La Guérite : La force des farces en terre chinoise
Xinglong Liu2006

Synopsis

Moyenne

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BON

Les trois nouvelles sont à coup sûr «réalistes», et la réalité qu'elles mettent en scène n'est fardée ni de rose ni de rouge ; les personnages n'y sont plus des héros positifs mais de simples paysans d'une région pauvre de Chine, mis en demeure de s'urbaniser, de s'adapter «au socialisme de marché», de se civiliser aussi. L'humour est ici la béquille des pauvres : ils vont résister, soit par l'inertie, soit par son contraire, l'excès de zèle,

nous donnant à voir des situations de farce et des rapports de force sur la scène tragique où vivent les paysans chinois d'aujourd'hui.

Né en 1956 à Huangzhou, Liu Xinglong commence à écrire en 1984. Il a suivi un itinéraire identique à celui de beaucoup : ouvrier, paysan dans des régions pauvres. Fort de son expérience du travail manuel parmi le menu peuple, il voue aux paysans une tendresse qui n'exclut ni le regard critique ni l'humour. Auteur de nombreux romans et nouvelles, on le considère, en Chine, comme le porte-drapeau du «renouveau du réalisme».

De lui sont traduits, aux Editions Bleu de Chine Croquants de Chine (1998) et Du thé d'hiver pour Pékin (2004).

Avant-propos de Françoise Naour Université Charles-de-Gaulle Lille 3 :

Mieulx est de ris que de larmes escrire, Pource que rire est le propre de l'homme.

Rabelais («Aux lecteurs», poème liminaire de Gargantua).

La sinolâtrie en vogue, qui conduit droit à la sino-extase, semble ignorer la Chine des champs - où travaillent dur, encore très souvent la palanche à l'épaule ou conduisant un boeuf attelé à une araire primitive, près de 640 millions de paysans. Il est vrai que cette Chine-là dérangez, non conforme à l'image flatteuse que le Parti Communiste Chinois veut donner à voir, et qui engraisse les fantasmes du touriste gogo en mal de supplément d'âme, aussi bien que les ambitions sans âme des industriels soucieux de délocalisations profitables.

Les sinolâtres, ivres de grande muraille, gros barrage, plus hautes tours et plus longs ponts, négligent, semble-t-il, le fait que ces Chinois géants sont, pardessus le Marché, même si c'est par-dessous «le socialisme de marché», des hommes, qui, en tant que tels, rient.

Et dans ces trois nouvelles paysannes, dont l'ensemble, grâce à l'identité du lieu et des personnages, constitue un authentique roman, l'humour est la politesse d'un désespoir sans larmes, l'arme non violente des pauvres gens qu'une modernité rageuse arase et ravage.

Humour et malice, au «Comité de Quartier», quand il s'agit de transformer une digue de terre, ci-devant rustique passage d'un lieu l'autre, d'un champ le suivant, en rue citadine, dotée d'un noble nom digne des grandes villes. Car la modernité ne peut être que citadine, et fait foin des bourgs, des hameaux, des villages, qui ne sont que symboles honteux de la Chine d'antan. Même si ces paysans, forts de leur nombre et de leur force de travail, cultivent sur leurs parcelles dérisoires, avec des moyens archaïques, le riz, le maïs, le blé ou le sorgho, afin de nourrir les nouveaux consommateurs des grandes métropoles. Même si ces paysans suent sang, et eau, et vie, pour gagner deux ou trois sous, ou plus exactement, une seule misère. Les indices de la pauvreté paysanne sont nombreux, et les chiffres se promènent allègrement, du dollar à l'euro, pour des hommes et des femmes qui comptent encore en centimes (fen, centième de la monnaie nationale) précieux : un peu plus de 10 % de ruraux vivent avec contente de lever haut la bannière de la lutte contre les inégalités... Comme la vie est violente et comme l'espérance est lente...

1 édition pour ce livre

2006 Editions Bleu de Chine

Française Langue française | 115 pages | ISBN : 9782849310205

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1 commentaire

  • Dévoreur de Books Le 11 Octobre 2020 à 12:16
    Ouvrage bien particulier qui ne plaira pas à tout le monde, car l'histoire est certes peu palpitante mais l'ironie et la critique sous-jacente est d'une grande justesse. Ce fut une belle lecture. A noter aussi que la traduction est d'une grande qualité !

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