#314 24 Mars 2020 17:52:23
Bonjour à celles et ceux qui passeraient peut-être par là...
Petite mise à jour (ou grosse mise à jour) de mes lectures depuis janvier... Le confinement aide bien...
Je n'ai parlé que des livres que j'avais vraiment beaucoup aimés et je ne suis pas déçue de mes lectures de ce début d'année.
Je suis dans Tess d'Urberville de Thomas Hardy, mais j'ai du mal à me plonger dans l'histoire même si ça va un peu mieux... et je commencerai le premier volume d'Autant en emporte le vent de Margaret Mitchell.
La perle et la coquille de Nadia Hashimi.
J’aime lire des histoires racontant les femmes. J’aime encore plus quand il s’agit de cultures qui ne sont pas les miennes. J’ai été servie avec ce livre de Nadia Hashimi, La Perle et La Coquille. Deux portraits de femme à un siècle d’écart nous sont présentés : celui d’une jeune femme au début des années 2000 et celui de son arrière-arrière-grand-mère. Toutes deux endossent le statut de bacha posh, femme transformée en homme pour encadrer les filles au sein d’une famille, les femmes au sein d’un harem.
Ces femmes sont des battantes à qui on inflige tout : les corvées, les mariages forcés, les viols, les violences physiques, les humiliations. Les relations sont parfois complexes entre les coépouses. Shekiba et Rahima connaissent des drames, vivent des vies hors du commun, rencontrent des personnes qui les aident à affronter leur quotidien un peu plus facilement. Ou un peu moins douloureusement.
J’ai aimé que tout ne soit pas blanc ou noir. J’ai aimé que certaines coépouses soient des alliées, même quand la « concurrence » est rude, que certaines belles-mères soient humaines et n’infligent pas seulement des coups, des insultes. J’ai aimé me trouver dans le palais du monarque au début du XXème siècle, au Parlement, à Kaboul, au XXIème siècle. J’ai aimé me plonger dans leur histoire, dans l’Histoire de l’Afghanistan. J’ai aimé rencontrer ces personnages femmes, engagées, fortes, persévérantes.
Les Spellman se déchaînent de Lisa Lutz
Isabel est embarquée dans une enquête visant le voisin de ses parents qui semble avoir d’étranges habitudes et bien des secrets à cacher coûte que coûte. Ses travers, ses folies la poussent à se trouver dans l’illégalité. Elle peut compter sur quelques acolytes pour la tirer d’affaire et la remettre sur le droit chemin. •
J’ai aimé cet épisode. Pas gnangnan, pas concon. Léger, drôle, touchant. La famille Spellman est barrée, originale, soudée. Son entourage l’est également. Petit policier tendre et loufoque pour se divertir.
D'abord, ils ont tué mon père de Loung Ung
Je me suis plongée dans les années sombres du Cambodge avec ce puissant livre de Loung Ung. Les Khmers rouges, Pol Pot, la terreur infligée au peuple cambodgien font froid dans le dos. A bien des reprises, j’ai été bouleversée, estomaquée et révoltée par la violence des traitements infligés à ce peuple. Il a été chassé, parqué, affamé, massacré durant des années avant d’être libéré par les Youn.
L’histoire de cette famille de Phnom Phenh est glaçante. L’Histoire est glaçante parce que l’humain est capable d’aller toujours plus loin dans l’horreur et dans l’atrocité.
Loung, âgée de cinq ans, voit sa douce vie basculer dans un enfer sans nom où sa famille sera décimée. Elle connaît la faim, les privations, les humiliations, la terreur, la mort. •
Il est rare qu’un livre me poursuive dans mes nuits et ça a été le cas. Les descriptions précises et terribles des conditions de vie de Luong et des siens m’ont hantée.
1975 paraît si proche, et pourtant... pourrons-nous un jour vivre dans un monde sans guerre et sans violence ?
Les Zola de Méliane Marcaggi et Alice Chemama.
J’aime Zola depuis fort longtemps. Depuis le collège, en fait. Depuis ma découverte des premiers tomes de Rougon-Macquart.
J’ai donc découvert l’homme qu’il était... et surtout les femmes qui ont participé à la naissance de l’homme de Lettres connu et reconnu qu’il est devenu.
Alexandrine est une femme qui connaît une enfance difficile. Quand elle rencontre Emile Zola, elle s’engage à l’épauler pour que sa carrière d’auteur démarre. Elle est son soutien inconditionnel allant jusqu’à renoncer à la maternité. Le couple embauche une bonne dont Zola s’éprend, Jeanne.
J’ai aimé ces deux portraits de femmes : le dévouement, l’intelligence et l’humanité qui émanent d’elles en dépit de la difficulté de la situation les embellissent davantage.
Les planches sont belles, les couleurs parfois pâles et douces, parfois sombres ou vives collent aux événements qui traversent les vies des personnages. Les dessins sont subtils. C’est un magnifique ouvrage.
Si vous voulez découvrir la vie d’Emile Zola, lisez ce livre, vous ne serez pas déçu(e). J’ai eu envie d’en savoir encore plus. Sur Émile, mais aussi sur Alexandrine.
Toutes blessent, la dernière tue de Karine Giebel
Tama a huit ans. Elle vient du Maroc. On a fait croire à son père, contre un peu d’argent, que sa fille aurait une belle vie en France. Le sort qui lui est réservé n’a rien de commun avec celui d’une petite fille de huit ans. La vie qu’on lui « offre » est une horreur qui a un nom : l’esclavage moderne. Tama connaît les privations, le manque, les violences d’une cruauté terrible (physique, psychologique), l’exploitation. L’insoutenable, en somme. On ne lui épargne rien.
Izri est le fils de Mejda, qui a acheté Tama. Lui aussi a vécu l’enfer : un père violent, une mère qui ne bouge pas pour ne pas recevoir les coups.
Et puis il y a Gabriel qui reçoit une visite inopinée d’une jeune femme grièvement blessée et qui a perdu la mémoire. Gabriel est hanté par ses drames. Il oscille entre bien et mal.
Ce thriller se lit facilement. La thématique est assez inédite, il faut le dire. On tremble pour ces personnages auxquels on s’attache, indiscutablement. Les portraits sont bâtis avec justesse et finesse. Les détails des violences subies par l’ensemble des personnages sont glaçants. Même si l’ensemble sonne juste, ce n’est toutefois pas de la grande littérature. Le style n’a rien d’exceptionnel, rien de grand, même s’il reste « agréable » à lire (si tant est donné qu’il soit agréable de lire l’indicible en terme d’horreur). Je pense que les personnages qui m’ont accompagnée tous ces derniers jours ne vont pas me quitter tout de suite. Ils résonneront en moi encore un peu parce que leur douleur et leurs drames ont été trop durs, trop affreux.
Le parfum du bonheur est plus fort sous la pluie de Virginie Grimaldi
Le couple que formait Pauline et Ben a volé en éclat. Elle ne s’en remet pas, multiplie les boulettes au travail jusqu’à ce que son patron lui demande la mette au vert l’histoire de quelques temps. Ça tombe bien (ou pas), tout sa famille se réunit dans une maison au bord de la mer le temps de trois semaines. Trois semaines pour se remettre en selle, pour recréer un lien un peu trop distendu avec ses proches, pour faire le deuil de son couple, entre autres.
Comme pour Il est grand temps de rallumer les étoiles, j’ai trouvé le style sympa, agréable. On s’attache aux personnages le temps de quelques heures. J’avoue que la partie « remerciements » de l’autrice donne un peu plus de résonance et d’épaisseur à ce texte. J’ai aimé qu’elle ne verse pas dans un mauvais pathos, l’exercice n’est pas toujours aisé.
L'art de perdre d'Alice Zeniter
J’achève ce livre avec l’impression d’avoir voyagé avec Naïma.
L’art de perdre est une fresque familiale présentant trois générations. Ali, algérien qui quitte son pays pour la France, son fils Hamid et sa petite-fille Naïma. Trop pleine du silence tenace de son père quant à son histoire étroitement liée à l’Histoire, poussée par son patron à partir à la recherche d’aquarelles d’un peintre algérien, Naïma tente de découvrir, de comprendre les choix qu’ont opéré son grand-père de partir, son père de couper avec son pays d’origine. Peut-être est-ce aussi un moyen pour elle de se connaître mieux, un peu. De savoir où elle se situe entre ces deux pays.
On comprend que ces bouleversements de vie impliquent parfois des ruptures brutales, une difficulté à se positionner entre la terre d’accueil et la terre d’origine. Qu’elle crée une distance voire une incompréhension entre les parents qui doivent s’adapter, trouver leur place et des enfants dont l’adaptation est d’une rapidité déconcertante. À titre plus personnel, j’ai compris ce mélange des langues, de l’arabe parsemé de mots français que je peux entendre quand deux générations se parlent. Ce mélange fait sens, et il en devient touchant.
J’ai souvent lu ici et là que la troisième partie dédiée à Naïma était longue et inutile. Pour ma part, je l’ai aimée peut-être plus que les autres encore (quoi que celle dédiée à Hamid est d’une grande richesse) : tout en étant née en France, Naïma se cherche. Est-elle vraiment française plus qu’algérienne ? Bref... j’ai aimé son cheminement.
Encore une lecture qui me fait dire que je ne connais rien. J’ai entendu parler de la guerre d’Algérie mais vaguement. Je sais peu de choses, voire rien. Après la lecture de ce livre, j’en sais un peu plus mais il mériterait que je me plonge davantage dans l’Histoire de ce pays.
Au plaisir de vous lire...