Garduno, tome 2 : Zapata, en temps de guerre
Philippe Squarzoni2003

Dans " Zapata, en temps de guerre ", Philippe Squarzoni poursuit le travail entamé avec Garduno, en temps de paix : raconter, à travers la bande dessinée, les ravages et les excès de la mondialisation. Militant d'Attac, Squarzoni refuse de rester insensible aux conséquences dramatiques de la libéralisation de l'économie mondiale. Proche du mouvement zapatiste - dans " Garduno ", il racontait son voyage au Chiapas -, il se refuse à faire comme si son confort d'occidental devait le laisser indifférent (" cette société est tellement agréable si on se laisse faire… On sait très bien ce qu'on a à perdre "). Il comprend mal l'apathie de bon nombre de ses contemporains et cherche à agir pour rendre le monde un peu meilleur - ou un peu moins mauvais. En même temps, il s'interroge sur son engagement, sur ses certitudes de militant et sur leur compatibilité avec ses convictions démocratiques. L'échec du communisme et la prise de conscience de son caractère totalitaire l'amènent à se demander si, d'ici quelques années, il ne reniera pas les causes qu'il choisit de défendre aujourd'hui. Les choix narratifs de Squarzoni font preuve d'inventivité : il mêle le dessin (volontairement sobre et réaliste, sans effets inutiles), la photo retravaillée et les captures d'image. Ses textes sont efficaces grâce à leur simplicité et leur grande sobriété. Zapata relève à la fois de l'essai en bande dessinée, de l'autobiographie et de la fiction. L'auteur fait intervenir des personnages de La guerre des étoiles qui observent et commentent ses faits et gestes, et viennent le titiller pour l'inciter à approfondir sa réflexion. Il alterne les comptes-rendus de séances d'Attac ou de discussions entre militants avec des scènes où la fiction sert de moteur au récit. Ainsi, ce passage particulièrement savoureux où les récents présidents des Etats-Unis expliquent, avec une forte dose de cynisme, comment la politique américaine sert les intérêts économiques de leur pays… Zapata est une bande dessinée militante, certes, mais reste avant tout une excellente leçon de BD. Squarzoni témoigne de la capacité de cette forme de narration à rendre compte du monde d'aujourd'hui et à se faire l'écho des préoccupations contemporaines. Sa réflexion sur l'articulation entre texte et image montre bien à quel point la bande dessinée constitue un mode d'expression autonome, parfois plus efficace que le roman ou l'essai pour traduire la complexité de la réalité. Une lecture indispensable pour tout lecteur curieux du monde comme il va - c'est-à-dire mal - et désireux de l'améliorer.