presque-rien, quand on sait parfaitement qu'une femme éduquée peut faire les mêmes choses qu'un hommes ? Être médecin, prof, ouvrière... Comment peut-on être convaincu d'avoir raison en mettant à feu et à sang une ville pourse l'arracher entre anciens camarades ?
L'incompréhension démunie devant l'abandon parental.
L'incompréhension face è l'injustice quand elle est comise de manière parfaite simple, évidente et décomplexée.
Heureusement, ce n'était pas le seul semtiment à m'animer pendant cette lecture :D
L'humain
Au final, le sujet sur lequel je me suis le plus interrogée grâce à ce livre, c'est les incroyables facettes de l'humain. En particuliers celles du rôle et de l'obéissance, celle de la force de la vie et celle de l'impératif du devoir.
J'ai vu sur goodreads que certains reprochaient au livre des personnage caricaturaux, en particulier Rachid qui serait tout simplement méchant. Je ne suis pas d'accord. Il est vrai que si dans notre société, un homme avait le comportement de Rachid, il serait considéré comme un parfait enculé (et passerait probablement un certain temps derrière des barreaux).
Mais il est désormais prouvé que oui, l'habit fait bien le moine (Expérience de Stanford), et que l'homme se conforme au final énormément à l'autorité (Milgram). Donc est-il vraiment étonnant qu'un homme ayant grandit dans une société où il est parfaitement normal de dominer les femmes, où la société et la loi lui donnent un pouvoir presque intégral sur la vie et la mort de son épouse use et abuse de ce pouvoir ? Je ne suis pas sûre que cela en fasse plus qu'un mouton. En tout cas je pense que c'est plus nuancé que de dire qu'il est "mauvais". Il s'inscrit dans son contexte.
La force de vie est présente tout au long du roman, mais surtout vers le dernier tiers, quand on se retourne sur l'histoire, qu'on sait intimement ce que ces femmes ont encaissé, et pourtant elles avancent. Je me suis demandée, tant pour les personnages que pour l'afghanistan, à quel point les traumatismes laissent des traces, s'il était vraiment possible de connaitre déjà une vie normale seulement quelques années ou décennies après la guerre. Et le livre n'a pas répondu à cette question mais il m'a fait ressentir la force de la vie et l'espoir qui envahit toute l'atmosphère et gonfle encore le palpitant, même après quinze changement de dirigeants à la suite, quand le seizième arrive.
Avec l'espoir vient aussi, dans cette histoire, le sens du devoir. Pour certains. le sens du devoir est de partir en djihad pour libérer le pays de l'occupation soviétiques. Pour d'autres, le devoir c'est de reconstruire après que les premiers aient détruit, et de vivre en gardant en soi la compagnie des morts pour les honorer.
Et moi, maintenant ?
Voilà, j'ai développé à peu près tout ce qui ne me laissait pas de repos. Ce que je retiens par-dessus tout, c'est une conscience plus aigüe de la guerre et de la rapidité avec laquelle peuvent s'envoler nos libertés, et une volonté de protéger la paix. Je retiens aussi l'espoir et le devoir qui lui est associé ainsi que la nécessité de séparer l'idée de destruction ou de domination de celle du devoir. Maintenant je suis fatiguée. Bonne nuit. :)