L'IguaneDenis Thériault2001

C'était bourré d'oiseaux. Il y en avait partout sur les hauteurs et dans chaque pore du front de l'île, goélands et sternes, martins-pêcheurs, macareux, et aussi quelques albatros. Même autour de nous, ils flottaient comme des appeaux. Nous étions au pays des oiseaux. Ce n'était pas pour rien qu'on l'appelait l'île aux oeufs. Après une journée d'errance dans le brouillard, nous arrivions. Après l'oubli, le nord étourdi, le dos de cette eau savonneuse malaxée à l'aveuglette, après le sentiment d'avoir dérivé sans fin comme des astronautes égarés, voilà que tout à coup elle avait surgi, l'île, juste à la proue, crevant la ouate lourde comme un crâne moussu, proche déjà à s'y river le nez. Une tortue jurassique. Le cadavre de King Kong tout près des côtes. Un homard géant des âges anciens d'avant la télé. L'île aux oeufs, notre île de Pâques personnelle, notre bout de Galapagos à nous seuls, jeunes disciples de l'iguane.